L’urolithiase de l’enfant est, en comparaison à l’adulte, une maladie rare et donc souvent investiguée directement par le spécialiste. Les premières étapes diagnostiques peuvent pourtant être entreprises au cabinet du pédiatre. Il est important de se rappeler, en présence d’une urolithiase de l’enfant ou de l’adolescent, qu’une prédisposition métabolique, infectieuse ou anatomique peut contribuer à la formation de calculs; les investigations sont donc étendues. Malgré cela dans 25% des cas l’étiologie reste inconnue1-3). Nous présentons les cas de 2 enfants avec un tableau clinique identique mais une cause et un pronostic à long terme très différents.
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Formation continue pédiatrique / Néphrologie
Investigations conseillées en cas d’urolithiase chez l’enfant
Sang Hémogramme, gazométrie, électrolytes (sodium, potassium, calcium, chlore, magnésium, phosphate), créatinine, urée,
acide urique, phosphatase alcaline et hormone parathyroïdienne
Urine Bandelette, sédiment, uricult
Chimie: calcium, oxalate, citrate (avec quotient/créatinine), acides aminés, acides organiques, purine
Analyses dans un spot urinaire du matin; urines de 24-heures p.ex. si suspicion d’hyperoxalurie
Imagerie Echographie rénale et des voies urinaires
Analyse du calcul
Arrière plan
L’urolithiase de l’enfant est, en comparaison
à l’adulte, une maladie rare et donc souvent
investiguée directement par le spécialiste.
Les premières étapes diagnostiques peuvent
pourtant être entreprises au cabinet du pé-
diatre. Il est important de se rappeler, en
présence d’une urolithiase de l’enfant ou de
l’adolescent, qu’une prédisposition métabo –
lique, infectieuse ou anatomique peut contri –
buer à la formation de calculs; les investiga –
tions sont donc étendues. Malgré cela dans
25% des cas l’étiologie reste inconnue
1-3).
Nous pr ésentons les cas de 2 enfant s avec un
tableau clinique identique mais une cause et
un pronostic à long terme très différents.
Cas 1
Anamnèse, status
Un garçon de 4 ans, jusqu’ici en bonne santé,
a été pr ésenté à la consult ation de néphrologie
pédiatrique en raison de deux épisodes de
macrohématurie indolore ; il est afébrile et par
ailleurs asymptomatique. Les parents sont en
bonne santé, suisses et sans lien de parenté.
Dans l’anamnèse familiale on relève que du
côté maternel les grand-père et grand-oncle,
du côté paternel l’arrière-grand-père ont souf-
fert d’urolithiase. Le garçon a un tonus et un
status clinique normal, poids et taille se situent
entre les percentiles 50 et 75. L’anamnèse
alimentaire n’indique pas une consommation
exagérée de calcium, oxalates ou sodium.
Urolithiase de l’enfant – premières étapes
diagnostiques au cabinet pédiatrique
Florence Barbey 1, Marc Meister 2, Benno Röthlisberger 3, Thomas J. Neuhaus 1
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
Investigations, diagnostic et traitement
On envisage les diagnostics différentiels
d’urolithiase, glomérulonéphrite, kystes ré –
naux ou tumeur rénale; les investigations sont
donc très larges. Les examens de laboratoire
s’avèrent tous normaux: formule et gazomé –
trie sanguine, électrolytes (sodium, potas –
sium, calcium, chlore, magnésium, phos –
phates), albumine, CRP, coagulation, test de
Coombs direct, fonctions rénales (créatinine,
urée, acide urique), IgA, haptoglobine, ferri –
tine, complément C3/C4, auto-anticorps
(ANA, a-DNA, ANCA, anti-GBM), antistrepto –
lysine. L’urine (bandelette et sédiment) est
normale avec un poids spécifique de 1022;
l’uricult est négatif. De même l’analyse appro –
fondie de l’urine (calcium, oxalate, citrate –
avec quotient/créatinine, acides aminés,
acides organiques et purine) n’a pas révélé
d’anomalie. L’échographie a mis en évidence
un calcul du pôle inférieur gauche d’un dia-
mètre de 7 mm, sans dilatation du système
pyélocaliciel, le parenchyme rénal étant nor –
mal.
En raison des deux épisodes de macrohéma-
turie, on procède à une lithotritie extracorpo –
relle par ondes de choc (Service d’urologie,
Hôpital cantonal Lucerne), sans complica –
tions, élimination du calcul en 9 jours. L’ana –
lyse (Institut de chimie clinique, Clinique
universitaire Zurich) montre un calcul mixte
avec du monohydrate d’oxalate de calcium
(50 %), du dihydrate de calcium (10 %) et de l’apatite (40 %). Cette composition est fré-
quemment trouvée lorsque l’anamnèse fami
–
liale est positive pour des calculs, sans
trouble métabolique à la base. Sans mesures
sp éci fiques , une année plus t ar d le gar çon est
asymptomatique et les examens de labora –
toire ainsi que l’échographie sont normaux.
Cas 2
Anamnèse et status
Ce garçon jusqu’à là en bonne santé a été
adressé à la consultation spécialisée pour
investigations. Il présente un calcul urétéral
à droite et un calcul rénal à gauche, avec
macrohématurie et élimination spontanée
d’un calcul trois mois auparavant. L’examen
clinique du garçon est normal (vue et ouïe
compris), il a un tonus normal, est afébrile, le
poids et la taille sont dans les normes (poids
entre P10 et P25, taille P90). L’anamnèse ali –
mentaire ne met pas en évidence d’excès en
calcium, oxalates ou sodium. L’anamnèse fa –
miliale révèle que les parents, d’origine ta-
mile, sont cousins au premier degré et que le
père a souffert à trois reprises d’une uroli-
thiase qui n’a pas été investiguée.
Investigations, diagnostic et traitement
Les investigations on donné les résultats pa –
thologiques suivants: hypomagnésiémie (0.54
mmol/l), hyperuricémie (332 μmol/l), hor-
mone parathyroïdienne élevée (98 pg/ml) et
hypercalciurie (quotient calcium/créatinine
2.94 mol/mol). Les autres valeurs sanguines
(sodium, potassium, chlore, phosphates, ga –
zométrie, créatinine, urée, albumine) et uri –
naires (bandelette et sédiment; oxalates, ci –
trate, acides aminés et purine) sont normales,
le poids spécifique urinaire 1008. L’échogra-
phie met en évidence une néphrocalcinose
médullaire bilatérale avec de minuscules
calculs. Cette constellation (anamnèse fami –
Tableau 1.
1 Pädiatrie, Kinderspital Luzern ; 2 Radiologie, Kinderspital Luzern; 3 Zentrum für Labormedizin, Kantonsspital Aarau
* Article paru dans SWISS MEDICAL FORUM – SCHWEIZERISCHES MEDIZIN – FORUM, 2016; 16 (16): 382-384, reproduit avec l’autorisation de EMH Media.
1Prof. ffRPofTff.abi
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Formation continue pédiatrique / Néphrologie
EtiologieNombre de patients
n = 86 ( ♂ 57, ♀ 29)
Métabolique (diagnostic établi) 28
Métabolique (possible) 23
Infectieux 2
Malformation des voies urinaire avec stase urinaire 10
Calculs endémiques 0
Calculs primaires de la vessie 0
Inconnue 23
Causes métaboliques génétiques
Excrétion urinaire augmentée
CalciumHypercalciurie familiale
Acidose tubulaire rénale distale
Néphropathie avec hypercalciurie et protéinurie tubu –
laire (maladie de Dent)
Hypercalciurie avec hypomagnésiémie et néphrocalci –
nose (défaut en paracelline)
Acide oxalique Hyperoxalurie primaire type 1, 2, 3
Cystine Cystinurie type A, B, AB
Acide urique Syndrome de Lesch-Nyhan
Glycogénose type 1
2,8- dihydroxyadénine Dihydroxyadéninurie
Xanthine Xanthinurie
Production urinaire diminuée
Citrate Malabsorption intestinale
Acidose tubulaire rénale distale
liale, laboratoire et échographie) évoque une
tubulopathie rénale dans la partie ascendante
de l’anse de Henlé. L’analyse génétique a
confirmé une mutation homozygote dans le
gène claudine 16 (c.316T> C;p.S106P). Cette
mutation n’avait encore jamais été décrite
dans la littérature; elle est considérée patho –
gène en raison de l’évaluation du mutation
taster ainsi que par sa nature homozygote.
Le gène concerné est responsable du codage
d’une protéine dans les tight junctions de
l’anse de Henlé (paracelline), régulant la ré-
sorption paracellulaire notamment du calcium
et du magnésium. Un traitement probatoire
avec citr ate de p ot as sium a été intro duit . Neu f
mois après le premier épisode d’urolithiase
survint une nouvelle élimination de calculs.
L’analyse des calculs révéla 100 % de dihy –
drate d’oxalate de calcium. La polyurie pri-
mair e avec p olydy psie secondair e est t y pique
du défaut de concentration rénale. Pour les
patients avec une mutation de la claudine 16
n’existe aucune possibilité de traitement causal. Ils encourent le risque d’insuffisance
rénale à l’adolescence ou jeune âge adulte,
nécessitant une dialyse voire une transplan
–
tation rénale
4).
Discussion
L’urolithiase de l’enfant est une maladie rare,
comparativement à l’adulte. Nous présentons
ici deux petits enfants avec une symptomato –
logie identique, c’est à dire une macrohéma –
turie indolore. Chez les deux patients une in-
vestigation détaillée a été effectuée. Les
premières investigations, anamnèse, exa –
mens sanguins et urinaires (t a b l . 1) sont pos –
sibles aussi au cabinet médical. Alors que
dans le premier cas est apparue une prédis-
position familiale à l’urolithiase sans évidence
d’un trouble métabolique sous-jacent, le
deuxième patient présente une tubulopathie
rénale spécifique.
La colique néphrétique violente, localisée
dans le flanc, typique de l’urolithiase de
l’adulte, est souvent absente chez l’enfant plus jeune. Bien au contraire l’élimination d’un
calcul se fait souvent spontanément et sans
douleur, voire l’urolithiase est découverte
fortuitement à l’échographie
3). Chez plus de
la moitié des enfants on décèle une cause
métabolique; les malformations des voies
urinaires avec stase urinaire sont respon-
sables de 10 % , l’infection urinaire de 2% des
cas d’urolithiase (tabl. 2)
1)2). Il n’est pas rare,
comme dans notre premier cas, de ne pas
trouver une origine métabolique alors que
l’anamnèse familiale est positive. Les facteurs
de risque souvent observés chez le patient
adulte avec une urolithiase, comme le
surpoids ou l’ingestion excessive de calcium
et sodium, ne se trouvent que rarement à
l’âge pédiatrique.
Lorsqu’on évoque une urolithiase, l’analyse de
la chimie sanguine est nécessaire, en vue
aussi des diagnostics différentiels. Les prises
de sang veineux étant parfois une entreprise
difficile chez les petits enfants, ils sont sou-
vent adressés à la clinique pédiatrique. Dans
l’urine on recherche, outre les examens stan-
dard (bandelette, sédiment, uricult), les subs –
tances lithogènes et les substances inhibant
la formation de calculs (citrate) (tabl. 3). Il faut
se rappeler que les valeurs normales dé –
pendent de l’âge. L’analyse urinaire se fait
normalement dans un spot urinaire du matin.
Si l’analyse du calcul n’est pas possible, l’exa –
men urinaire devrait se faire au moins deux
fois. Un recueil des urines de 24-heures ne se
fait que pour des recherches très spécifiques
(p.ex. hyperoxalurie). L’analyse du calcul par
spectroscopie infrarouge ou par diffractomé –
trie de rayons X permet souvent un diagnostic
étiologique.
L’imagerie rénale et des voies urinaires se fait
en premier lieu par échographie, à la re-
cherche de calculs, d’une néphrocalcinose ou
de malformations rénales et des voies uri –
naires avec ou sans stase urinaire. L’échogra –
phie peut être effectuée par le pédiatre/mé-
decin de famille expérimenté. Les petits
calculs sont difficiles à mettre en évidence
par l’échographie, notamment dans l’uretère
ou en absence d’une dilatation des voies uri-
naires. L’échographie doppler, qui provoque
un artefact de scintillement, est souvent une
aide précieuse. Il est donc conseillé de tou-
jours effectuer une échographie (complémen –
taire) par un radiologue pédiatre.
Pour les patients algiques (douleurs abdomi –
nales non spécifiques jusqu’aux coliques ty –
piques) l’hospitalisation et une analgésie
adéquate (p.ex. métamizol iv et antiphlogis-
tiques non stéroïdaux oraux) s’imposent.
Tableau 2. Etiologie de l’urolithiase (Clinique pédiatrique Zurich 1991-1999)
1)
Tableau 3. Causes métaboliques, génétiques de l’urolithiase.
1Prof. ffRPofTff.abi
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Formation continue pédiatrique / Néphrologie
D’autre part il faut rapidement rechercher une
éventuelle obstruction à l’aide d’une échogra-
phie; exceptionnellement on effectue en pé –
diatrie aussi un CT-scan low dose.
La constellation des divers résultats – anam –
nèse, examen clinique, analyses sanguines,
urinaires et du calcul, imagerie – permet de
suspecter chez de nombreux patients pédia –
triques une cause métabolique, donc géné –
tique. Comme chez le deuxième patient,
l’analyse génétique ciblée nous livre alors un
diagnostic définitif et la possibilité de formu –
ler un pronostic.
Conclusions pour la pratique
La macrohématurie (indolore) de l’enfant doit
évoquer, outre la glomérulonéphrite, le rein
polykystique ou la tumeur rénale, également
l’urolithiase. Les premières investigations,
anamnèse, examens sanguins et urinaires,
sont possibles au cabinet pédiatrique/du
médecin de famille. En présence de résultats
pathologiques il est conseillé d’adresser l’en –
fant au pédiatre spécialiste. L’imagerie et si
possible l’analyse du calcul sont toujours indi –
qués. Dans plus de la moitié des cas on trou ve
une maladie métabolique sous-jacente.
Références
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ven tionen und Prävention. Pädiatrie 2013:38-41
2)
van
’t Hof f W. Aetiological factors in paediatric
urolithiasis. Nephron Clin Pract 2004; 98:c45-48
3)
Gil
lespie RS, Stapleton FH. Nephrolithiasis in child –
ren. Pediatrics in Review 2004;25:131-8
4)
Web
er S, Schneider L, Peters M et al. Novel para –
cellin-1 mutations in 25 families with familial hypo –
magnesemia with hypercalciuria and nephrocalci –
nosis. J Am Soc Nephrol 2001;12:1872-81
Correspondance
Prof. Dr T.J. Neuhaus
Departementsleiter, Chefarzt Pädiatrie
Kinderspital Luzern
6000 Luzern 16
Thomas.neuhaus @ luks.ch
Les auteurs certifient qu’aucun soutien financier ou autre
conflit d’intérêt n’est lié à cet article.
Infirmitmménrm mmicho
Informations complémentaires
Auteurs
Florence Barbey Marc Meister Benno Röthlisberger Prof. Dr. med. Thomas J. Neuhaus , Luzerner Kantonsspital/Kinderspital, Luzern Andreas Nydegger