Garantir de la meilleure manière la santé de leur enfant fait partie des droits et des devoirs des parents. Dans ce sens ils donnent leur consentement pour tout examen, intervention et mesure médicaux. Ils ne sont pourtant pas tout à fait libres (comme l’est le patient majeur pour les décisions concernant sa propre santé), mais doivent s’orienter au bien-être de l’enfant, qu’on admet comme étant la meilleure santé et qualité de vie possible. La plupart des parents remplissent ce devoir sans faute. Très rarement des parents se décident contre un traitement prometteur recommandé par la médecine conventionnelle, académique. Il est alors du devoir du médecin d’agir sur les parents en faisant preuve de compétence, d’empathie et de force de persuasion, afin de garantir la santé de l’enfant en se faisant son avocat. Si les parents ne se laissent pas persuader, le médecin est autorisé par la loi – et, en cas de risques majeurs pour la santé, tenu moralement– d’impliquer les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (OPEA). Les situations de refus de la médecine conventionnelle sont devenues plus fréquentes ces dernières années. Cet article présente, à l’aide d’exemples, la problématique et les approches possibles.
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Formation continue pédiatrique
Résumé
Garantir de la meilleure manière la santé de
leur enf ant f ait par tie des dr oit s et des devoir s
des parents. Dans ce sens ils donnent leur
consentement pour tout examen, intervention
et mesure médicaux. Ils ne sont pourtant pas
tout à fait libres (comme l’est le patient ma-
jeur pour les décisions concernant sa propre
s anté ) , mais doi vent s ’or ienter au bien – êtr e de
l’enfant, qu’on admet comme étant la meil-
leure santé et qualité de vie possible.
La plupart des parents remplissent ce devoir
sans faute. Très rarement des parents se dé-
cident contre un traitement prometteur re-
commandé par la médecine conventionnelle,
académique. Il est alors du devoir du médecin
d’agir sur les parents en faisant preuve de
compétence, d’empathie et de force de per –
suasion, afin de garantir la santé de l’enfant
en se faisant son avocat. Si les parents ne se
laissent pas persuader, le médecin est auto –
risé par la loi – et, en cas de risques majeurs
pour la santé, tenu moralement– d’impliquer
les autorités de protection de l’enfant et de
l’adulte (OPEA).
Les situations de refus de la médecine
conventionnelle sont devenues plus fré –
quentes ces dernières années. Cet article
présente, à l’aide d’exemples, la probléma –
tique et les approches possibles.
Introduction
Il est prévu par le législateur que les parents
décident des examens, mesures et interven –
tions médicaux pour leurs enfants incapables
de discernement. Ce faisant, le législateur
par t du pr incip e que les par ent s agis sent dans
l’intérêt et le sens (présumés) de l’enfant et
recherchent son bien-être, donc l’intérêt su –
périeur de l’enfant. Il est supposé que les
parents se laissent conseiller, dans leur pro –
cessus décisionnel, par des professionnels de
la santé, au même titre que pour des pro –
blèmes de santé les concernant eux-mêmes.
Dans la grande majorité des cas, les parents
assument cette responsabilité de manière
adéquate. Avec le médecin ils décident pour
Une «nouvelle» forme de maltraitance: le
refus de traitements conventionnels par les
parents
Ulrich Lips, Zurich
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
leur enfant des mesures médicales à prendre.
Ce processus est appelé «shared decision
making»
1 et se dif fér encie fondament alement
du système paternaliste d’autrefois, où le
médecin décidait en grande partie de la voie
à suivre. L’enfant est inclus dans le processus
décisionnel, dans la mesur e de ses moyens et
de l’adéquation avec son bien-être.
Il est rare que les parents refusent des traite –
ments reconnus par la médecine académique
en présence d’un diagnostic clairement établi.
Cette attitude est assimilée à la catégorie de
mauvais traitements «par négligence» et n’est
dans ce sens pas véritablement une nouvelle
forme de maltraitance. Mais le nombre de
situations de ce type a fortement augmenté
ces dernières années. Dans une grande cli –
nique pédiatrique on est actuellement
confronté à un ou deux cas graves de ce type
par année, il y a à peine 10 ans ce n’était pas
plus d’un cas pendant plusieurs années. Il
n’existe pas de chiffres publiés.
Exemples
Dans la pratique ces situations sont fré-
quentes. La plus connue est certainement le
refus de vacciner, l’interruption ou la non
application d’un traitement (p.ex. antibio –
tiques) n’étant pas rare non plus. Il faut éva-
luer au cas par cas si le bien-être de l’enfant
est effectivement mis en danger. Seule une
mise en danger évidente et prouvée du bien-
être de l’enfant peut faire l’objet d’une inter-
vention des autorités (APEA). Dans le cas
d’une dermatite atopique sévère qui ne s’amé –
liore pas parce que les parents refusent l’ap –
plication topique de produits à base de corti –
sone, la mise en danger du bien-être de
l’enfant, dans le sens d’une atteinte à la qua-
lité de vie (prurit, troubles du sommeil, exclu-
sion sociale, troubles de la croissance et du
développement, etc.), est donnée et l’inter –
vention de l’APEA en tant qu’ultima ratio est
possible – toujours à condition que les pa-
rents aient été correctement informés et
qu’un traitement alternatif n’existe pas ou
s’est avéré inefficace. La pointe de l’iceberg est constituée par les
cas d’enfants qui décèdent suite au refus des
parents d’un traitement conventionnel.
Quatre exemples de ces dernières années
pour illustrer différentes situations:
Olivia
Chez Olivia, née en 2008, se déclare en mars
2010 une leucémie. Elle bénéficie d’une
chimiothérapie à la clinique pédiatrique A.
Suite à l’interruption du traitement par les
parents après 9 mois, le groupe de protection
de l’enfant de la clinique pédiatrique A pro
–
cède au signalement de mise en danger au-
près de l’autorité tutélaire de la commune de
ré s
idence d’Olivia. Cette autorité non profes –
sionnelle ne prend pas de mesures, faisant
c o n
fiance aux dires de la mère, médecin, se –
lon laquelle la formule sanguine actuelle (ef –
fectuée par le médecin de famille) serait nor-
male et que l ’enf ant ne néces siter ait donc plus
d e t
r aitement . F in 2010 O li v ia f ait une r écidi ve
et les parents s’adressent à la clinique pédia –
trique B où l’on propose des mesures théra –
peutiques urgentes. Les parents refusent et le
gr oup
e de protection de l’enfant de la clinique
B signale à son tour la situation à l’autorité
tutélaire déjà impliquée. Celle-ci décide à
nouveau de ne pas donner suite. Le groupe de
protection de l’enfant de la clinique B fait re –
cours auprès de l’instance directement supé –
rieure de l’autorité tutélaire communale.
S’ en
suit une longue procédure juridique, le
groupe de protection de l’enfant de la clinique
B ayant été déclarée non apte à faire recours.
Six mois plus tard, l’autorité à son tour supé –
r ieur e déclar e le r ecour s r ecevable et qu’il f aut
l u i
donner suite. Entre temps la clinique pédia –
trique a essayé régulièrement, encore pendant
l a
procédure judiciaire, d’atteindre les pa –
rents, sans succès. Ceux- ci avaient en effet
a m e
né Olivia, qui allait de plus en plus mal,
dans différentes cliniques alternatives dans le
sud de l’Allemagne. Depuis une de ces cli –
niques Olivia a finalement été adressée à la
cli ni
que pédiatrique universitaire de la région,
d’où elle a été transférée à la clinique pédia –
trique B, où elle décédera quelques jours plus
tar
d d’une septicémie fongique.
Le rapport de l’instance juridique suprême du
canton de domicile d’Olivia a retenu la faute
des différentes instances ainsi que la légiti –
mité des médecins de défendre les intérêts de
l ’enf
ant. La conclusion laconique du rapport
juridique de presque cent pages déclare:
«Puisque la petite enfant est décédée, il n’y a
plus lieu de poursuivre les procédures de re –
cours et pénale.»
Infirmitmménrm mmicho
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Formation continue pédiatrique
MbongoScénario 1
Mb ongo est un gar çon de cinq ans , de couleur
noire, dont les parents sont originaires de la
République du Congo. La famille est en Suisse
depuis 6 mois. Mbongo présente une hémo –
globinopathie composée, c.à.d. il est hétéro –
zygote pour la drépanocytose et la
β
-thalassémie.
Mbongo est amené par ses parents parce que
depuis un certain temps il est de plus en plus
fatigué et n’arrive presque plus à se déplacer.
Le status révèle, outre l’adynamie décrite, des
muqueuses tr ès pâles et un sou f fl e systolique
de 2/6, en absence d’organomégalies. Le
taux d’hémoglobine est de 28 g/l, le MCV 20
fl.
La transfusion proposée est refusée par les
par ent s qui sont Témoins de Jehova. Plusieur s
entretiens, aussi à l’aide d’un interprète, ne
changent pas l’attitude des parents.
Les médecins signalent la mise en danger du
bien-être de l’enfant à l’autorité compétente,
en proposant de restreindre l’autorité paren –
tale concernant le problème hématologique,
et d’hospitaliser le garçon par ordonnance
pour la durée de la transfusion d’érythro –
cytes. L’autorité entend les parents le jour
même et décide dans le sens des médecins.
Les parents amènent l’enfant à l’hôpital où a
lieu la transfusion. Mbongo quitte l’hôpital
asymptomatique, avec un taux d’hémoglobine
de 90 g/l.
Scénario 2
Mbongo est amené à la clinique pédiatrique
par l’ambulance. Il était enrhumé depuis
quelques jours mais a quand-même fréquenté
l’école. Le matin même il était comme «pas
là», pâle et respirant difficilement. L’ensei-
gnante a alerté l’ambulance.
A l’arrivée aux urgences, Mbongo est sévère-
ment dyspnéique, la saturation en O2 à l’air
ambiant es t de 75 % . Il es t somnolent et fébr ile
à 39.8°. L’auscultation pulmonaire révèle des
cr épit ations à droite, le son à la p er cus sion de
tout le p oumon droit est mat . L a r adiog r aphie
montre une pleuropneumonie étendue à
droite ; t au x d ’hémoglobine 43 g/l, leucocy tes
35.6 G/l, CRP 234 mg/l.
Après prélèvement de l’hémoculture, l’antibio –
thérapie intraveineuse est immédiatement
mise en route; on prélève du sang pour les
différents tests et on administre de l’oxygène
au masque. Les parents ne sont pas attei-
gnables à leur lieu de travail. On transfuse le
sang dès son obtention. En même temps que les parents, joints
quelques heures plus tard, on informe les
autorités du fait qu’une intervention médicale
a été effectuée chez Mbongo, sans l’autorisa
–
tion des parents, pour lui sauver la vie.
Levin
Levin, un garçon de 12 ans, est atteint d’une
for me de leucémie ly mphatique qui, à son âge
et dans les conditions présentes, a une
chance de guérison de plus de 90 % . Les pa-
rents sont séparés, le père de Levin vit avec
une nouvelle famille, alors que Levin habite
chez sa mère qui a le droit de garde. Les deux
parents sont invités pour les informer du
diagnostic et leur expliquer les modalités du
tr aitement pr év u. Les deu x sont d ’accor d ave c
le traitement proposé et signent le protocole
d’étude. Le traitement se déroule très bien,
sans effets indésirables significatifs. Le
contact avec le garçon et sa maman est ami –
cal et sans problèmes. Après 4 mois, la ma-
man demande s’il n’est pas possible de renon-
cer aux cytostatiques intrathécaux censés
terminer le bloc de chimiothérapie. Elle ne
peut pas donner une raison cohérente pour
ce souhait, elle trouve la ponction lombaire
«tellement invasive». L’équipe médicale ac –
cepte. Peu de temps après, la maman de-
mande à repousser de quelques semaines le
prochain bloc de chimiothérapie, parce qu’elle
veut se rendre aux États Unis avec son fils.
Elle a acquis la conviction que la leucémie de
son fils est l ’ex pr es sion d ’un événement émo –
tionnel; on lui a conseillé une spécialiste aux
États Unis qui serait en mesure de le guérir.
L’équipe médicale accepte encore une fois, en
recommandant à la mère de présenter Levin
dès le retour en Suisse.
Ce qu’elle fait: Levin fait une récidive et les
médecins doivent informer le garçon et ses
parents que les chances de guérison sont
maintenant nettement moins bonnes, mais
toujours environ 80 % . La maman de Levin
refuse alors tout traitement. Questionné seul
sur son avis, le garçon approuve cette atti-
tude. Le père de Levin souhaite absolument
la poursuite du traitement.
Les chances de guérison étant toujours
grandes, le groupe de protection de l’enfant
signale la mise en danger à l’autorité compé –
tente. Celle-ci, une autorité non profession –
nelle dans une petite ville, ne se sent pas
autorisée à intervenir dans le droit de garde
de la mère. Le groupe de protection de l’en-
fant conseille au père de demander en ur –
gence le droit de garde de son fils (ce qu’il a
beaucoup de chances d’obtenir), mais il ne peut s’y décider. Levin décède à l’hôpital.
Dans l’avis mortuaire sera écrit: «Il est allé
son chemin.»
Manuel
Manuel est le fils de parents portugais. Deux
semaines après la naissance il devient apa
–
thique, vomit et est hospitalisé en urgence;
on diagnostique un syndrome adréno-génital
(déficit en 21-hydroxylase) avec crise de perte
de sel. Débute un traitement avec un miné-
ralo- et un glucocorticoïde et l’amélioration
est immédiate. Les parents ont été informés
des mesures à prendre en cas de fièvre,
d’infections, d’effort physique, de stress etc.
Les contrôles réguliers montrent qu’ils sont
compétents et fiables et les contrôles furent
espacés à intervalles trimestriels.
Lorsque Manuel a 4 ans, l’équipe soignante
est informée qu’il est décédé dans une autre
clinique pédiatrique. Les parents avaient in –
terrompu le traitement pendant les vacances
au Portugal, «puisque Manuel allait tellement
bien». Lors du voyage de retour la situation
métabolique a décompensé, les parents se
sont rendus à l’hôpital le plus proche – trop
tard.
Bien que la façon de procéder soit parfaite-
ment établie, du point de vue juridique, pour
les situations où les parents négligent de
manière flagrante la santé de leur enfant, les
exemples cités montrent de manière affli-
geante qu’un fossé sépare souvent la théorie
de la pratique.
Problématiques
1. Information insuffisante par les
médecins
Les médecins sont presque toujours de l’avis
d’avoir informé leur patient, respectivement
ses par ent s/r epr ésent ant s légau x de manièr e
adéquate. Mais ils oublient la règle: «Pensé
n’est pas toujours dit, dit n’est pas toujours
entendu, entendu n’est pas toujours compris,
compris n’est pas toujours accepté, accepté
n’est pas toujours appliqué, appliqué n’est de
loin pas toujours poursuivi.»
2 J’ai connu des
parents qui ont déclaré, après plusieurs blocs
de chimiothérapie, qu’on ne leur avait jamais
bien expliqué que leur enfant avait une leucé-
mie. Cela paraît incroyable mais montre la
pertinence de la règle ci- dessus. On ne peut
pas reprocher aux parents qui n’ont pas vrai –
ment compris de quoi il s’agit, de mettre en
doute un traitement pénible pour leur enfant
– bien au contr air e ! Et qui n’a jamais env isagé
Infirmitmménrm mmicho
38
Formation continue pédiatrique
d’interrompre un traitement du moment que
l’état général s’était normalisé?
2. Motivation des parents
Les raisons pour lesquelles des parents re-
fusent un traitement traditionnel pour leur
enfant sont multiples, et souvent difficiles à
comprendre dans le cadre de notre vision du
monde. Un point commun à toutes les moti-
vations est que les parents aiment leur enfant,
souhaitent son bien et ne veulent pas lui faire
intentionnellement du mal. Cela rend d’autant
plus difficile la compréhension de leur com-
portement.
Le comportement de parents répond à une
motivation claire lorsque des normes reli –
gieuses ou ethniques le leur prescrivent. De
cas en cas il faut pourtant s’assurer que des
représentants de haut rang de la commu-
nauté religieuse ou ethnique appuient une
telle interdiction absolue. On est parfois sur –
pris par le fait que des parents interprètent
des règles de manière très rigide et pensent
devoir absolument les respecter, alors que
des autorités importantes acceptent une
certaine marge de manœuvre. Il vaut la peine
d’encourager les parents à se faire accompa –
gner à l’entretien par une personne de
confiance de haut rang («gourou»). Il n’est pas
r ar e qu’on trou ve une solution que les par ent s
peuvent assumer et qui les décharge.
Dans la plupart des cas, les parents refusent
des traitements conventionnels pour des rai –
sons qui ne sont pas compréhensibles et qui
ne basent pas sur des normes religieuses ou
ethniques connues. O n désig ne une telle at ti –
tude communément d’«ésotérique». Dans
Wikipedia on trouve la description suivante:
«Qui privilégie l’irrationnel, l’obscur voire né –
buleux, qui n’est compréhensible que par les
initiés et dont l’utilité pratique n’est que théo –
rique.» Cette description reflète très bien le
sentiment qu’on a au contact avec ces pa-
rents: tous les arguments mènent à un vide,
rien n’est vraiment saisissable, les discus –
sions sont interminables et restent sans résul –
tat concret.
3. Marchandage
La mauvaise compliance commence souvent
par le fait que les parents suivent en principe
le traitement de leur enfant, mais souhaitent
en supprimer ou retarder certains éléments.
O bjecti vement et du p oint de v ue médical, ces
petites modifications ne sont pas probléma-
tiques; il arrive que des traitements doivent
être modifiés en raison d’une infection ou
d’une cytopénie. Mais lorsque le souhait est exprimé par les parents, il doit nous alerter et
il est alors utile de rediscuter minutieusement
le concept général avec les deux parents, et
de les interroger sur les raisons qui les
amènent à souhaiter ces modifications. J’ai
souvent vécu que l’équipe se souvienne, au
moment d’une mauvaise compliance mani
–
feste, que des souhaits de modification in-
compréhensibles avaient déjà été formulés
auparavant et n’avaient pas été suffisamment
pris au sérieux et questionnés. On se rend
alors compte – trop tard – que «ça
se p
répa-
rait depuis longtemps» et qu’on n’en avait pas
reconnu la portée.
4. Incertitude juridique
Pour les juristes et les autorités, les situations
décrites ci-dessus sont inhabituelles, ils se
sentent alors peu sûrs: il leur est pour ainsi
dire impossible de se référer au vécu, à des
précédents ou à des textes de loi. Les inter-
ventions dans l’autonomie parentale sont
toujours délicates et doivent être bien
étayées. Les juristes hésitent lorsqu’ils
doi vent s ’appu yer sur l ’av is d ’autr ui ( du mé de –
cin) et ne peuvent se forger une idée propre
– ce qui est tout à fait compréhensible mais a
parfois des conséquences délétères pour
l’enfant. On avance aussi l’excuse de ne pas
être compétent en la matière. On perd du
temps, la maladie progresse et souvent il est
ensuite trop tard.
5. Interventions ponctuelles vs traite-
ments de longue durée
Il est beaucoup plus simple, et aussi plus
raisonnable, de demander et d’obtenir une
ordonnance pour une intervention de courte
durée, après laquelle la santé de l’enfant est
rétablie à long terme. Lorsqu’un traitement,
p.ex. une chimiothérapie ou la transplantation
d’un rein, dure plusieurs années et demande
la plus grande attention et coopération des
parents, il faut évaluer soigneusement ce
qu’on veut obtenir par l’intervention d’une
autorité. Pour faire bénéficier un enfant d’un
traitement de plusieurs années alors que les
parents le refusent, il devrait être placé, une
intervention de son côté pas très compatible
avec le bien de l’enfant.
6. Faculté de discernement de l’enfant?
L’enf ant est mineur au sens de la loi, mais pas
forcément incapable de discernement. La
faculté de discernement d’un individu n’est
pas absolue et n’est pas appréciée d’après
l ’âge mais se r app or te en pr incip e à la problé –
matique présente. Un exemple banal peut l’illustrer: lorsque la maman demande à sa
fille Sar a de 4 ans , si elle veut met tr e le T- shir t
bleu ou rouge, Sar a est tout à f aite capable de
discernement concernant cette question: elle
comprend de quoi il s’agit. C’est un élément
de la faculté de discernement: l’individu doit
avoir la capacité cognitive de reconnaître le
problème. Le deuxième élément consiste à
savoir mesurer les conséquences d’une déci
–
sion. Demander à un enfant de deux ans, s’il
souhaite se faire vacciner n’a pas de sens. Il
comprendra que la vaccination fait mal et
refuse donc le vaccin, mais il ne peut pas
mesurer les conséquences de l’absence d’im –
munité. Le troisième élément est la faculté de
se forger une opinion non influencée. Là se
trouve le problème principal pour les enfants
et les adolescents: Levin, le garçon de 12 ans
de l’exemple cité ci- dessus remplit les deux
premiers critères de la faculté de discerne-
ment; mais il est hautement douteux qu’il
puisse se décider contre la volonté de sa
mère, donc de manière non influencée.
Approche de situations de refus de
traitement
Pour la gestion de ces situations il est utile
d’observer les points suivants:
1.
Le d
iagnostic doit être aussi précis que
possible, alors seulement on pourra
émettre un pronostic.
2.
S’a
ssurer et documenter que l’information
des parents a été faite de façon répétée
et adéquate.
3.
Touj
ours impliquer les deux parents (c’est
valable aussi pour les parents séparés ou
non mariés).
4.
Lor
s du contact avec les parents on s’ef-
forcera de comprendre leur attitude et
non pas de la combattre.
5.
On i
nvitera les parents à se faire accom-
pagner aux entretiens par les personnes
de confiance ou qui sont une autorité par
rapport à leurs convictions.
6.
Ava
nt une confrontation avec les parents,
toute l’équipe soignante – y compris les
spécialistes potentiellement impliqués –
doit élaborer une attitude commune.
Parfois cela prend beaucoup de temps et
n’est possible qu’en faisant appel à des
personnes externes (p.ex. colloque
éthique). Si l’équipe soignante manifeste
un désaccord devant les parents ou les
autorités, la cause est perdue.
7.
Le
cas échéant impliquer/informer la di –
rection de la clinique.
Infirmitmménrm mmicho
39
Formation continue pédiatrique
8. Une consultation anonyme avec les auto –
ri tés (APEA; ministère public) peut s’avé –
rer utile.
9.
L’é
quipe soignante doit être régulièrement
informée de la situation.
10.
Au t
erme de la prise en charge d’un cas,
le débriefing de l’équipe est indispen-
sable. Certaines personnes particulière –
ment exposées nécessitent éventuelle –
ment une supervision individualisée voire
une brève trauma- ou psychothérapie.
Conclusion
Lorsque les parents refusent un traitement
établi et prometteur, il s’agit potentiellement
d’une mise en danger de l’enfant. Les équipes
médicales doivent alors évaluer sans délai la
situation et tout mettre en œuvre pour éviter
ce préjudice de l’enfant. Lorsque des entre –
tiens répétés avec les parents n’amènent à
aucun consensus, l’implication des autorités
de protection de l’enfant et de l’adulte doit
être envisagée. La volonté de l’enfant capable
de discernement sera toujours respectée.
Références
1. Streuli JC, Bergsträsser E. Shared Desicion Making
en p édiatrie. Paediatrica, 2015. 26(4)
2.
Konr
ad Lorenz, éthologue autrichien (1903 – 1989)
Correspondance
ulrich.lips @ bluewin.ch
L’auteur certifie qu’aucun soutien financier ou autre conflit
d’intérêt n’est lié à cet article.
Infirmitmménrm mmicho
Informations complémentaires
Auteurs
KD Dr. med. Ulrich Lips , ehemaliger Leiter Kinderschutzgruppe und Opferberatungsstelle, Universitäts-Kinderspital Zürich Andreas Nydegger