Bien que, selon les dernières données des études d’élèves HBSC et ESPAD– et du «Tabakmonitoring», la prévalence de la consommation de tabac par les adolescents recule en Suisse, elle se situe, au niveau international, toujours à un niveau élevé. La proportion de jeunes avec une consommation hebdomadaire (indicateur important pour la consommation régulière future et pour le risque de dépendance) se situe pour les 11 ans à tout juste 4%, pour atteindre 16% à 15 ans. Il n’y a pas de différence notable entre les deux sexes. La fréquence du tabagisme quotidien est de 3% pour les 14–15 ans et de 15% pour les jeunes de 17 ans. Ces données nous montrent que l’initiation au tabagisme se fait pour la majorité entre 13 et 16 ans. Le tabagisme de l’adolescence est important car même une consommation occasionnelle est associée à un risque élevé de fumer ensuite quotidiennement, respectivement de devenir dépendant du tabac. Pour prévenir le tabagisme, il est souhaitable d’intervenir par des programmes de prévention efficaces déjà au niveau secondaire et les services de santé scolaire peuvent y contribuer de façon privilégiée.
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Vol. 19 No. 4 2008 Fortbildung / Formation continue
Intervention durant l’école se-
condaire
Bien que, selon les dernières données des
études d’élèves HBSC et ESPAD 1)–3) et du
«Tabakmonitoring» 4), la prévalence de la
con sommation de tabac par les adolescents
recule en Suisse, elle se situe, au niveau
international, toujours à un niveau élevé.
La proportion de jeunes avec une consom
mation hebdomadaire (indicateur important
pour la consommation régulière future et
pour le risque de dépendance) se situe pour
les 11 ans à tout juste 4%, pour atteindre
16% à 15 ans. Il n’y a pas de différence nota
ble entre les deux sexes. La fréquence du ta
bagisme quotidien est de 3% pour les 14–15
ans et de 15% pour les jeunes de 17 ans.
Ces données nous montrent que l’initiation
au tabagisme se fait pour la majorité entre
13 et 16 ans. Le tabagisme de l’adolescence
est important car même une consomma
tion occasionnelle est associée à un risque
élevé de fumer ensuite quotidiennement,
respectivement de devenir dépendant du
tabac
5), 6) .
Pour prévenir le tabagisme, il est souhai
table d’intervenir par des programmes de
prévention efficaces déjà au niveau secon
daire et les services de santé scolaire peu
vent y contribuer de façon privilégiée.
Utiliser les contacts existants
L’expérience montre que la volonté des
adolescents de se soumettre à des me
sures de désintoxication au tabac et de
participer, par exemple, à des cours pour
arrêter de fumer, n’est que très limitée. Par
contre les élèves du degré secondaire ont
des contacts réguliers, dans le contexte
scolaire ou pendant les loisirs, avec des
professionnels de la médecine de premier
recours (médecin scolaire, dentiste sco laire, médecins pour adolescents), de ser
vices sociaux (éducateurs en milieu ouvert,
assis
tants de services socio éducatifs) et
de clubs sportifs. L’idée centrale du projet
KIM4U (pour «Kurzintervention basierend
auf Motivierender Gesprächsführung bei
Jugendlichen mit Tabakkonsum ou «interven
tion brève basée sur l’entretien de motiva
tion chez l’adolescent tabagique») était de
mettre ces contacts quotidiens avec des
professionnels de premier recours au servi
ce de la prévention du tabagisme. Le projet
a été développé par l’Institut für Sucht und
Gesundheitsforschung ISGF (institut de re
cherche sur les addictions et la santé) de
Zurich et a été mis en chantier en 2006/07
dans le cadre d’une étude pilote dans 6
cantons alémaniques. Le groupe cible était
composé d’adolescents de 13 à 16 ans. Un
but important de KIM4U était la récolte de
connaissances sur ce type d’intervention
auprès d’adolescents.
Intervention brève et entretien
de motivation
Lors des entretiens pour arrêter de fumer,
nous nous sommes basés sur le concept de
l’intervention brève combinée à un entretien
de motivation (IB/EM). Cette approche co
gnitivo sociale englobe dans son application
pratique (a) des entretiens structurés de
courte durée et d’un nombre limité (b) un
discours motivant
7) et (c) une orientation au
intégrative model of change 8). Eléments im
portants de cette forme d’intervention sont
la stimulation de la motivation individuelle,
l’analyse circonstanciée d’ambivalences et
de résistances («J’aimerais bien arrêter de
fumer, mais…») et le renforcement des
ressources psychosociales de la personne.
Il existe un nombre important de preuves
témoignant de l’efficacité de cette approche
dans le domaine de la prévention de la
consommation de tabac, d’alcool et de
drogues. En Suisse, IB/EM est appliqué,
sous différentes formes, pour la prévention
du tabagisme surtout auprès de groupes
cibles d’adultes, p.ex. dans le cadre de la
campagne nationale «Fumer, ça fait du mal–
let it be» (www.bag.admin.ch/tabak_prae
vention ).
La durée de KIM4U a été de 18 mois. Au to
tal, 51 professionnels ont été recrutés pour
le projet et formés en IB/EM, dont 18 méde
cins des services de médecine scolaire des
villes de Berne, St.Gall et Zurich. Durant une
phase pratique d’environ 8 mois, les profes
sionnels ont effectué des interventions brè
ves auprès de 140 adolescents tabagiques.
Pour obtenir une évaluation large du projet,
les adolescents ont été questionnés deux
fois par écrit, la deuxième fois 3 à 5 mois a
près la première. En plus, les professionnels
impliqués ont participé à des focus groups
et à des interviews d’experts.
Evaluation de l’incidence:
résultats principaux
Pour évaluer l’incidence nous disposions de
126 questionnaires de l’entretien de départ
et 70 du deuxième entretien.
● L’échantillon examiné avait, au début
de l’étude, un âge moyen de 15.2 ans
et était formé essentiellement de filles
et de garçons bien intégrés au niveau
linguistique, scolaire et social.
● La consommation de tabac au début
de l’étude était déjà très importante, la
grande majorité (90%) fumant quotidien
nement. Une comparaison directe avec
des données représentatives de l’ESPAD
(European School Survey Project on
Alcohol and Other Drugs) est présentée
dans la figure1.
● Avec en moyenne 6/10 points de la
Hooked on Nicotine Checklist (HONC),
les adolescents étaient fortement nico
tino dépendants.
● Les jeunes de KIM4U avaient commencé
à fumer en moyenne à l’âge de 12.1.ans,
à l’âge de 13.5 ans la consommation
était devenue quotidienne. La grande
majorité des groupes de pairs fumait
aussi.
● Concernant le tabagisme, les normes
sociales étaient perçues de façon forte
ment déformée: en moyenne, les ado
lescents croyaient que 7/10 jeunes de
leur âge fument.
● Globalement, au début de l’intervention,
les participants à KIM4U se disaient
disposés à modifier leurs habitudes
de consommation de tabac. Mais une
Prévention du tabagisme de l’adolescent
Expériences du projet KIM4U
Martin Neuenschwander 1, Susanne Stronski Huwiler 2, Zurich
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux de Fonds
1 Institut pour la recherche de santé et de manie ISGF,
Zurich
2 Services d’hygiène d’école ville de Zurich, conduite de
de médecine de santé scolaire service
Fortbildung / Formation continue
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Vol. 19 No. 4 2008
majorité de 69% déclarait comme but
personnel une réduction de la consom
mation de tabac et non l’arrêt de fumer
(figure 2). Les 3/4 ont indiqué avoir déjà
fait plusieurs tentatives (infructueuses)
pour arrêter de fumer.
● L’évaluation de l’incidence au niveau
comportemental montrait une réduction
du tabagisme, la part avec une consom
mation quotidienne de 11 à 20 cigaret
tes ayant diminué de 12%. Mis à part
quelques rares exceptions, les jeunes
n’ont pas réussi une désaccoutumance
complète. Comme raisons principales ils
indiquaient leur dépendance du tabac,
le surmenage et le désarroi lors de la tentative d’arrêt ainsi que les habitudes
tabagiques de leurs pairs.
●
La disposition des jeunes à faire une
nouvelle tentative pour arrêter de fumer
a persisté au delà du projet. Trois quarts
des jeunes seraient disposés à partici
per à un projet semblable.
Bilan des focus groups
de professionnels
● La formation en IB/EM conjointement à
la participation active à KIM4U a sensi
bilisé les professionnels du milieu médi
cal et social au problème du tabagisme
des adolescents. Aborder la question du tabagisme avec les jeunes a été facilité
et se faisait de façon plus systématique
qu’avant.
●
Méthode très flexible qui permet d’abor
der aussi d’autres thèmes que la fumée,
comme la consommation d’alcool, la
violence et la sexualité, le concept IB/
EM intéresse particulièrement les servi
ces de médecine scolaire.
● Il s’est avéré qu’il est très difficile pour
les adolescents d’arrêter de fumer et
que les «succès» individuels doivent être
appréciés de façon très différenciée. Les
interventions brèves ont apparemment
permis de donner des impulsions impor
tantes pour un changement de compor
tement dépassant la seule consomma
tion de tabac.
La puberté, un âge à risque
et exigeant
Du point de vue prévention primaire, l’abs
tinence totale est le but idéal à at teindre
pour l’adolescent tabagique: En effet, la
consommation de tabac ne reste rare
ment que occasionnelle avec les années
et les risques pour la santé existent aussi
avec une consommation peu importante.
La réalité empirique de KIM4U montre –
par ailleurs en concordance avec une
multitude d’études – que la réduction
de la consommation de tabac représente
pour l’adolescent un objectif intermédiaire
souhaitable sur le chemin de l’abstinence.
Les raisons principales sont le peu d’impor
tance que les adolescents attri buent aux
réflexions concernant leur propre santé,
la sous estimation des difficultés liées à
l’arrêt de fumer et le fait que fumer joue
un rôle psychosocial important pour les
adolescents, tout particulièrement dans
leur relation avec les groupes de pairs
9)–11) .
Le comportement de consommation durant
la puberté se compose d’un mélange de
consommation par curiosité, de consom
mation régulière d’intensité variable et de
dépendance précoce. Pour que les ado
lescents puissent modifier avec succès
leur comportement de consommation, ils
doivent bénéficier d’un soutien profession
nel adapté à leurs besoins spécifiques.
En effet, les raisons principales décelées
dans le cadre de KIM4U et amenant les
jeunes à continuer à fumer après l’inter
vention, sont la sous estimation de la
dépendance de la nicotine, la motivation
insuffisante à arrêter de fumer, le surme
4.84.8 27.0
23.0
15.8
24.9
25.5
17.5
4.5
24.6
14.1
13.5
0.0 5.0
10.0
15.0 20.0 25.0 30.0
< 1/semaine < 1/jour 1-5 /jour6-10 /jour11-20 /jour 20+ /jour
Prozent
KIM4U ESPAD
Pourcentage
Nombre de cigarettes
Figure. 1: Consommation de tabac des adolescents: comparaison de la prévalence à
30 jours entre l’échantillon de KIM4U et l’étude d’élèves ESPAD 2003 (seulement les
chiffres suisses ont été pris en compte); voir www.espad.org.
Garçons Filles
Arrêt de fumer RéductionAucun changement
Figure 2: Objectifs personnels des adolescents de KIM4U en vue d’un changement de
comportement par rapport au tabagisme (N=124, indications en pourcentages)
55
Vol. 19 No. 4 2008 Fortbildung / Formation continue
nage lors de l’arrêt de fumer et l’influence
des groupes de pairs.
Point de vue des services
de médecine scolaires
Vu l’énorme risque de tabagisme précoce
et le besoin de soutien de l’adolescent lors
du processus de désaccoutumance, des
mesures préventives «légères» sont d’une
importance capitale
12). L’expérience montre
que les adolescents sont réceptifs à une
argumentation où la prévention n’est pas
présentée le doigt levé, mais en mettant
l’accent sur les ressources personnelles
et sur un style de vie sain. Les services de
médecine scolaire peuvent jouer un rôle
important dans le cadre des contacts de
routine au niveau secondaire. Se situant
en dehors du cadre familial, les médecins
scolaires bénéficient en général auprès des
adolescents, au même titre que les méde
cins pour enfants et adolescents en pratique
privée, d’un haut degré de confiance et de
crédibilité – une prémisse importante pour
conseiller efficacement le jeune souhaitant
arrêter de fumer. Pour les services de
médecine scolaire, l’approche basée sur
l’évidence du IB/EM est prometteuse, le
procédé pouvant s’intégrer facilement dans
les plans de travail existants. Concernant la
prévention comportementale du tabagisme
juvénile, il reste à clarifier dans quelles
conditions l’arrêt de fumer est atteignable
dans un laps de temps limité et dans quelle
mesure il peut être considéré comme (seul)
critère de réussite pour l’intervention.
En vue d’un rôle futur et prépondérant
des services de médecine scolaire dans la
prévention du tabagisme juvénile, les deux
points suivants sont à considérer: d’une part,
en Suisse alémanique, un service de méde
cine scolaire institutionnalisé n’existe que
dans les grands centres, dont Bâle, Berne,
St.Gall et Zurich (dans les régions de cam
pagne le service médical scolaire étant
généralement pris en charge par les méde
cins praticiens) et d’autre part les médecins
scolaires ne peuvent réaliser des entretiens
avec des élèves tabagiques que si un temps
suffisant est mis à leur disposition pour de
telles interventions.
Le rapport d’évaluation de KIM4U peut se
télécharger depuis le site de l’ISGF sous
www.isgf.ch (rubrique Veröffentlichungen/
Berichte).
Le projet KIM4U a été financé par le Fonds de prévention
du tabagisme de l’Office fédéral de la santé publique
OFSP (décision no 05.002521), www.bag.admin.ch/
tabak_praevention.
Références:
Voir texte allemand.
Correspondance:
Dr. Martin Neuenschwander
Institut für Sucht und
Gesundheitsforschung ISGF
Konradstrasse 32
Postfach
CH 8031 Zürich
martin.neuenschwander@isgf.uzh.ch
Informations complémentaires
Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Auteurs
Dr. med. Martin Neuenschwander , Institut für Sucht- und Gesundheitsforschung ISGF, Zürich