La bronchiolite aigue du nourrisson, définie par l’apparition d’une détresse respiratoire avec sibilances et crépitants suivant une rhinopharyngite virale, est l’infection des voies aériennes la plus fréquente pendant la première année de vie1). D’évolution le plus souvent non compliquée, elle reste cependant l’une des principales causes d’hospitalisation des nourrissons pendant la saison hivernale.
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acute bronchiolitis: a multicenter rando-
mized, controlled trial» \b) est une étude
randomisée contrôlée en double insu dans
sept hôpitaux pédiatriques parisiens re –
groupant 496 enfants (âge 15 jours – 24
mois) hospitalisés pour une première
bronchiolite. Deux cent quarante six en –
fants ont eu trois séances quotidiennes de
physiothérapie AFE (groupe inter vention)
et 250 enfants ont eu trois séances d’as –
piration nasale par jour (groupe contrôle).
Le délai de guérison médian, déterminé
par une prise alimentaire équivalente aux
2/3 des besoins, normoxémie et normo –
pnée pendant les \b dernières heures, ne
différait pas de manière significative entre
le groupe inter vention et le groupe
contrôle (2.02 jours [95% CI 1.96–2.34] vs.
2.31 jours [95% CI 1.97–2.73], respective –
ment). Le nombre de complications était
similaire dans les 2 groupes, mais la pro –
por tion d’ef fets secondaires liés aux
séances de physiothérapie AFE (vomisse –
ments, déstabilisation respiratoire transi –
toire) était significativement plus impor –
tante dans le groupe inter vention (RR =
10.2, 1.3–7\b.\b, p = 0.005 et RR = 5.4,
1.6–1\b.4, p = 0.002, respectivement).
L’étude suisse, «Chest physiotherapy using
passive expirator y techniques does not
La bronchiolite aigue du nourrisson, défi
–
nie par l’apparition d’une détresse respira –
toire avec sibilances et crépitants suivant
une rhinophar yngite virale, est l’infection
des voies aériennes la plus fréquente pen –
dant la première année de vie
1). D’évolution
le plus souvent non compliquée, elle reste
cependant l’une des principales causes
d’hospitalisation des nourrissons pendant
la saison hivernale.
Malgré plusieurs options pharmacolo –
giques théoriquement bénéfiques, aucun
traitement n’a significativement permis
d’altérer le cours de la maladie
2), 3), 4) . Les
recommandations telles que celles pu –
bliées dans Paediatrica en 2003 par le
Groupe de Travail de Pneumologie Pédia –
trique (SAPP)
5) n’ont pas sensiblement
changé depuis lors, à savoir que la prise
en charge repose essentiellement sur des
mesures symptomatiques: désobstruction
rhinophar yngée, hydratation suf fisante,
ox ygénothérapie si nécessaire et sur –
veillance. En par ticulier, il n’a jamais pu
être démontré que le recours à la physio –
thérapie respiratoire permettait une dimi –
nution significative de la sévérité de la
maladie, de la durée d’hospitalisation ou
des besoins d’oxygène chez les nourris –
sons hospitalisés. Dans la version la plus
récente d’une revue Cochrane
6), les au –
teurs soulignaient avec justesse la dif fé –
rence d’approche physiothérapeutique
entre les pays anglo -saxons qui utilisent
des techniques conventionnelles de vibra –
tions/percussions et drainage postural, et
les pays francophones où la physiothéra –
pie respiratoire se base sur l’accélération
lente du flux expiratoire. Ces techniques,
qui prennent en compte les caractéris –
tiques spécifiques des voies aériennes du nourrisson (abondance de cellules muco –
sécrétantes et rareté de la ventilation
collatérale), permettent la mobilisation de
sécrétions tout en prévenant le collapsus
des voies aériennes
7). Hors jusqu’à récem
–
ment, les techniques d’augmentation du
flux expiratoire (AFE) n’avaient pas été
étudiées de manière randomisée contrô –
lée en ciblant des objectifs cliniquement
relevants, ceci malgré l’abondance de
débats par fois émotionnels, car la physio –
thérapie met en jeu des facteurs humains
et une habilité manuelle dif ficiles à quan –
tifier. Deux études récentes, l’une en
France et l’autre en Suisse, ont permis
d’appor ter un point de vue objectif sur
l’impact de la physiothérapie respiratoire
AFE dans la prise en charge des nourris –
sons hospitalisés pour bronchiolite.
L’étude française, «Ef fectiveness of chest
physiotherapy in infants hospitalized with
Physiothérapie respiratoire et bronchiolite:
où en sommes nous?
Isabelle Rochat 1, Patricia Leis 2, Anne Mornand 3, Constance Barazzone Argiroffo 3
Fi\bure 1: Comparaison du temps jusqu’à stabilisation clinique chez les nourrissons hospi –
talisés pour bronchiolite entre le groupe avec physiothérapie (trait bleu clair) et le groupe
contrôle (trait bleu foncé). La différence au jour 5 n’était pas significative (P=0.35).
1 Unité de pneumologie pédiatrique, Département
médico – chirurgical de pédiatrie, Centre hospitalier
universitaire vaudois, Lausanne
2 Physiothérapie, Hôpital des Enfants, Hôpitaux
Universitaires de Genève
3 Unité de pneumologie pédiatrique, Hôpital des
Enfants, Hôpitaux Universitaires de Genève
10 0 –
80 –
60 –
40 –
20 –
0–
–
–
–
– ––
–0 2 4 68 10 12
Jour s depuis l’admission
Propor tion cliniquement instable (%)
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9) Rochat I, Leis P, Bouchardy M, Oberli C, Sourial H,
Friedli – Burri M, et al. Chest physiotherapy using
passive expirator y techniques does not reduce
bronchiolitis severit y: a randomised controlled
trial. Eur J Pediatr. 2011.
10) Bailleux S, Lopes D, Geof froy A , Josse N, Labrune
P, Gajdos V. [ What evidence for chest physiothe –
rapy in infants hospitalized for acute viral bron –
chiolitis?]. Arch Pediatr. 2011; 1\b (4): 472–475.
Correspondance
Dr Isabelle Rochat
Unité de pneumologie pédiatrique, DMCP
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne – CHUV
isabelle.rochat@chuv.ch
reduce bronchiolitis severity: a randomi
–
sed controlled trial»
9) est une étude rando –
misée contrôlée portant sur 99 enfants de
moins d’une année hospitalisés pour une
bronchiolite dans un hôpital universitaire
romand. Cinquante enfants ont bénéficié
de deux séances par jour de physiothéra –
pie AFE et désobstruction rhinophar yngée
(DRP) (groupe inter vention) et 49 ont bé –
néficié de DRP seule (groupe contrôle). Le
temps jusqu’à stabilisation clinique, défini
par une prise alimentaire autonome de
50% des besoins, absence de vomisse –
ments, sommeil non per turbé et absence
de besoins d’oxygène sur les 10 dernières
heures, n’était pas dif férent entre le
groupe inter vention et le groupe contrôle
(2.9 ± 2.1 jours vs. 3.2 ± 2.\b, p = 0.45).
L’amélioration d’un score clinique basé sur
des items généraux (alimentation, vomis –
sements et sommeil), de la fréquence
respiratoire et de la saturation en oxygène
(SpO
2) n’était pas plus rapide dans le
groupe avec physiothérapie AFE. Cepen –
dant, un score respiratoire basé sur 7
items (fréquence respiratoire, SpO
2, be –
soins d’O
2, tirage, bruits adventices, mur –
mure vésiculaire et hyperinflation) s’amé –
liorait légèrement plus vite dans le groupe
inter vention, probablement suite aux mo –
difications sonores découlant de la mobi –
lisation des sécrétions après physiothéra –
pie. Les auteurs n’ont pas rappor té de
complications directes liées aux séances
de physiothérapie, et celles, rares, liées à
la sévérité de la maladie tendaient à être
moins nombreuses dans le groupe inter –
vention (7 vs. 12, p = 0.21).
Ainsi, ces travaux démontrent que la gué –
rison d’un nourrisson hospitalisé pour
bronchiolite n’est pas accélérée par des
séances quotidiennes de physiothérapie
utilisant les techniques d’accélération du
flux expiratoire. Faut-il pour autant la ban –
nir? Pourrait- elle réellement permettre
dans les cas sévères de retarder le recours
à une assistance ventilatoire comme évo –
qué dans l’étude suisse
9)? Pourrait- elle
être utile uniquement dans un sous –
groupe de patients sans hypoxie, sans
eczéma ni atopie familiale, comme soulevé
dans l’étude de Gajdos
\b)? Bien que de
nombreuses questions demeurent, ces
études vont cer tainement amener nos
voisins à reconsidérer la prescription sys –
tématique de physiothérapie respiratoire
et à actualiser leurs pratiques
10). Elles per -mettront de renforcer et rééditer les re
–
commandations suisses de 2003 tout en
repensant l’allocation des ressources tant
humaines que financières dans les ser –
vices hospitaliers de pédiatrie en saison
hivernale.
Néanmoins, il est impor tant de rappeler
que ces études ont por té sur une minorité
des nourrissons atteints de bronchiolite
puisque seuls 2 à 3% sont hospitalisés. La
réalisation d’études randomisées contrô –
lées, en double aveugle, visant à évaluer
l’impact de la physiothérapie respiratoire
dans la prise en charge ambulatoire des
nourrissons avec bronchiolite est confron –
tée à de multiples obstacles quasi insur –
montables. Non seulement les paramètres
de fin d’étude sont dif ficiles à déterminer
(s’agit-il de réduire le nombre de consulta –
tions urgentes, d’hospitalisations, d’amé –
liorer l’alimentation ou encore de réduire
l’absentéisme parental?), mais sur tout la
disponibilité et le nombre d’inter venants
nécessaires pour inclure, évaluer, traiter
parait incompatible avec une pratique
privée. En attendant un tel travail, per –
sonne ne contestera le rôle majeur du
physiothérapeute dans la sur veillance
quotidienne, dans l’éducation aux familles
notamment pour la désobstruction rhino –
phar yngée, et finalement du lien qu’il
maintient entre le pédiatre au cabinet et le
patient à domicile.
Références
1) Smy th RL, Openshaw PJ. Bronchiolitis. Lancet.
2006; 36\b (9532): 312–322.
2) Bronchiolitis SoDaMo. Diagnosis and manage –
ment of bronchiolitis. Pediatrics. 2006; 11\b (4):
1774–1793.
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evidence of ef ficacy. Lancet. 2003; 361 (9361):
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4) Seiden J, Scar fone R. Bronchiolitis: an evidence –
based approach to management. Clin Ped Emerg
Med. 2009; 10 (2): 75–\b1.
5) Traitement de la bronchiolite aiguë du nourrisson.
Recommandations du groupe de travail de pneu –
mologie pédiatrique (SAPP) Paediatrica. 2003; 14
(6): 22–25.
6) Perrotta C, Or tiz Z, Roque M. Chest physiotherapy
for acute bronchiolitis in paediatric patients
between 0 and 24 months old. Cochrane Database
Syst Rev. 2007 (1): CD004\b73.
7) Stagnara J, Balagny E, Cossalter B, Dommerges JP,
Dournel C, Drahi E, et al. [Management of bron –
chiolitis in the infant. Recommendations. Long
tex t]. Arch Pediatr. 2001; \b Suppl 1: 11S–23S.
\b) Gajdos V, Katsahian S, Beydon N, Abadie V, de
Pontual L, Larrar S, et al. Ef fectiveness of chest
physiotherapy in infants hospitalized with acute
bronchiolitis: a multicenter, randomized, control –
led trial. PLoS Med. 2010; 7 (9): e1000345.
Informations complémentaires
Auteurs
Dr Isabelle Rochat , Unité de pneumologie mucoviscidose, Département Femme Mère Enfant, Chuv, Lausanne Patricia Leis Dr. Anne Mornand , Unité de Pneumologie Pédiatrique Hôpital de Enfants Prof. Dr med. Constance Barazzone-Argiroffo , Genève Andreas Nydegger