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Recommandations suisses pour le diagnostic, le traitement et la prise en charge des maladies respiratoires obstructives du petit enfant en âge préscolaire de 1 à 4 ans

Plus d’une décennie a passé depuis la publication des recommandations pour le traitement des maladies pulmonaires obstructives de l’enfant 2009. Pendant ces dernières dix années ont été publiés de nombreux articles sur l’asthme, avec quelques nouveautés. Les recommandations ont donc été revues et adaptées aux nouvelles données.

Regamey Nicolas1, Barazzone Constance2, Barben Juerg3, Blanchon Sylvain4, Hammer Juerg5, Latzin Philipp6, Rochat Guignard Isabelle4, Salfeld Peter7, Trachsel Daniel5, Zanolari Maura8, Gut Dominique9, Möller Alexander10 au nom de la Société Suisse de Pneumologie Pédiatrique et de pédiatrie suisse.

1Abteilung für pädiatrische Pneumologie, Kinderspital, Luzerner Kantonsspital, Luzern
2Unité de pneumologie pédiatrique, Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital des Enfants, Université de Genève, Genève
3Abteilung für pädiatrische Pneumologie, Ostschweizer Kinderspital, St. Gallen
4Unité de Pneumologie et mucoviscidose pédiatrique, Service de pédiatrie, Département Femme-Mère-Enfant, Hôpital universitaire de Lausanne et Université de Lausanne, Lausanne
5Abteilung für Intensivmedizin und Pneumologie, Universitäts-Kinderspital beider Basel (UKBB), Basel
6Abteilung für Pneumologie und Allergologie, Universitäts-Kinderklinik, Inselspital, Universität Bern, Bern
7Abteilung für pädiatrische Pneumologie, Klinik für Kinder und Jugendliche, Kantonsspital Münsterlingen, Münsterlingen
8Pädiatrische Pneumologie, Istituto Pediatrico della Svizzera Italiana, EOC, Bellinzona
9Praxispädiater MedZentrum Hochdorf, Hochdorf; Vorstand pädiatrie schweiz, Fribourg
10Abteilung für pädiatrische Pneumologie, Universitäts-Kinderspital Zürich, Zürich

1. Introduction

Plus d’une décennie a passé depuis la publication des recommandations pour le traitement des maladies pulmonaires obstructives de l’enfant 2009(1). Pendant ces dernières dix années ont été publiés de nombreux articles sur l’asthme, avec quelques nouveautés. Les recommandations ont donc été revues et adaptées aux nouvelles données. En raison des particularités des maladies obstructives à l’âge préscolaire, le groupe d’auteurs a décidé de rédiger deux documents séparés: une recommandation pour l’âge préscolaire (1 à 4 ans) et une pour l’âge scolaire, c’est à dire pour les enfants de 5 à 16 ans. Les recommandations de la SSPP et de pédiatrie suisse présentées ici concernent les enfants en âge préscolaire.

Les nouvelles recommandations se fondent sur des guidelines et des déclarations de consensus internationales, adaptées à la Suisse sans changements essentiels du contenu. Les recommandations concernant les investigations et le traitement des maladies respiratoires obstructives à l’âge préscolaire se basent essentiellement sur les guidelines de la Global Initiative for Asthma (GINA) de 2022(2). Des recommandations suisses pour la prise en charge en urgence de la bronchite obstructive aiguë et de la crise d’asthme ont été publiées récemment(3), nous nous limitons ici à les mentionner.

2. Définition de la bronchite obstructive et de l’asthme du petit enfant

Le terme de bronchite obstructive décrit en principe une infection virale des voies respiratoires inférieures avec obstruction respiratoire (en premier lieu des grandes et moyennes bronches) et comme symptôme principal la respiration sifflante, appelée aussi «wheezing»(4). D’autres symptômes typiques sont la toux, la tachypnée, le tirage, le battement des ailes du nez et la respiration saccadée avec des gémissements expiratoires. Les râles crépitants comme décrits dans la bronchiolite aiguë pendant la première année de vie (avec participation de petites bronches et bronchioles) ne sont typiquement pas présents. Dans certains cas, la différenciation entre bronchite obstructive et bronchiolite peut s’avérer difficile pendant la première année de vie et des présentations mixtes sont possibles(5).

La bronchite obstructive est une maladie fréquente. Environ un tiers des enfants manifeste au moins une bronchite obstructive avant la fin de la 3ème année de vie(6). Les agents les plus fréquents responsables de bronchites obstructives sont les rhinovirus, VRS, métapneumovirus humains, coronavirus, adénovirus et les virus para-influenza et influenza. De nombreux enfants souffrent de bronchites obstructives infectieuses répétées à l’âge préscolaire, surtout pendant les trois premières années de vie. Sont surtout concernés les garçons, les anciens enfants prématurés, les enfants avec un petit poids de naissance et les enfants exposés avant et après la naissance au tabagisme, exposés plus fréquemment aux virus et avec une prédisposition atopique. La plupart de ces enfants est moins sujette à ce problème en grandissant, devenant par la suite asymptomatique sans souffrir d’asthme.

Chez une faible partie des enfants en âge préscolaire les bronchites obstructives répétées sont l’expression d’un asthme, défini, comme à l’âge scolaire, comme étant une maladie chronique caractérisée par des symptômes (wheezing, toux et/ou dyspnée), une obstruction réversible, une inflammation chronique et une hyperréactivité des voies respiratoires. Toutes ces manifestations ne sont pas forcément présentes chez chaque patient en tout temps. Cela concerne surtout les enfants qui ne manifestent leurs premiers épisodes qu’à l’âge de 1½ ou 2 ans.

3. Diagnostic

Contrairement à l’âge scolaire où l’asthme peut être diagnostiqué par des tests objectifs(7), des tests comparables font défaut pour l’âge préscolaire. Le diagnostic d’asthme à l’âge préscolaire se base essentiellement sur l’anamnèse et l’examen clinique. Les tests objectifs ne seront qu’indicatifs. Des symptômes respiratoires épisodiques comme le wheezing ou la toux étant fréquents chez les enfants en bas âge, aussi sans asthme, le diagnostic d’asthme est difficile à l’âge préscolaire.

3.1. Anamnèse

Comme à l’âge scolaire, la recherche des symptômes clés représente la base des investigations. Ces symptômes doivent donc être questionnés systématiquement. Les symptômes clés de l’asthme sont la respiration sifflante (haletante, expiratoire, continue, «wheezing») récidivante, la toux, des difficultés respiratoires (dyspnée, respiration poussive) et la réduction de l’activité physique (tabl. 1, fig. 1). Les symptômes évocateurs sont surtout ceux apparaissant sans maladie infectieuse concomitante ou qui sont déclenchés par l’activité physique, le rire, les pleurs, l’exposition au tabagisme, le froid, la pollution ou des contacts avec des allergènes animaux.

Figure 1. Diagnostic de l’asthme à l’âge préscolaire (adapté d’après(2))

Des indications en faveur d’un asthme sont en outre une anamnèse personnelle ou familiale d’atopie (dermatite atopique, rhinite allergique, allergies alimentaires) ou la présence d’asthme chez un parent du 1er degré. L’apparition des premiers épisodes de bronchite obstructive après l’âge de 1½ ans est un argument supplémentaire en faveur d’un asthme.

Les termes phénotypiques «episodic viral wheeze» (bronchites obstructives d’origine virale) en opposition à «multiple trigger wheeze» (symptômes pas uniquement associés à des infections virales mais présents aussi dans les intervalles sans infection) ne permettent pas une distinction claire entre la présence ou l’absence d’un asthme, les phénotypes n’étant pas stables dans le temps(8,9). On ne devrait donc plus utiliser ces termes.

Tableau 1. Symptômes clés, éléments anamnestiques et constatations cliniques lors d’asthme à l’âge préscolaire.

3.2. Essai thérapeutique

Un essai thérapeutique avec des médicaments de base (stéroïdes inhalés ou antagonistes des récepteurs des leucotriènes) pendant 2-3 mois est souvent entrepris chez les enfants en âge préscolaire avec des symptômes d’asthme. On vérifie la réponse en évaluant le contrôle des symptômes (le jour et la nuit) ainsi que la fréquence des épisodes de wheezing et des exacerbations. Une nette amélioration pendant le traitement suivie d’une péjoration après l’arrêt confortent le diagnostic présumé d’asthme. L’asthme étant très variable pendant la petite enfance, on doit parfois répéter le traitement d’essai pour confirmer le diagnostic.

3.3. Examens objectifs

3.3.1. Fonction pulmonaire

La plupart des enfants en âge préscolaire n’étant pas en mesure d’effectuer des manœuvres expiratoires reproductibles, les fonctions pulmonaires, tests de provocation bronchique et autres tests physiologiques jouent un rôle mineur dans le diagnostic de l’asthme à cet âge.

3.3.2. Détermination de l’inflammation des voies respiratoires

La mesure standardisée du monoxyde d’azote expiré lors d’une seule respiration (fractional exhaled nitric oxide; FeNO), où l’enfant expire contre une résistance afin d’obtenir un flux constant de 50 ml/s, exige des facultés de coordination qui manquent à la plupart des enfants en âge préscolaire. Chez les petits enfants, on peut mesurer la FeNO en respiration de repos ou par une méthode indirecte (offline, avec un sac). Des valeurs de référence pour enfants de 1-5 ans ont été publiées(10). Ces mesures sont cependant réalisées dans peu de centres. Des valeurs élevées de FeNO sont indicatives mais ne prouvent pas un asthme à l’âge préscolaire. Elles peuvent servir pour la prédiction d’un éventuel asthme à l’âge scolaire(11-13).

3.3.3. Tests allergiques

La mise en évidence d’une sensibilisation à des allergènes inhalés chez un enfant en âge préscolaire souffrant de bronchites obstructives récidivantes est un indice très probant pour un asthme, la plupart des enfants asthmatiques étant sensibilisés contre un ou plusieurs allergènes(14-16). L’absence de sensibilisation contre les aéroallergènes fréquents n’exclut néanmoins pas le diagnostic d’asthme.

La sensibilisation aux allergènes peut être mise en évidence par des tests cutanés ou le dosage des immunoglobulines E spécifiques. Les tests allergiques font partie du diagnostic de base de l’asthme du petit enfant et devraient être effectués indépendamment de l’âge de l’enfant. Parfois les tests diagnostiques doivent être répétés (p.ex. après une année), l’éventail des sensibilisations contre des allergènes pouvant s’élargir avec l’âge.

3.3.4. Radiographie thoracique

Les radiographies ne sont pas utiles pour le diagnostic de l’asthme à l’âge préscolaire. Une radiographie thoracique peut néanmoins être indiquée lorsqu’on cherche un diagnostic différentiel (tabl. 2).

3.4. Scores cliniques pour la prédiction d’un asthme à l’âge scolaire

Différents scores ont été développés pour prédire, avec des épisodes obstructifs répétés, le risque de développer un asthme chez des enfants en âge préscolaire/scolaire . Trois scores ont été validés: l’Asthma Predictive Index de Tucson, USA(17), le PIAMA-Index développé aux Pays Bas(18) et le Predicting Asthma Risk in Children (PARC) Tool(19). Le PARC Tool a été développé en Suisse à partir des données de la cohorte de Leicester au Royaume Uni et a entre temps été validé par deux cohortes européennes(20,21). Le PARC Tool a l’avantage de pouvoir être saisi facilement et rapidement avec dix questions (fig. 2).

Figure 2. Questionnaire pour évaluer le risque qu’un enfant en âge préscolaire développe de l’asthme à l’âge scolaire (adapté d’après(19)).

3.5. Diagnostics différentiels

Le diagnostic sans équivoque un asthme à l’âge préscolaire étant difficile, d’autres causes pouvant provoquer une respiration sifflante, de la toux ou des difficultés respiratoires doivent être soigneusement évaluées et exclues(22) (tabl. 2). Des investigations plus approfondies sont notamment indiquées lors de symptômes dès la naissance, vomissements associés aux symptômes respiratoires, bruits respiratoires continus, pas de lien entre symptômes et déclencheurs typiques comme les infections des voies respiratoires, pas de réaction aux bronchodilatateurs ou stéroïdes, retard de croissance, signes focaux à l’auscultation.

Tableau 2. Diagnostics différentiels importants de l’asthme à l’âge préscolaire.

4. Traitement de l’asthme à l’âge préscolaire

Comme à l’âge scolaire, l’objectif du traitement de l’asthme pendant la petite enfance est d’obtenir et maintenir un contrôle complet de l’asthme, d’éviter les exacerbations, minimiser les effets indésirables des médicaments et rendre une vie sans limitations dues à l’asthme possible (tabl. 3). Ce dernier point est particulièrement important, le fait de jouer étant essentiel pour un développement social et physique normal.

Tableau 3. Concept du contrôle des symptômes d’asthme d’après GINA(2). BACA: bêta-agonistes de courte durée d’action, p.ex. salbutamol.

La prise en charge de l’asthme est, comme à l’âge scolaire, un cercle continu d’évaluation du contrôle de l’asthme, d’adaptation du traitement et de vérification de l’efficacité du traitement (fig. 3). Le choix du traitement et la prise en charge ne se basent pas seulement sur un contrôle efficace de l’asthme mais s’orientent aussi sur les facteurs de risque individuels et les comorbidités. En outre les objectifs des patients et leurs parents, concernant le traitement de l’asthme et leurs préférences devraient être inclus dans les choix thérapeutiques (shared decision making).

Figure 3. Cycle de la prise en charge de l’asthme(2).

4.1. Traitement par paliers des enfants de 1-4 ans

Lorsque les symptômes sont rares, pas plus que 2 fois par mois, on peut administrer au besoin des bêtamimétiques de courte durée d’action. En général deux nébulisations de l’aérosol à 100µg devraient suffire (palier 1; fig. 4). Les inhalations devraient se faire au moyen d’un aérosol doseur et d’une chambre d’inhalation, avec masque ou embout buccal (dès environ 3-4 ans et dès que l’enfant sait bien fermer la bouche autour de l’embout et respirer par la bouche). L’administration orale de salbutamol n’est pas recommandée en raison du long délai d’action et du taux d’effets indésirables plus élevé.

En présence de symptômes plus fréquents (>2 fois par mois) ou pour les enfants avec un asthme, on devrait initier un traitement de fond avec des stéroïdes inhalés faiblement dosés (palier 2). Ce traitement de fond devrait être poursuivi pour au moins 3 mois, puis réévalué. Pour les enfants avec des épisodes associés à une infection, le traitement de fond peut être limité à la saison froide (saison des infections). Pour les enfants avec des épisodes déclenchés uniquement par des infections, un traitement intermittent avec des stéroïdes hautement dosés peut représenter une alternative (p.ex. fluticasone 125µg 2-0-2 pendant 1-2 semaines en plus du salbutamol dès les premiers signes infectieux)(24-26). En tant que troisième choix on peut envisager un traitement par antagonistes des leucotriènes (LTRA). Les données actuelles suggèrent que ce traitement est moins efficace que les stéroïdes inhalés faiblement dosés, notamment chez les petits enfants avec une sensibilisation prouvée à des aéroallergènes(24,27). En outre il faut prendre en considération les possibles effets indésirables des LTRA (p.ex. troubles du sommeil, effets psychiques) qui ont incité la FDA à émettre une mise en garde(28).

Il est important de discuter avec les parents ou les personnes ayant la garde de l’enfant de la décision de prescrire un traitement de fond et le choix thérapeutique. Ils devraient être informés sur les avantages et les risques du traitement ainsi que sur l’importance du maintien d’un niveau d’activité normal pour un développement physique et social sain de leur enfant. Bien qu’on ait observé des répercussions des stéroïdes inhalés sur la vitesse de croissance chez les enfants prépubères pendant les 1-2 premières années de traitement, l’effet n’est ni progressif ni cumulatif. La seule étude qui a examiné les effets à long terme, ne montre qu’une diminution d’environ 0.7% de la taille adulte(29,30). Un asthme insuffisamment contrôlé a de son côté des effets négatifs sur la taille adulte(31). Les parents et les personnes ayant la garde devraient aussi être informés sur les possibles effets indésirables des LTRA sur le sommeil et le comportement(32).

Si le traitement de l’asthme est insuffisant, les points suivants devraient être vérifiés avant d’envisager une augmentation du dosage: diagnostic correct, technique d’inhalation, compliance adéquate, élimination des facteurs de risque modifiables comme l’exposition aux allergènes et au tabagisme. Lorsqu’on augmente le traitement, l’option privilégiée est le doublement du dosage des stéroïdes inhalés. Une alternative à envisager est la combinaison de stéroïdes inhalés et LTRA (palier 3). Pour les enfants à partir de 4 ans on peut, comme à l’âge scolaire, passer à une combinaison de stéroïdes inhalés (faiblement dosés) et bêta-agonistes de longue durée d’action (BALA); les produits à base de corticoïdes inhalés-BALA ne sont admis qu’à partir de l’âge de 4 ans. Si ce palier de traitement ne permet pas un contrôle efficace de l’asthme, l’enfant devrait être adressé à une consultation de pneumologie pédiatrique. En raison des effets indésirables non négligeables, les stéroïdes oraux devraient être utilisés avec prudence (aussi dans la situation aiguë) et jamais en traitement de fond.

Figure 4. Schéma du traitement par paliers de l’asthme infantile (1-4 ans).
BACA: bêta-agonistes de courte durée d’action, p.ex. salbutamol; BALA: bêta-agonistes de longue durée d’action; CI: corticoïdes inhalés; LTRA: antagonistes des leucotriènes; IVR: infection des voies respiratoires. Les enfants dont l’asthme n’est pas maîtrisé avec le palier 3, devraient être adressés à une consultation de pneumologie pédiatrique pour établir un diagnostic différentiel.
Tableau 4. Produits disponibles en Suisse avec indication du dosage pour enfants en âge préscolaire.

4.2. Choix du mode d’inhalation

Le traitement par inhalation est le pilier du traitement de l’asthme de l’enfant de moins de 5 ans. L’aérosol doseur avec une chambre d’inhalation (selon l’âge avec ou sans masque) est le mode d’administration de choix(34).

4.3. Facteurs environnementaux et prévention d’allergènes

Il existe entre temps une évidence considérable que la fumée passive exerce un effet négatif sur la situation pulmonaire, l’exposition au tabagisme devrait donc être absolument évitée. On devrait procéder aux vaccinations recommandées selon le plan de vaccination suisse aussi en présence d’un risque atopique élevé. Les vaccins n’accentuent pas l’asthme. Concernant la prévention d’allergènes sont utiles, en présence d’une sensibilisation cliniquement significative, surtout des mesures de prévention secondaire. Ces mesures devraient être prises de manière pragmatique en tenant compte des symptômes. En présence d’une allergie aux acariens cliniquement significative, des housses de protection posées correctement corrèlent avec une diminution des exacerbations de l’asthme(35). Ces housses ne sont actuellement pas remboursées par l’assurance maladie. Les données scientifiques actuelles ne sont pas concluantes en ce qui concerne la prévention primaire d’allergènes dans le but d’éviter une sensibilisation.

5. Prise en charge de l’asthme à l’âge préscolaire

Il est difficile de définir chez des enfants de moins de 5 ans si les symptômes d’asthme sont suffisamment contrôlés. En effet, les informations parviennent de membres de la famille et de personnes ayant la garde de l’enfant, qui ne savent pas toujours combien de fois l’enfant a des symptômes ou comment les interpréter correctement. Que peu d’instruments objectifs ont été validés pour évaluer le contrôle des symptômes d’asthme chez les enfants de moins de 5 ans(36,37). Au quotidien on s’appuie donc sur les recommandations pour l’âge scolaire (tabl.3). L’évolution souvent fluctuante et variable de l’asthme exige une adaptation continue de la prise en charge (fig. 3). Il s’agit, outre un bon contrôle de l’asthme, d’éviter les exacerbations (tabl. 5).

Tableau 5. Facteurs de risque pour des exacerbations à l’âge préscolaire(2).

5.1. Fréquence des contrôles

La fréquence et la teneur des contrôles dépendent de plusieurs facteurs. D’une part l’enfant chez qui on a récemment posé le diagnostic d’asthme et initié un traitement, devrait au début être suivi plus étroitement, c’est à dire tous les 2-3 mois. D’autre part tout changement conséquent du traitement devrait être contrôlé après 2-3 mois. Les enfants avec un asthme sévère et instable requièrent un suivi étroit, idéalement conjointement à un pneumologue pédiatre. Les symptômes évoquant un asthme régressent chez un nombre considérable d’enfants à l’âge préscolaire(38,39); la nécessité du traitement de fond devrait donc être régulièrement vérifiée. Après une réduction ou la suppression du traitement, on surveille si les symptômes ne réapparaissent.

À l’âge préscolaire on peut observer de sensibles variations saisonnières des symptômes et des exacerbations. Pour les enfants avec des symptômes induits surtout par des infections et dont on interrompt le traitement de fond (p.ex. à la fin de la saison froide), il peut s’avérer utile d’établir un «plan d’action asthme». On y retient les signes d’alarme d’une péjoration, les mesures thérapeutiques et la nécessité d’une consultation en urgence.

5.2. Questionnaires, journal intime, applications

Le journal des symptômes, des limitations de l’activité physique, du besoin de traitement d’urgence avec des BACA et de péjoration de l’asthme sont l’instrument le plus important et le plus simple de monitorage d’un asthme. Les besoins de BACA, comme la sévérité des symptômes sont néanmoins très individuels et dépendent de la perception des parents ou de la personne ayant la garde de l’enfant. Ils reflètent donc le contrôle subjectif de l’asthme. Il n’existe pas d’évidence que tenir un journal de symptômes ou relever régulièrement un score des symptômes d’asthme amène une amélioration notable du contrôle de la maladie. Les questionnaires (p.ex. l’Asthma-Control Test; ACT) ne remplacent pas la consultation médicale. Les données actuelles ne permettent pas de recommander l’utilisation d’applications pour le suivi d’un asthme.

5.3. Fonction pulmonaire

La plupart des enfants en âge préscolaire n’étant pas en mesure d’effectuer des manœuvres expiratoires reproductibles, les tests de la fonction pulmonaire à cet âge et autres tests physiologiques jouent un rôle mineur dans l’évaluation de l’asthme.

5.4. Adhésion au traitement

Par adhésion thérapeutique on entend l’observation des traitements convenus entre patient/parents et thérapeute. Comme pour d’autres maladies chroniques, l’adhésion au traitement de la part des enfants avec un asthme est un sujet important. En Suisse nous ne disposons pas de paramètres objectifs, comme p.ex. un registre des ordonnances des pharmacies, nous ne pouvons donc nous appuyer que sur l’adhésion autodéclarée. Des questions non confrontatives constituent donc un élément central de la consultation.

5.5. Technique d’inhalation

Le traitement par inhalation ne sera efficace qu’avec une technique correcte. Malheureusement, des études montrent que seulement deux tiers des enfants effectuent correctement toutes les étapes essentielles de l’inhalation avec un aérosol-doseur muni d’une chambre d’inhalation(40). Instruire et exercer régulièrement la technique correcte sont donc essentiels et devraient se faire au moins une fois par année ainsi que lors de chaque changement d’appareil, en s’adaptant à l’âge de l’enfant (p.ex. passage de la chambre d’inhalation avec masque à l’embout buccal, dès que l’enfant sait le prendre correctement entre les lèvres et respirer par la bouche). Il existe des vidéos pour l’instruction en plusieurs langues (www.sgpp-sspp.ch/de/Inhalationstherapie.html).

5.6. Évaluation des effets indésirables

Le risque d’effets indésirables systémiques lors d’un traitement de longue durée avec des corticoïdes inhalés aux dosages recommandés est faible(41). En raison du risque d’un effet négatif des corticoïdes inhalés sur la croissance, on devrait mesurer au moins une fois par année, mieux lors de chaque consultation, le poids et la taille des enfants suivant un traitement de longue durée. On s’attend à une suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien plutôt lors d’un traitement avec des corticoïdes inhalés hautement dosés sur une longue durée ou suite à l’utilisation fréquente de stéroïdes systémiques. Il est important d’inclure dans l’évaluation de la dose totale aussi les éventuels stéroïdes appliqués par voie nasale. Une technique d’inhalation correcte et le rinçage de la bouche après l’inhalation évitent des effets indésirables locaux ainsi qu’une absorption systémique non souhaitée des corticoïdes inhalés.

L’évaluation des effets indésirables doit toujours inclure les autres médicaments antiasthmatiques. Sont concernés principalement les BACA et les LTRA. Les effets indésirables des BACA consistent surtout en tremblements, céphalées et tachycardie. Les effets indésirables des LTRA sont rares; il s’agit surtout de troubles psychiques comme des rêves anormaux, hallucinations et agitation, comportement agressif ou hostile(32).

Références

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Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schlaepfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Le Prof. Dr med. Nicolas Regamey déclare des conflits d'intérêts potentiels suivants en raison de sa collaboration avec les entreprises : OM Pharma, Schwabe Pharma, Sanofi (advisory boards, conférences).
Auteurs
Prof. Dr. med.  Nicolas Regamey Präsident Schweizerische Gesellschaft für Pädiatrische Pneumologie, Co-Chefarzt, Kinderspital, Luzerner Kantonsspital, Luzern