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Exploration de la fonction pulmonaire en pédiatrie

La spirométrie joue un rôle important dans le diagnostic et le suivi des maladies respiratoires. On considère qu’elle est l’examen effectué le plus fréquemment parmi les tests de fonction pulmonaire. En 2021 l’European Respiratory Society (ERS) a publié de nouvelles recommandations pour le diagnostic de l’asthme à l’âge scolaire.

Introduction

La spirométrie joue un rôle important dans le diagnostic et le suivi des maladies respiratoires. On considère qu’elle est l’examen effectué le plus fréquemment parmi les tests de fonction pulmonaire. En 2021 l’European Respiratory Society (ERS) a publié de nouvelles recommandations pour le diagnostic de l’asthme à l’âge scolaire(1). Pour le diagnostic d’asthme on y exige, en présence de signes cliniques évocateurs, la confirmation par un test de la fonction pulmonaire, une simple spirométrie pouvant suffire. Les recommandations de la Société Suisse de Pneumologie Pédiatrique (SSPP) ont été actualisées en conséquence (cf. l’article dans ce numéro). La spirométrie et donc le diagnostic et la mise en place du traitement sont possibles dans le cabinet du médecin de famille. Sont par contre indispensables une exécution et une interprétation correctes de la spirométrie. Par cet article nous souhaitons apporter aux pédiatres installés une aide à la réalisation et l’interprétation de la fonction pulmonaire.

Historique

Au milieu du 19ème siècle le médecin londonien John Hutchinson a inventé les premiers spiromètres(2). Ces appareils en forme de cloche ne pouvaient mesurer que des volumes statiques. La technique se basait sur une cloche flottant dans l’eau grâce à l’air captif dans la cloche. La personne examinée expirait et inspirait dans cette chambre flottante à travers un embout. La cloche montait et descendait, en fonction du changement de volume.

Pour la première fois on a ainsi documenté une relation linéaire entre la capacité vitale (CV) et la taille adulte ainsi qu’une diminution continue avec l’âge. Au début des années 60 on pouvait relever à l’aide de nomogrammes les valeurs prédictives pour la CV, le VEMS (volume expiratoire maximal par seconde) et la VVM (ventilation volontaire maximale) sur une échelle d’âge et de taille. En 1961 ont été publiées les premières valeurs cibles d’hommes caucasiens en bonne santé(3). 15 ans plus tard parurent les premières valeurs normales pour les enfants et adolescents(4).

Fonctions pulmonaires au cabinet médical

Une enquête auprès de 360 médecins de famille en 2010 a révélé que seulement 52% effectuent des spirométries; il s’agit pour la plupart de généralistes, alors que seulement 1/3 des pédiatres font eux-mêmes des spirométries(5). Contrairement à la pléthysmographie, en Suisse la spirométrie peut être pratiquée et facturée par Tarmed aussi par des non-pneumologues. Une spirométrie équivaut à 30.75 points tarifaires, la pléthysmographie à 171.40. Avec des appareils portables et pas chers (entre CHF 500.- et 2000.-), la spirométrie est actuellement intéressante aussi du point de vue économique. Les défis dans la pratique quotidienne sont le temps nécessaire et la garantie de la qualité(6). Idéalement la spirométrie est effectuée avant la consultation médicale, afin de pouvoir discuter du résultat avec le patient et les parents ou la personne en charge, qui pourront ainsi quitter le cabinet médical avec un plan de traitement. D’après une étude plus ancienne, la spirométrie pratiquée au cabinet médical a été significative pour l’établissement du plan thérapeutique chez 15% des enfants asthmatiques, souvent dans le sens d’une extension du traitement(7). Un autre test de la fonction pulmonaire intéressant pour la pratique est la mesure de la fraction expirée du monoxyde d’azote (FeNO), dont l’importance pour le diagnostic de l’asthme est relevée dans les nouvelles recommandations.

La spirométrie permet de différencier entre une ventilation normale et un trouble obstructif ou restrictif, ce dernier ne pouvant être prouvé que par la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF, par pléthysmographie ou techniques de dilution des gaz). Les spiromètres modernes avec biofeedback intégré (p.ex. souffler une bougie) permettent souvent d’examiner aussi des enfants en âge préscolaire(8). Des études avec des enfants en âge préscolaire montrent un taux de réussite allant de 55% à 83%9). Les enfants avec un retard du développement ou d’autres limitations ne sont souvent pas en mesure d’effectuer correctement le test.

Fonctionnement de la spirométrie

La spirométrie mesure des paramètres statiques et dynamiques de la fonction pulmonaire. Les spiromètres utilisés couramment dans la pratique déterminent le débit et le temps. Sont ensuite calculés les volumes pulmonaires. Les spiromètres utilisés actuellement se basent sur le principe de la pneumotachographie ou de l’ultrason, alors que l’anémomètre thermique et le spiromètre à turbine sont moins utilisés. Les pneumotachographes calculent le débit à partir de la chute de pression sur une résistance définie (fig. 1). Le capteur à ultrasons mesure l’accélération ou le ralentissement de la transmission du son, dirigée diagonalement à travers le tuyau de respiration. L’anémomètre thermique mesure par contre le changement de tension du fil métallique chauffé, refroidi proportionnellement au débit du flux d’air. Les volumes d’air étant influencés par l’environnement, les résultats sont corrigés par un algorithme BTPS intégré («body temperature, pressure, saturated with water vapor»).

Figure 1. Pneumotachographe. Le pneumotachographe calcule, d’après la loi de Hagen-Poiseuille, le débit à partir de la différence de pression avant et après une résistance de flux intégrée, mesurée avec des capteurs de flux. Dans un tuyau rigide avec un flux laminaire le débit est proportionnel à la différence de pression par unité de longueur.

Définition des volumes pulmonaires

Les paramètres obtenus par la spirométrie comprennent les valeurs statiques et dynamiques suivantes (fig. 2):

Figure 2. Définitions des volumes pulmonaires et paramètres de flux ainsi que de la courbe débit-volume. Pour les abréviations cf. texte.

Paramètres statiques:

  • CV capacité vitale: volume inspiré maximal après une expiration complète
  • CVF capacité vitale forcée: volume d’air expiré avec force après une inspiration maximale

Paramètres dynamiques:

  • VEMS: volume expiré maximal avec force en une seconde après une inspiration maximale
  • VEMS/CVF: rapport de Tiffenau ou capacité vitale relative en une seconde
  • DEP: débit expiratoire de pointe 
  • DEM50: débit expiratoire maximal à 50% de la CVF
  • DEM25: débit expiratoire maximal à 25% de la CVF
  • DEM25-75: débit expiratoire maximal moyen entre 25% et 75% de la CVF

Remarque: au lieu du DEM est parfois indiqué le débit expiratoire forcé (DEF). Un DEF25 correspond alors au DEM75 et le DEF75 au DEM25. Le volume de réserve expiratoire  (VRE) n’a pas d’importance pour la spirométrie et n’est donc en général pas indiqué. La mesure de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), du volume résiduel (VR) et de la capacité pulmonaire totale (CPT) nécessite la pléthysmographie ou les techniques de dilution des gaz (hélium, azote). La capacité inspiratoire (CI) et le volume de réserve inspiratoire (VRI) ne sont pas significatifs du point de vue clinique.

Indication

Dans la pratique, la spirométrie est utile tant pour le diagnostic que pour le suivi. Il s’agit surtout de situations cliniques comme la toux chronique, un wheezing persistant et la dyspnée à l’effort. En milieu hospitalier la spirométrie comprend en plus le suivi de maladies pulmonaires chroniques, le bilan préopératoire avant des interventions chirurgicales/orthopédiques, p.ex. chez des enfants avec une maladie neuromusculaire, le suivi de malformations thoraciques congénitales ainsi que les contrôles réguliers lors de maladies hémato-oncologiques ou du tissu conjonctif, nécessitant en général la mesure de la capacité résiduelle fonctionnelle et d’autres paramètres.

Contre-indications et risques

Il n’existe pas de contre-indication absolue pour la mesure de la fonction pulmonaire. Néanmoins le patient génère par la manœuvre respiratoire forcée une pression intrathoracique, intraabdominale et intracrânienne élevée qui se répercute sur le retour veineux et la tension artérielle systémique. L’indication devrait donc tenir compte de toute intervention chirurgicale dans la région thoracique ou abdominale ainsi que d’opérations ophtalmologiques récentes. On recommande un intervalle d’au moins quatre semaines. Sont aussi des contre-indications relatives une infection des voies respiratoires, un pneumothorax, une hémoptysie d’origine inconnue, un anévrisme ainsi qu’une hypertension artérielle non contrôlée(10,11). Il faut par ailleurs considérer que la spirométrie exige une collaboration maximale du patient et que toute retenue (p.ex. douleur, peur etc.) empêche d’obtenir des résultats fiables. Pour les adultes existent des listes de contre-indications(12).

Des effets indésirables sont improbables. Dans la littérature sont décrits des cas de bronchoconstriction causée par la spirométrie(13) et, extrêmement rarement pendant l’enfance, des arythmies cardiaques, survenant plutôt avec la spiroergométrie(14).

Le risque de transmission d’infections du patient à l’examinateur est minime. La transmission peut avoir lieu par le contact direct avec l’enfant (infection des voies respiratoires, gastroentérite) ou indirectement par gouttelettes (embout, revêtement de l’appareil). Sur la base des données disponibles, la transmission de germes à travers le spiromètre entre patients est très improbable si les recommandations du fabricant concernant le nettoyage et la désinfection sont respectées. Les filtres à usage unique ne sont peut-être pas nécessaires mais recommandés, n’étant pas chers et efficaces dans l’absorption de bactéries dans l’air expiré. Ils préviennent ainsi une possible contamination de l’appareil(15). L’impact des filtres sur le VEMS et la CVF est généralement considéré comme négligeable. Le pince-nez et les embouts devraient être stérilisés ou jetés(16,17).

Prémisses pour la spirométrie

Préparation

1. Patient-e-s

On documente les données personnelles, soit l’âge, le sexe, la taille et le poids. Pour les patients p.ex. avec une cyphoscoliose ou en chaise roulante on peut mesurer de manière approximative l’envergure des bras. Aggarwal et al. ont publié une formule à ce propos: taille = envergure des bras/1.06(18). La spirométrie peut s’effectuer en position assise ou debout. Les personnes avec un poids normal obtiennent le même résultat alors que les personnes obèses réalisent parfois de meilleurs résultats VEMS et de débit en étant debout. Idéalement l’enfant se tient assis avec le haut du corps droit. La chaise ne doit pas avoir de roues, doit être réglable en hauteur et avoir des accoudoirs(12). La spirométrie doit avoir lieu dans un espace clair et confortable.

Une heure avant le test, le patient doit renoncer à des efforts physiques importants et si possible aussi à fumer. Les habits serrés sont à éviter(17).

2. Examinateur-trice

On note les médicaments et l’heure de la dernière prise. Selon l’indication de la spirométrie, le/la patient-e doit renoncer à l’inhalation de bronchodilatateurs avant le test: bêta2-agonistes de courte durée d’action (BACA: salbutamol, albutérol) 4-6 heures, antagonistes muscariniques de courte durée d’action (bromure d’ipratropium) 12 h, bêta2-agonistes de longue durée d’action (BALA: salmétérol, formotérol) 24 h, bêta2-agonistes d’action de durée d’action ultra-longue (UBALA: indacatérol, olodatérol, vilantérol) 36 h, antagonistes muscariniques de longue durée d’action (MALA: tiotropium, glycopyrronium, uméclidinium, aclidinium) 36-48 h(17). Les stéroïdes inhalés et les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (montélukast) ne nécessitent pas d’interruption du traitement.

Des examinateurs-trices motivé-e-s et enthousiastes sont le facteur le plus important pour réussir un examen des fonctions pulmonaires16). La spirométrie exige une coopération entre enfant et examinateur-trice, le résultat dépendant fortement de l’interaction entre les deux. Lors de l’instruction sont très importants le langage corporel et la mimique19). Pour obtenir le meilleur résultat possible sans être menaçant, le personnel doit être formé. L’ATS (American Thoracic Society) a formulé les exigences minimales pour la qualification des examinateurs-trices, e.a. que le test et les caractéristiques des maladies pulmonaires soient compris et que soient connues des stratégies d’amélioration en cas de manœuvres erronées20). L’ERS propose des programmes d’entraînement certifiés en spirométrie (ersnet.org), en Suisse des formations pour la spirométrie sont proposées e.a. par les Ligues pulmonaires.

3. Appareils

On peut admettre que tous les spiromètres commercialisés certifiés CE livrent des résultats fiables. Ils doivent avoir implémenté les derniers standards ATS/ERS et les mesures doivent être visibles en temps réel. Il existe des spiromètres pas chers ne mesurant que l’expiration. Ils exigent néanmoins une plus grande coordination de la part du patient et de la patiente et augmentent les difficultés pour l’examinateur-trice. Idéalement on choisit un spiromètre qui permet à l’enfant de respirer tranquillement (volume tidal). L’examinateur-trice peut ainsi se concentrer sur l’embout et le pince-nez pour obtenir un volume pulmonaire maximal(12). L’affichage doit montrer la courbe débit-volume et la courbe volume-temps, ces courbes permettant une rapide vérification de la qualité, p.ex. des critères de fin de test (cf. chapitre Qualité) et aussi d’identifier des artéfacts dus p.ex. à la toux. La forme de la courbe débit-volume reflète l’effort maximal et l’expiration complète. On notera aussi les conditions ambiantes, comme la température, la pression atmosphérique, ainsi que la date. Les appareils modernes mesurent souvent la température environnante. La calibration est souvent intégrée dans les spiromètres récents et réalisée par le logiciel.

Les résultats peuvent varier en fonction des valeurs de référence qui doivent être consignés. La Global Lung Initiative (GLI) recommande les valeurs de référence pour les âges de 3 à 95 ans de Quanjer(21). Les valeurs de référence pour VEMS, CVF et VEMS/CVF proviennent d’individus en bonne santé et asymptomatiques. Certains spiromètres ont le références NHANES III de 8 à 80 ans(22). Un calculateur GLI prenant en compte l’âge, le sexe, la taille et l’ethnie se trouve sur le site de l’ERS.

Les volumes pulmonaires dépendent essentiellement de la taille mais aussi, indépendamment de la taille, du sexe ainsi que de changements liés à la croissance et à la puberté. Chez les filles le volume pulmonaire augmente jusqu’à l’âge d’env. 18 ans, chez les garçons d’env. 20 ans(12). Les hommes adultes ont un volume pulmonaire plus grand comparé aux femmes du même âge et de la même taille. Les individus d’origine asiatique ont un volume pulmonaire moindre d’env. 2-8% comparé à des individus caucasiens de la même taille; chez les personnes d’origine africaine il est env. 10% plus petit en raison des proportions corporelles(21).

4. Préparation

  1. Calibrage (en général pas nécessaire)
  2. Mensurations (taille, poids, âge, sexe, év. ethnie. Selon GLI: caucasien-ne, afro-américain-e, Asie nord-est, Asie sud-est)
  3. Conditions ambiantes
  4. Anamnèse du traitement médicamenteux (cf. ci-dessus)
  5. Préparation du/de la patient-e :
    • pas d’habits serrés
    • assis-e (ou debout)
    • pince-nez, embout. Le pince-nez est généralement recommandé pour éviter l’expiration par le nez. Des études avec des enfants ne montrent néanmoins pas de différence systématique des mesures de VEMS ou CVF(13).
  6. Choix de la manœuvre de test

Exécution du test

  1. Bonne fermeture de la bouche autour de l’embout, sans obstruction (dents, langue)
  2. Inspiration-expiration normale, calme
  3. Sur ordre: inspiration complète, ensuite
  4. (év. sur ordre): expiration forcée (pas de pause, pas de toux ou inspiration pendant l’expiration, pas d’expiration par le nez)
  5. Expirer jusqu’à ce que l’examinateur-trice ordonne la fin de l’expiration (plateau de la courbe temps-volume atteint). Ce point exige la plus grande motivation.
  6. L’examen devrait être répété 3 fois, en vérifiant l’acceptabilité et la reproductibilité.

Lors du test de réponse aux bronchodilatateurs (RBD) il faut tenir compte du traitement par inhalation et respecter le temps de carence (cf. plus haut). Le test RBD est effectué 15 minutes après 4 inhalations de 100µg salbutamol (2 inhalations à 100µg pour les enfants <6 ans) à l’aide d’une chambre à inhalation. Le test est considéré positif si la différence entre les deux mesures comporte plus de 10% de la valeur cible (l/s)(23):

Une fillette de 12 ans avec une valeur cible du VEMS de 2.14 l/s affiche un VEMS de 1.24 l/s avant salbutamol et de 1.51 l/s après. La différence de 0.27 l/s représente 12.6% de la valeur cible. Le test RBD est donc positif.

Un test RBD négatif n’exclut pas un asthme. Le diagnostic doit reposer sur l’anamnèse, la clinique et la spirométrie.

Exigences de qualité

En 2000 Enright(19) décrivit les critères de qualité pour une bonne spirométrie. Déjà alors on a attiré l’attention sur une inspiration optimale, car c’est par une inspiration maximale qu’on obtient la plus grande CV et donc un meilleur VEMS. Vers la fin de l’expiration il faut veiller à ce qu’elle dure suffisamment longtemps, ce qui est reconnaissable à la formation d’un plateau dans le diagramme volume-temps. Un effort maximal est important en début d’expiration car il influence le peak-flow et aussi le VEMS. En fin d’expiration le débit ne dépend par contre plus de l’effort réalisé, on met plutôt l’accent sur la durée maximale de l’expiration (calmement on exhorte l’enfant «Continue à souffler, je vois qu’il reste encore de l’air que tu peux souffler»). La durée minimale de 6 sec. exigée de l’adulte n’est en général pas atteinte par les enfants; les recommandations de 2005 de l’ATS/ERS portent sur 3 secondes pour les enfants de <10 ans(11), mais au quotidien les enfants terminent l’expiration souvent avant (ce qui dépend de la constante de temps physiologique).

Les critères actuels d’acceptabilité et de reproductibilité sont résumés dans le tableau 1 (adapté d’après(17,24)). On ne tiendra pas compte d’expirations perturbées par de la toux ou interrompues prématurément. L’objectif est d’obtenir 2-3 manœuvres acceptables. Concernant la reproductibilité, la différence entre les deux meilleurs résultats de VEMS et CVF ne doit pas excéder 150ml, pour les enfants <6 ans 100ml. Le problème de la reproductibilité réside souvent dans les efforts variables fournis par l’enfant. Les erreurs typiques sont le coaching inspiratoire suboptimal, l’expiration insuffisante et la non-atteinte du plateau.

Tableau 1. Critères d’acceptabilité et de reproductibilité.

Une étude pilote au Portugal a évalué la pertinence de la spirométrie en tant que méthode de dépistage de l’asthme à l’âge scolaire et conclu que l’asthme était sous-diagnostiqué chez les enfants(8). Néanmoins lors de l’évaluation seulement la moitié des spirométries remplissait les critères d’acceptabilité de l’AST/ERS.

Une étude réalisée en Italie a testé, après un programme de 10 heures d’entraînement, l’acceptabilité et la reproductibilité des spirométries de 10 pédiatres installés(25). Les critères étaient valables dans 80% des spirométries avec en même temps une évaluation correcte dans 4/5 des cas. Dans les autres situations les problèmes les plus fréquents étaient un démarrage trop lent et un temps d’expiration insuffisant. Concernant l’interprétation, dans la moitié des cas divergents les pédiatres ont interprété une obstruction discrète comme étant normale. Il est par ailleurs intéressant que la spirométrie de 4 patients avec un trouble respiratoire restrictif a également été considérée normale. Un message important de cette étude est que la spirométrie peut donner des indications non seulement pour une maladie obstructive mais aussi restrictive des voies respiratoires.

Interprétation

Interprétation de spirométries:

  1. Vérifier l’acceptabilité et la reproductibilité des manœuvres
  2. Définir si normal, obstructif, (éventuellement) restrictif, mixte
  3. Attribution du degré de sévérité (LLN)
  4. Évaluation finale dans le contexte clinique

Un trouble ventilatoire obstructif est caractérisé par une diminution du débit expiratoire (VEMS) et une courbe de débit concave. En fonction de la surdistension pulmonaire la CV est également diminuée (pseudo-restriction). Une diminution de la CV sans obstruction suggère un trouble ventilatoire restrictif. Les enfants avec une CV diminuée expirent moins de volume pendant la première seconde, le VEMS est donc aussi diminué sans que cela indique une obstruction.

Peak-flow: pour reconnaître un trouble de la fonction pulmonaire la mesure du peak-flow seul n’a qu’une sensibilité de 48%; chez 1/3 des enfants asthmatiques avec des paramètres dynamiques pathologiques le peak-flow n’est pas diagnostique26). Le peak-flow est surtout très dépendant de l’effort et donc notoirement peu fiable pendant l’enfance.

Index de Tiffenau: le rapport VEMS/CVF (anciennement VEMS/CV) dépend de l’âge, on ne doit donc pas considérer la valeur < 0.7 comme seuil strict. En outre, comme mentionné ci-dessus, la CV peut également être diminuée, ce qui augmente l’index de Tiffenau et ne reflète donc plus l’étendue de l’obstruction.  

DEM50, DEM25: les débits dans les voies respiratoires les plus fines sont très variables, diagnostiquer une obstruction périphérique sur la base d’une réduction des débits DEM50 et DEM25 est peu fiable. Ils ne devraient donc pas être surestimés27,28).

Valeurs normales

Pour la définition de la norme l’ATS/ERS recommandent l’utilisation de la norme inférieure et supérieure (lower/upper limit of normal (LLN/ULN). Dans une population avec une distribution normale, ces limites correspondent à une déviation standard de la moyenne de ± 1.645, respectivement un z-score de ± 1.645, ce qui correspond aux percentiles 5 et 95. Mais cela signifie aussi que 5% de la population normale présente des valeurs en dessous de la LLN. Cela doit être pris en considération lors de l’interprétation. Les fonctions pulmonaires étant néanmoins effectuées en présence d’une maladie, la probabilité pré-test d’un résultat anormal est donc en principe plus élevée que 95%, un résultat physiologique en dessous de la LLN d’autant plus improbable. Pour établir le degré de sévérité on utilise plutôt le z-score, pour lequel a été publiée la classification suivante: léger -1.645 à -2.50, modéré -2.51 à -4.00, sévère > -4.01(23).

La déviation standard reflète l’étendue de la dispersion de valeurs à partir de leur moyenne, cette définition est donc plus précise que la définition traditionnelle de la norme inférieure de p.ex. 80% de la valeur cible. Ce seuil se base sur les données d’adultes d’âge moyen et est souvent erroné pour les enfants et des adultes plus petits ou plus âgés.

Le rapport du test doit contenir les informations suivantes: la valeur cible (correspond à la valeur moyenne de la population), la valeur mesurée actuelle, la limite inférieure de la norme (LLN), le pourcentage de la valeur cible (parce que nous en avons l’habitude) et le z-score. Les courbes débit-volume et temps-volume sont importantes pour l’évaluation de la qualité et devraient aussi être décrites.

Figures 3. Exemple de spirométrie d’une fillette de 12 ans avec de l’asthme. La qualité est évaluée par le système au moyen des courbes débit-volume et temps-volume: Trial 1 bonne qualité, Trial 2 effort insuffisant avec démarrage lent, interruption rapide, Trial 3 pas d’inspiration complète. Coordination entre ex- et inspiration souvent difficile.

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Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schlaepfer
Correspondance:
Auteurs
Dr. med.   Diana Reppucci Pneumologie und Intensivmedizin, Universität Kinderspital beider Basel (UKBB), Basel

Prof. Dr. med.  Daniel Trachsel Pädiatrische Pneumologie und Intensivmedizin, Universitäts-Kinderspital beider Basel UKBB, Basel