Introduction
Le plomb est un métal d’usage très ancien, dont l’ingestion ou l’inhalation est toxique. Il est présent dans notre environnement par la contamination des sols, de l’air, de l’eau, des aliments, des poussières de maison et d’objets de consommation. Diverses mesures de santé publique ont permis une diminution significative des taux de plombémie dans la population depuis les années 1970, comme l’interdiction de l’essence au plomb, le remplacement des canalisations au plomb, l’interdiction de la peinture au plomb, le contrôle des produits de consommation et la régulation des émissions industrielles. Le risque d’exposition pour l’enfant persiste principalement dans les produits de consommation mal contrôlés et dans les maisons contenant de la peinture au plomb (problématique en cas de rénovation sans précaution ou si le revêtement est dégradé). L’usage de la peinture au plomb est en diminution depuis les années 1950, mais elle n’a été interdite en Suisse qu’en 2005, avec une entrée en vigueur le 1.8.2006 de l’ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (interdiction des peintures contenant plus de 100 ppm de plomb).
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Introduction
Le plomb est un métal d’usage très ancien\b
dont l’ingestion ou l’inhalation est toxique. Il
est présent dans notre environnement par la
contamination des sols\b de l’air\b de l’eau\b des
aliments\b des poussières de maison et d’ob-
jets de consommation.
Diverses mesures de santé publique ont per –
mis une diminution significative des taux de
plombémie dans la population depuis les an –
nées 1970\b comme l’interdiction de l’essence
au plomb\b le remplacement des canalisations
au plomb\b l’interdiction de la peinture au
plomb\b le contrôle des produits de consom –
mation et la régulation des émissions indus –
trielles. Le risque d’exposition pour l’enfant
persiste principalement dans les produits de
consommation mal contrôlés et dans les
maisons contenant de la peinture au plomb
(problématique en cas de rénovation sans
précaution ou si le revêtement est dégradé).
L’usage de la peinture au plomb est en dimi –
nution depuis les années 1950\b mais elle n’a
été interdite en Suisse qu’en 2005\b avec une
entr é e en v igueur le 1.8.20 06 de l ’or donnance
sur la réduction des risques liés aux produits
chimiques (interdiction des peintures conte –
nant plus de 100 ppm de plomb).
Les intoxications symptomatiques graves\b
liées à des taux de plombémie élevés\b sont
devenues rares chez l’enfant. Les études
montrent cependant que le plomb a des effets
neurologiques et comportementaux même
avec des taux de plombémie bas (< 50 µg/l):
diminution des capacités cognitives et des
performances académiques\b troubles de l’at -
tention et comportements délictueux
1 ) \b 2 ) \b 3 ) \b 4 ) .
Il n’existe pas de seuil de toxicité inférieur
sous lequel le plomb peut être considéré
comme inoffensif
1) \b 2) \b 3 ) \b 4) .
A la suite de ces nouvelles évidences\b la va -
leur de référence de la plombémie de l’enfant
a été abaissée à 35µg/l en Allemagne
4) et à
50 µg/l aux USA 1) et en France 2) (respective -
L’intoxication au plomb chez l’enfant en
Suisse
Un risque sous-estimé? Une problématique méconnue ?
Nicole Jundt Herman\b Etagnières
ment en 2009\b 2012 et 2015). Le saturnisme
est défini en France par la présence d’une
plombémie de > 50 µg/l et non par la pré-
sence de symptômes.
En plus d ’une r ev ue génér ale sur l ’intox ication
au plomb chez l’enfant\b cet article a comme
but de faire le point sur les recommandations
suisses et de comparer celles-ci avec cer –
taines recommandations et pratiques étran –
gères.
Sources de plomb
Le plomb est naturellement présent dans la
croûte terrestre. De par son utilisation indus –
trielle et domestique\b il se retrouve dans dif –
férentes sources qui sont résumées dans le
tableau 1 .
Cas particulier de la peinture au plomb :
Dans les maisons suisses datant d’avant
20 06\b et en par ticulier celles d ’avant 1950\b de
la peinture au plomb peut se trouver dans
toutes les surfaces peintes : les boiseries
( p or tes et leur s cadr es \b volet s ) \b le mét al ( dans
les peintures antirouilles de barrières\b radia –
teurs ou poutrelles) et les murs (peintures
lavables ou non)
5).
Si la peinture au plomb est recouverte de
p eintur e libr e de plomb et si le r evêtement es t
en bon état\b il n’y a pas de risque direct
d’exposition. Cependant\b en cas d’effritement
de la peinture ou de rénovation sans précau –
tion adéquate (ponçage de boiseries p. ex.)\b
du plomb peut être libéré dans l’air et les
poussières. Les habitants\b et en particulier les
enfants\b sont ainsi exposés au plomb par inha –
lation ou par ingestion via les mains.
Dans le canton de Genève\b une étude a été
effectuée en 2013 par le service de l’air\b du
bruit et des rayonnements non ionisants
(SABRA) sur la présence de la peinture au
plomb dans les bâtiments. Elle en a retrouvé
dans près de 50 % des bâtiments examinés\b
datant d’avant 2006
6).
Toxicocinétique du plomb 2) \b 3)
L’absorption digestive du plomb est de 40 –
55% chez l’enfant et de 5 -10 % chez l’adulte\b
augmentée en cas de carence en fer et en
calcium et par la vitamine D. Les effets
toxiques du plomb sont dose-dépendants et
en corrélation avec le taux sanguin. La plom –
bémie reflète l’équilibre entre l’exposition au
plomb au moment du prélèvement et le stock
corporel\b dans les tissus mous (5 -10 %) et
dans l’os\b organe de stockage principal (90 –
95% chez l’adulte\b 75% chez l’enfant). Le
plomb lié à l’os ne produit pas d’effet toxique.
Mais il peut être libéré de l’os dans certaines
circonstances : remodelage osseux pendant
la croissance\b en cas de déminéralisation
(alitement\b corticothérapie prolongée\b ostéo –
porose) ou pendant la grossesse et l’allaite –
ment (passage transplacentaire dès la 12
ème
semaine). Après l’arrêt de l’exposition\b la di –
minution de la plombémie est lente avec une
demi-vie dans le sang d’un mois. La demi-vie
est de 10 -30 ans dans l’os. L’élimination est
surtout rénale.
Symptômes de l’intoxication au
plomb
Les effets toxiques du plomb dans l’orga –
nisme sont irréversibles. Les petits enfants
sont particulièrement à risque\b parce qu’ils
mettent tout à la bouche et qu’ils absorbent
mieux le plomb. Les effets neurologiques
appar ais sent dès une plomb émie bas se ( < 50
µg/l) : conséquences cognitives\b troubles de
l’attention\b agressivité et comportements
antisociaux (trouble des conduites et délin -
quance)
1 ) \b 2 ) \b 3 ) . Une p er te de quotient intelle c -
tuel de 6-7 points est attendue lorsque la
plombémie augmente de 0 à 100 µg/l
1) \b 2) \b 3 ) .
Au- delà\b chaque élévation de 100 µg/l de la
plombémie entraîne une baisse de 1 à 3
points de QI
2).
Pendant la grossesse\b le plomb peut causer
des fausses couches\b un petit poids de nais -
sance et des effets neurotoxiques chez le
foetus. Chez l’enfant\b il diminue la croissance
staturo -pondérale\b retarde la puberté et a un
effet sur l’audition à des taux de < 100µg/l
1) \b
2) \b 3 )
.
Les ef fet s du plomb sur la s anté\b chez l ’enf ant et
chez l’adulte\b sont résumés dans le tableau 2 .
Mesures diagnostiques
Le diagnostic d’intoxication au plomb est
posé sur la base de la plombémie\b prélevée
par voie veineuse. Des mesures capillaires de
13Le pl o3e m pbst
13Le pl3omb3oplostmtoulL3ootetop
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Source de plombModalité d’exposition Commentaires
Peintures au plomb, dans l’habitat Ingestion de fragments de peinture
par les enfants
Ingestion, inhalation de poussières
contaminées Risque principal en cas de rénovation sans précaution ou en cas de
dégradation du revêtement
Eau Eau du robinet Canalisations ou soudures de tuyau en plomb
Jouets Ingestion de peinture Anciennes petites voitures par exemple
Jouets de provenance mal contrôlée
Toujours bien vérifier les étiquettes
Objets Ingestion Certains bijoux
Objets en plomb (lests de rideau)
Objets couverts d’émail ou de peinture au plomb
Aliments Ingestion Végétaux contaminés par les sols ou par l’air
Gibier
Vaisselle en céramique, cristal ou
étain Contact avec les aliments
Glaçure au plomb insuffisamment cuite
Souvenirs de vacances
Contact prolongé avec un aliment acide surtout
Tabagisme Inhalation Tabagisme actif ou passif
Remèdes Ingestion, contact cutané Remèdes traditionnels sous forme de tisanes, pilules ou onguents,
médecine ayur védique, remèdes aux plantes, compléments alimen -
taires non contrôlés
Cosmétiques Ingestion, inhalation, contact cutané Cosmétiques traditionnels (khôl, surma, kajal, tiro)
Cosmétiques de provenance mal contrôlée
Brûlage de bois peint Inhalation Utilisation pour le chauffage ou en cheminée
Sols extérieurs Ingestion, inhalation Industrie, stands de tirs, anciennes déchetteries, rénovations exté -
rieures sans précaution, origine naturelle (érosion, éruptions volca -
niques)
Sites industriels Pollution de l’air ou des sols environ-
nants En activité ou non
Activités de loisirs Ingestion, inhalation Poterie avec utilisation d’émaux au plomb, travail sur vitraux,
chasse, tir sportif, pêche (plombs de lestage), soldats de plomb,
modèles réduits comportant des pièces en plomb ou revêtus d’une
peinture au plomb
Couleurs pour artistes Ingestion, inhalation Certaines peintures pour artistes contiennent encore du plomb
Activité professionnelle Exposition potentielle directe des
adultes Contamination indirecte du logement par les vêtements de travail
et chaussures
Tableau 1\b Sources de plomb 1) \b 2) \b 7)
dépistage existent\b mais elles sont moins
fiables et nécessitent un contrôle veineux
selon le résultat.
Dans la formule sanguine\b une anémie n’est
r etr ou vé e qu’à par tir de valeur s de plomb émie
élevée (700
µg/l). Les ponctuations baso -
philes des érythrocytes sont présentes dans
des pathologies variées (thalassémie\b intoxi -
cation à des métaux lourds\b déficit enzyma -
tique primaire)\b mais leur présence doit être
un signal d’alerte pour une intoxication au
plomb. Le dosage des porphyrines (protopo -
phyrine libre et protoporphyrine-zinc san -
guines ) n’es t pas utile p our dé celer des intox i -
cations faibles\b leurs valeurs n’augmentant
qu’à partir d’une plombémie de 250 µg/l et
leur perturbation ayant aussi des causes di -
verses
8). Un bilan du fer et du calcium p er met
de déceler une carence susceptible d’aug -
menter l’absorption du plomb.
Traitement et assainissement
L’élimination de la source de contamination
est primordiale. Pour les intoxications graves\b
la chélation p er met de fi xer le plomb cir culant
sur une molécule pour en faciliter l’excrétion
par voie rénale et entraîner une baisse de la
plombémie. Le guide pratique français pré -
cise les chélateurs à choix et leur posologie
2).
La fondation Tox Info Suisse peut également
être consultée (n° de tél. d’urgence 145\b
www.toxinfo.ch ). Il n’existe pas de traitement
pour les intoxications faibles.
Recommandations de traitement chélateur
2\b:
Plombémie ≤ 250µg/l : pas de chélation.
Plomb émie de 250 - 450 µ g/l : r ép éter la plom -bémie pour suivre la cinétique\b chélation en
cas d’augmentation.
Plombémie de 450-700 µg/l : chélation orale\b
initiée à l’hôpital.
Plombémie ≥ 700 µg/l : chélation intravei
-
neuse avec deux chélateurs.
Dif fér entes bro chur es de conseils sont disp o -
nibles pour les mesures de diagnostic et
d’assainissement dans les bâtiments et
peuvent être consultées sur les sites internet
de certains services cantonaux
5) \b 6) \b 9) \b 10 ) \b 11) .
Lois et recommandations suisses
Les différents textes législatifs suisses régle -
mentant l’usage du plomb et les teneurs li -
mites dans les sources potentielles sont dé -
taillés dans le «Factsheet Blei» publié par
l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP)
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13Le pl3omb3oplostmtoulL3ootetop
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Tableau 2\b Effets du plomb sur la santé 2)
*ALA : acide ∂-aminolévulinique ; ALAD : déshydratase de l’acide ∂ -aminolévulinique ; HTA : hyper tension ar térielle ; ZPP : protoporphyrine -zinc
sur son site inter net 7). Malg r é une mise à jour
en 2016\b il est important de noter que ce do -
cument mentionne des liens vers des sites
étrangers désormais obsolètes (p. ex. concer -
nant la «Stoffmonographie Blei» allemande
4)).
L’OFSP publie les recommandations suivantes
concernant le plomb
7): éviter d’utiliser des
plat s en cér amique d ’or igine inconnue p our la
nourriture ; faire rénover les vieilles peintures
susceptibles de contenir du plomb par des
spécialistes ; utiliser des peintures pour céra -
miques et pour artistes sans plomb ; pour les
femmes enceintes\b ne pas manger de gibier
plus de deux fois par semaine.
Les cantons surveillent la présence de plomb
dans les aliments\b les objets de consomma -
tion\b l’eau\b les sols\b les engrais\b le compost\b
l ’air et les dé chet s. Lor s de diag nos tic du bâti -ment avant des travaux\b la détection de plomb
est inclue dans la majorité des cantons\b pour
les bâtiment s d ’avant 1990 et une quantité de
déchets générée de > 200m
3. Dans trois can
–
tons\b il existe des directives sur la détection
de peinture au plomb pour les travaux de
transformations et de démolition : pour les
bâtiments construits avant 2006 à Genève\b
1994 à Neuchâtel et 1993 à Fribourg. Les
stands de tir font l’objet d’un plan d’assainis –
sement au niveau fédéral. Une fiche d’infor –
mation concernant la présence de plomb dans
les bijoux circule dans plusieurs cantons
12 ).
Il n’existe aucune recommandation spécifique
officielle pour la prévention de l’exposition et
de l’intoxication au plomb chez l’enfant en
Suisse. Le canton de Genève a publié plu –
sieurs brochures sur le plomb dans l’habitat
et y explique les conséquences du plomb sur la s anté des enf ant s
6 ) \b 11 ) . Il n’y a pas de dé cla
–
ration obligatoire pour les cas d’intoxication
au plomb en Suisse.
Valeur de référence pour la plom –
bémie
Une valeur de référence d’un toxique dépend
du monitor ing de biosur veillance au sein de la
population (pour le plomb\b suivi de l’évolution
de la plombémie dans la population au fil du
temps). Comme il n’en existe pas dans le
pays\b la Suisse se réfère aux valeurs étran –
gères.
Au x USA \b chez l ’enf ant \b la valeur de r éfér ence
a été abaissée à 50 µg/l en 2012\b suite aux
études de population et en raison des effets
sur la s anté des enf ant s \b même ave c des t au x
faiblement augmentés. Le seuil de préoccu –
pation clinique a été complètement aban –
Plombémie (μg/l)Effets
> 2000 Risque de décès, chez l’adulte
Risque d’encéphalopathie sévère, chez l’adulte
1500-2000 Hépatite cytolytique
Syndrome de Toni-Debré-Fanconi
1000-1500 Risque d’intoxication mortelle, chez l’enfant
Risque élevé d’encéphalopathie sévère, chez l’enfant
Risque de neuropathie périphérique cliniquement évidente, chez l’adulte
Colique saturnine
700-1000 Anémie
Risque d’encéphalopathie sévère, chez l’enfant
Signes électriques de neuropathie périphérique décelables au niveau individuel
500-700 Elévation de l’ALA* urinaire au- dessus de la valeur limite
Douleurs abdominales et ralentissement du transit digestif
Risque de néphropathie glomérulaire et tubulo-interstitielle (après exposition prolongée)
400-500 Troubles mentaux organiques avérés, chez l’adulte
Risque d’encéphalopathie subaiguë, chez l’enfant
Premiers signes d’atteinte tubulaire rénale
Diminution du taux d’hémoglobine (anémie seulement au-delà de 700-800µg/l)
200-400 Diminution des vitesses de conduction nerveuse
Elévation de la ZPP*
Inhibition de la synthèse de la vitamine D
Augmentation du délai nécessaire pour concevoir chez les hommes exposés
Augmentation du risque d’avortement, en cas d’exposition pendant la grossesse
100-200 Altérations du spermiogramme
5 0 -10 0 Retard de la maturation sexuelle, chez l’enfant
Augmentation du risque de retard pubertaire
Augmentation du risque d’hypertension artérielle gravidique
Inhibition de l’ALAD*
<50 Troubles cognitifs, chez l’enfant
Diminution de l’acuité auditive, chez l’enfant (preuves limitées chez l’adulte)
Elévation de la pression artérielle et du risque d’HTA*, chez l’adulte
Diminution du débit de filtration glomérulaire chez l’adulte et l’adolescent
Augmentation du risque de maladie rénale chronique, chez l’adulte
Augmentation du risque de petit poids de naissance, en cas d’exposition in utero
Inhibition du développement staturo-pondéral, chez l’enfant
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13Le pl3omb3oplostmtoulL3ootetop
16
donné aux USA en 2012\b en raison de l’ab-
sence de seuil de toxicité du plomb. En
Fr ance\b la valeur de r éfér ence chez l ’enf ant et
la femme enceinte a été abaissée à 50 µg/l
en 2015. En A llemag ne\b la valeur de r éfér ence
est encore plus basse\b à 35 µg/l\b depuis
20 0 9.
Recommandations internationales
Au x USA et en Fr ance\b l ’intox ication au plomb
chez l’enfant est considérée comme un pro -
blème de santé publique majeur. Ces pays
mènent une politique de prévention primaire
qui vise à éliminer les facteurs de risque
d’exposition avant qu’une intoxication puisse
survenir. Les mesures de prévention secon -
daire servent à déceler les intoxications à des
valeurs de plombémie les plus basses pos -
sibles pour pouvoir éliminer la source d’intoxi -
cation et réduire ainsi l’impact sur la santé
des enfants.
En France\b le Haut Conseil de la Santé Pu -
blique a mis à jour les recommandations de
dépistage et de prise en charge des exposi -
tions au plomb chez l’enfant mineur et la
femme enceinte en octobre 2017
2). Chez
l’enfant de moins de 6 ans\b il recommande la
recherche de facteurs de risque d’exposition
au moyen d’un questionnaire au contrôle
médical de 9 mois\b 24 mois\b 3 et 4 ans. Si un
critère de risque est positif chez un enfant
asymptomatique\b une plombémie est pres -
crite. Elle est aussi dosée en présence de
certains symptômes suggestifs ou si l’enfant
présente des difficultés d’apprentissage\b des
troubles du comportement ou des troubles
neurologiques en présence d’un risque envi -
ronnemental. La mise en évidence d’une
plomb émie de ≥ 50 µ g/l doit êtr e obligatoir e -
ment déclarée et entraîne une enquête d’envi -
ronnement urgente\b ainsi qu’un suivi médical
de l’enfant en fonction de la plombémie. Si
une source d’exposition est repérée qui pour -
rait toucher d’autres enfants\b la plombémie
est aussi dosée chez eux. Une valeur de 25 -
49 µg/l est recontrôlée 3-6 mois après.
Aux Etats-Unis\b la mesure des taux de plom -
bémie chez l’enfant est recommandée entre
12 et 24 mois selon des cr itèr es de r is que par
région (≥ 25% des bâtiments construits avant
1960 ou une prévalence d’une plombémie de
≥ 50 µg/l chez ≥ 5% des enfants). Les me -
sures proposées en présence d’une plombé -
mie dépassant 50 µg/l\b similaires aux fran -
çaises\b ne seront pas détaillées ici
1). Les dernières recommandations allemandes
sont contenues dans le 2e addendum à la
« Stoffmonographie Blei »
4).
Discussion
Des efforts conséquents ont été déployés
depuis les années 1970 pour baisser l’impact
du plomb sur la population. Avec succès\b si
l’on considère la baisse de la plombémie
moyenne de l’enfant aux USA qui est passée
de 150 µ g/l en 1976 -1980 à 13 µ g/l en 20 07-
2010
13 ). En Suisse\b la plombémie moyenne
était de 125 µg/l en 1980\b puis de 16.3 µg/l
dans une étude chez 74 enf ant s en 2011
14 ) \b 15 ) .
Il s’agit cependant de ne surtout pas oublier
la problématique du plomb qui reste omnipré -
sent\b par exemple dans les peintures des bâti -
ments ou dans des produits de consommation
imp or tés pas sant entr e les mailles du filet des
contrôles officiels. Aux USA\b un enfant est
décédé en 2006 après avoir avalé un bijou en
plomb reçu en cadeau avec une livraison de
chaussures par internet
1). En terme de santé
publique\b ce ne sont pas les cas individuels
d’intoxication grave qui ont un impact\b mais
les nombreux cas d’enfants avec des intoxi -
cations légères\b de par le potentiel cognitif et
académique global perdu et les coûts indi -
rects élevés
1).
L’étude de surveillance de santé américaine
NHANES a montr é que 2.6 % des enf ant s pr és -
colaires avaient une plombémie de ≥ 50µg/l
entre 2007 et 2010
1). Dans une étude chez
124 enfants\b effectuée en 2014 à Genève\b 2
enfants avaient une plombémie capillaire de
≥ 50 µg/l (non vérifiée en veineux)\b soit
1.6 %
16 ). Aux USA\b une étude nationale a esti -
mé en 2011 que 35% des bâtiments conte -
naient de la peinture au plomb
1)\b alors qu’à
Genève on estime qu’environ 50 % des bâti -
ments d’avant 2006 sont concernés par le
plomb. En comparant ces chiffres\b on se rend
compte que la problématique du plomb reste
d ’actualité en Suis se et ne dif fèr e pas d ’autr es
pays. C’est pourquoi\b la population devrait
être avertie activement des dangers liés au
plomb\b en particulier concernant la rénovation
sans précaution dans les bâtiments d’avant
2006. Aucune rénovation ne devrait être en -
treprise sans diagnostic plomb préalable ou
alors d’emblée avec les mesures de précau -
tion adéquates
5).
Notre préoccupation principale devrait ainsi
se focaliser sur une prévention primaire effi -cace pour éliminer les sources de plomb\b en
g r ande major ité év it ables \b en v ue de pr otéger
les enfants de toute intoxication. En Suisse\b
la population et le corps médical manquent
d’information au sujet de la situation actuelle
du plomb et de ses danger s p er sis t ant s. Nous
devons continuer les efforts d’information\b
d’assainissement\b de législation et de
contrôle\b pour éviter les effets délétères neu
-
rologiques et cognitifs qui surviennent avec
des plombémies basses de < 50 µg/l\b sans
seuil de toxicité inférieur. Le gouvernement a
un rôle primordial dans cette politique de
prévention.
La prévention secondaire ne fait que limiter
les dégâts d’une intoxication qui a déjà eu
lieu. Sans recommandation officielle de dé -
tection et de prise en charge de l’intoxication
au plomb chez l’enfant\b nous ne disposons
cependant d’aucun moyen de déceler les cas
d’intoxication légère aux symptômes aspéci -
fiques\b passant la plupart du temps inaperçus.
Dans le canton de Genève\b la campagne
d’information et de sensibilisation « travaux
sans danger » se déploie depuis 2013 auprès
des régies\b des architectes\b des entreprises\b
des propriétaires et du grand public sur la
problématique des substances dangereuses
dans l’environnement bâti (amiante\b biphé -
nyles polychlorés (PCB)\b plomb)\b avec un plan
de mesures actualisé tous les quatre ans\b un
site internet dédié et des brochures d’infor -
mation
5) \b 11) \b 17) .
Et les enfants migrants ? Ils proviennent de
pays où le risque d’exposition au plomb est
bien plus élevé qu’en Suisse. Certains pays
d’accueil proposent une mesure de la plom -
bémie dans le bilan d’arrivée.
Conclusion
Les pédiatres jouent un rôle essentiel dans la
prévention primaire de la santé des enfants.
En incluant l’habitat dans l’anamnèse socio-
familiale et en rendant les parents attentifs
aux risques liés aux rénovations sans précau -
tion\b ils peuvent déjà contribuer à la préven -
tion de l’intoxication au plomb.
Une brochure informative destinée aux pa -
rents concernant les risques liés à une expo -
sition au plomb des enfants (en incluant
éventuellement d’autres toxiques de l’habitat)
pourrait être élaborée et distribuée par les
médecins.
13Le pl o3e m pbst
13Le pl3omb3oplostmtoulL3ootetop
17
En l’absence de monitoring de biosurveillance
de la population\b la Suisse ne dispose d’au-
cune valeur de référence officielle en matière
de plombémie. Dans l’attente d’un tel monito -
ring\b il serait important de s’en remettre aux
nouvelles recommandations de pays qui en
font et d’utiliser ainsi une valeur de référence
de 50 µg/l\b voire 35 µg/l\b pour l’enfant.
La campagne de sensibilisation du canton de
Genève « travaux sans danger »\b à l’avant-
garde du reste de la Suisse\b devrait faire des
émules au niveau des autres cantons et de la
Confédération\b impliquant donc une volonté
politique de changement.
Il serait important qu’un groupe d’experts
élabore des recommandations suisses spéci -
fiques à l’enfant\b concernant la prévention\b la
détection et la prise en charge de l’intoxica -
tion au plomb\b en vue d’une stratégie de pré -
vention efficace.
Références
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Childhood Lead Toxicity. Pediatrics
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Correspondance
Nicole Jundt Herman
Pédiatre
Rue du Bourg 1
1037 Etagnières
nicole.jundtherman @svmed.ch
L’auteur n’a pas déclaré de soutien financier ou d’autres
conflits d’intérêts en relation avec cet ar ticle.
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Auteurs
Pédiatre Nicole Jundt Herman , Rue du Bourg 1, 1037 Etagnières