Introduction
Les grands-parents de patients oncologiques montrent une grande présence auprès de leurs petits-enfants hospitalisés. Pour les grands-parents c’est une des tâches les plus importantes, de simplement «être là» pour leurs petits-enfants1), et surtout d’être aux côtés de l’enfant malade 2). Les parents d’enfants qui survivent longtemps souhaitent une implication plus importante des grands-parents dans la prise en charge des enfants 3). Aujourd’hui la plupart des enfants atteints d’un cancer guérit, à côté du traitement la santé psychosociale de l’enfant et de la famille devrait donc être au centre de nos préoccupations 4). Les besoins plus larges d’une prise en charge centrée sur la famille devraient être étudiés en oncologie pédiatrique.
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Formation continue
Attitude et opinion des grands-parents d’un petit-enfant atteint d’un cancer
Rôle et tâches des grands-parents d’un petit-enfant atteint d’un cancer
Satisfaction et émotions des grands-parents d’un petit-enfant atteint d’un cancer
Souhaits vis à vis de l’hôpital pour le soutien de familles futures avec un enfant atteint
d’un cancer
Ressources et stratégies de coping des grands-parents d’un petit-enfant atteint d’un cancer
Introduction
Les grands-parents de patients oncologiques
montrent une grande présence auprès de
leurs petits-enfants hospitalisés. Pour les
grands-parents c’est une des tâches les plus
importantes, de simplement « être là » pour
leurs petits-enfants
1), et surtout d’être aux
côtés de l’enfant malade 2). Les parents d’en –
fants qui survivent longtemps souhaitent une
implication plus importante des grands-pa –
rents dans la prise en charge des enfants
3).
Aujourd’hui la plupart des enfants atteints
d’un cancer guérit, à côté du traitement la
santé psychosociale de l’enfant et de la fa –
mille devrait donc être au centre de nos pré –
occupations
4). Les besoins plus larges d’une
prise en charge centrée sur la famille de –
vraient être étudiés en oncologie pédiatrique.
Cette étude souhaite explorer l’accompagne –
ment d ’enf ant s at teint s d ’un cancer et de leur
famille, notamment des grands-parents. Le
premier objectif était de faire le point sur la
situation, le rôle et la satisfaction de grands-
parents qui soutiennent leur petit-enfant
malade et sa famille à la clinique pédiatrique
et au dehors. Le deuxième objectif consiste à
formuler des recommandations pour mieux
soutenir les grands-parents dans leur tâche.
Méthode
La situation psychosociale des grands-pa –
rents d’un enfant atteint d’un cancer a été
analysée par une méthode qualitative
5). De
janvier à juin 2012 les grands-parents de 14
patients oncologiques ont été questionnés,
dans une inter v iew dir igé e, sur le vé cu de leur
engagement pour la famille concernée, leur
état psychique et leurs souhaits.
Ont été inclus les grands-parents d’enfants
(0 -18 ans) qui suivaient au moment de l’en –
quête une chimiothérapie dans le service
d’oncologie. Le diagnostic de la maladie can –
céreuse devait dater d’au moins quatre se –
Comment les grands-parents vivent la
maladie cancéreuse de leur petit-enfant
Lucia Seifert 1, Felix Niggli 2, Eva Bergsträsser 2, 3, Zurich
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
maines et le dernier traitement hospitalier de
pas plus de quatr e semaines. Pour le r e cr ute-
ment était exigé l’accord écrit des grands-
parents ainsi que l’accord oral des parents de
l’enfant et, selon l’âge, de l’enfant lui-même.
L’étude a été examinée par la commission
éthique du canton de Zur ich qui l ’a appr ou vé e
(no de référence: KEK-ZH-Nr. 2012- 0003).
Le questionnaire a été évalué par une inter –
v iew pilote avec une g r and – mèr e dont le p etit-
enfant était décédé une année auparavant. Il
contenait les sujets « Communication et infor
–
mation concernant la maladie, le traitement et
l’évolution », « Perception et interaction des
soignants et médecins avec la famille », « État
émotionnel des grands-parents » et « Idées et
souhaits pour soutenir les grands-parents ». Le
catalogue de questions a été adapté, au cou
–
rant de l’étude, en fonction du contenu des
entretiens 6). Les interviews ont été enregis –
trées, transcrites et anonymisées et traitées
au moyen d’un logiciel professionnel pour
l’analyse qualitative des données
7). Pour l ’ana –
lyse des interviews, a été utilisée l’analyse de
contenu qualitative 8). Après la lecture des in –
terviews ont été constituées progressivement
cinq catégories de thèmes principaux (tabl. 1).
Résultats
Tr eize des 15 f amilles cont acté es ont r ép ondu
positivement et ont été inclues dans l’en –
quête. En raison de sa pertinence l’interview
pilote a été incluse dans l’évaluation. Des 14
petits-enfants, 4 étaient de sexe féminin et 10
de sexe masculin, l’âge allant de 1.4 à 16 ans
(médian 4 ans). Les cancers étaient hétéro -gènes (leucémie, tumeur cérébrale, tumeur
maligne de l’os, rénale ou de cellules germi
–
nales, neuroblastome, lymphome).
Nous détaillons ci-après les thèmes princi –
paux du tableau 1 .
Attitude et opinion de grands-parents
Les grands-parents soutenaient les parents
de l’enfant malade avec engagement. Ils re –
nonçaient dès le moment du diagnostic aux
voyages et loisirs lorsque ces activités limi –
taient le soutien apporté à la famille. La plu –
part des grands-parents étaient à la retraite
au moment du diagnostic. Les grands-parents
encore professionnellement actifs auraient
quitté leur profession pour leur petit-enfant.
« Si mon petit-fils était tombé malade une an –
née plus tôt j’aurais arrêté de travailler. Mon
petit-fils est plus important que mon job. »
Les grands-parents ont concentré leur éner –
gie sur le soutien de la jeune famille. Ainsi ils
se sont efforcés de surmonter le choc du
diagnostic et les angoisses l’accompagnant
sans accabler encore plus les parents avec
leurs propres émotions. Ils évitaient des su –
jets comme le mauvais pronostic de leur pe –
tit-enfant.
« Ça c’est donné assez rapidement de quoi
parler avec ma fille et de quoi pas. C’était
évident que nous ferions le chemin ensemble
et quand-même différemment. »
Vis à vis du petit-enfant les grands-parents
adoptaient une attitude positive. Ils s’effor –
çaient de se montrer insouciants afin de ne
pas le déstabiliser.
« Ne pas parler beaucoup, ne pas pleurer, ne
pas rouspéter. La petite comprend tout, elle
réagit tout de suite et devient nerveuse. Rire
normalement, jouer normalement, raconter,
alors l’enfant se montre lui aussi positif. »
1 Allgemeine Pädiatrie, Universitäts-Kinderspital Zürich, Steinwiesstrasse 75, 8032 Zürich2 Pädiatrische Onkologie, Universitäts-Kinderspital Zürich, Steinwiesstrasse 75, 8032 Zürich3 Kompetenzzentrum Pädiatrische Palliative Care, Universitäts-Kinderspital Zürich, Steinwiesstrasse 75, 8032 Zürich
Tableau 1: Sujets principaux des interviews.
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Formation continue
Les grands-parents ne se sentaient, compa-
rés aux parents, qu’indirectement touchés par
la maladie de leur petit-enfant et donnaient la
priorité aux besoins des parents. Ils veillaient
à ce que les parents leur manifestent leurs
besoins, tout en ne les soulageant pas de
toute chose.
« Soutenir les enfants selon leurs besoins. Ne
pas trop s’en mêler, ne pas croire qu’on sait
tout mieux. S’ils nécessitent des tuyaux, ils
nous le diront. Il est important que les enfants
sachent qu’il y a quelqu’un qu’on peut appeler
lorsque ça va mal. »
Les grands-parents réprimaient leur souhait
d’obtenir des informations professionnelles
sur la maladie. S’il y avait un bon échange
avec les parents, aussi concernant les entre –
tiens avec les médecins, presque tous les
grands-parents étaient satisfaits des informa –
tions reçues.
« Nous n’avons pas besoin d ’avoir des infor ma –
tions détaillées, notre fille note tout et elle le
fait très bien. Nous pouvons donc nous orienter
sur elle. »
Les grands-parents souhaitent par contre des
informations écrites ou un entretien avec
médecins lorsque les parents retenaient les
informations. Ce souhait s’accentuait lorsqu’il
y avait des complications ou des change –
ments du plan de traitement.
« Nous ne savons pas pourquoi il est tombé
dans un groupe moins favorable, quelles sont,
dans ce cas, les chances de guérison, jusqu’à
quand durera l’angoisse. Nous nous trouvons
dans la situation d’avoir un junior pas très
causant et communicatif. »
Une grand-mère souhaitait un entretien avec
le médecin pour pouvoir exprimer des ques –
tions « qu’on ne pose pas tellement à ses
propres enfants ».
Rôle et tâches des grands-parents
Par leur lien émotionnel étroit à la jeune fa –
mille les grands-parents représentaient une
ressource précieuse. Ils s’orientaient aux
besoins des parents, étaient disponibles à
tout moment et très résilients.
« Il faut être flexible. S’il y a un p roblème, notre
fille nous appelle et on y va. Nous sommes
toujours sur la brèche. » Des grands-parents venaient aussi à l’hôpital
pour soulager leur fille ou belle-fille et lui
permettre quelques heures de repos.
« J’ai cuisiné le repas pour que (ma belle-fille)
mange correctement, et l’après-midi elle a pu
vaquer à ses besoins et moi je me suis occup ée
du petit. »
Les grands-parents rendaient visite à leur
petit-enfant hospitalisé, pour lui faire plaisir
et lui tenir compagnie, lui apportaient par
exemple son plat préféré.
« Ar tichauts. Ça il aime. Je lui ai dit : ‹Au magasin
j ’ai vu des ar tichauts , tu veux que je t ’en achète
un ?› Alors il dit: ‹Oh oui, tu me l’apportes, et
avec un tube du mayonnaise ?› Alors je l’ai cuit
ce matin et on verra s’il l’aime ou pas. »
Les grands-parents relayaient les parents lors
des hospitalisations, ou accompagnaient leur
petit-enfant au rendez-vous ambulatoires
lor s que les par ent s ét aient tr ès pr is ou devaient
s’occuper des frères et sœurs à la maison.
La présence des grands-parents variait en
fonction des distances et de leur santé.
Lorsque les grands-parents partageaient la
prise en charge de leur petit-enfant malade
ou gardaient régulièrement les frères et
sœurs, les contacts étaient quotidiens.
Lorsque les distances entre les domiciles
étaient plus grandes, ils rendaient visite en
général une à deux fois par semaine. Les
échanges téléphoniques concernant l’état de
leur petit-enfant étaient fréquents.
« Nous communiquons tout le temps , aussi par
téléphone, quand ils sont à l’hôpital elle
m’appelle ou alors c’est moi qui l’appelle :
‹Alors, avez-vous bien dormi ? Déjà debout ?›
Les contacts sont très réguliers. »
Le soutien financier des parents par les
grands-parents, en raison d’une réduction du
revenu à cause de la maladie ou de la situa
–
tion particulière, n’était que rarement abordé.
Une seule grand-mère a mentionnée avoir
établi un budget avec sa fille.
Satisfaction et émotions des
grands-parents
Le diagnostic de cancer a déclenché déses –
poir et tristesse auprès des grands-parents.
« Comme un choc, ce diagnostic. C’est comme
si l’on avait éteint la lumière et que le monde n’est plus que gris-noir. On pleurait les deux,
nous nous sommes demandés pourquoi l’enfant,
pourquoi un enfant doit-il souffrir à ce point? »
Ils trouvaient injuste qu’un enfant tombe
malade avant les grands-parents. De nom
–
breux grands-parents ne savaient pas qu’un
enfant aussi peut être atteint d’un cancer.
« Pour moi c’est terriblement difficile, pourquoi
lui et pas moi. Je trouve cela profondément
injuste. »
Ils admiraient la force et la persévérance des
parents tout en compatissant. Ils craignaient
que les parents ne résistent pas à la charge
occasionnée par la maladie. Le plus grand
souci était que leur petit-enfant puisse mourir.
De ce fait ils lui montraient une affection
toute particulière. En même temps ils s’effor –
çaient à prêter attention aussi aux frères et
sœurs sains.
Certains grands-parents constataient un bé –
né fice se condair e de la situation, car la f amille
se soudait et parce qu’ils voyaient plus sou –
vent leur petit-enfant. Certains ont aussi
mentionné que leur forme physique s’était
améliorée par cette nouvelle tâche. Les
grands-parents handicapés physiquement en
r aison de leur âge sou f f r aient de leur manque
de flexibilité et avaient le sentiment de ne pas
être à la hauteur.
« Ce que je souhaiterais, c’est d’être plus so –
lide, pouvoir mieux soutenir ma fille mais ça ne
va pas très bien, car je ne marche plus très
bien. Et cela me p èse un p eu, de lâcher en tant
que grand-mère. »
Souhaits vis-à-vis de l’hôpital pour le
soutien de futures familles
Subjectivement, les grands-parents eux-
mêmes ne manquaient pas de soutien. Ils
avaient organisé de l’aide professionnelle ou
assuraient qu’ils géraient la situation. La plu –
part des grands-parents appréciaient la pos –
sibilité de faire connaissance d’autres grands-
parents concernés, p. ex. dans un « café
grands-parents ».
« Ce que je cherche, c’est un lieu de contact
pour grands-mamans. C’est ce qui m’aiderait
le plus, c’est pouvoir parler à quelqu’un qui vit
la même chose, qui sait ce que cela vous fait. »
« Ce serait bien de trouver un endroit où des
grands-parents pourraient se trouver pour
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Formation continue
échanger. Il y a quand même beaucoup de
choses qu’on pourrait discuter entre grands-
parents. »
Une plus petite partie des grands-parents
trouvait par contre que participer à un « café
grands-parents » serait une charge supplé –
mentaire. Ce serait trop émotionnel « d’en-
tendre d’autres destins » et impossible sur le
plan organisationnel « de caser encore une
activité supplémentaire ».
Un autre soutien possible de la part de l’hôpi –
tal qui a été mentionné, est une personne de
référence pour la famille.
« Ce serait bien d’avoir une personne de réfé –
rence qui est là pour toute la famille. Peut- être
quelqu’un de l’hôpital qui connaît bien le cas
de notre petit- enfant, qui connaît aussi les
conditions familiales, qui sait ce qui pèse sur
la famille, quels soucis elle a à côté de la mala –
die de leur enfant. »
Les grands-parents n’attendaient pas une
attention particulière de la part de l’équipe
médicale. Au centre était uniquement la rela –
tion avec leur petit-enfant malade et ses pa –
rents.
« Je trouve le médecin assez distant vis-à-vis de
moi. Le p lus imp or tant p our moi c’est comment
il s’occupe de l’enfant et de ma fille, s’il est
dévoué et affectueux. »
Ressources et stratégies de coping des
grands-parents
Les grands-parents puisent leur énergie du
fait d’être là pour leur famille.
« Nous ne pouvons malheureusement pas gué –
rir notre petit-fils mais nous pouvons au moins
soutenir la famille, et cela on le fait avec toutes
nos forces. »
Une ressource importante mentionnée était
un large ancrage social de la famille.
« Voir, comme ma fille et le beau-fils s’en
sortent. Tous ces gens magnifiques qui nous
accompagnent, c’est ce qu’il y a de p lus imp or –
tant et de plus beau. »
La nature de l’enfant conditionnait les émo –
tions des grands-parents. Un enfant vif et gai
leur donnait des forces, un petit-enfant trop
gentil était par contre plus difficile à suppor –
t e r. « Le petit fils nous aide parce qu’il est imperti –
nent. Pour nous c’est mieux que s’il traînait
comme une fleur fanée. Et qu’il en profite. Ainsi
nous réalisons que le petit gars est bien là. »
Les grands-parents sont portés par la
confiance que des succès thérapeutiques
sont possibles.
« C’était un soulagement d’apprendre que la
médecine est en mesure de guérir le 80 -90 % .
Alors je me suis dit, mon petit-fils guérira. »
Pour certains, à côté de la confiance dans les
pr ofes sionnels , la r eligion et la foi jouaient un
rôle.
« Je fais confiance au médecin et à Celui là-
haut. Je prie et je jeûne pour ma petite-fille. Il
faut se lever tôt, avant le lever du soleil, et
toujours faire une offrande, des fleurs, de l’eau
ou des fruits. »
Les rechutes et les complications rendaient
les grands-parents tristes. Ils cherchaient
alors activement des informations qui leur
donnaient à nouveau de l’espoir et ils en ti –
raient l’énergie pour assister la famille. Ils
s’efforçaient de ne pas mêler leurs propres
émotions au quotidien de leur petit-enfant.
« Ne pas montrer devant l’enfant qu’on est
triste, lui donner du courage, lui dire ‹Tu y arri –
veras, nous y arriverons›. Je trouve important
d’avoir une attitude positive et qu’on puisse rire
avec l’enfant. Ne pas penser qu’à soi-même
mais surtout à l’enfant. »
Les grands-parents vivant en couple appa –
raissent plus équilibrés et confiants que les
grands-parents vivant seuls.
« Le petit-fils est toujours ce qu’il y a de plus
important. Nous sommes très fiers de la ma –
nière que nous accomplissons cela ensemble. »
Discussion
Lor s qu ’un p etit- enf ant es t at teint d ’un cancer,
le soutien du petit-enfant et de ses parents
est primordial pour les grands-parents. Pour
ce faire, ils sont prêts à réorganiser leur vie.
En aucun cas ils ne voudraient être un poids
supplémentaire pour la famille. Pour la plupart
il est suf fisant de n’être informés sur la mala –
die que par les parents. Par un bon ancrage
social, les grands-parents ayant participé à
notre étude ne manquaient pas de soutien
pour eux-mêmes. Les grands-parents sont « doublement » tou
–
chés par le cancer de leur petit-enfant car ils
partagent la tristesse de leurs enfants et la
souffrance de leur petit-enfant. Malgré cela
ils se retiennent et mettent le soutien de la
famille au centre de leurs préoccupations.
Moules et al.
9) ,10 ) ont questionné 16 grands-
parents d’un petit-enfant atteint d’un cancer
et comparé la grand-mère à une lionne qui
protège ses petits
10 ).
Les grands-parents ont appris jusqu’où ils
pouvaient/devaient libérer leurs enfants de
certaines tâches sans saper leur rôle de pa –
rents. Les grands-parents de petits-enfants
autistes laissaient aussi certaines tâches
spécifiques aux parents, pour ne pas « s’en
mêler »
11 ). D’après Moules et al. 9) les grands-
parents s’efforçaient d’aider sans déranger :
ils renonçaient au confort, étaient toujours
disponibles et se retiraient lorsque la jeune
famille avait besoin de temps pour elle-même.
Les grands-parents faisaient preuve d’expé –
r ience de v ie et de sér énité et r e connais s aient
que c’es t la jeune f amille qui ét ait touché e par
la plus grande douleur. Youngblut et al.
12 ) re –
lèvent que les grands-parents dont le petit-
enfant était décédé, ressentait moins le dé –
sespoir, la culpabilité, la colère et le détache –
ment et plus le gain en maturité que les
parents. Cela pourrait s’expliquer par le fait
que les grands-parents réussissent effective –
ment à acquérir une certaine distance vis-à-
vis de la maladie et du sort de la famille.
Charlebois et Bouchard
2) par contre ont
conclu que le cancer de leur petit-enfant af –
fectait autant les grands-parents que les pa –
rents. Dans leur enquête, le diagnostic datait
néanmoins de deux mois au maximum, les
réponses pouvant donc être influencées par
le « choc » initial.
Margetts et al.
11 ) ont obser vé que les grands –
parents préféraient le petit-enfant malade à
ses frères et sœurs. Las grands-parents que
nous avons interviewés ont aussi confié avoir
un lien particulier avec le petit-enfant malade.
Ils avaient de la peine à refuser ses désirs : ils
se demandaient, combien de temps ils au –
raient leur petit-enfant encore auprès d’eux.
A lor s que les g r ands – par ent s d ’un p etit- enf ant
autiste craignaient ne pas pouvoir lui expli –
quer la raison d’une interdiction.
Concernant les besoins d’information, nous
avons constaté une grande modestie. Les in –
formations reçues par les parents leur suffi –
32Les gssr2esass nd-
35
Formation continue
saient généralement. Seulement lorsque
ceux- ci étaient hésitants à transmettre les
renseignements reçus, ils ont souhaité des
informations par écrit ou de pouvoir assister
à un entretien avec le médecin. Wakefield et
al.
13 ) ont observé que les grands-parents pa-
ternels ressentaient un grand besoin d’infor –
mations écrites, ce qui a été expliqué par la
plus grande implication directe des grands-
parents maternels. Grand était notamment
l’intérêt à obtenir des éclaircissements sur les
chances de survie et les conséquences pos –
sibles du cancer de leur petit-enfant, les
grands-parents ne voulant pas ennuyer les
parents avec ces questions. Nous avons fait
ces mêmes constatations dans notre étude.
Le soutien des grands-parents par leur entou –
rage social
9) et par d’autres professionnels 2)
a été jugé insuffisant dans d’autres études.
Certains grands-parents souffraient de voir
des amis prendre des distances et se sen –
taient cruellement ignorés par les équipes
soignantes
9). Comme pour les enfants et les
parents, ils souhaitaient de l’aide psycholo –
gique
2). Dans notre étude par contre, les
grands-parents se sentaient soutenus par leur
entourage et estimaient adéquate la focalisa –
tion sur leur petit-enfant et ses parents par
l’équipe soignante. Le partenaire représentait
une r es sour ce imp or t ante, ave c qui gér er des
situations difficiles et partager les émotions
et le deuil.
L a con fiance dans l ’é quip e soig nante et l ’hôpi –
tal, comme nous avons pu l’observer, joue
probablement un rôle important. Ceci est
confirmé par Mack et al.
14 ): les parents men –
tionnaient ressentir une plus grande paix inté –
rieure lorsqu’ils faisaient confiance à l’onco –
logue traitant.
Limitations
Il est possible que par le processus de recru –
tement aient été sélectionnées des familles à
la structure intacte. Les grands-parents psy –
chiquement instables ont éventuellement re –
fusé la participation. Le critère exigeant que
le diagnostic devait dater d’au moins un mois
fait que les grands-parents avaient surmonté
le désespoir initial. Les différences entre les
sexes n’ont pas été examinées. On pourrait se
demander si les grands-mères sont plus for –
tement impliquées que les grands-pères, la
grand-mère étant présente à toutes les inter –
views. Aucun grand-père n’a accepté de par –
ticiper seul. Il est aussi possible que les
grands-pères rechignent à parler de sujets touchant la sphère émotionnelle. Le sur
–
nombre de petits – fils par r appor t au x petites –
filles était involontaire.
Résumé
Le cancer d’un petit-enfant est source de
beaucoup de soucis et de peurs pour les
grands-parents. Grâce à leur expérience de
vie, ils se tiennent comme un « roc » solide
derrière la jeune famille et la soutiennent
émotionnellement. Ils s’orientent aux besoins
des parents et sont les personnes idéales
p our la pr ise en char ge du p etit- enf ant malade
ou de ses frères et sœurs. Il sont souvent
retraités, en bonne santé physique et ont une
relation affectueuse avec leurs petits-enfants.
Il est naturel pour eux que les parents
prennent avec l’équipe médicale les décisions
thérapeutiques importantes. En général il leur
suffit d’être informés sur la maladie de leur
petit-enfant par les parents. Certains sou –
haitent des informations directement par
l’équipe médicale ou pouvoir participer à un
entretien avec le médecin. Certains sou –
haitent pouvoir rencontrer d’autres grands-
parents dans la même situation afin d’échan –
ger et se soutenir mutuellement.
Recommandations pour un soutien
actif des grands-parents
Sur la base de notre enquête nous recomman –
dons qu’un entretien avec les grands-parents
concernés ou un flyer disponible dans le
service d’oncologie comprenne les points
suivants :
D’autres grands-parents ont trouvé utile :
• d’offrir activement de l’aide aux parents,
tout en attendant ensuite qu’ils expriment
leurs souhaits. Les parents nécessitent du
temps p our « s ’habituer » à la nou velle situa –
tion, pour trouver leurs marques et s’orga –
niser. C’est seulement alors qu’ils sauront
pour quelles tâches les grands-parents
peuvent être un soutien.
• de pouvoir planifier ce qui peut l’être et ne
pas être « à disposition », ce qui à la longue
pèse physiquement et émotionnellement.
Si suffisamment de personnes participent
au soutien de la famille, il est possible
d’organiser un « service d’urgence ». Chacun
peut p. ex. assumer un jour de la semaine
et se concentrer sur autre chose ou se re –
poser les autres jours.
• d’informer le médecin de famille sur leur
nouvelle tâche, demander un soutien de sa
part et, si possible, de la part du service
psychologique de l’hôpital.
• de participer en accord avec les parents
aux entretiens avec le médecin traitant.
En outre l’offre d’un « café grands-parents »
deux ou trois fois par année, pour échanger
avec d’autres grands-parents concernés,
pourrait s’avérer utile.
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Correspondance
eva.bergstraesser@ kispi.uzh.ch
Les auteurs n’ont pas déclaré de soutien financier ou
d’autres conflits d’intérêts en relation avec cet ar ticle.
32Les gssr2esass nd-
Informations complémentaires
Auteurs
Lucia Seifert Felix Niggli Eva Bergsträsser