Introduction
Plusieurs agents exogènes, naturels ou chimiques, sont suspectés d’interférer avec le système hormonal, on les appelle ainsi «perturbateurs endocriniens» (PE). Des effets associés à leur exposition, même à faible dose, ont été observés chez l’animal. Cependant, chez l’humain, si les conséquences d’une exposition à de fortes doses de PE sont prouvées, l’effet engendré par de faibles doses présentes dans l’environnement ambiant (air, eau potable, nourriture…) reste peu clair. Cet article a pour but de revoir la littérature scientifique à ce sujet.
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Introduction
Plusieurs agents exogènes, naturels ou
chimiques, sont suspect\bs d’interf\brer avec
le système hormonal, on les appelle ainsi
« perturbateurs endocriniens » (PE). Des effets
associ\bs à leur exposition, même à faible
dose, ont \bt\b observ\bs chez l’animal. Cepen-
dant, chez l’humain, si les cons\bquences
d’une exposition à de fortes doses de PE sont
prouv\bes, l’effet engendr\b par de faibles
doses pr\bsentes dans l’environnement am –
biant (air, eau potable, nourriture…) reste peu
clair. C et ar ticle a p our but de r evoir la lit t\br a –
ture scientifique à ce sujet.
Perturbateurs endocriniens
Définition
Le PE est d\bfini comme l’agent exogène qui
interfère avec la synthèse, la s\bcr\btion, le
transport, le m\btabolisme, la liaison ou l’\bli –
mination des hormones naturelles respon –
sables de l’hom\bostasie, de la reproduction
et du processus de d\bveloppement
1), 2) .
Certains de ces perturbateurs sont des mol\b –
cules naturelles comme les phytohormones,
pr\bsentes dans certaines plantes, d’autres sont
des produits de synthèse nomm\bs en anglais
« Endocrine-Disrupting Chemical (EDC) ».
Classification
Les phy tohor mones p eu vent êtr e clas s\b es en
fonction de leur action hormonale en phyto-
œstrogènes et phyto -androgènes (tableau 1).
Perturbateurs endocriniens chez l’enfant
Th\brèse Bouthors, Michael Hauschild, CHUV Lausanne 1
Les EDC peuvent être class\bs en diff\brents
groupes 3) (tableau 2) .
\bystème de surveillance, de régulation et
d’information des EDC :
Il existe plusieurs organismes de r\bgulation
des substances chimiques.
D’une par t , l ’agence europ \benne ECHA ( Euro –
pean Chemical Agency) ( https://echa.euro-
pa.eu ) r\bpertorie les effets de chaque subs –
tance ; un r\bsum\b est accessible pour tous
sous forme d’ « infocards »:( https://echa.eu-
ropa.eu/documents/10162/22177693/
what_is_an_infocard_en.pdf/4960b3a4-
a84f-461d-926c-b4a683b2f98f ). Des codes
et des pictogrammes sont d\bfinis à cet effet,
indiquant le niveau et le type de risque, no –
tamment en ce qui concerne la fertilit\b.
D’autre part, l’Office F\bd\bral de la Sant\b Pu –
blique suisse (OFSP) est \bgalement un orga –
nisme à vocation de r\bgulation des EDC. Des
informations sur certains produits chimiques
se trouvent sur son site ( https://www.bag.
admin.ch/bag/fr/home/themen/mensch-
gesundheit/chemikalien.html ).
Finalement, l’agence de protection environne –
mentale des Etats-Unis (EPA) ( https://www.
epa.gov/endocrine-disruption/endocrine-
disruptor-screening-program-tier-1-scree –
ning-determinations-and ) et des organisa-
tions non-gouvernementales comme la
SIN-List ( www.sinlist.org) \bvaluent plus
concrètement le risque qu’un produit entre
dans la cat\bgorie des PE.
Cependant le niveau de preuve de l’effet de
chaque produit chimique sur le système endo
–
crinien est encore insuffisant pour \btablir des
recommandations de bonne pratique. Un nou
–
veau système (SYRINA, pour Systematic Re –
v iew and Integ r ate d As ses sment ) a \bt\b prop os\b
r\bcemment dans le but d ’\btablir une lit t\brature
robuste et transparente sur les EDC afin
d’orienter les d\bcisions de sant\b publique
4).
Systèmes endocriniens, perturba –
teurs endocriniens, période des
\b000 jours
Le système endocrinien humain est respon –
sable du contrôle d’un grand nombre de pro –
cessus allant de la diff\brenciation cellulaire
au cours du d\bveloppement embryonnaire à
l’orchestration du d\bveloppement, de la crois –
sance et du fonctionnement de la plupart des
tissus et des organes tout au long de la vie.
Les connaissances actuelles suggèrent que la
p\briode du d\bveloppement embryonnaire,
fœtal et post-natal pr\bcoce (p\briode dite des
1000 jours) est la plus sensible à l’influence
des PE. En effet, plusieurs axes endocriniens
agissent à des moments d\btermin\bs de la
formation et de l’organisation des systèmes
d’organes et des neurones. En outre, des per
–
turbateurs agissant dans les 1000 premiers
jour s de v ie p our r aient mo di fier la pr og r amma
–
tion \bpig\bn\btique et ainsi avoir des cons\b –
quences au long cours 1). Une hypothyroïdie
aura ainsi des cons\bquences plus graves sur
le d\bveloppement organique, avec un risque
de retard mental, si elle se manifeste dans les
premiers mois de vie. Concernant la fertilit\b,
Phyto-œstrogènes Phyto-androgènes
GroupeIsoflavones, lignanes
Quassinoïdes, dérivés du squalène
Action Similarité avec l’œstradiol, interaction avec le
récepteur aux œstrogènes (ER) Similarité avec la testostérone,
interaction avec le récepteur aux androgènes (AR)
Exemples de présence naturelle Noix, soja, haricot vert, graines de lin…
Eur ycoma longifolia (Tongkat Ali), plante de Malaisie
et de l’Indonésie
2)
Recommandations Éviter des préparations au soja chez l’enfant de
la naissance à l’âge de trois ans. Niveau de preuve insuf fisant pour des recomman
–
dations pratiques.
https://www.webmd.com/vitamins/ai/ingredient –
mono-1132/eurycoma-longifolia
Tableau 1 : Classification simplifi\be des phytohormones
1 Unité d’endocrinologie, diabétologie et obésité pédiatrique, Service de Pédiatrie, Département femme-mère-enfant, CHUV, Lausanne
27Plusiuue7luruus ag
27Plusi7er 7esieagrgeniP7eeglges
28
GroupeBiphényles
polychlorés (PCB) Pesticides
organochlorésBrominated flame
retardant (BFR)Dioxines
Perfluoroalkyl et
polyfluoroalkyl
(PFAS)Bisphénols
Phtalates
Exemple
3,3 ′,4,4 ′,5-Pentachlorobi –
phényl (PCB-126) DDT
PBDEs, HBCDDs, TBBPA,
phénols et PBBsTCDD
PFOA, PFOSBPADHEP
Description/
propriété
Résistant aux acides,
bases et à la chaleur.
>200 constituants
La plupar t sont lipophilesPropriétés insecticides
Hautement lipophiles
À haute température,
effet inhibiteurs de
combustion chimique.
Certains sont lipophilesPlus de 400 composés
chimiques de dioxine et
apparentés
LipophilesCer tains sont résistants
aux dégradations
environnementales
Lipophobes et
hydrophobesGroupe de produits
chimiques constitués de
2 phénols reliés par un
pont carboné ou autre
structure chimique
Esther d’acides
phtaliques
Persistance dans
l’environnement
Très persistants
La plupar t sont très
persistantsCer tains sont très
persistantsCer tains sont très
persistantsCertains sont extrême
–
ment persistants Non persistants
Non persistants
Demi-vie dans
l’humain
Très longue
(mois à années)Très longue
(mois à années)Très longue
(mois à années)Très longue
(mois à années)Très longue
(mois à années)Très cour te
(quelques heures)Cour te
(heures à jours)
Utilisation
Electronique, revête
–
ments de sur face,
encres, adhésifs,
ignifuges et peintures Pesticides dans
l’agriculture
(historiquement, utilisés
contre les insectes
vecteurs du typhus et de
la malaria)Plastiques,
applications textiles,
électronique, vêtements,
isolation en bâtiments,
mobilier
Ne sont plus utilisées,
mais se forment lors de la
fabrication d’herbicides
Matériaux d’emballage
alimentaire, ustensiles de
cuisine antiadhésifs,
vêtements imper
–
méables, produits de
nettoyage, peintures,
vernis, mastics, mousses
extinctrices
et produits cosmétiques Production de plastiques
(surtout polycarbonates
et comme durcissant de
plastiques). DVD,
matériel dentaires, boîtes
à déjeuner, électronique,
matériaux de construc
–
tions, film protecteur des
cannettes, garnissage
des conduites d’eau,
papier thermique Plastifiant dans la
production de plastiques.
Produits cosmétiques,
parfums, comprimés,
tubes médicaux,
compléments alimen
–
taires, adhésifs, peinture,
emballages alimentaires,
jouets, matériel de
nettoyage
Exposition
Accumulation dans la chaîne alimentaire (nourriture riche en matières grasses, tels
que produits laitiers, viande, poissons) Accumulation dans la
chaîne alimentaire (sol,
produits laitiers, viande,
fruits de mer)Fruits de mer, consom
–
mation d’eau et
d’aliments en contact
avec les matériaux Ubiquitaire
Ubiquitaire
Production/
régulation
Interdits aux Etats-Unis
depuis 1979 et par la
Convention de Stockholm
sur les Polluants
Organiques Persistants
e n 20 01
Préoccupants par leur
persistance dans
l’environnementLe DDT est interdit aux
Etats- Unis et dans
d’autres pays depuis
1973.
Toujours utilisé dans les
pays touchés par la
malaria.
Interdiction de
l’utilisation de certains
BFR dans l’Union
Européenne
Couver ts par la
Convention de Stockholm
sur les Polluants
Organiques PersistantsDirective européenne en
2006 restreignant la
commercialisation et
l’utilisation des PFOS et
substances apparentésRégulation controversée.
Le BPA est interdit pour
la fabrication des
biberons dans l’union
européenne.
En 2017, production de
5.4 millions de tonnes de
BPA .Cer tains pays ont interdit
l’usage des phtalates
dans les jouets pour
enfants.
5 millions de tonnes de
phtalates sont produits
chaque année
Effets
endocriniens/
Tox i c i t é
Effet oestrogénique,
anti-oestrogénique,
neurotoxique, dioxine-
like (ligand de AR)
Ef fets toxiques variés. Le
p,p’- DDE, dérivé du DDT,
se lie à AR, ef fet
anti-androgéniqueLe PBDE per turbe le
système thyroïdien.
Tératogène, carcinogène,
neurotoxique
Modifications hormonales
(stéroïdes, thyroïde et
reproduction),
immuno-toxicité, effets
neuro-développementaux
Preuve de l’action de
cer tains en tant que
per turbateurs de l’axe
thyroïdien. Interaction
avec PPARInteraction avec l’ER, l’AR
et le ThR
Interaction du métabolite
de DEHP, MEHP, avec
PPAR
Tableau 2 : Classification simplifi\be des EDC d’après Lind et al
3) (
https://doi.org/10.1007/s00125-018-4621-3) )
AH : hydrocarbure aryl, AR : r\bcepteur aux androgènes, BFR : Retardateurs de flamme brom\bs, CAR : r\bcepteur constitutif à l
’androstane, ER : r\bcepteur aux œstrogènes, PBC : biph\bnyles
polychlor\bs, HBCDD : hexabromocyclodod\bcane, MEHP : mono-\bthyl-hexyl-phtalate, PBB : bisph\bnol polybrom\b, PBDE : polybromodiph\bnyl\bther, PFHxS : perfluorohexasulfonate, PFOA : acide
perfluorooctanoïque, PPAR : prolif\brateurs de peroxysomes, PXR : r\bcepetur du pregnane X, TBBPA : t\btrabromobisph\bnol A, ThR : r\bcepteur de l’hormone thyroïdienne
27Plusiuue7luruus ag
27Plusi7er 7esieagrgeniP7eeglges
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la p\briode d’exposition aux produits interf\b –
rant avec les r\bcepteurs aux œstrogènes ou
andr ogènes d\bter mine le t y p e d ’ef fet . C e ci es t
dû au fait que le système de reproduction se
d\bveloppe de manière s\bquentielle au cours
de la vie fœtale, la minipubert\b et la pubert\b.
Ainsi, l’exposition à une même substance,
selon la p \br io de d ’ex p osition, p our r a avoir des
cons\bquences soit sur la diff\brentiation
sexuelle, sur l’initiation et la progression de la
pubert\b ou encore sur la fertilit\b
2).
Perturbateurs endocriniens
et santé
Troubles endocriniens (Figure 1)
Trouble thyroïdien
La thyroïde libère les hormones thyroïdiennes
en r\bponse à la s\bcr\btion de thyr\bostimuline
( TSH ) par l ’hy p ophyse, elle – même se cr \bt\be en
r\bponse à stimulation par l’hormone thyr\bo-
trope (TRH) venant de l’hypothalamus. Les
hormones thyroïdiennes T4 et T3 exercent
ensuite un r\btrocontrôle n\bgatif de la s\bcr\b –
tion de TSH et TRH au ni veau hy p ophys air e et
hypothalamique. Chacun de ces niveaux de
r\bgulation peut être alt\br\b par les PE, par une
action sur la glande thyroïde, les prot\bines de
liaison, le m\btabolisme p\briph\brique ou la
clairance des hormones actives. Par exemple,
les polychlorodibenzo-p-dioxines (PCDD)
(des compos\bs aromatiques tricycliques chlo –
r\bs, appartenant à la famille des dioxines) et
les pesticides pourraient interf\brer avec le
transport des hormones thyroïdiennes. Le
B PA et autr es ph\bnols , ainsi que les pht alates ,
p our r aient agir sur le r \b cepteur des hor mones
thyroïdiennes. Le BPA d\br\bgule \bgalement la
fonction thyroïdienne en augmentant le taux
de T3 et diminuant les taux de T4 et TSH. Des
\btudes longitudinales chez les femmes en –
ceintes ont prou v\b que le t au x de m\bt ab olites
phtaliques urinaires est associ\b à une diminu –
tion de la TSH et une aug ment ation de la T4
5).
D es agent s comme le p er chlor ate ( un concur –
rent de l’iode dans le transport d’iode vers la
glande thyroïde, utilis\bs dans les engrais) et
les thiocyanates (inhibiteur du transport de
l’iode, utilis\b dans l’industrie chimique et
pr\bsents de manière naturelle dans certains
aliments) ont \bt\b par ailleurs associ\bs à une
diminution des taux de T4 libre chez l’ado –
lescent
6).
Cependant, il existe une variation interindivi –
duelle physiologique importante des taux de
TSH et d’hormones thyroïdiennes p\briph\b –
riques, notamment chez le nouveau-n\b et la
femme enceinte. Ainsi des changements mi -neurs induits par les PE sont difficiles à
mettre en \bvidence
7).
Troubles pubertaires
Le type d’effet des PE sur la diff\brentiation
sexuelle pr\bcoce ou le d\bveloppement puber
–
taire est diff\brent selon le sexe, notamment en
r aison de pr ofils hor monau x bien dis tinct s. Nous
savons par exemple que la pubert\b pr\bcoce dite
idiopathique est fr\bquente chez les filles mais
rare chez les garçons, et on observe un rapport
inverse pour les cas de pubert\b tardive
2),8),9) .
Troubles pubertaires chez la fille :
Depuis la fin du XIX
e, l’âge de la m\bnarche,
dans la population g\bn\brale, a diminu\b de
quelques mois (avec une stabilisation ces
dernières ann\bes) ; ce ph\bnomène s’accom
–
pagne d’un d\bveloppement pr\bcoce des ca –
ract\bristiques sexuelles secondaires (l’âge à
la survenue de la th\blarche a avanc\b d’un an).
Le d\bveloppement du tissu mammaire sur
–
vient donc chez des filles plus jeunes et l’inci –
dence de la pubert\b pr\bcoce (PP) semble
augmenter. Bien que des facteurs g\bn\btiques
et l ’aug ment ation de la pr \bvalence du sur p oids
et de l’ob\bsit\b soient probablement en partie
responsables de ces modifications, il faudrait
\bvaluer le rôle des facteurs environnemen
–
taux, comme l’exposition aux PE 9 ) – 11 ) . L a dif f\b –
rence d’\bvolution de l’âge de la th\blarche
(avanc\be d’une ann\be) et de la m\bnarche
(avanc\be de quelques mois) a fait augmenter
la dur\be de la pubert\b. Cela peut indiquer la
pr\bsence d’un effet p\briph\brique de type
œstrogène sans activation centrale concomi
–
tante de l’axe hypothalamo -hypophysaire.
Parmi les PE les plus \btudi\bs, on trouve les
phyto-œstrogènes, et notamment les isofla
–
vones. Des \btudes chez les rongeurs ont mon –
tr\b que l’administration d’isoflavones par voie
alimentaire ou par injection sous-cutan\be
pendant la gestation ou au d\bbut de la vie peut
provoquer une ouverture vaginale pr\bcoce
( \b qui valant à la m\bnar che pr \b co ce ) , une ir r \bgu
–
larit\b des cycles ovariens et une alt\bration de
la s\bcr\btion de la GnRH 12 ) ,13 ) . Chez l’Homme,
une \btude r\bcente men\be dans une cohorte de
367 paires mère-fille de la Avon Longitudinal
Study of Parents and Children (ASLPAC) sug
–
gère que l’exposition in utero aux phyto – œstro –
gènes p eut êtr e as soci\be à un âge plus pr \bcoce
de la m\bnarche, bien que cela diffère selon le
type de phyto – œstrogènes
14 ).
Concernant la th\blarche pr\bcoce isol\be, une
\btude avait obser v\b une \bl\bvation de la bioac
–
tivit\b de l’œstrogène chez des filles avec expo –
sition p\brinatale à des EDC 15 ). Cependant, les
r\bsultats d’autres \btudes cliniques n’ont pas
p er mis de le confir mer, le « timing » pub er t air e
\bt ant influenc\b par de multiples f acteur s env i
–
ronnementaux. Une \btude r\bcente a examin\b
l’influence de l’exposition p\brinatale au bis
–
ph\bnol S (BPS) chez la souris. La conclusion,
d’une part, est que la glande mammaire en
d\bveloppement est sensible à de faibles doses
de plusieurs x\bno-œstrogènes, avec des ef
–
fets se manifestant après la pubert\b, à dis –
tance de l’exposition. D’autre part, ces effets
d\bpendent de la p\briode de d\bveloppement
durant laquelle le sujet est expos\b. Enfin, cette
\btude r\bvèle que le BPS induit des effets du
–
rables sur la glande mammaire pouvant aug –
menter le risque de cancer mammaire chez
l’animal 16 ). C ep endant , il ser ait pr \bmatur \b d ’en
tirer directement des conclusions concernant
l’être-humain. En outre, d\bjà en 2007, Buck et
Cooney ont \bmis le postulat que les facteurs
environnementaux pourraient affecter l’ovaire
en d\bveloppement et l’appareil reproducteur
f\bminin, induisant des changements structu
–
rels et fonctionnels avec la survenue de mani –
festations post-pubertaires, pouvant pr\bdis –
poser les femmes à des maladies complexes
comme le cancer.
Troubles pubertaires chez le gar\bon :
Plusieurs \btudes ont \bt\b men\bes chez les
garçons. Les biph\bnyles polychlor\bs (PCB) ont
notamment \bt\b associ\bs à des diminutions
des concentrations s\briques de testost\brone
et d›autres hormones, ainsi qu›à une r\bduction
de la fertilit\b et des cancers hormono-d\bpen
–
dants. Une \btude a \bt\b men\be chez 438 ado –
lescents issus d’une cohorte des îles F\bro\b,
où l’exposition aux PCB est importante. Cette
\btude montre des concentrations s\briques
plus faibles d’hormone lut\binisante (LH) et de
testost\brone chez les adolescents expos\bs au
PCB, sugg\brant une association entre une
exposition pr\bnatale et un retard pubertaire
d’origine centrale
17 ). Une autre \btude men\be
dans une cohorte en Californie (CHAMACOS)
associe le même effet (diminution de la LH) à
une exposition au DDT in ut\bro
18 ).
Cependant, il reste difficile de prouver une
association entre les troubles pubertaires ou
de fertilit\b chez l’homme et l’environnement
chimique. R\bcemment, un groupe d’experts
n’a pu identifier qu’une faible association
\bpid\bmiologique entre l’infertilit\b masculine
et une exposition aux phtalates, malgr\b une
toxicit\b connue
19 ).
27Plusiuue7luruus ag
27Plusi7er 7esieagrgeniP7eeglges
30
Figure 1 : Principaux glandes et tissus endo –
criniens. Les perturbateurs endocriniens
p eu vent avoir un ef fet sur dif f\br ent s sys tèmes
en raison de leur r\bgulation par les hormones :
l’appareil reproducteur et l’axe gonadotrope,
l ’a xe thy r \b otrop e, le m\bt ab olisme et l ’hom\bos
–
tasie du glucose sous l’influence de l’insuline
D’autres \btudes ont sugg\br\b l’existence d’une
association entre la pr\bsence d’un hypospade
et l’exposition parentale à des EDC. Une expo –
sition parentale \btait plus fr\bquente (exposi –
tion maternelle 19.7% versus 10.3 % , exposi –
tion paternelle 40.1% versus 27.5%) dans le
groupe atteint (n = 408) que dans le groupe
contr ôle ( n = 302 ) ( 20, 21) . D es pr eu ves \bpid\b –
miologiques faibles, malgr\b une toxicit\b \bvi –
dente, ont \bgalement \bt\b identifi\bes pour la
cryptorchidie en lien avec une exposition
pr\bnatale au polybromodiph\bnyl\bther (de la
famille des retardateurs de flamme brom\bs
– BFRs – ).
Obésité et métabolisme
Les expositions aux EDC semblent contribuer
de manière significative à l’ob\bsit\b et au dia –
bète type 2, bien que de manière très mo –
deste par rapport à l’influence de l’alimenta –
tion et de l’activit\b physique
22).
Pour rappel, le contrôle de la sati\bt\b a lieu au
niveau hypothalamique. Une \btude suggère
que le BPA, un ob\bsogène, peut exercer ses
ef fet s g r âce à une mo di fication de la pr og r am –
mation d\bveloppementale du circuit de la
m\blanocortine hypothalamique, modifiant de
façon permanente la neurobiologie de l’ho –
m\bostasie m\btabolique
23 ). Une m\bta-analyse
de 7 cohortes a d\bmontr\b une association entre l’exposition pr\bnatale au DDT et un gain
pond\bral excessif accompagn\b d’une r\bsis
–
tance à l’insuline
24 ). En revanche, dans une
revue r\bcente, l’exposition pr\bnatale aux
phtalates et au BPA ainsi que l’exposition
pendant l’enfance à ces produits n’\btait pas
toujours associ\be à une prise de poids exces –
sive. En outre, une association entre la
consommation de soja (isoflavones) a \bgale –
ment \bt\b associ\be à une prise pond\brale ex –
cessive chez les rats
25). Par ailleurs, la plupart
des \btudes sur les substances perfluoroalky –
liques (PFAS) dans ce contexte ont montr\b
une relation entre l’exposition pr\bnatale aux
PFAS et une prise pond\brale insuffisante
26).
Le rôle de l’exposition aux PE dans l’\bpid\bmie
d’ob\bsit\b reste donc difficile à d\bterminer.
Diabète
La s\bcr\btion d’insuline et la sensibilit\b à l’in –
suline sont les deux principales caract\bris –
tiques d\bterminant la tol\brance au glucose.
La s\bcr\btion de l’insuline par la cellule beta
es t di v is\b e en une pr emièr e phase d y namique
et une phase statique. Les deux phases
semblent affect\bes lors d’une exposition à
des produits toxiques organiques à faible
dose
27). Lind et col. ont r \b cemment publi\b une
revue sur l’impact potentiel des perturbateurs
endocriniens sur le d\bveloppement d’un
trouble de la s\bcr\btion et d’une r\bsistance à
l’insuline
3). Une exposition pr\bnatale à l’acide
perfluorooctanesulfonique (PFOS, de la cat\b –
gorie des Perfluoroalkyl et polyfluoroalkyl,
PFAS) aux phtalates et au BPA a \bgalement
\bt\b associ\be à une diminution de la sensibilit\b
à l’insuline, mais le niveau de preuve reste
faible. Ainsi, le diabète, qu’il soit dû à une in –
suffisance de la s\bcr\btion ou li\b à une r\bsis –
tance p\briph\brique, a \bt\b associ\b à une expo –
sition aux EDC. De nouveau se pose la
question d’une possible programmation de
ces voies m\btaboliques dans les premiers
1000 jours de vie.
Autres systèmes influencés par des EDC
Diff\brentes \btudes ont \bgalement associ\b
l ’ex p osition p \br inat ale au x ED C à des tr oubles
du système immunitaire, de l’appareil cardio-
pulmonair e et du système ner veu x centr al, ou
ont des effets t\bratogènes et canc\brigènes
mais ne font pas l’objet de cette revue.
Diminution de l’exposition aux
perturbateurs endocriniens
Au vu des connaissances acquises ces der –
nières ann\bes, il semble n\bcessaire de dimi –
nuer autant que possible l’exposition à des PE, en particulier chez le fœtus et le nourris
–
son. Des recommandations bas\bes sur des
donn\bes scientifiques sont n\bcessaires.
Après les inqui\btudes soulev\bes au sujet de
la s\bcurit\b du BPA dans les produits de
consommation, de nombreux fabricants ont
commenc\b à le retirer de leurs produits et à
les \btiqueter « s ans B PA ». C e n’es t que r \b cem –
ment que l’on a constat\b que beaucoup de ces
pr o duit s sont f abr iqu\bs ave c d ’autr es bisph\b –
nols , y compr is le bisph\bnol S ( B P S ) , qui a une
structure chimique et des modes d’action si –
milaires au BPA
28 ). Le BPS reste utilis\b dans
les biberons, les papiers de reçus thermiques
et autres produits de papier; il a \bgalement
\bt\b d\btect\b dans les aliments en conserve.
Conclusion
Au cours des dernières ann\bes, des \btudes
ont permis de mieux comprendre les m\bca –
nismes par lesquels certains perturbateurs
endocriniens pourraient exercer des effets
nocifs chez l’enfant, et plus particulièrement
si l’exposition a lieu pendant la vie fœtale ou
dans la petite enfance (durant les premiers
1000 jours de vie), même à faible dose. La
vuln\brabilit\b accrue durant les stades de d\b –
veloppement pr\bcoce ainsi que la possibilit\b
de modifier via des effets \bpig\bn\btiques la
programmation pourrait expliquer l’associa –
tion entre l’exposition aux perturbateurs en –
docriniens et certains troubles syst\bmiques à
l’âge adulte. Cependant, il reste, dans un
contexte environnemental complexe, très
difficile de d\bmontrer l’impact d’un EDC sp\b –
cifique chez l’humain. En respectant le prin –
cipe de pr\bcaution, il nous semble qu’une
r\bgulation de l’utilisation des EDC dans les
produits industriels est n\bcessaire. Afin d’ap –
puyer les d\bcisions de sant\b publique re –
quises, de nouvelles \btudes doivent être me –
n\bes pour consolider les donn\bes scientifiques
dans ce domaine.
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Correspondance
Michael Hauschild
Unit\b d’endocrinologie, diab\btologie et
ob\bsit\b p\bdiatrique
Service de P\bdiatrie
D\bpartement femme-mère-enfant,
CHUV, Lausanne
michael.hauschild @ chuv.ch
Les auteurs n’ont pas déclaré de soutien financier ou
d’autres conflits d’intérêts en relation avec cet ar ticle.
27Plusiuue7luruus ag
27Plusi7er 7esieagrgeniP7eeglges
Informations complémentaires
Auteurs
Thérèse Bouthors Michael Hauschild