Des jeunes enfants abandonnés de longues heures devant les écrans souffrent de graves retards dans leurs apprentissages et leur socialisation. Ces symptômes sont heureusement rapidement régressifs si l’enfant est socialisé dans un environnement interactif. Les mots «autisme» et «addiction», parfois employés pour désigner ces phénomènes, ont été récusés par la communauté scientifique1), mais de telles observations n’en sont pas moins préoccupantes. Et même si elles ne concernaient qu’un nombre limité d’enfants, elles devraient continuer à nous interroger. D’autant plus que la fréquentation des écrans avant deux ans semble perturber gravement le cycle de la mélatonine, et donc les capacités réparatrices du sommeil, avec des conséquences encore mal connues. Les pédiatres ont un rôle majeur à jouer dans la prévention des effets délétères de la surconsommation d’écrans. Ils ont en effet la confiance des parents et ils peuvent être de puissants relais éducatifs.
9
Des jeunes enfants abandonnés de longues
heures devant les écrans souffrent de graves
retards dans leurs apprentissages et leur socia
\b
lisation. Ces symptômes sont heureusement
rapidement régressifs si l’enfant est socialisé
dans un environnement interactif. Les mots
« autisme » et « addiction », parfois employés
pour désigner ces phénomènes, ont été récu
\b
sés par la communauté scientifique 1), mais de
telles observations n’en sont pas moins préoc
\b
cupantes. Et même si elles ne concernaient
qu’un nombre limité d’enfants, elles devraient
continuer à nous interroger. D’autant plus que
la fréquentation des écrans avant deux ans
semble perturber gravement le cycle de la
mélatonine, et donc les capacités réparatrices
du sommeil, avec des conséquences encore
mal connues. Les pédiatres ont un rôle majeur
à jouer dans la prévention des effets délétères
de la surconsommation d’écrans. Ils ont en ef
\b
fet la confiance des parents et ils peuvent être
de puissants relais éducatifs.
Des cris d’alarme répétés
Quelles que soient les formidables opportuni \b
tés que les écrans peuvent offrir après six
ans, les chercheurs ne cessent d’alerter de \b
puis plus de di x ans sur leur s danger s p our les
enfants les plus jeunes
2). Prenons une com \b
paraison. Quel parent mettrait un saladier de
crème au chocolat sur la table basse de son
salon avec une cuillère à côté pour que son
bébé puisse se servir quand il en a envie ?
Aucun bien sûr ! Et pourtant, c’est exactement
la même chose que font les parents qui
laissent une télévision allumée et une télé \b
commande à disp osition dans une piè ce où se
tr ou ve un jeune enf ant ! Et c’es t aus si la même
chose avec les tablettes et les smartphones.
Le risque d’un usage excessif de ces outils est
d’autant plus grand qu’ils proposent à notre
attention des produits aussi attractifs pour
notre cer veau que le sont les barres chocola \b
tées et les sodas pour notre palais. Les pro \b
grammes prétendument adaptés aux jeunes
enfants ne sont pas « trop gras, trop salés,
trop sucr és », p our r epr endr e les ter mes d ’une
campagne nationale menée en France en fa \b
veur d’une alimentation équilibrée, mais « trop
colorés, trop émouvants, trop mouvementés ».
La lutte contre les abus d’écrans :
les pédiatres en première ligne
Serge Tisseron, Psychiatre, Docteur en psychologie, Paris
Au risque de faire perdre à ceux qui les re\b
gardent le goût des rythmes lents, des
mondes nuancés et du plaisir d ’êtr e seul ave c
soi\bmême. Mais le plus grave est qu’ils les
détournent aussi d’apprentissages cognitifs,
manuels et relationnels essentiels, avec des
conséquences graves à la fois sur leur déve \b
loppement cognitif et leurs compétences so \b
ciales.
Après des premières études centrées sur la
prise de poids et l’accroissement du risque
d ’ob ésité
3), les chercheurs se sont rapide \b
ment concentrés sur les conséquences des
écrans sur les apprentissages et la sociabilité.
Chaque heure passée par un jeune enfant
devant un écran lui est volée sur ces acquisi \b
tions légitimes, et les conséquences s’en font
sentir bien au\b delà des premières années.
Les dangers des écrans pour les
jeunes enfants
Pour un enfant de moins de 24 mois, il est
impossible de parler de programmes « adap \b
tés ». Seul compte le nombre d’heures pas \b
sées devant l’écran, qui se fait toujours au
détriment d’activités essentielles à cet âge.
L’acquisition du langage
Non seulement la télévision et les DVD n’ac \b
croissent pas la capacité linguistique des
enfants qui les regardent, mais ils ralentissent
au contraire leurs apprentissages
4). Le fait
que les programmes dits « adaptés » n’aient
pas plus d’effets positifs sur l’acquisition du
langage que les autres est lié au fait que ces
programmes ne s’adaptent jamais à l’état
psychologique du bébé. La télé ne lui parle
jamais, parce que la télé, c’est personne.
Les capacités d’attention et de
concentration
La télévision nuit au développement des capa \b
cités d’attention et de concentration d’un
enf ant s ’il joue dans une piè ce où elle es t allu \b
mée, et cela même s’il ne la regarde pas
5).
C omment es t\b ce p os sible ? D e la même f açon
que nous apprenons à nager en nageant et à
conduire un véhicule en conduisant, le bébé
apprend à se concentrer en se concentrant. Plus il est sécurisé dans une ambiance calme,
et plus ses périodes spontanées de jeu sont
longues, et il a été montré que cela est un
excellent indicateur de ses capacités d’atten
\b
tion et de concentration ultérieures. Au
contraire, plus ses périodes de jeu sont ré \b
duites par un environnement qui le dérange,
et plus cela laisse présager de difficultés de
concentration et d’attention ultérieures. Et
c’est évidemment le cas quand le bébé est
dans une pièce où un écran fonctionne !
C es r ésult at s ont été lar gement confir més par
les études de Linda Pagani. Ce professeur à
l’Université de l’École de psychoéducation de
Montr éal a en ef fet lancé en 1997 la pr emièr e
étude longitudinale sur les conséquences à
long terme de la consommation télévisuelle
précoce du jeune enfant (en 1997, il n’y avait
ni tablettes, ni smartphones). En 2010, elle a
montr é que chez les enf ant s ayant pas sé plus
d’une heure par jour devant le petit écran à
l’âge de débuter la marche, il existe à 10 ans
non seulement un risque d’obésité accrue,
mais aus si une bais se de l ’intér êt en clas se et
une diminution des habiletés mathématiques,
que l’auteur met en lien avec une moindre
capacité d’attention et de concentration
6).
Ces enfants étaient globalement moins auto \b
nomes, moins persévérants et moins habiles
socialement.
Le rapport au temps
Bien que cela n’ait pas fait l’objet d’études au
même titre que les précédents domaines
évoqués, il est impossible d’ignorer les effets
des écrans précoces sur la construction du
rapport au temps. Lorsque l’enfant gribouille,
empile des cubes, ou déplace un jouet, il dé \b
couvre en effet en même temps sa capacité
à modifier le monde et le fait que cette modi \b
fication est irréversible. Mais lorsque nous
regardons la télévision ou un DVD, chaque
instant se suffit à lui\bmême, rempli de cou \b
leurs, de mouvements et d’émotions. Du
coup, nous ne sommes à aucun moment en \b
clins à nous sou venir de ce que nous avons v u
auparavant pour comprendre ce que nous
sommes en train d’y voir. Quant aux logiciels
installés sur les tablettes, ils immergent plus
encore les jeunes enfants dans un monde de
réversibilité permanente et totale, puisqu’il
est possible de revenir en arrière et de faire
réapparaître ce qu’on vient d’effacer. D’où
évidemment une difficulté à concevoir l’irré \b
versibilité des actions, et le risque d’une mini \b
misation des conséquences des comporte \b
ments
7).
9Des ju nDs f jatb
9Des juDnfaDnjuntbfbndueDnnbsbnj
10
Cette a ffic h e p eut ê tr e té lé ch arg ée s u r h ttp :/ /3 -6 -9 -\b 2 .o rg / o u h ttp :/ /s e rg etis se ro n.c o m
3 6 9 12 – —
A ppriv o is e r
l e s écra n s
e tg ra n d ir
A va n t 3 a n s
L’en fa nt a b esoin
d e d écou vrir
a vec vous s es
s en sor ialités ,
et se s r ep ères
\b e 6 à 9 an s
L’en fa nt a b esoin
d e décou vrir
le s r èg les
d u \beu socia l
Aprè s 1 2 an s
Il s ’affr a nch it
d e plu s en plus
d es r ep ères
f a milia ux \b e 3 à 6 an s
L’en fa nt a b esoin
d e décou vrir s es
d on s s en sor iels
et ma nuels
\b e 9 à 1 2 an s
L’en fa nt a b esoin
d ’exp lorer
la comp lexité
d u mon de
J’a i im ag in é e n 2 008 le s r e père s « 3 -6 -9 -1 2 » c o m me u ne fa ço n d e r é pond re a u x
q ue stio ns le s plu s p re ssa n te s d es p are nts e td es p édag ogue s. S erg e T is se ro n
” “
Lim it e z
l e s écra n s,
p arta g ez-le s,
p arle z-e n
e n fa m ille A
ppre ne z-lu i
à se p ro té ger
e t à p ro té ger
s e s éch an g es
C
ré ez a ve c
l e s écra n s,
e xp liq ue z-lu i
I n te rn e t R
este z
d is p onib le s,
i l a e nco re
b eso in
d e v o us ! Jo ue z,
p arle z,
a rrê te z la té lé
3 -6 -9 -1 2 . A ppriv o is e r le s écra n s e t gra n d ir , Ed . é rè s
La perte \b d’agentivité »
La télévision rend passif. Dans l’étude de
Linda Pagani
8), chaque heure de télévision
quotidienne en plus entre deux et trois ans
augmente de 10 % le risque d’être constitué
en v ictime ou en b ouc émis sair e par les cama \b
r ades de clas se à l ’âge de di x ans. En ef fet , un
enf ant qui se p er çoit comme un sp e ct ateur du
monde plutôt que comme un acteur capable
d’influencer les situations est moins enclin à
répondre à des agressions qu’il subit. Les
ag r es seur s le r ep èr ent v ite, et ils aug mentent
progressivement la gravité de leurs violences
à son égard jusqu’à le constituer en bouc
émissaire. Ce phénomène est souvent peu
perçu par les enseignants qui ont l’impression
que les enfants gros consommateurs de télé \b
vision seraient les plus agressifs. En réalité,
ces enfants sont à la fois plus souvent agres \b
sés et plus souvent agresseurs que la
moyenne. C’est ce qu’a montré la dernière
publication de Linda Pagani.
Les dangers sur la construction de
l’empathie
En 2016, cet auteur a publié les résultats de
son étude sur les conséquences de la
consommation télévisuelle entre deux et trois
ans sur les compétences sociales à l’âge de
13 ans
9). Pour cela , elle a évalué les dif ficultés
relationnelles auto\bdéclarées des adolescents
de son échantillon dans quatre domaines : la
tendance à la victimisation, l’isolement social,
la tendance à des agressions proactives
(c’est\bà\bdire tournées vers des enfants dont
ils n’avaient pas eu à souffrir eux\bmêmes
d ’ag r es sion ) et en fin les comp or tement s anti \b
sociaux. Son étude montre que le fait d’avoir
eu une consommation télévisuelle importante
à l’âge de deux ans et demi accroît, à 13 ans,
le risque de victimisation et d’isolement so \b
cial, et favorise l’adoption d’un comportement
violent et antisocial envers les autres élèves.
Autrement dit, la victimisation et l’agression
ne s’excluent pas, mais constituent les deux
facettes complémentaires d’un défaut dans la
construction de l’empathie. Les premières
années de la vie constituent en effet un mo \b
ment particulièrement critique dans le déve \b
loppement des zones du cerveau impliquées
dans l’autorégulation de l’intelligence émo \b
tionnelle. C ’es t à cet âge que l ’enf ant appr end
à constituer le visage de l’autre comme sup \b
port de construction émotionnelle partagée.
Or chaque heure passée devant un écran est
perdue pour un échange en face à face avec
un adulte ou un autre enfant. Et cela est
d’autant plus grave que dans la petite en \bfance, le nombre d’heures de veille dans une
journée est limité.
Ainsi, plus les enfants passent de temps devant
les écrans et moins ils en ont pour les jeux
créatifs, les activités interactives et d’autres
expériences cognitives sociales fondamen
\b
tales. Des compétences telles que le partage,
l ’appr é ciation et le r esp e ct des autr es , qui sont
des acquisitions enracinées dans la petite en
\b
fance, s’en trouvent menacées. L’adolescent
antisocial qui fuit la relation pour se réfugier
dans des pratiques d’écran répétitives et sté
\b
riles est moins coupable d’abus que bien sou \b
vent victime d’une immersion trop précoce et
trop massive dans les écrans.
Trois principes éducatifs déclinés
pour c\baque tranc\be d’âge
Trois principes doivent guider les parents
soucieux d’un bon environnement éducatif :
l’alternance qui consiste à encourager la di
\b
versité des activités, avec et sans écrans, en
privilégiant la création sur la seule consom \b
mation ; l’accompagnement qui implique no \b
t amment de par ler avec l ’enf ant de ce qu’il f ait
et voit sur les écrans ; et enfin l’éducation à
l’autorégulation, notamment en nommant les
temps d’écran et en encourageant l’enfant à
toujours associer ses consommations d’écran
à une durée.
9Des ju nDs f jatb
9Des juDnfaDnjuntbfbndueDnnbsbnj
11
Diffu son s cette a ffic he.
C ’e st t o us e nse m ble q ue n o us m odif ie ro ns n o tr e re la tio n a u x \b cra n s.
R ejo ig ne z n o us s u r h ttp :/ /3 -6 -9 -1 2 .o rg
A va n t 3 a n s
Jou er a vec
votre enfa n t est
la meilleu re façon
de fa voriser son
d\bveloppemen t.
Je p ré fè re
le shis to ires lu es
e nse mb le p lutô t
q ue le s
D VD,
e tle s DVD plu tô t que l\b TV.
L \b té lévis ion
\b llu mé e n uit \b ux
\b p pre ntis s\b g es
d e vo tre e nf\b n t
mê me s’il ne
l\b re g\brd e p \bs.
J \b m\b is d e té lé
d\bn s l\b ch \bmb re .
L e s o utils
n umé riques,
c ’e st to ujo urs
\b cco mp \bg né,
p our le seul p l\bisir
d e jo uer e nse mb le.
De 3 à 6 an s
Je f ixe des rè gle s
c l\b ires s ur le s
temp s d ’écr\b n.
J e r esp ecte le s
â g es in diq ués p our
le spro gr\b mme s.
L \b t \bb le tte ,
l\b télévis ion
e tl’o rd in \bte ur,
c ’e st d \bn s
le s\blo n, p \bs
d \bn s l\b ch \bmb re .
J ’in terd is le s o utils
n umé riques
p end \bn t le re p \bs
e t\bv\b nt le so mme il.
J e n e le sutilis e
j\b m\b is p our c \blme r
mon e nf\b n t.
J o uer à plusie urs ,
c ’e st mie ux
q ue se ul.
D e 6 à 9 an s
Je f ixe des rè gle s
c l\b ires s ur le temp s
d ’é cr\b ns, e t je p\brle
\b ve c lu i d e c e q u’il
y vo it et f\bit.
L \b t \bb le tte ,
l\b télévis ion
e tl’o rd in \bte ur,
c ’e st d \bn s
le s\blo n, p \bs
d \bn s l\b ch \bmb re .
J e p \br\b mè tre
l\b co nso le d e je ux.
J e p \brle du d ro it
à l’in timité , du d ro it
à l’im\b ge, e t
d es 3 prin cip es
d ’In tern et :
1) Tout c e q ue l’ on
y me t peut to mber
d \bn s le dom\b ine
p ub lic ;
2) Tout c e q ue l’ on
y me t y r este r\b
é te rn elle me nt ;
3) Il n e f \bu t p \bs
c ro ire to ut c e q ue
l’ o n y tr ouve .
De 9 à 12 an s
Je d éte rmin e \b ve c
mo n e nf\b n t l’â ge
à p\brtir d uq uel
il \bu r\b son
té lépho ne mo bile .
Il \b le dro it d ’\blle r
s u r In te rn et,
je d écid e
s i c ’e st se ul o u
\bcco mp \bg né.
J e d écid e \b ve c
lu id u te mp s q u’il
c o ns\b cre \b ux
d iffé re nts é cr\b ns.
J e p \brle \bve c lu i
d e ce qu’il y vo it
etf\b it.
J e lu i r\b ppelle
le s3 prin cip es
d ’In tern et.
A prè s 1 2 an s
Mo n e nf\b n t « surfe »
s e ul s ur l\b toile,
m\b isje fixe \bve c
lu id es ho r\b ires
à re sp ecte r.
No us p \brlo ns
e nse mb le
d u té léch \brg eme nt,
d es pl\b gi\b ts,
d e l\b porn ogr\b phie
etd u h\brc è le me nt.
L \b n uit, n ous
c o up ons le
W IF I e tn o us é teigno nsle smo bile s.
J e r efu se d ’être s on
« \b mi » sur F \bce b ook.
, d es \b cra n s a d ap t\b s à c h aq ue â g e
À t o ut â g e,
c h o is is so ns e nse m ble le s p ro gra m mes,
l im it o ns le t e m ps d ’\b cra n , in vit o ns le s e nfa n ts
à parle r d e c e q u’ils o nt v u o u f a it ,
e nco ura g eons le urs c r\b atio ns.
3 6 9 12 – —
C’est ce que conseille la campagne des « ba \b
lises 3\b6\b9\b12 » 10 ). Elle es t p our cela cons tr uite
autour de quatre conseils valables à tout âge
que les pédiatres peuvent relayer : choisir
ensemble des programmes de qualité ; limiter
le temps d’écrans ; parler avec l’enfant de ce
qu’il fait et voit sur les écrans ; encourager ses
pratiques de créations.
Avant 3 ans : Jouons, parlons, arrêtons la
télé
Entre la naissance et 3 ans, l’enfant a besoin
de cons tr uir e son r app or t à la sensor ialité, au
langage, de développer sa motricité, d’inté \b
grer le caractère irréversible du temps et de
constr uir e le v isage de l ’autr e comme supp or t de communication affective partagée. Ne
laissons alors jamais un enfant devant un
écran, ou dans une pièce où un écran est al
\b
lumé. Mais cela n’empêche pas de jouer de
temps en temps ave c lui en utilis ant une appli
amus ante, mais c’es t sur une p ér io de év idem \b
ment courte, et toujours en usage accompa \b
gné.
De 3 à 6 ans : limitons les écrans,
partageons-les, parlons en famille
A cet âge, l’enfant renforce ses acquisitions
et commence son apprentissage de l’autoré \b
gulation. Les limites imposées au temps
d’écran doivent en faire partie : de
1/2H à 3 ans
à 1H maximum par jour à 6 ans. Les écrans doivent être dans une pièce commune. Evi
\b
tons aussi de les utiliser le soir (les LED per \b
turbent les rythmes de sommeil), à table ou
pour calmer l’enfant. Le slogan « pas de
console personnelle avant 6 ans », lancé en
2008 dans le cadre de la campagne « 3\b6\b9\b
12 », signifie ne pas offrir avant 6 ans d’outil
numérique personnel à l’enfant, car cela rend
quasiment impossible sa régulation. Les outils
numériques doivent être familiaux. Il est éga \b
lement important de fixer une tranche horaire
quotidienne à l’enfant afin de l’habituer à as \b
socier les écrans à une durée. Et n’utilisons
jamais les outils numériques pour calmer
l’enfant, ou le récompenser. Enfin, n’oublions
pas d’encourager les activités physiques et de
création manuelle comme le pliage, le décou \b
page, le collage, la cuisine, le bricolage…
De 6 à 9 ans : créons avec les écrans,
expliquons-lui Internet
De 6 à 9 ans, c’est l’apprentissage des règles
du jeu social. Il existe de nombreux outils de
création numérique disponibles qui peuvent y
contribuer : photographie numérique, Scratch,
logiciels de Stop Movie. Invitons l’enfant à
créer avec les écrans. Commençons aussi à
discuter de l’âge où il aura son premier télé \b
phone mobile et fixer des règles familiales
r esp ectées par tous , not amment pas p endant
les repas et pas la nuit. Chaque chambre doit
être munie d’un réveil !
De 9 à 12 ans : apprenons-lui à se
protéger et à protéger ses échanges
Encourageons l’enfant à gérer son temps
d’écran distractif, qui passe progressivement
de 1H à 2H par jour, en l’invitant à utiliser un
« car net du temps d ’écr an ». Par lons aus si ave c
lui de ce qu’il voit et fait avec les écrans. Et
expliquons\blui les 3 règles d’Internet : tout ce
qu’on y met peut tomber dans le domaine
public, tout ce qu’on y met y restera éternel \b
lement , et il ne f aut pas for cément cr oir e tout
ce que l’on y trouve.
Après 12 ans : Restons disponibles
L’enfant cherche ses repères de plus en plus
en dehors de sa famille, mais il a encore be \b
soin de l’attention affectueuse de ses parents,
même s’il fait tout pour leur faire croire le
contraire !
Les télép\bones mobiles, réguler à
tout âge
Plusieurs études indiquent que l’utilisation
des réseaux sociaux par les adolescents est
plutôt bénéfique
11 ). Elle augmente le senti \b
9Des ju nDs f jatb
9Des juDnfaDnjuntbfbndueDnnbsbnj
12
ment d’être en lien avec les camarades 12 ),
réduit la sensation d’isolement 13 ) et favorise
les amitiés existantes. Son usage patholo \b
gique correspondrait à une fuite face à une
situation réelle vécue comme insurmon \b
table
14 ). Dans ces situations, une réduction
contr ainte du temps d ’é cr an a p eu de chances
de réussir. L’important est de comprendre le
problème sous\bjacent.
Par précaution, conseillons toutefois aux pa \b
rents de retarder le plus longtemps possible
le moment d’en acheter un à leur enfant, de
préférer un appareil aux fonctions limitées –
téléphone à clapet sans Internet ni écran
tactile –, et d’installer une application qui li \b
mite le temps qu’il peut passer dessus.
Conseillons\bleur aussi de faire passer la
communication avec leurs enfants avant l’uti \b
lisation de leur propre téléphone mobile ! En
France, en 2017, 26 % de la tranche d’âge des
12 à 14 ans trouvent que leurs parents uti \b
lisent trop leur téléphone
15 ). Que diraient\bils
si à un ou deux ans, ils pouvaient parler ? Les
règles de bon usage du mobile ne sont effi \b
caces que si les parents donnent le bon
exemple. Incitons\bles alors à utiliser leurs
propres appareils technologiques de manière
ciblée, pour des activités précises et non par
ennui, et à ne pas manger devant les écrans.
En conclusion
Les pédiatres doivent prendre l’habitude
d’évoquer avec les parents, lors de chaque
entretien, la place des écrans dans la famille.
La place physique d’abord : où sont\bils, l’en \b
fant y a\bt\bil un libre accès ? La place dans
l’emploi du temps ensuite : combien de temps
l’enfant passe\bt\bil par jour à les regarder ? Et
enfin la place dans les échanges familiaux : le
r epas du soir est\b il pr is sans télév ision, ni télé \b
phone mobile, ni smartphone, pour en faire
un moment convivial ?
Cela fera évoluer certains, pas tous, hélas.
Dans certains foyers, si la télévision est allu \b
mée en permanence, ce n’est pas pour l’en \b
fant qu’on l’allume. C’est le moyen pour les
adultes d’oublier leurs difficultés quoti \b
diennes, la souffrance au travail, la solitude
au domicile et l’angoisse des fins de mois.
L’enfant, lui, est un dommage collatéral. Es \b
sayons quand même. À oublier que les écrans
sont un problème de santé publique dès la
naissance, nous risquerions de laisser s’ins \b
t aller des situations bien plus dif ficiles à gér er
plus tard. Le combat pour les bébés d’au \b
jourd’hui est un combat pour la société de
demain.
References
1) Tribune signee par 17 associations de profession –
nels du soin, de la prévention, et de chercheurs
spécialisés dans le champ de la petite enfance, de
l’enfance, de l’autisme et de l’addiction, publiée
dans le journal Le Monde le 18 février 2018 ( h t t p : //
cerep-phymentin.org/Association/Whats_
up/3461 )
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bébés, Non au formatage des cerveaux, Toulouse,
éres, 2018.
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sion Viewing and Television in Bedroom Associated
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Children », in Pediatrics, 2002, 109; 1028-1035.
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vision viewing and cognitive outcomes: a longitudi –
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background television on the toy play behavior of
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town University, 2008, 79 (4):1137-51.
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toddlerhood and later self-reported social impair –
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cine, Page 1 of 9. © Cambridge University Press,
2016 .
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et grandir, Toulouse, éres, 2017.
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9) L. S. Pagani, F. Lévesque-Seck and C. Fitzpatrick,
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toddlerhood and later self-reported social impair –
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cohor t born in 1997/1998 », Psychological Medi –
cine, Page 1 of 9. © Cambridge University Press,
2016 .
10) https://www.3-6-9-12.org/
11) Brochure publiée en décembre 2017 par l’UNICEF,
intitulée « Les enfants dans un monde numérique »
( p a g e 11 6 ) .
12) Spies Shapiro, Laura A., et Gayla Margolin,
« Growing up Wired_:_Social networking sites and
adolescent psychosocial development_ » (Grandir
connecté_: sites de réseaux sociaux et développe –
ment psychosocial de l’adolescent), Clinical Child
and Family Psychology Review, vol. 17, no 1, 2014,
p . 1 –1 8 .
13) Teppers, Eveline, et al., « Loneliness and Facebook
Motives in Adolescents_:_A longitudinal inquiry
into directionality of ef fect_ » (Solitude et motiva –
tions pour utiliser Facebook chez l’adolescent_:
enquête longitudinale sur la directivité de l’effet),
Journal of Adolescence, vol._37, no_5, juillet 2014,
p._691–699.
14) Grif fiths, Mark D., et al., « Working towards an Inter –
national Consensus on Criteria for Assessing Inter –
net Gaming Disorder : A critical commentar y on
Petr y et al._ » (Trouver un consensus international
sur les critères d’évaluation des troubles liés aux
jeux en ligne : commentaire critique de Petr y et al.),
Addiction, vol._111, no_1, janvier 2016, p._167–175.
15) Tech observatory, Observatoire des pratiques
mobiles, CSA Research , Sondage réalisé entre le
20 et le 30 juillet 2017 sur un échantillon de 201
français âgés de 12 à 14 ans. Edition 2017: focus
sur les 12-14 ans.
Correspondance
serge.tisseron @gmail.com
L’auteur n’a pas déclaré de soutien financier ou d’autres
conflits d’intérêts en relation avec cet ar ticle.
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