Il est possible, chez l’enfant, de différencier entre céphalées primaires et secondaires à partir de l’anamnèse et de l’examen clinique. Parmi les céphalées primaires, nous trouvons en première ligne les différentes formes de migraine avec ou sans aura) et les céphalées tensionnelles. La limite entre ces deux formes n’est pourtant pas nette. Nausée et vomissements pendant les épisodes parlent plutôt en faveur d’une migraine dont l’aura a une relation temporelle avec les douleurs et ne dure en principe pas plus d’une heure. Lors de céphalées primaires, l’imagerie, l’EEG et autres examens de laboratoire sont inutiles. Le traitement vise à soulager les accès douloureux aigus p.ex. par des AINS ou, pour les migraines à partir de l’âge de 12 ans, par des triptans. Si les accès sévères dépassent deux épisodes par mois, on envisage un traitement prophylactique (p.ex. par un anticalcique, un bêta-blocant ou un anti-épileptique). On peut y associer une thérapie comportementale ou de relaxation.
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Résumé
Il est possible, chez l’enfant, de différencier
entre céphalées primaires et secondaires
à partir de l’anamnèse et de l’examen cli –
nique. Parmi les céphalées primaires, nous
trouvons en première ligne les différentes
formes de migraine (avec ou sans aura) et
les céphalées tensionnelles. La limite entre
ces deux formes n’est pourtant pas nette.
Nausée et vomissements pendant les épi –
sodes parlent plutôt en faveur d’une migraine
dont l’aura a une relation temporelle avec
les douleurs et ne dure en principe pas plus
d’une heure. Lors de céphalées primaires,
l’imagerie, l’EEG et autres examens de labo –
ratoire sont inutiles.
Le traitement vise à soulager les accès dou –
loureux aigus p.ex. par des AINS ou, pour les
migraines à partir de l’âge de 12 ans, par des
triptans. Si les accès sévères dépassent deux
épisodes par mois, on envisage un traitement
prophylactique (p.ex. par un anticalcique, un
bêta-blocant ou un anti-épileptique). On peut
y associer une thérapie comportementale ou
de relaxation.
1) Introduction
Environ 5–8% des enfants en âge scolaire se
plaignent de maux de tête, perturbant du moins
partiellement leurs activités. L’International
Headache Society IHS 1) différencie entre
céphalées primaires et secondaires (symp –
tomatiques) ( tableau 1 ). Parmi les formes
primaires, nous trouvons durant l’enfance en
première ligne les migraines et les céphalées
tensionnelles, alors qu’on ne rencontre que
rarement des patients souffrant de «cluster
headache» ou autres douleurs dépendantes
du trijumeau. On trouve aussi des formes de
migraine particulières (p.ex. hémiplégiques).
Certains syndromes périodiques (p.ex. les vo –
missements cycliques), apparaissant surtout
à l’âge préscolaire, sont considérés comme
faisant partie des migraines.
Nous ne pouvons diagnostiquer les cé –
phalées par des examens de laboratoire:
une anamnèse précise reste l’élément dia –
gnostique le plus important. Les questions
suivantes sont à préciser:
● âge lors de l’apparition des céphalées
● fréquence et durée des crises (évent. à
l’aide d’un protocole)
● heure à laquelle les crises se manifestent
● mode d’apparition (durée jusqu’à l’acmé,
symptômes précurseurs, aura)
● localisation, qualité (céphalées pulsa –
tiles? sensation de pesanteur?), durée
et évolution de la douleur
● symptômes associés (gastro-intesti –
naux, photophobie, phonophobie, défi –
cits neurologiques, vertige)
● facteurs aggravant ou soulageant la
douleur
● conditions dans lesquelles les douleurs
apparaissent
● symptômes dans l’intervalle
Il faut également chercher des facteurs
déclenchant ou permettant d’améliorer la
douleur ainsi qu’un mal de voyage souvent
associé.
Une étude de Rossi et al 2) a néanmoins
mis en évidence que chez l’enfant peu de
facteurs déclenchants sont significatifs.
Sont mentionnés le plus souvent la fatigue
scolaire, le stress et également par 20–30%
des patients les voyages en voiture, un en –
tourage bru yant ainsi que le fait d’être assis
devant un ordinateur ou devant la TV.
Dans cette revue seront discutées les cé –
phalées primaires en incluant également
les autres formes dans le diagnostic dif –
férentiel. Nous ferons quelques réflexions
physiopathologiques, dans la mesure où
elles ont un intérêt pour le traitement.
2) Migraine de l’enfant
Pour pouvoir poser le diagnostic d’une
migraine sans aura , selon la classification
internationale, l’anamnèse doit relever au
moins cinq épisodes de maux de tête avec
des intervalles libres. La durée devrait se
situer entre 30 minutes et 72 heures, la
douleur devrait remplir au moins deux des
critères suivants 2), 3), 4), 5) :
● unilatérale ou bilatérale (généralement
fronto-temporale, pas occipitale)
● pulsatile
● d’intensité variable (moyenne à forte)
● augmente par l’effort physique
et pendant la crise douloureuse devrait être
présent au moins un des critères suivants:
Les céphalées primaires de l’enfant:
diagnostic et traitement
Jürg Lütschg, Bâle
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Tableau 1: Structure de la classification 2004 de la «International Headache Society» (IHS)
Céphalées primaires 1. Migraine
2. Céphalées du type tensionnel
3. Céphalées du type cluster et autres céphalées
trigémino-autonomes
4. Autres céphalées primaires
Céphalées secondaires 5. Traumatisme crânien ou de la colonne cervicale
6. Anomalies vasculaires (p.ex. angiomes, hémorragies)
intracrâniennes ou cervicales
7. Maladies intracrâniennes non-vasculaires (p.ex.
tumeurs, pseudotumor cerebri, hydrocéphalie,
malformation d’Arnold-Chiari)
8. Substance ou sevrage
9. Infections (méningite, encéphalite, abcès cérébral)
10. Trouble de l’homéostase (p.ex. anémie, hypoxie,
hypoglycémie)
11. Maladies du crâne et du cou, des yeux, oreilles, nez,
sinus, dents, bouche et autres structures du visage
et du crâne
12. Maladies psychiatriques (p.ex. dépression)
Névralgies et autres 13. Névralgies crâniennes (p.ex. névralgie du trijumeau)
14. Autres céphalées
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● nausée et/ou vomissements
● sensibilité à la lumière et au bruit
Contrairement à l’adulte, l’enfant souffrant
de migraines se plaint, dans environ 80%
des cas, de douleurs bilatérales; des dou –
leurs unilatérales, parfois combinées avec
des douleurs bilatérales, ne sont signalées
que par environ 25% des enfants. La majori –
té des enfants de plus de dix ans perçoit ces
douleurs comme une pesanteur. Ce n’est
qu’à un âge plus avancé que les douleurs
prennent la forme typiquement pulsatile
de l’adulte. En moyenne les crises doulou –
reuses sont plus courtes chez l’enfant que
chez l’adulte.
Chez les tout petits enfants (entre six mois et
quatre ans), des symptômes peu spécifiques
comme irritabilité, vomissements, douleurs
abdominales et troubles du sommeil sont au
premier plan. Seuls deux tiers des enfants
environ se plaignent de maux de tête.
Contrairement à l’adulte, pendant l’enfance
la migraine est plus fréquente chez les
garçons que chez les filles, les crises sont
généralement plus courtes et plus sou –
vent accompagnées de vomissements.
L’association de douleurs abdominales, de
vertige et de troubles du sommeil est
plus fréquente. Un TCC mineur peut être
à l’origine d’une migraine infantile qui doit
alors être différenciée de douleurs post-
commotionnelles, douleurs qui devraient
disparaître au bout de trois mois.
La migraine avec aura devrait remplir au
moins trois des critères suivants:
● un ou plusieurs symptômes d’une aura
indiquant un trouble de la fonction cor –
ticale et bulbaire
● au moins un symptôme d’aura se dé-
veloppant progressivement durant plus
de 4 minutes ou deux ou plusieurs symp –
tômes d’aura apparaissant l’un après
l’autre
● ces symptômes devraient rester iden –
tiques pour le même individu et ne
devraient pas durer plus de 60 minutes.
Les céphalées devraient apparaître dans
les 60 minutes après le début de l’aura.
Les petits enfants ayant de la peine à dé-
crire leurs symptômes d’aura savent parfois
les dessiner.
Chez le patient avec une aura visuelle, la
différenciation d’une épilepsie avec crises
occipitales peut s’avérer difficile ( tableau 2 ).
Les symptômes d’une aura épileptique sont
plutôt centraux, alors qu’en cas de migraine,
ils se situent plutôt à la périphérie du champ
visuel.
3) Céphalées tensionnelles
Les patients avec des céphalées tensi –
onnelles se plaignent de symptômes pou –
vant durer de 30 minutes à sept jours. Les
douleurs sont bilatérales, généralement
légères à moyennes et sont décrites comme
lourdeur et non pulsatiles, n’étant pas
aggravées par l’effort. Occasionnellement
on peut relever une sensibilité au bruit ou à
la lumière. On différencie entre céphalées
tensionnelles épisodiques et chroniques.
Le diagnostic différentiel entre migraine et
céphalées tensionnelles surtout de forme
épisodique ( tableau 3 ) peut s’avérer difficile,
la délimitation des symptômes étant floue
entre les deux formes de céphalées 6), 7) . Plus
le patient est jeune et plus souvent il décrit
des douleurs bilatérales non pulsatiles.
Cady et al 8) ont, pour cette raison, émis
l’hypothèse de convergence des céphalées
primaires. On suppose un processus physio –
pathologique qui mène, avec le temps, de
céphalées initialement tensionnelles à une
migraine. Les symptômes végétatifs, nette –
ment moins fréquents en cas de céphalées
tensionnelles, sont la différence la plus im –
portante. Surtout nausées et vomissements
sont très rares.
Tableau 2: Diagnostic différentiel entre épilepsie avec pointes occipitales (CEOP) et migraine avec aura visuelle
CEOP Migraine avec aura visuelle
Âge 4–11 ans >10 ans
surtout migraine basilaire
Aura visuelle > 5 min. > 5 min.
plusieurs couleurs, noir-blanc,
de type circulaire et de type plutôt linéaire,
sphérique, centrale périphérique
Symptômes Crises hémifaciales, Event. symptômes bulbaires
latéralisées ou ou cérébelleux
généralisées
EEG Pointes occipitales, Ondes delta et théta après
sinon normal la crise
Tableau 3: Céphalées tensionnelles: critères diagnostiques
Rarement Fréquemment
épisodique épisodique Chronique
Fréquence < 1 jour/mois ≥1 à < 15 jour/mois ≥ 15 jour/mois
des céphalées ≥10 épisodes durant ≥ 3 mois durant >3 mois
≥ 10 épisodes
Durée des épisodes 30 min – 7 jours 30 min – 7 jours Heures ou continue
Au moins 2 des
critères suivants
● Intensité Légère à moyenne Légère à moyenne Légère à moyenne
● Localisation Bilatérale Bilatérale Bilatérale
● Qualité Sensation de lour- Sensation de lourdeur, Sensation de lour-
● Aggravation par deur, d’écrasement deur, d’écrasement deur, d’écrasement
l’activité physique Ø Ø Ø
Les deux critères
suivants
● Nausée ou Pas de nausée ou Pas de nausée ou Nausée discrète
vomissements vomissements vomissements
● Sensibilités seulement une: seulement une: seulement une:
phonophobie ou phonophobie ou phonophobie ou
photophobie photophobie photophobie
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4) Difficultés du diagnostic
différentiel
Des douleurs apparaissant soudainement
et violemment (dans les 1 à 2 secondes)
rendent le diagnostic de migraine très invrai –
semblable. On pensera plutôt à une hémorra –
gie intracrânienne, suite à une malformation
vasculaire p.ex. Il faut également douter du
diagnostic de migraine en cas de douleurs
durant des semaines ou des mois, respective –
ment en cas de douleurs augmentant lente –
ment, mais progressivement. L’association
d’hémiparésies, hémi-hypoesthésies, d’une
diplopie, d’un torticolli récidivant ou persis-
tant, de vertige ou de vomissements mati –
naux exige des investigations.
La différenciation de maux de tête rela –
tivement banaux d’une tumeur cérébrale
représente un problème de diagnostic diffé –
rentiel important. Dans le cas d’une tumeur
cérébrale, les signes d’hypertension intra –
crânienne (papille de stase, vomissements
à jeun, diplopie) et d’autres déficits neurolo –
giques généralement progressifs se situent
au premier plan, les céphalées étant plutôt
un symptôme associé ( tableau 4 ).
L’indication à l’imagerie, à un EEG ou à
d’autres investigations dépend donc des
symptômes qui accompagnent les cé –
phalées. Une migraine sans aura et les cé –
phalées tensionnelles n’exigent en principe
pas d’investigations complémentaires.
5) Formes particulières
de migraine
5.1. Migraine hémiplégique
Nous distinguons une forme familiale et une
forme non familiale de la migraine hémiplé –
gique. Les symptômes de la forme familiale
débutent entre l’âge de 5 et 30 ans. Elles
sont le plus souvent déclenchées par un
TCC mineur. Le symptôme principal est une
hémiparésie ou une hémiplégie durant 30 à
60 minutes. Dans 25% des cas, la parésie
peut aussi être bilatérale, apparaissant de
façon synchrone ou asynchrone. En général
se trouvent associés des paresthésies, des
troubles du langage et de la parole, des trou –
bles visuels, plus rarement vertige, tinnitus,
des chutes et des accès de confusion.
Environ 40% des patients ont des symp-
tômes d’aura prolongés, durant occasi –
onnellement plusieurs jours. Ils peuvent
s’accompagner de troubles de la consci –
ence et d’états confusionnels avec illusions
et hallucinations acoustiques et visuelles.
Chez environ 25% des patients, on constate
des signes méningés avec fièvre et une
discrète pléiocytose du LCR.
Pour 80–90% des cas de migraine hémi –
plégique familiale (MHF) nous connaissons
jusqu’à ce jour trois anomalies génétiques:
Environ 60% souffrent d’une MHF1 avec une
anomalie du gène CACNA1A sur le chromo –
some 19p13.1 9). Il en découle un trouble des
canaux de transport transmembranaire du
calcium, une augmentation du flux calcique
dans la cellule suivi d’une libération accrue
de glutamate («gain of function»). Une partie
de ces patients souffre, en plus de migraine,
d’une ataxie.
Pour la MHF2 (environ 10–20% des patients)
l’anomalie concerne le gène α2 Na/K AT –
Pase sur le chromosome 1q21–q23 (trouble
du transport du potassium dans les astro –
cytes) et pour la MHF3 (environ 10% des
patients) le gène SCNA1 (gène du canal à
sodium) sur le chromosome 2q24. Clinique –
ment la MHF2 et la MHF3 ne se manifestent
que par une migraine hémiplégique sans
autres troubles neurologiques, notamment
sans ataxie.
5.2. Migraine confusionnelle aiguë
Cette forme de migraine s’observe surtout
chez l’adolescent et peut représenter chez
une partie des patients la manifestation
inaugurale. Les patients se font remarquer
par un trouble confusionnel aigu qui peut
durer plusieurs heures, une agitation mo –
trice et parfois aussi par un comportement
très agressif, hystéro-phobique. Les pati –
ents se plaignent de maux de tête parfois
violents soit pendant la crise, soit après
et vomissent fréquemment. L’anamnèse
personnelle révèle dans 83% des cas et
l’anamnèse familiale dans 75% des cas
une migraine. L’EEG met généralement en
évidence des troubles généralisés avec
des ondes delta frontales. Cette forme
est à différencier des crises complexes
partielles, des crises psychogènes et des
intoxications, éventuellement aussi d’une
encéphalite. Le comportement des pati –
ents avec une migraine confusionnelle se
normalise après quelques heures et l’EEG
après 1–3 jours.
5.3. Migraine abdominale
Environ 8–12% de tous les enfants en âge
scolaire souffrent de douleurs abdominales
récidivantes, dont environ la moitié satis –
fait aux critères suivants d’une migraine
abdominale:
● les symptômes abdominaux durent
1–72 heures, l’intensité est telle que
les enfants ne peuvent pas se rendre à
l‘école
● la douleur est sourde, généralement pé –
riombilicale ou non-localisable; sont as –
sociés des symptômes tels inappétence,
nausée, vomissements et pâleur
● les crises sont généralement déclen –
chées par les mêmes facteurs qu’une
migraine (stress, fatigue, voyages, man –
que de sommeil, jeûne)
● des troubles du comportement et des
céphalées peuvent précéder les dou –
leurs abdominales
● dans l’intervalle les patients sont asymp –
tomatiques.
Le diagnostic différentiel doit inclure les
maladies gastro-intestinales comme le RGO,
la gastrite, les maladies inflammatoires de
l’intestin et les intolérances alimentaires. Tabelle 4: Diagnostic différentiel tumeur cérébrale – migraine
Tumeur cérébrale Migraine
Anamnèse Mois Années
Type de douleur Continue, sourde, Pulsatile
intensité variable
Evolution de la douleur Progressive Intermittente
Localisation Unilatérale, constante Variable
Vomissements Spontanés, sans nausée, Avec nausée,
à jeun, n’améliorent pas améliorent les
les céphalées céphalées
Horaire des symptômes Réveillent le patient Généralement diurnes
Troubles neurologiques +++, durant l’intervalle aucuns, évent. +
pendant la crise
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Par ailleurs différents syndromes pério –
diques apparaissant à l’âge préscolaire – les
vomissements cycliques, le vertige paroxys –
mal bénin ou le torticolli paroxystique – sont
fréquemment suivis d’une migraine typique
et sont considérés comme des stades pré –
curseurs de cette maladie.
6. Physiopathologie
de la migraine
Il n’est à ce jour pas possible de don –
ner une explication exhaustive pour les
facteurs déclenchants et la multitude de
symptômes de la migraine. Mais un grand
nombre de données physiopathologiques
sont d’importance pour le traitement 10), 11) .
Le système trigémino-vasculaire joue un
rôle central. Il est formé par le ganglion du
trijumeau dans lequel aboutissent les fibres
sensitives non-myélinisées provenant des
vaisseaux de la pie et de la dure mères. De
là, des fibres stimulantes atteignent le n.
caudalis nervi trigemini, c’est à dire le com –
plexe trigémino-cervical. Cette structure
est aussi stimulée par des connexions pro –
venant des ganglions des racines cervicales
postérieures. Le complexe trigémino-cer –
vical est aussi influencé par des connexions
pour la plupart inhibitrices provenant du
locus coeruleus, de la substance grise cen –
trale («periaquaeductal grey matter» PAG) et
de l’hypothalamus postérieur. Il existe aussi
un lien réflexe entre les neurones du pons
et le nucleus salivarius superior. Cela génère
une propagation de stimulations parasym –
pathiques coordonnées par le ganglion
sphénopalatin. Depuis le complexe trigémi –
no-cervical, des neurones stimulants vont
aux noyaux ventro-postéro-medians (VPM)
du thalamus contra-latéral ( figure 1 ).
Initialement a lieu une stimulation des
fibres non-myélinisées du trijumeau dans
la région du sinus sagittal supérieur ou des
vaisseaux de la pie mère p.ex. par extrava –
sation de protéines, par libération du «Cal –
citonin-Gene related Peptid» (CGRP) ou lors
d’une «spreading depression» déclenchée
par des stimuli externes, provoquant une
aura. Ce processus nociceptif peut aussi
se déclencher par la stimulation de fibres
transmettant la douleur au niveau cervical
(C2). Ces stimuli sont transmis au noyau
bulbaire et cervical supérieur du trijumeau.
On suppose que l’origine de la migraine est
à chercher dans l’absence d’inhibition de la
stimulation de ces structures, c’est-à-dire
dans une dysfonction des influences modu –
latrices descendantes provenant du PAG,
du locus coeruleus et de l’hypothalamus.
La DHE peut freiner cette stimulation. Les
triptans ont également un effet inhibiteur
sur le complexe trigémino-cervical. Finale –
ment les signaux nociceptifs sont assimilés
dans le thalamus VPM. Ces neurones sont
modulables par l’activation des récepteurs
inhibiteurs de GABA A et β1-stimulants.
7. Traitement
Le traitement de céphalées exige une ap –
proche adaptée à la situation individuelle du
patient. Avant d’instaurer un traitement, il
est important d’évaluer dans quelle mesure
et dans quelles situations les maux de tête
dérangent l’enfant et diminuent sa qualité
de vie. Avant de prescrire un médicament,
la fréquence, la durée et l’intensité des
crises devraient être documentés par un
protocole.
Les buts suivants seront visés:
1. Réduction de la fréquence, de l’intensité
et de la durée des céphalées ainsi que
des limitations dues à la douleur
2. Amélioration de la qualité de vie
3. Eviter l’escalade médicamenteuse, res –
pectivement la dépendance
4. Instruction du patient sur les stratégies
à appliquer lors de l’apparition de la
douleur
La physiopathologie de la migraine étant
très complexe, l’élimination pure et simple
par un médicament n’est pas possible. S’il
est possible de contrôler les crises doulou –
reuses par un traitement médicamenteux
adéquat, une prise en considération plus
complète est en général nécessaire. Avant
d’instaurer un traitement médicamenteux,
on discutera avec le patient ses activités
de tous les jours. Cela permet de proposer
des mesures générales importantes pour le
traitement, c’est à dire:
● suffisamment de sommeil
● des repas réguliers et équilibrés
● éviter autant que possible les facteurs
déclenchants: la lumière intermittente
(disco) ou l’exposition trop intense au
soleil (port de lunettes); boissons en
quantité suffisante (en limitant le café,
le thé et le Coca Cola)
● éviter les coups à la tête lors d’activités
sportives (foot)
Figure 1: Résumé de quelques mécanismes physiopathologiques responsables de la migraine (modifié d’après Ferrari et Goadsby 10)).
Au centre se situe le complexe trigémino-cervical qui se trouve sous l’influence freinante de divers noyaux du bulbe (surtout PAG). Ce complexe reçoit des inputs depuis C2 et le trijumeau. La stimulation nociceptive peut être déclenchée ou renforcée par l’innervation parasympatique des vaisseaux de la dure et pie mères modulé\
e par le ganglion sphenopalatinum, avec parfois extravasation de protéines et libération du «Calcitonin-Gene-related Peptid» (CGRP) ou une «Cortical spreading depression» (CSD). Le complexe trigémino-cervical stimule le thalamus postéro-ventro-latéral et la douleur est perçue à travers les liens avec le co\
rtex.
Modulation de la douleur Douleur Stimulation nociceptive
Douleur
Cortex
ventro-postéro- latéral
Ligne médiane
Locus coeruleus (LC)
Hypothalamus postérieur Substance grise centrale (PAG) 5HT 18/1C R
Complexe trigémino- cervical
Thalamus
Vaisseaux dure mère Vaisseauxpie mère
Racines dorsales C2
Muscles et articulationscervicaux et occipitaux
N.trijumeau
Extravasation de protéines CGRP
CSD Neurotransmet-teur K+, H+
Ganglion spheno- palatinum
Ganglion de laracine postérieure
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● une limitation de «l’agenda» des loisirs
peut s’avérer nécessaire 12).
Le traitement médicamenteux de la mi –
graine est soit un traitement aigu de la
crise soit un traitement prophylactique 13).
Le traitement aigu devrait débuter dès
l’apparition des premiers symptômes.
L’administration précoce du médicament
peut raccourcir la durée de la crise et
permet donc aussi de réduire la dose
nécessaire à un traitement efficace. Le
dosage des différents médicaments et les
principaux effets indésirables sont résumés
dans le tableau 5 . Lors du choix galénique, il
faut considérer que le transit gastrique peut
être ralenti lors d’une crise migraineuse, ce
qui ralentit la résorption et retarde le début
de l’effet thérapeutique 14).
En première ligne sont employés des
analgésiques oraux du groupe des anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
(p.ex. acide acétylsalicylique, paracétamol
ou ibuprofène). Lors de symptômes gas –
tro-intestinaux importants, la prescription
simultanée d’antiémétiques est raisonna –
ble (p.ex. dompéridone ou métoclopra –
mide) ou l’application rectale de l’AINS
s’impose.
Une alternative du traitement aigu est
donnée par les triptans (agonistes sélec –
tifs des récepteurs 5HT1B/1D) dont l’effet
débute après quelques minutes seulement.
L’effet ne dure parfois que peu de temps,
nécessitant parfois une nouvelle prise orale
ou application nasale après une heure déjà.
Les triptans ne sont actuellement admis que
pour les enfants à partir de 12 ans, les études
faisant défaut pour les enfants plus jeunes.
Lors de la première prescription, le dosage
des triptans sera prudent (p.ex. Sumatriptan ®
spray nasal 10mg). Si l’effet est insuffisant, le
dosage pourra être augmenté lors de la crise
suivante. Les effets indésirables sont vertige,
somnolence et nausée; lors de l’application
nasale le mauvais goût du médicament peut
s’avérer dérangeant. Les triptans étant des
vasoconstricteurs, ils sont contre-indiqués
chez les patients avec des problèmes cardio-
vasculaires (malformations cardiaques con –
génitales, hypertension, maladies vasculaires
périphériques) 15).
Le traitement prophylactique n’est indiqué
que s’il y a plus de deux crises sévères par
mois. Les médicaments actuellement dis –
ponibles sont résumés dans le tableau 6 . Le
choix du médicament se fera en fonction de
l’effet prouvé jusqu’ici par des études et des
effets secondaires possibles (p.ex. pas de
flunarazine chez le patient obèse). Il n’existe
que peu d’études cliniques concernant le
traitement prophylactique chez l’enfant.
Une diminution de la fréquence, de la durée
et de l’intensité des crises a été mise en évi –
dence avec flunarazine, topiramate, valpro –
ate, amitriptyline et cyproheptadine. Malgré
cela, des études cliniques prospectives plus
étendues sont nécessaires pour prouver
définitivement l’efficacité et l’utilité de ces
médicaments. Les données concernant pro –
panolol et pizotifène sont contradictoires et
l’efficacité de gabapentine, levetiracitam,
zonisamid et naproxène doit encore être
mieux étudiée.
Tant pour la migraine que pour les douleurs
tensionnelles, le magnésium semble dimi-
nuer, selon certaines études, la fréquence
des crises douloureuses.
Nimidipine, clonidine et différents produits
naturels n’ont pas montré une meilleure
efficacité qu’un placebo. Utilisés pour le
traitement prophylactique chez l’adulte,
riboflavine et coenzyme Q10 ne sont, en
absence de donnés pour ce groupe d’âge,
pas conseillés chez l’enfant 16), 17), 18) .
Pour les douleurs tensionnelles et les mi –
graines, différents traitements prophylac –
tiques non-médicamenteux peuvent être
mis en place: exercices de relaxation (trai –
ning autogène), biofeedback (thermique
ou par EMG frontal) et des traitements
comportementaux. En analysant plusieurs
études, Damen et al 19) ont constaté que les
exercices de relaxation avec ou sans traite –
ment comportemental étaient plus efficaces
qu’un placebo. Néanmoins il faut interpréter
toutes ces études avec prudence, en raison
du petit nombre d’enfants examinés et de
problèmes méthodologiques.
Enfin, les données disponibles sont contra –
dictoires aussi pour les régimes pauvres en
antigènes et cette mesure très astreignante
pour le patient et sa famille ne peut être
conseillée actuellement.
En résumé, on peut constater que les cé –
phalées primaires (migraine et douleurs
tensionnelles) sont très fréquentes durant
l’enfance et peuvent se manifester de fa –
çon très variable. Une anamnèse précise
et l’examen clinique de l’enfant permettent
dans la plupart des cas de différencier
les céphalées secondaires. Cela permet
d’éviter, aussi de nos jours, des examens
complémentaires (surtout EEG et imagerie)
inutiles.
Tableau 5: Résultats d’études sur le traitement aigu de la crise migraine\
use
Médicaments Âge Dosage % de réponse Significatif Effets
composé au comparé indésirables
placebo au placebo
AINS
Paracétamol 4–16 ans 15mg/kg 37% <0.05 Hépatotoxicité
Ibuprofène 4–18 ans 7.5–10 28–53% <0.05 Gastrite,
mg/kg néphrotoxicité
Dihydergot 5–15 ans 20–40 16% ns Nausée,
mg/kg vertige
Triptans
Sumatriptan ® 6–7 ans 5–20mg 39–53% <0.05 Mauvaise goût
nasal
Sumatriptan ® 8-16 ans 5-100mg 22% ns Myoclonies
oral durant le
sommeil
L
Sumatriptan ® 6–18 ans 0.06mg/kg 64% Etude Sensation de
s.c. ouverte pesanteur dans
la nuque
et le thorax
Rizatriptan ® 5–17 ans 5mg 56% ns Asthénie,
vertige,
bouche sèche
Zolmitriptan ® 6-18 ans 2.5mg 28% <0.05 Aucun signalé
F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e
44
Vol. 18 No. 5 2007
Correspondance:
Prof. J. Lütschg
Univ. Kinderklinik beider Basel (UKBB)
Postfach
4005 Basel
juerg.luetschg@unibas.ch
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Tableau 6: Résultats d’études sur le traitement prophylactique
Médicaments Dosage Âge %réponse Effets
ou valeur p indésirables
Antihypertenseurs
Propranolol 3mg/kg 7–16 ans ns Fatigue, hypotonie
(60–120mg
par jour)
Clonidine 0.06–0.1 7–15 ans ns Hypoglycémie
mg/kg
Anticalciques
Flunarizine 5mg 5–13 ans p0.001–p0.01 Poids L
fatigue
Nimodipine 10–20mg 7–18 ans ns
Agonistes de la sérotonine
Pizotifène 1.0–1.5mg 7–14 ans ns Sédation
Cyproheptadine 2–8mg 3–12 ans 83% Sédation, poids L
étude ouverte
Antidepresseurs
Amitriptilyne 1mg/kg 3–15 ans 80% Sédation
étude ouverte QT
L
Antiépileptiques
Valproate 15–30 7–16 ans p=0.001 Poids,
mg/kg hépatotoxicité
L
Topiramate 07–2.1 mg/kg 6–15 ans p=0.001 Sédation, poids B
étude ouverte
Levetiracetam 250–1500 mg 3–17 ans p=0.001 Altérations
étude ouverte psychiques
Gabapentine 15mg/kg 6–17 ans ns Fatigue, ataxie,
tinnitus
Autres
Magnésium 9mg/kg/jour 3 – 17 ans Etude ouverte Diarrhée
en 3 doses Diminution de
la fréquence
des céphalées
Informations complémentaires
Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Auteurs
Prof. Dr. med. Jürg Lütschg , Universitäts-Kinderklinik beider Basel (UKBB)