Autrefois les personnes ayant une hyperglycémie chronique ont été diagnostiquées comme ayant le diabète de type 1 ou de type 2. Nous savons maintenant que différents facteurs peuvent causer le diabète, y compris les défauts d’un seul gène qui représentent au moins 1 % de tous les cas de diabète et jusqu’à 4% des cas dans la population pédiatrique. Cependant, les erreurs de diagnostic restent communes en raison du chevauchement clinique considérable entre les différentes formes de diabète et plus de 90 % de ces diabètes ne sont pas diagnostiqués correctement. Les premiers symptômes du diabète monogénique peuvent survenir peu de temps après la naissance, comme observé dans le diabète néonatal, ou à n’importe quel moment plus tard dans la vie. La présente revue décrit les gènes les plus fréquemment impliqués dans le diabète monogénique et donne également quelques informations sur des diabètes plus rares. Certains de ces gènes sont impliqués dans le développement des cellules bêta, conduisant souvent à un nombre diminué de ces cellules, tandis que d’autres jouent un rôle important dans la fonction et la maintenance de la cellule bêta. Il existe également des formes monogéniques de diabètes auto-immuns qui seront discutées. Un diagnostic génétique peut influencer le choix du traitement et aider à déterminer le pronostic, ainsi qu’établir un conseil génétique pour la famille. Le dépistage génétique avec le séquençage dit « next generation » est de plus en plus pratiqué, car il devient de plus en plus performant, accessible et moins coûteux.
6
Résumé
Autrefois les personnes ayant une hyperglycé-
mie chronique ont été diagnostiquées comme
ayant le diabète de type 1 ou de type 2. Nous
savons maintenant que différents facteurs
peuvent causer le diabète, y compris les dé-
fauts d’un seul gène qui représentent au moins
1
% de
tous les cas de diabète et jusqu’à 4%
des cas dans la population pédiatrique. Cepen –
dant, les erreurs de diagnostic restent com-
munes en raison du chevauchement clinique
considérable entre les différentes formes de
diabète et plus de 90
% de
ces diabètes ne sont
pas diagnostiqués correctement. Les premiers
symptômes du diabète monogénique peuvent
survenir peu de temps après la naissance,
comme obser vé dans le diabète néonatal, ou à
n’importe quel moment plus tard dans la vie.
La présente revue décrit les gènes les plus
fréquemment impliqués dans le diabète mono –
génique et donne également quelques informa –
tions sur des diabètes plus rares. Certains de
ces gènes sont impliqués dans le développe-
ment des cellules bêta, conduisant souvent à
un nombre diminué de ces cellules, tandis que
d’autres jouent un rôle imp or tant dans la fonc –
tion et la maintenance de la cellule bêta. Il
existe également des formes monogéniques de
diabètes auto – immuns qui seront discutées. U n
diagnostic génétique peut influencer le choix
du traitement et aider à déterminer le pronos –
tic, ainsi qu’établir un conseil génétique pour
la famille. Le dépistage génétique avec le sé-
quençage dit « nex t generation » est de p lus en
plus pratiqué, car il devient de plus en plus
performant, accessible et moins coûteux.
Introduction
En 2015 la Fédération Internationale du Dia –
bète (IDF) estimait le nombre de personnes
diabétiques à 415 millions dans le monde
entier ( http://www.diabetesatlas.org/ ) . B ien
que toutes les personnes présentent par défi –
nition un diabète (tableau 1), l’origine du dia-
bète n’est pas la même chez tous les sujets. Les différentes formes de diabète sont clas
–
sifiées en quatre grandes catégories (tableau
2) selon la société américaine du diabète
(ADA)
1). Soit en diabète de type 1 (DT1), qui
est dû à une destruction des cellules bêta et
qui résulte en un déficit absolu d’insuline. Puis
en diab ète de t y p e 2 ( DT2 ) , car actér isé par un
déficit progressif de sécrétion d’insuline com –
biné à une résistance à l’insuline. Aussi en
diabètes spécifiques d’autres origines,
comme les syndromes des diabètes mono
–
gén
iques, les diabètes liés, au départ, à une
atteinte exocrine (mucoviscidose) et les
diabètes induits par des tox ines ou des médi –
caments, comme la ciclosporine et les sté-
roïdes. Et finalement en diabète gestationnel
qui peut être dû à des causes diverses.
Diabètes monogéniques: de la génétique
vers une médecine personnalisée
Valérie M. Schwitzgebel, Genève
1 Ty p e 1 Destruction des cellules bêta
2 Ty p e 2 Déficit progressif de sécrétion d’insuline
Résistance à l’insuline
3 Diabètes spécifiques d’autres
origines Syndromes de diabètes monogéniques
(eg diabète néonatal, maturity onset diabetes
of the Young – MODY)
Maladies du pancréas exocrine
(p.ex. mucoviscidose)
Toxines ou médicaments (p.ex. ciclosporine)
4 Gestationnel
(2
ème ou 3 ème trimestre) Causes diverses
Intolérance au glucose
• Glycémie à jeun 5.6–6.9 mmol/l
• Gl ycémie 2h ap rés un re pas
à 7.8
–11.1 mmol/l
Diabète
• Glycémie ≥ 7 mmol/l à jeun ou
• Gl ycémie ≥ 1 1 mmol/l 2h aprés charge
de glucose ou
• HbA1c
≥
6.5
%
Tabelle 1: Définition du diabète
Cas 1: Nouveau-né à terme
• Nouveau-né avec retard de croissance intra-utérin (PN 2140 g à terme)
• Di abète di agnostiqué à 12 jo urs de vi e (h yperglycémie à 43 mm ol/l)
• Traitement
pa
r
in
suline,
ma
is
pa
s
de pr
ise
po
ndérale
• Insuf fisance
pa
ncréatique
ex
ocrine,
pr
ise
de po
ids
av
ec
su
bstitution
de
s
en
zymes
pa
ncréatiques
• Diagnostic:
Mu
tation
hé
térozygote
co
mposite
P D
X1
• Bonne
év
olution
av
ec
le do
uble
tr
aitement
in
suline
et en
zymes
pa
ncréatiques
Cas 1: Arbre généalogique Les parents portent chacun une mutation hétérozygote de P DX1. L’enfant avec l’agénésie
pan cré atique porte une double mutation de P DX1 .
Les membres de la famille qui présentent un diabète et probablement une mutation hétérozy
gote ( E16 4 D et E17 8 K ), mais n’ont pas pu être analysés génétiquement.
E17 8 K
Glycémie à jeun E16 4D
Glycémie à jeun
E16 4D/ E178 K
Agénésie pancréatique
Tableau 3: Cas 1: Nouveau-né à terme
Tableau 2: Classification des différentes formes de diabètes
Adapté selon American Diabetes Association 1).
Chers cssohrslss èlg
Chers cholèho coguDlioahèecohbhtculMdacs ecmgu
7
pancréas et est important pour la formation
du pancréas, après la naissance P DX1 joue un
rôle clé dans la maintenance de la cellule b êt a
et dans la sécrétion de l’insuline. Ce change –
ment dans la fonction pourrait expliquer
pourquoi le diabète s’aggrave au fil du temps
chez les porteurs hétérozygotes. HNF1B
Le premier rapport impliquant le facteur de
transcription
HNF1B
a été publié en 1997,
lor s que Hor ikawa a identi fié deu x f amilles jap o –
naises atteintes de diabète associé à une po –
lykystose rénale avec des mutations hétéro –
zygotes dans HNF1B. Le syndrome de kystes
Diabètes monogéniques
La prévalence du diabète monogénique est
estimée entre 1
% à 4 % de
tous les patients
diabétiques
2). Les diabètes monogéniques
résultent d’un défaut d’un seul gène et re-
groupent trois grandes catégories, la pre-
mière se caractérise par des défauts dévelop –
pementaux du pancréas menant à une
réduction du nombre de cellules bêta, la
deuxième par une dysfonction de la cellule
bêta et la troisième par une destruction pro –
gressive des cellules bêta (figure 1 et 2) .
Diabète lié à un défaut
structurel du pancréas
Facteurs de transcriptions
Un réseau de facteurs de transcription nu –
cléaires contrôle le développement du pan –
créas. En fonction de leur position hiérar –
chique, les défauts conduisent à un phénotype
sévèr e, telles que l’agénésie du pancr éas ave c
diabète néonatal et insuffisance exocrine, à
une hy p oplasie du pancr éas , une absence des
cellules endocrines ou un phénotype modéré
avec une réduction du nombre des cellules
bêta ( figure 1) . L’agénésie pancréatique con
–
duit
à un retard de croissance intra-utérin
sévère en raison de l’absence de sécrétion
d’insuline, un facteur de croissance majeur. En
général des mutations homozygotes ou hété –
rozygotes composites causent des formes de
maladies plus grâves que des mutations hété –
rozygotes qui sont fréquemment associées à
un diabète d’apparition plus tardive dans la
vie. De nombreux facteurs de transcription
jouent un rôle dans des tissus différents
conduisant à des formes syndromiques de
diabète associées à des malformations dans
d’autres organes, telles que des malforma –
tions cardiaques et les anomalies gastro-intes –
tinales
3).
Le pr emier déf aut de gène dé cr it dans l ’agéné –
sie pancréatique humaine était le gène P DX1
aussi nommé I P F1. Des mutations
homozygotes et hétérozygotes composites
conduisent à un phénotype sévère avec dia –
bète néonatal et insuffisance pancréatique
exocrine qui nécessitent un traitement par
insuline et une substitution des enz y mes pan –
créatiques
4) (voir premier cas, tableau 3) . Les
porteurs hétérozygotes présentent un diabète
d’apparition tardive qui peut être diagnostiqué
à tort comme un DT2. P DX1 a une double
fonction, au début de l’embryogenèse, ce gène
est exprimé dans les cellules progénitrices du
Défaut du développement et de la structure Défaut fonctionnel de
la cellule bêta Destruction progressive
des cellules bêta
Agénésie Hypoplasie Absence
d’îlots de
Langerhans Diminution
du nombre de cellules bèta Gènes de
l’auto
–
immuni
té
Noyau
Reticulum
endoplasmique
Membrane cellulaire
Cytoplasme Secrétion
d’insuline
Mitochondrie
Figure 1: Catégories de diabètes monogéniques. Les diabètes monogéniques résultent d’un
défaut d’un seul gène et regroupent trois grandes catégories, la première se caractérise par
des défauts développementaux du pancréas menant à une réduction du nombre de cellules
bêta, la deuxième par une dysfonction de la cellule bêta et la troisième par une destruction
progressive des cellules bêta.
Figure 2: Schéma de la cellule b êt a. C e schéma montr e la lo calis ation sub cellulair e des déf aut s
conduisant à un diabète monogénique. Le glucose entre dans la cellule par son transporteur
GLUT2. Par la suite le glucose est phosphor ylé par l ’enz y me glucokinase et mét abolisé, entr aî –
nant une augmentation du rapport ATP/ADP, ce qui engendre une fermeture du canal KATP.s
C es canau x sont des complexes oct amér iques , for més par quatr e sous – unités K IR6.2 et quatr e
sous-unités SUR1. La fermeture du canal provoque une dépolarisation de la membrane, une
entrée calcique ce qui déclenche l’exocytose de l’insuline. Adapté selon Stekelenburg CM,
Schwitzgebel VM. Endocrine Development 2016, i31: 179–202
Sulfonylurées/
Glinides
Canal K ATP Kir6.2: K C N J 11
S U R1
: ABCC8
Dépolarisation
VGCaC
Ca
2+
Pro-Insuline
Insuline
Mitochondrie
AT P/A D P
Glycolyse G6P
Glucose GCK
GLUT2: SLC2A2
Membrane
cellulaire Noyau:
PDX 1
HNF 1A
HNF 4A
HNF 1B
1Prof. ffRPofTff.aTb
1Prof. PRTaPR. RbinT,RSPar RPeP( iTédS f.r cbi
8
A la fin du développement du pancréas,
HNF4A est exprimée dans tous les types de
cellules pancréatiques endocrines, ainsi des
mutations dans HNF4A affectent la fonction
de l’ensemble des îlots de Langerhans et ne
se limitent pas à la cellule bêta. Des études
cliniques ont montré une diminution concomi-
tante de la sécrétion d’insuline, de glucagon,
de Polypeptide Pancréatique (PP), et de
l’amyline chez des per sonnes avec des muta –
tions HNF4. HNF4A agit principalement en
t ant qu’homo dimèr e et se lie au pr omoteur de
HNF1B et HNF1A .
Les sujets présentant des mutations de HNH-
NFA et HNF1A peuvent présenter un double
phénotype, une hypoglycémie hyperinsuliné –
mique à la naissance et un diabète de nom-
breuses années plus tard. Ce phénotype
double peut être expliqué par différentes
cibles de HNF4A et HNF1A au fil du temps
menant à l’hyperinsulinémie fœtale et périna –
tale et l’hypoinsulinémie chez les adoles –
cents. En plus, un épuisement progressif de
la cellule bêta peut également contribuer à
l’apparition du diabète plus tard (cas numéro
2, tableau 4) . Un enregistrement du glucose
en continu montre bien les élévations du
glucose après les repas. L’importance de ce
diagnostic repose sur le traitement, car ces
deux formes de diabètes répondent particu –
lièrement bien aux sulfonylurées et aux gli-
nides
6). Ce traitement contourne le défaut
fonctionnel des cellules bêta en agissant en
aval du défaut génétique, suscitant la sécré-
tion d’insuline. Les glinides ont l’avantage de
provoquer moins d’hypoglycémies par rapport
aux sulfonylurées.
Canal potassique
et gène de l’insuline
Les mutations des gènes INS, ABCC8, KCNJ11,
représentent des causes fréquentes de dia –
bète néonatal
7). L’âge moyen au moment du
diagnostic est de 9 semaines, généralement
lié à une acido – cétose. Plus de 80
% d
es muta-
tions sont de novo. Le spectre phénotypique
est assez large, car certains membres de la
famille portant la même mutation ont un dia –
b ète début ant ver s l’âge de 30 ans seulement .
Toutes les mutations des gènes K C N J 11 et
ABCC8 , qui codent pour les sous-unités du
canal K
ATP, modifient la fonction du canal K ATP,
et, par conséquent, la sécrétion d’insuline
(figure 2) . Les mutations sévères qui mènent
a un gain de fonction provoquent un diabète
néonatal permanent, et des mutations moins
diabète se manifeste surtout pendant l’ado
–
lescence ou à l’âge adulte.
La protéine de HNF1A homo dimer ise ou hété –
rodimérise avec HNF1B. HNF1A est un f acteur
de transcription essentiel pour la réponse
sécrétoire d’insuline stimulée par le glucose.
L’hyperglycémie progressive caractérise ce
diabète. Le phénotype est variable, plusieurs
facteurs influençant le phénotype ont été
identifiés. Par exemple, la présence de dia-
bète maternel pendant la grossesse conduit
à une manifestation du diabète en moyenne
10 ans plus tôt chez la progéniture. Malgré un
profil lipidique favorable, un risque accru de
complications vasculaires est présent. HNF1A
régule également l’absorption du glucose ré –
nal, en cas de diminution de la fonction de
HNF1A une glucosur ie appar aî t . En A ngleter r e
ce diabète est le plus fréquent parmi les dia –
bètes monogéniques avec une fréquence de
52% , suivi par le diabète lié au gène GCK
(32
%) et l
e gène HNF4A
(10
%)5).
HNF4A est un facteur de transcription nu –
cléaire exprimée dans presque toutes les
cellules qui sont positives pour P DX1 et ceci
à un stade très précoce dans l’embryogenèse.
rénaux associés au diabète est maintenant
appelé RCAD (renal cysts and diabetes syn
–
drome), qui comprend parfois aussi des ano –
malies de l’appareil génital. Les défauts dans
HNF1B peuvent aussi conduire au diabète
néonatal avec des reins dysplasiques. L’ana –
lyse histopathologique d’un fœtus atteint a
montré un pancréas hypoplasique, des îlots de
Langerhans désorganisés avec une diminution
de cellules b êt a. C e tr avail a ab outi à la conclu –
sion que HNF1B est essentiel pour la matura –
tion de la cellule bêta. Curieusement, il n’y a
pas de différences phénotypiques entre de
grandes délétions, des réarrangements géno –
miques, ou des mutations ponctuelles dans
HNF1B . Sa f r équence par mi les diab ètes mono –
géniques est d’environ 6
% ,
une insulinothéra
–
pie est nécessaire dans environ 67
% des c
as.
Diabète lié à une dysfonction
de la cellule bêta
Facteurs de transcriptions
HNF1A
et HNF4A
Malgré l’expression des facteurs de transcrip –
tion HNF1A et HNF4A au cour s de l’embr yoge –
nèse, leur absence ne provoque pas de mal-
formations structurelles du pancréas et le
Cas 2: Fille de 16 ans
• Mère diabète gestationnel, diabète persiste après l’accouchement
• No uveau-né à te rme (P N 43 00 g, ma crosomie)
• A
l’
âge
de 16 an
s
hy
perglycémie
pr
ogressive,
BM
I
16
.7
kg
/m
2
• HbA1c 7.8 % (6 1.7 mm ol/mol), No rme < 6 % (< 42 .1 mm ol/mol)
• Diagnostic: Mut ation HNF1A
•
Traitement:
Gl
inide
No
vonorm
® 3 x 0.5 mg po
• Après 5 mo
is de tr
aitement: Hb A1c 5. 9 % (4 2 mm ol/mol) sa ns ép isodes d' hypoglycémie
Cas 2: Enregistrement du glucose en continue (CGMS) avant le traitement
Enregistrement du glucose en continue sur 7 jours, chaque couleur représente un jour.
Valeur de glucose maximale à 15 mmol/l surtout en postprandial.
Tableau 4: Cas 2: Fille de 16 ans
21, 0
18,0 15,0 12,0 9, 0
6,0
3,0 00 : 00
03:0
0
06:
00
09:0
0
12:
00
15 :
0 0
18:
00
21 : 0
0
00 :
00
jeu. mai 29 ven. mai 30 sam. mai 31 dim. juin 01 lun. juin 02 mar. juin 03 mer. juin 04
mm ol/l
1Prof. ffRPofTff.aTb
1Prof. PRTaPR. RbinT,RSPar RPeP( iTédS f.r cbi
9
sont fréquentes comme la malabsorption in-
testinale, la gastrite atrophique, l’hépatite
auto-immune, l’alopécie, le vitiligo, l’hypopla -
sie de l'émail dentaire, la dystrophie unguéale,
la kérato-conjonctivite, les altérations rhuma -
tologiques, osseuses, musculaires, rénales,
bronchiolaires et hématologiques. Le facteur
de transcription AIRE est impliqué dans les
mécanismes de tolérance immune et contri-
bue à la sélection négative des lymphocytes
T auto -réactifs au niveau du thymus, des
ganglions lymphatiques et de la rate.
Les mutations dans le gène FOXP3 conduisent
également à une maladie auto-immune systé -
mique, appelée syndrome de dérèglement
immunitaire-polyendocrinopathie-entéropa -
thie lié à l'X ( IPE X ) . C e sy ndrome g r ave r econ -
nu dans la période néonatale par la diarrhée,
le diabète, l'eczéma, la thyroïdite auto -im-
mune, et une réponse exagérée aux infections
virales conduit souvent à une mort précoce.
FOXP3 est essentiel dans le développement
des cellules T régulatrices (Treg) et la sup -
pression de l'auto -immunité.
Quand est-ce qu’un diabète
monogénique doit être suspecté?
Il est important de faire la différence entre
ces diverses formes de diabètes, car les impli -
cations thérapeutiques et l’évolution à long
terme sont très différentes, comme l’illustrent
les trois cas cliniques. L’origine génétique
peut avoir des implications pour d’autres
membres de la famille et les orienter vers un
conseil génétique.
Cependant, tout enfant qui se présente avec
une hyperglycémie à jeun, une cétose et des
troubles métaboliques devra être traité initia -
lement par de l’insuline.
Un diabète autre que le DT1 devra être évo -
qué, si l’anamnèse familiale est fortement
positive avec un modèle de transmission au-
tosomique dominant, si le diabète se déclare
avant l’âge de 6 mois, si les auto -anticorps
anti-insuline, anti-Glutamic Acid Decarboxy -
lase (GAD), anti-Islet Antigen2 (IA2) et anti-
tr ansp or teur 8 du zinc ( ZnT8 ) sont négatif s ou
si d’autres pathologies sont associées. Une
surdité, une atrophie du nerf optique doivent
faire penser à un diabète d’origine mitochon -
driale de transmission maternelle. En cas de
résistance marquée à l’insuline, ou en cas de
besoin minime voire nul en dehors de la pé-
riode de rémission partielle (>3 ans) avec un
surdité neurosensorielle de transmission
maternelle, car l’ADN mitochondrial (mtADN)
est présent dans des ovocytes, mais pas dans
les spermatozoïdes.
La prévalence reste inconnue, mais le MIDD
représente probablement 0,2 à 3 % de tous
les cas de diabète. Les premières manifesta
–
tions peuvent survenir à tout âge. Un traite-
ment par insuline est proposé.
Défauts exocrines du pancréas
affectant la fonction endocrine
L’enzyme lipase carboxyl-ester (CEL) est im-
pliquée dans l’hydrolyse de l’ester de choles –
térol et est exprimée dans le pancréas exo –
crine, mais pas dans la partie endocrine. Un
défaut de ce gène mène à une lipomatose du
pancréas et à une insuffisance pancréatique
exocrine pendant l’enfance, suivi par un dia-
bète qui se manifeste à un âge moyen de 34
ans. Il est probable que le défaut génétique
conduit à un mauvais repliement des pro –
téines avec une agrégation intracellulaire et
extracellulaire exerçant un effet cytotoxique
impliquant les îlots de Langerhans. La fré-
quence est de <1
% pa
rmi les diabètes mono -
géniques.
Diabète monogénique auto-immun
Les diabètes monogéniques auto-immuns
sont tr ès r ar es. Le pr emier gène as so cié à une
maladie auto-immune systémique, est le gène
AIRE . Les mutations dans ce gène mènent à
la polyendocrinopathie auto-immune de type
1 (APS1). Il s’agit d’une maladie génétique à
début juvénile, associant une candidose cuta -
néo-muqueuse chronique, une hypoparathy -
roïdie et une insuffisance surrénale d'origine
auto-immune. L'insuffisance ovarienne, le
diabète auto-immun, la thyroïdite auto-im -
mune et l'hypophysite lymphocytaire sont
plus rares. D'autres atteintes auto-immunes
sévères un diabète néonatal transitoire.
Comme le gène
K C N J 11 est également expri -
mé dans le cer veau et le muscle s quelet tique,
le diabète peut être associé au syndrome
DEND (retard de développement, épilepsie et
diabète néonatal)
8). Tous les patients atteints
de diabète néonatal ont besoin d'un bilan
génétique approfondi. Un diagnostic précis
est impor tant, car il peut conduire à un chan -
gement dans le traitement et diminuer les
complications à long terme. La majorité des
patients atteints d’un défaut du canal KATP
répond à un traitement par sulfonylurées. La
réponse au traitement semble meilleure si le
traitement est commencé à un jeune âge
9).
Facteur cytoplasmique
Le gène GCK co de p our l ’enz y me qui cat alyse
la formation de glucose-6-phosphate à partir
du glucose une fois absor b é par la cellule b êt a
(figure 2) . Les mutations hétérozygotes avec
une perte de fonction conduisent à une éléva -
tion du taux de glucose à jeun modérée, de
5.5 mmol/l à 8 mmol/l, avec une augmenta -
tion en postprandiale de 3 mmol/l et une
HbA1c moyenne de 6.9
% (5
2 mmol/mol).
Aucune aggravation du diabète se produit au
fil du temps, et peu de complications à long
ter me ont été décr ites
10 ). Il n’y a pas de tr aite -
ment pharmacologique ( cas 3, tableau 5 ), sauf
p endant la g r os ses se un tr aitement par l ’insu -
line est parfois indiqué. Cependant, des muta -
tions homozygotes inactivatrices conduisent
à un diabète néonatal et une insulinothérapie
est nécessaire. Des mutations activatrices de
la même enzyme ont l'effet inverse, con
-
duis
ant à l'hypoglycémie hyperinsulinémique
néonatale.
Diabète mitochondrial
Le diabète avec surdité de transmission ma -
ternelle (MIDD) est une maladie mitochon -
driale caractérisée par un diabète et une
Cas 3: Fille de 5 1/2 ans
• Nouveau-né à terme PN 3240 g, hyperglycémie transitoire à 12.4 mmol/l après la naissance. Jou r suivant 5.8 mmol/l
• A
l'
âge
de 5 an
s
gl
ycémie
à je
un
5.
66
et 5.8
6
mm
ol/l
(N < 5.
6
mm
ol/l)
• A
l'
âge
de 5 1/2 ans, BMI of 16.1 kg/m 2, HbA1c à 6.3 % (N 4– 6) glycémie à jeun d 6.73 mmol/l,
et 8.8 mmol/l en postprandiale
• Fillette
de 5 1/2 ans hospitalisée pour introduction de traitement par insuline pour un diabète
de type 1 débutant
• Diagnostic:
Mu
tation
hé
térozygote
GCK
•
Pad
de tr
aitement
ph
armacologique
né
cessaire,
ma
is
bo
nne
hy
giène
de vi
e
• Arrêt
de tr
aitement
pa
r
in
suline
Tableau 5: Cas 3: Fille de 5 1/2 ans
1Prof. ffRPofTff.aTb
1Prof. PRTaPR. RbinT,RSPar RPeP( iTédS f.r cbi
10
per des traitements encore plus adaptés et
personnalisés.
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Correspondance
Prof. Dr. Valérie M Schwitzgebel
Responsable d’Unité d’Endocrinologie
et Diabétologie Pédiatriques
Diabetes Center, Faculté de Médecine
Université de Genève
1211 Genève
Tél. 022 372 45 90
Fax 022 372 45 88
valerie.schwitzgebel @ unige.ch
L'auteur certifie qu'aucun soutien financier ou
autre conflit d'intérêt n'est lié à cet article.
C-peptide résiduel, le diagnostic de DT1 doit
être revu. Il y a également la possibilité d’uti -
liser un calculateur de probabilité sur internet
( http://www.diabetesgenes.org/content/
mody-probability-calculator )
11 ).
Analyse génétique
Le séquençage haut débit de l’ADN (SHD), ou
NGS (Next-Generation Sequencing), ou en -
core Massive Parallel Sequencing, est la
méthode qui remplace progressivement le
séquençage par la méthode de Sanger (clas -
siquement utilisée depuis les années 1980).
La méthode consiste en un ensemble de
procédures pour séquencer de manière moins
laborieuse, plus économique et rapide, soit de
grands gènes de plusieurs dizaines d’exons,
soit quelques gènes jusqu’à plusieurs milliers.
Les deux approches extrêmes de la méthode
permettent de séquencer soit toutes les par -
ties codantes de tous les gènes de l’humain
et nous parlons alors de séquençage de
l’exome entier, soit l’ensemble de l’ADN nu-
cléaire, c’est le séquençage du génome.
Lorsque le génome n’est pas séquencé dans
sa totalité, il est alors nécessaire, comme
c’est le cas pour l’exome ou pour une sélec-
tion de gènes, de piéger les parties de l’ADN
à s é quencer par une appr o che que nous app e -
lons capture et qui est utilisée lors de la pré -
paration de l’ADN pour le SHD (préparation
des librairies génomiques). Le SHD est la
méthode de diagnostic génétique de choix
pour des maladies génétiquement hétéro -
gènes, qui par définition sont causées par
plusieurs gènes (des dizaines à des cen -
taines).
Conclusions
Au cours des deux dernières décennies, des
découvertes dans le domaine du diabète
monogénique ont conduit à une meilleure
compréhension de la fonction de la cellule
bêta humaine. Le diagnostic génétique précis
p er met d ’adapter le tr aitement , comme illus -
tr é dans les dif fér ent s cas. L’ar r êt d ’un tr aite -
ment par insuline a un impact important sur
la qualité de vie du jeune diabétique et de sa
famille. Le diagnostic peut s’étendre à toute
la famille et potentiellement prédire la pro -
gression du diabète. Il permet également
d’informer sur les complications à long
terme, ainsi que d’implémenter des mesures
de prévention. La disponibilité du séquen -
çage à haut débit permettra de compléter le
spectre génétique du diabète et de dévelop -
1Prof. ffRPofTff.aTb
1Prof. PRTaPR. RbinT,RSPar RPeP( iTédS f.r cbi
Informations complémentaires
Auteurs
Prof. Dr med. Valérie Schwitzgebel , Genève Andreas Nydegger