La Loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif entrée en vigueur le 1er mai 2010 interdit de fumer dans les espaces fermés qui servent de lieu de travail à plusieurs personnes ou qui sont accessibles au public. L’initiative «Protection contre le tabagisme passiv» a pour but de supprimer les lacunes et les exceptions de cette loi.
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les troubles neuropsychiatriques ainsi que
le simple fait que les enfants concernés de\b
viennent plus fréquemment des adolescents
tabagiques et donc des adultes malades.
Tabagisme passif et\. risque
infectieux
Le tabagisme passif de l’enfant n’est
pas seulement associé à un risque élevé
d’asthme
13), mais aussi à des infections
plus fréquentes des voies respiratoires
supérieures et inférieures. Les otitides réci \b
divantes sont 1.5 fois plus fréquentes chez
les enfants de parents fumeurs, les otites
séreuses passagères 1.4 fois et l’otite chro \b
nique 1.2 fois
14). Les enfants exposés à un
tabagisme passif ont un risque 2 fois plus
élevé d’être hospitalisés en raison d’une
maladie des voies respiratoires inférieures,
bronchiolite, bronchite ou pneumonie. Ce
risque est particulièrement important pen \b
dant les deux premières années de vie, mais
se situe, entre 3 à 6 ans, toujours autour
d’un facteur de 1.25
14). Les trois facteurs
suivants sont essentiellement responsables
du risque élevé d’inf\qection
15):
• suppression resp. modulation du système
immunitaire
• augmentation des fa\qcteurs d’adhésion
• altération du mécanisme de nettoyage
muco\bciliaire.
On connaît les effets immunologiques sur \b
tout de la nicotine. D’une part on lui attribue
la suppression des cellules Th1 avec stimu \b
lation sélective des cellules Th2. D’autre part
elle induit une stimulation des éosinophiles
et des cellules B, ces dernières passant de la
production de IgG (p.ex.IgG1) à la production
de IgE, ainsi qu’une inhibition des cellules
tueuses naturelles, ce qui supprime l’activité
cytotoxique cellulaire. La fumée de cigarettes
dépose par ailleurs une couche passive sur
l’épithélium respiratoire, augmentant ainsi
les facteurs d’adhésion de bactéries patho \b
gènes. Outre la nicotine, on trouve plus de
4800 substances chimiques dans la fumée
passive, dont à ce jour 250 ont été recon \b
nues toxiques et 70 cancérigènes. Parmi
les substances endommageant directement
la clearance muco\bciliaire on trouve le for \b
maldéhyde, le cyanide, le dioxyde de soufre,
l’acroléine et la nicotine.
Narguilé et cannabis
Le narguilé (synonymes arguileh, shisha ou
chicha, houka, hubble bubble) se réjouit
Introduction
La Loi fédérale sur la protection contre le
tabagisme passif entrée en vigueur le 1
er
mai 2010 interdit de fumer dans les espaces
fermés qui servent de lieu de travail à plu \b
sieurs personnes ou qui sont accessibles
au public. L’initiative «Protection contre le
tabagisme passiv» a pour but de supprimer
les lacunes et les exceptions de cette loi. Il
serait par contre beaucoup plus complexe
de vouloir réglementer le tabagisme passif
en milieu privé. Les victimes en sont souvent
les enfants, dépourvus, en raison de leur
état de dépendance, d’échappatoire autant
que d’un lobby politique efficace. Par cette
contribution nous souhaitons résumer les
raisons qui font de la protection des enfants
et adolescents contre le tabagisme une
tâche importante pour les pédiatres. Le texte
s’oriente aux conclusions d’un atelier théma \b
tique organisé lors du Congrès de la Société
Suisse de Pédiatrie à Crans\bMontana.
Tabagisme passif in\.trauterin
Les effets négatifs pour l’enfant du taba \b
gisme passif in utero concernent en premier
lieu:
• la période périnatal\qe
• des aspects neurops\qychiatriques
• le développement pul\qmonaire.
La morbidité et la mortalité périnatale plus
importantes sont dues aux complications
obstétricales, au retard de croissance intru \b
terin (RCIU), à la prématurité, aux infections
néonatales plus fréquentes et aux symp \b
tômes de sevrage
1). On estime que 15% des
accouchements prématurés sont à attribuer
à l’abus de nicotine
2). Fait important, le
RCIU est conséquent en comparant mères
abstinentes et mères au tabagisme léger,
l’effet positif d’une simple réduction de la
consommation quotidienne de cigarettes
durant la grossesse étant sensiblement
moins marqué que celui d’une abstinence
totale
3). Pour le nourrisson est significa \b
tif, outre l’incidence accrue de bronchites
obstructives, le risque 8 fois plus élevé de
SIDS, attribué à une possible réduction de
la stimulation resp\qiratoire par l’hyp\qoxie
4), 5) . Une problématique du tabagisme intrauterin,
sur laquelle se focalise la recherche clinique
actuelle, est l’incidence élevée de problèmes
neuropsychiatriques chez les enfants concer
\b
nés. Les résultats publiés récemment par le
GINI (German Infant Nutritional Interven \b
tion), une étude portant sur une nombreuse
cohorte, indiquent un risque augmenté d’un
facteur de 1.5 à 1.9 de souffrir de troubles
émotionnels et dissociaux après exposition
intrauterine au tabac, avec une relation claire
de dose à effet
6). Les conséquences sur les
performances scolaires de la totalité du col \b
lectif d’enfants exposés in utero ne sont pour
l’instant pas claires
7).
Les effets potentiels du tabagisme intrau \b
terin sur le système respiratoire affectent,
outre l’altération de la régulation centrale
de la respiration, le développement du pa \b
renchyme pulmonaire et des voies respira \b
toires. Les données recueillies sur l’animal
associent l’exposition à la nicotine à une
réduction du nombre d’alvéoles, alors que
les études cliniques constatent en premier
lieu une augmentation de la résistance des
voies respiratoires. La diminution de la sus \b
pension radiaire des voies respiratoires au
sein du parenchyme semble jouer un rôle
8).
L’effet à long terme, au delà de l’enfance,
reste difficile à évaluer, rares étant les en \b
fants exposés à la nicotine exclusivement
in utero. En moyennne, la réduction persis \b
tant jusqu’à l’adolescence du VEMS devrait
comporter environ \b0.4% à \b1.2% et celle de
l’index de Tiffenau (VEMS/CV) environ \b1.2%
à \b1.4%
1, 9)–11) . On y associe une augmentation
de 18%, en moyenne, du risque d’acquérir un
asthme jusqu’à l’âge de 12 ans
12). L’exposition
intrauterine au tabac est donc, en termes de
fonction pulmonaire, pour la plupart des ado \b
lescents, plus un problème de santé publique
que d’importance individuelle. Il faudra at \b
tendre pour savoir si ces modifications sont
significatives par rapport au développement
d’un COPD à l’âge avancé.
En résumé, le potentiel pathogène de l’exposi \b
tion au tabac in utero est incontestable. Outre
les différentes complications néonatales et
la multiplication des bronchites obstructives,
à long terme pesent apparemment surtout
Tabagisme et tabagisme passif durant
l’enfance
Gaudenz Hafen, Lausanne; Daniel Trachsel, BâleTraduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux\bde\bFonds
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ensemble une date, si possible dans les
deux semaines après la consultation ou
alors de prendre rendez\bvous auprès du
médecin de famille des parents ou d’une
institution spécialisée (p.ex. consulta\b
tion de sevrage tab\qagique)
5. Arrange follo\b-up: un rappel auprès des
parents (p.ex. téléphone par l’assis \b
tante médicale) après la date fixée peut
s’avérer utile. Les éventuelles rechutes
doivent être discutées, sans porter de
jugement. Les stades selon point 3.
devraient donc être évalués à chaque
consultation.
Résumé
\be tabagisme est une maladie pédia –
trique! Cette constatation était au coeur
de l’atelier thématique du Congrès annuel
2010. Les dégâts du tabagisme passif dé\b
butent déjà in utero, avec des effets né\b
gatifs sur le développement pulmonaire et
neuropsychologique ainsi qu’une morbidité
et mortalité périnatales plus élevées. Par
la suite, outre le risque élevé d’asthme,
les premières années de vie sont gre \b
vées par une sensibilité accrué aux infec \b
tions des voies respiratoires supérieures
et inférieures, pathologies récidivantes ou
chroniques de l’oreille moyenne inclues.
Plus tard, les parents tabagiques ont une
influence malheureusement négative par
leur exemple. Plus de 80% des adultes ta \b
bagiques ont commencé à fumer pendant
l’adolescence! De plus, il est plus difficile
pour les adolescents, pour différentes rai \b
sons, de redevenir abstinents – avec un
risque élevé de rechute. Le rôle des conseils
dispensés aux parents tabagiques pendant
la consultation pédiatrique est donc d’une
importance capitale\q.
Références
Voir le texte allema\qnd.
Correspondance
Dr Gaudenz Hafen
CHUV – DMCP
Unité de pneumologie\q pédiatrique
Rue Bugnon 46, 1011 Lausanne
gaudenz.hafen@chuv.ch
PD Dr Daniel Trachsel
UKBB – Pädiatrische Pneumologie und \q
Intensivmedizin
Postfach, 4005 Basel
d’un intérêt croissant parmi les jeunes.
Le principe consiste à porter du charbon
à incandescence et d’aspirer l’air ainsi
réchauffé à travers un mélange de tabac
souvent aromatisé. Avant que la fumée
n’arrive à la bouche du fumeur, elle passe
par un bain d’eau, comparable à un château
d’eau, la fumée étant refroidie et les parti
\b
cules de goudron partiellement retenues.
L’effet de filtre de l’eau, vanté dans les fo \b
rums profanes, s’arrête là. Le tabac n’étant
réchauffé qu’à 100 degrés et la combustion
donc incomplète, la fumée inhalée contient
divers composants tels le chrome et le
plomb en concentration même plus élevée
que la fumée de cigarettes
16). La fumée
froide étant moins irritante, elle est inhalée
plus profondément. Fumer regulièrement
à l’aide d’un narguilé rend dépendant de la
nicotine. La littérature disponible suggère
que le narguilé est comparable à la cigarette
pour d’autres risqu\qes également.
La consommation de cannabis par la mère
pendant la grossesse a aussi été associée
au retard de croissance intrauterin. De
vastes études épidémiologiques indiquent
par ailleurs une augmentation, bien que
minime, du risque malformatif, notamment
du système nerveux central et du tractus
gestrointestinal. \qMais la recherche clinique
s’est jusqu’ici concentrée sur l’atteinte des
fonctions cérébrales. Alors que les enfants
exposés in utero présentent en premier lieu
un retard du développement du langage et
des troubles du comportement
17), chez l’ado \b
lescent et l’adulte le risque de psychoses et
dépressions est doub\qlé
18), 19) .
Sevrage: les adolescents \.et leurs
parents
«It is easy to think of smoking as an adult pro –
blem. It is adults \bho die from tobacco-related
diseases…». Ho\bever, «a person \bho hasn’t
started smoking by age 19 is unlikely to ever
become a smoker. Nicotine addiction begins
\bhen most tobacco users are teen-agers,
so let’s call this \bhat it really is: a pediatric
disease.» (David Kessler, ancien commissaire
de la Food & Drug Administration).
Le sevrage du tabagisme est, contrairement
à une idée reçue, plus difficile pour l’adoles \b
cent que pour l’adulte. L’adolescence est
une période de plasticité et de modifications
neurodéveloppemental\qes. Les connexions
fronto\blimbiques immatures p.ex., font que
le réseau de contrôle cognitif est encore déficient
20). L’influence de la publicité de
l’industrie du tabac 21), 22) , des camarades
(«peer group») 23) et parents tabagiques 24)
d’une part, l’amplification des symptômes
de sevrage, troubles de la concentration
et de l’humeur, par les changements d’hu \b
meur pubertaires d’autre part, accentuent
le risque d’échec ou de rechute lors d’une
tentative de sevrag\qe du tabagisme
25).
Les mesures d’accompagnement, comme
les produits de substitution de la nicotine
(patch et chewing\bgum de nicotine) ou
les médicaments (buproprion, varénicline),
utiles chez l’adulte, le sont malheureuse \b
ment moins chez l’adolescent
26). Pour les
adolescents tabagiques s’avèrent précieux
les programmes de soutien et de guidance
en groupe, dans un cadre structuré, p.ex.
l’école ou un club sportif, et sous forme
ludique, les adolescents ne suivant eux\b
mêmes souvent pas un emploi du temps
structuré
26).
Comment le pédiatre peut\bil conseiller des
parents tabagiques? Les parents de petits
enfants consultent plus souvent le pé \b
diatre que le médecin de famille. Chaque
consultation représente donc un «teachable
moment» qui permet d’évoquer les com \b
portements à risque
27). Pour conseiller les
parents, la stratégie selon les 5 «A» Ask,
Advice, Assess, Assist, Arrange
28), 29) a fait
ses preuves:
1. Ask: questions claires mais sans juge \b
ment, ne s’intéressant pas uniquement
à l’environnement direct comme l’ap \b
partement/la maison, mais aussi à la
voiture et à la mam\qan de jour p.ex.
2. Advice: l’appel à renoncer à fumer doit
être clair, ferme et en considérant la
situation personne\qlle de l’enfant
3. Assess: vise à évaluer la disposition au
sevrage respectivement le stade atteint.
On différencie 5 st\qades:
a. Precontemplation: un arrêt n’a pas
encore été envisagé et n’est pas
prévu ces prochains 6 mois
b. Contemplation: l’arrêt est envisagé,
peut\bêtre au courant des prochains
6 mois, mais aucune démarche n’a
été faite
c. Preparation: l’arrêt est prévu pour
les mois à venir
d. Action: n’a plus fumé depuis au
moins 24 heures
e. Maintenance: n’a pas fumé depuis
au moins 6 mois
4. Assist: conseils pour les personnes déci \b
dées à arrêter de fumer. Il s’agit de fixer
Informations complémentaires
Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Auteurs
Dr. med. Gaudenz Hafen , Unité de pneumologie pédiatrie , CHUV – DMCP, Lausanne PD Dr. med. Daniel Trachsel , Pädiatrische Pneumologie und Intensivmedizin, Universitäts-Kinderspital beider Basel UKBB, Basel