Le suivi et la documentation de la croissance sont d’une importance capitale pour la prise en charge de l’enfant et il n’est pas toujours facile de trancher entre variante de la norme et pathologie. Un enfant dont la vitesse de croissance est insuffisante par rapport à son âge ou qui grandit en dessous de sa taille cible parentale, doit être investigué. Les enfants qui sont nés petits ou avec un petit poids méritent une attention particulière, le RCIU étant défini par une taille et/ou un poids de naissance en dessous du percentile 3 pour l’âge gestationnel. Cela nous indique aussi l’incidence; sur la base du nombre actuel de naissances en Suisse nous l’estimons à environ 2300 enfants avec RCIU par année.
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Vol. 22 No. 1 2011 F o r m a t i o n c o n t i n u e
ont été conduites afin de déterminer le
gain en taille adulte et l’évolution des
paramètres méta\boliques. Aux Etats Unis,
la Food and Drug Administration (FDA)
a admis le traitement de longue durée
d’enfants de petite taille avec un RCIU
et qui n’avaient pas rattrapé leur taille
jusqu’à l’âge de deux ans. En Europe la
décision a été prise en 2003, à des con-
ditions plus sévères: enfants à partir de 4
ans avec une taille < –2.5 DS. En Suisse le
traitement d’enfants avec RCIU par hor -
mone de croissance est rem\boursé par les
assurances maladie depuis le 1.12.2008;
les critères en vigueur sont résumés dans
le tableau 2 .
Début du traitement et do\bage
Il est généralement admis que pour tous
les traitements par hormone de croissance,
l’effet de rattrapage est d’autant plus mar-
qué, que le traitement est dé\buté tôt. Mais
pour les raisons mentionnées plus haut, on
n’investiguera pas un enfant avant son 2
ème
anniversaire, un rattrapage étant encore
possi\ble. Le nouveau-né et le nourrisson
ont par ailleurs une certaine résistance à
l’hormone de croissance, les récepteurs
à la surface des cellules n’étant que peu
exprimés.
En Europe, comme en Suisse, le dé\but d’un
éventuel traitement est actuellement en -
core fixé à 4 ans. Une étude multicentrique
Introduction
Le suivi et la documentation de la crois -
sance sont d’une importance capitale pour
la prise en charge de l’enfant et il n’est pas
toujours facile de trancher entre variante
de la norme et pathologie. Un enfant dont
la vitesse de croissance est insuffisante par
rapport à son âge ou qui grandit en dessous
de sa taille ci\ble parentale, doit être investi -
gué. Les enfants qui sont nés petits ou avec
un petit poids méritent une attention parti -
culière, le RCIU étant défini par une taille
et/ou un poids de naissance en dessous
du percentile 3 pour l’âge gestationnel. Cela
nous indique aussi l’incidence; sur la \base
du nom\bre actuel de naissances en Suisse
nous l’estimons à environ 2300 enfants
avec RCIU par année.
La croi\b\bance de\b enfant\b avec
un RCIU
La croissance de 80–90% environ des
nouveaux-nés hypotrophiques montre un
rattrapage, qui se fait généralement pen -
dant les premiers 6–12 mois et qui n’est
que rarement o\bservé après la deuxième
année de vie. 10–20% des enfants avec un
RCIU encourent donc un risque élevé de
voir leur retard de croissance persister.
Nous savons aujourd’hui que, outre la
taille, des paramètres méta\boliques telle
la sensi\bilité à l’insuline, le profil lipidique,
l’IMC et la tension artérielle sont influ -
encés négativement. À plus long terme les
enfants avec un RCIU ont donc un risque
significativement élevé de développer un
syndrome méta\bolique, associé à une
plus grande mor\bidité et mortalité cardio-
vasculaire
1) (tabl. 1) .
Nous estimons la perte de taille adulte pour
les enfants qui n’amorcent pas de crois -
sance de rattrapage à 7.5 cm pour le sexe
féminin, à 10 cm pour le sexe masculin
2).
Peu d’enfants avec un RCIU ont un déficit
en hormone de croissance classique, les
tests de stimulation usuels montrent gé-
néralement une réaction suffisante. Malgré cela, un grand nom\bre de ces enfants
présentent une insuffisance discrète ou
partielle et/ou une résistance à l’hormone
de croissance ou à l’IGF1. Selon certaines
pu\blications, jusqu’à 40% des enfants avec
un RCIU ont, malgré des tests de stimu
-
lation normaux, une sécrétion spontanée
d’hormone de croissance diminuée ou
ayant un profil anormal
3).
Traitement par hormone de
croi\b\bance d’enfant\b avec un
RCIU
Déjà dans les années 70 il a été démontré
que l’hormone de croissance induit, du
moins temporairement, une accélération
de la vitesse de croissance; les doses utili -
sées alors étant \basses et l’administration
ne se faisant que 2–3 jours par semaine,
l’effet stimulant n’était pas dura\ble. À par -
tir des années 80, l’hormone de croissance
est devenue disponi\ble en quantités pra -
tiquement illimitées, grâce à la production
recom\binante et de nom\breuses études
RCIU et retard de croissance – indication
pour l’hormone de croissance
Urs Zumsteg, BâleTraduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de - Fonds
Consé\buences métaboli\bues de la prématurité/du RCIU
O\bésité Résistance à l’insuline
Cardiopathie ischémique Pu\barche/adrénarche précoce
Dia\bète type 2 Ovaires polykystiques
Hypertension artérielle IGF-1/IGF-BP3 pathologiques avec potentiel de
croissance réduit
Dyslipidémie
Urémie
Tableau 1
Critères du traitement par hormone de croissance des enfants avec RCIU en Suisse
Poids/taille de na\gissance ≤ -2 DS
Pas de croissance d\ge rattrapage jusqu’à\g l’âge de 4 ans
Taille actuelle ≤ -2.5 SD
Vitesse de croissa\gnce pendant l’année\g écoulée ≤ 0 DS
Adaptation à la tai\glle ci\ble génétique\g < -1 DS
Déficit en hormone\g de croissance et/\gou hypothyroïdie pr\géala\blement exclus
Autres causes médicales pour un retard de croissance ou éventuels traitements préala\blement exclus
Réévaluation du tr\gaitement après une \gannée
Tableau 2
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Vol. 22 No. 1 2011 F o r m a t i o n c o n t i n u e
de non réponse, respectivement d’a\bsence
d’amélioration significative de la vitesse de
croissance après une année, l’indication
au traitement doit être discutée, ce qui est
exigé, et c’est tout à fait compréhensi\ble,
aussi par les assur\geurs.
Références
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Clark PM. Type 2 dia\betes mellitus, hypertension
and hyperlipidaemia (syndrome X): relation to re -
duced fetal growth. Dia\betologia 1993; 36: 62–67.
2) Leger J, Limoni C, Collin D, Czernichow P. Predic -
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Czernichow P. Human growth hormone treatment
of short stature children \born sga: ef fect in muscle
and adipose tissue massduring a 3 year-treatment
period after 1 year’s withdrawal. J Clin Endocrinol
Meta\b 1998; 83: 3512–16.
9) Willemsen FH, Arends NJ, Bakker-van Waarde WM,
Jansen M, van Mil EG, Mulder J et al. Long-term ef -
fects of growth hormone treatment on \body com -
position and \bone mineral densitiy in short chil -
dren \born sga: six-year follow-up of a randomized
controlled GH trial. Clin Endocrinol 2007; 67: 485–
92.
Correspondance
Prof. U. Zumsteg,
Chefarzt Am\bulante \gMedizin UKBB
Päd. Endokrinologie\g/Dia\betologie
Universitätskinder\gspital \beider Basel\g
Postfach/Römergasse 8
CH-4005 Basel
urs.zumsteg@uk\b\b.ch
européenne, analysant le traitement continu
par hormone de croissance d’enfants de pe
-
tite taille avec RCIU sur une durée de 6 ans,
a clairement démontré un effet dose dé-
pendant. Les SDS pour la taille sont restés
inchangés dans le groupe sans traitement,
le groupe au traitement prudemment dosé
(33 µg/kg/jour) a amélioré la taille de + 2.0
DS, dans le groupe au dosage élevé (67 µg/
kg/jour) la progression a même été de 2.7
DS
4). Malgré cela l’administration de doses
très élevées, non physiologiques d’hormone
de croissance ne paraît pas justifiée. La plu -
part des patients nécessitent un traitement
à long terme même après la normalisation
de la taille ou après avoir atteint le canal de
croissance correspondant à leur potentiel
génétique; la possi\bilité d’une réduction du
dosage fait encore l’o\bjet d’études. Le \but
du traitement est la normalisation ou du
moins l’amélioration de la taille de l’enfant
et jusqu’à l’âge adulte. Les premières étu -
des laissent entrevoir un gain de taille à
l’âge adulte de 10 cm environ, ce qui signifie
une correction presque totale du déficit et
une normalisation de la taille par rapport au
potentiel génétique\g
5), 6) .
Age o\b\beux
Les enfants avec un RCIU ont en général
un âge osseux retardé de 1–2 ans; pour
ces enfants, contrairement à d’autres en -
fants avec un retard de croissance, cela ne
signifie pas forcément que la croissance
durera plus longtemps et qu’il y aura donc
un rattrapage. Les études faites jusqu’ici
montrent que même avec un dosage élevé
d’hormone de croissance, l’avancement de
l’âge osseux chez les enfants avec un RCIU
est adéquat et qu’il n’y aura donc pas de
centimètres perdus à la fin de la croissance.
Il faut pourtant souligner que les variations
en gain de taille définitive sont importantes,
même après correction pour la taille paren -tale, l’âge au dé\but du traitement et la durée
du traitement.
Effet\b indé\birable\b
Le traitement par hormone de croissance
induit une certaine résistance à l’insuline,
le méta\bolisme du sucre est donc un aspect
sensi\ble chez ces patients; il a été par
conséquent l’o\bjet d’une surveillance par-
ticulière. Les enfants présentent en effet,
sous traitement, un taux d’insuline plus
élevé, mais la tolérance au glucose reste
normale et le taux d’insuline se normalise
spontanément après l’arrêt du traitement
7).
Les effets indésira\bles dus à l’hormone de
croissance ne sont pas plus fréquents chez
les enfants avec un RCIU qu’en cas d’autres
indications à ce t\graitement.
Autre\b effet\b du traitement par
hormone de croi\b\bance chez le\b
enfant\b avec RCIU
Outre l’effet sur la croissance, l’hormone
de croissance a de toute évidence un effet
positif aussi sur la tension artérielle, le profil
lipidique ainsi que sur la composition de
l’organisme
8), 9) . Sur le plan psychosocial, le
traitement sem\ble avoir un effet favora\ble
sur la confiance en soi et sur l’intégration
sociale des enfants. Malgré cela, la prise en
charge des frais le traitement est soumise
à des critères très stricts et le traitement
doit être supervisé par un endocrinologue
pédiatre (tabl. 3). Glo\balement le traitement
par hormone de croissance montre chez les
enfants avec un RCIU un très haut niveau de
sécurité et d’acceptation; les multiples étu -
des n’ont notamment pas mis en évidence
un risque accru de malignité. Les enfants
avec un RCIU représentent un groupe de
patients très hétérogène, il est donc néces -
saire que le succès thérapeutique soit cons -
tamment évalué de façon critique. En cas
Tableau 3
Investigations chez les enfants ave\lc RCIU avant et pendant le traitemen\lt par
hormone de croissan\lce
Cause du RCIU?
Croissance jusqu’à \gce moment?
Autres causes de r\getard de croissanc\ge exclues (hypothyroïdie, coeli\ïa\bie, maladie chronique)
Test de stimulation\g de l’hormone de cr\goissance (arginine)
Glucose, insuline,\g index HOMA, H\bA1c, lipides \gà jeun
Tension artérielle
En cas de risque: test oral de tol\gérance au glucose
Informations complémentaires
Auteurs
Prof. Dr. Urs Zumsteg , Päd. Endokrinologie/Diabetologie, Universitätskinderspital beider Basel UKBB Andreas Nydegger