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Personnes avec un handicap: Transition et traitement à long terme

Dans notre système de santé très bien développé, la prise en charge globale des personnes avec un handicap congénital ne pose pas de problèmes jusqu’au jeune âge adulte.

Introduction

Dans notre système de santé très bien développé, la prise en charge globale des personnes avec un handicap congénital ne pose pas de problèmes jusqu’au jeune âge adulte. Les infrastructures et ressources ne connaissent, à raison, pas de véritables limites économiques. De nombreux enfants avec des polyhandicaps complexes, le plus souvent avec une paralysie cérébrale (PC), sont suivis pendant des années par les hôpitaux universitaires et cantonaux. Des prestations pédiatriques, de médecine intensive, chirurgicale et neuro-orthopédique sont proposées par les infrastructures bien organisées en réseau de ces hôpitaux.

Dans notre système de santé, la prise en charge «systémique», intégrale du nourrisson jusqu’à l’adolescent, se distingue par contre fortement des soins médicaux clairement orientés au cas lorsqu’il s’agit d’adultes. De  nombreuses maladies ou malformations congénitales nécessitent des interventions chirurgicales pendant l’enfance (p.ex. malformations anorectales, atrésie de l’œsophage) et parfois des traitements aussi à l’âge adulte. Pendant l’enfance est généralement compétente l’Assurance Invalidité (AI), le financement des traitements dont l’indication est obligatoire et qui sont souvent nécessaires à vie est ainsi garanti. Les thérapies de base, comme la physiothérapie, l’ergothérapie, l’orthophonie, les prises en charge neuropsychologique et neuropédagogique accompagnent les enfants jusqu’à l’adolescence.  Des options complémentaires comme la musico- et l’hippothérapie apportent une contribution précieuse, et toujours adaptée individuellement, au développement et à l’intégration.

Au niveau régional, des thérapies sont proposées et adaptées aux capacités des enfants aussi dans des écoles intégratives spécialisées. Des modèles de coopération avec des options de suivi, spécialement dans les domaines de la neuro-orthopédie et de l’épilepsie, existent depuis des décennies; elles dépendent de particularités régionales. On peut mentionner comme exemples la collaboration entre neuropédiatres et épileptologues de la Clinique pédiatrique universitaire de Zurich et du Centre de soins de l’épilepsie Klinik Lengg, ou la consultation de transition pour adolescents avec spina bifida conjointe du Centre suisse des paraplégiques à Nottwil et de la Kinder-Reha Schweiz à Affoltern am Albis. En Suisse manque néanmoins un suivi suprarégional en neuro-réhabilitation, couvrant tout le territoire et indépendant du diagnostic.

Dans la région nord-ouest (Bâle) s’est développée une collaboration entre UKBB et REHAB Bâle, ayant débuté en 1995 environ et officialisée en 2002. Ce concept englobe le besoin important de prises en charge postopératoires, notamment en physiothérapie, en ambulatoire ou hospitalier, de jeunes adultes avec de multiples limitations physiques. Les patients nécessitant des traitements neuropédiatriques et orthopédiques de longue durée sont intégrés et pris en charge, de manière globale, régionale et suprarégionale, dans le cadre d’une consultation à long terme établie depuis plus de 20 ans.

Nous souhaitons présenter, dans le sens d’un aperçu, quelques points centraux mais aussi des aspects structurels et des particularités de la prise en charge à long terme à l’âge adulte.

Transition – généralités

Selon la sévérité de la limitation fonctionnelle ou du polyhandicap, le passage de l’adolescence à l’âge adulte peut s’avérer être un chemin semé d’embûches. Dans les centres hospitaliers on trouve les spécialistes pour les différentes malformations congénitales. En trouver pour adultes avec un polyhandicap dans les régions ou en changeant de canton, s’avère par contre souvent difficile.

Le processus de transition ne s’oriente en Suisse pas encore à un standard minimal bien défini. La transition commence au moment de la première information, de la préparation et invitation; suivent les entretiens de transition, l’optimisation structurelle d’un dossier numérisé et l’identification de possibles médecins pour adultes. La prise en charge à long terme d’adultes avec des handicaps exige, parfois avant l’âge de 18 ans, des ressources notamment pour une gestion de cas structurée au niveau administratif. Selon notre expérience manquent une stratégie globale concernant les ressources et un réseau. Le succès d’une transition bien préparée et le passage d’une jeune personne polyhandicapée dans le monde adulte dépendent souvent d’une poignée de médecins et d’autres soignants engagés. Dans ces situations et d’après notre expérience, une gestion de cas spécialisée devrait assumer impérativement et précocement des tâches d’organisation, de transmission de données et de communication.

Figure 1: Processus de transition suisse en analogie au programme de transition berlinois1).
MZEB = Medizinische Zentren für Erwachsene mit Behinderung (Centres médicaux pour adultes avec un handicap)

En Allemagne existe le modèle des Centres de pédiatrie sociale (Sozialpädiatrische Zentren, SPZ) qui commencent à s’intéresser à une future intégration précoce. En cas de besoin sont à disposition des adultes des Centres médicaux pour adultes avec un handicap (Medizinische Zentren für Erwachsene mit Behinderung, MZEB), garantissant une prise en charge interdisciplinaire à long terme.

Les points importants d’une transition ordonnée sont la prise de conscience de toutes les personnes concernées, la création de ressources humaines stables dans les services ambulatoires ainsi que dans les centres spécialisés et de réhabilitation pour adultes. Outre le grand groupe de personnes avec une PC, la transition doit comprendre aussi les malades chroniques sévères, les adolescents avec un cancer et des complications tardives ou les patients en soins palliatifs. Ces derniers atteignent de plus en plus souvent l’âge adulte. La gestion de la transition inclut, en respectant dans le meilleur des cas la neutralité des coûts, le financement des mesures de transition, ce qui permet de réduire voire éviter des complications tardives et les coûts plus élevés d’une prise en charge à long terme.

Nous présentons ci-après les points cliniquement pertinents de la transition et prise en charge à long terme d’adultes polyhandicapés:

Épileptologie et questions inhérentes

Environ 38-50% des patients avec un polyhandicap souffrent d’une épilepsie, diagnostiquée et traitée2). Lors de la transition, la transmission directe des informations de la part du neuropédiatre au médecin pour adultes est essentielle. Il s’agit d’indications concernant la médication, l’activité de l’épilepsie et le suivi (EEG, fréquence, indications concernant le foyer et l’école, mesures de protection).

À long terme, de la part des institutions (protégées) mais aussi des parents et des patients est souvent soulevée la question d’une réduction de la médication. Il s’agit d’un point important dans l’entretien de transition. Les informations concernant la maladie doivent souvent être répétées et expliquées. Dans des cas particuliers, des informations neurocomportementales importantes peuvent mener à une réévaluation du traitement, éventuellement à un changement de la médication, l’objectif étant de simplifier le traitement. L’accent de la consultation est mis sur la conduite du patient, des parents et des soignants (EEG, taux sanguins). Tout aussi important sont l’échange d’aspects agogiques, neuro-développementaux et p.ex. la documentation, par de brèves vidéos, de la symptomatologie épileptique. La collaboration s’avère particulièrement efficace lorsque les personnes de référence sont toujours les mêmes. Pour les jeunes adultes moins atteints se pose parfois la question de l’aptitude à conduire un véhicule, qu’il s’agisse de catégories de véhicules protégés ou de la catégorie B (voitures de tourisme). Dans ce cas la médecine adulte s’appuie sur les examens neuropsychologiques déjà effectués par la clinique pédiatrique.

Les consultations inhérentes se font en général conjointement par le service de neuropsychologie et le médecin responsable de la transition. Des examens complémentaires (ophtalmologie), demandés p.ex. par REHAB Bâle, ont lieu au centre spécialisé. La documentation (p.ex. héminégligence en tant que trouble visuel d’origine centrale) est importante du point de vue assécurologique, le maintien de l’obligation de prestation de l’assureur devant souvent être à nouveau justifiée (p.ex. soins à domicile ou transports accompagnés pour se rendre à un traitement, en particulier s’agissant de personnes aptes à marcher).

Neuro-orthopédie

Les patients avec des troubles du développement neuromoteur bénéficient, depuis la petite enfance, d’un suivi diagnostique et thérapeutique (contrôle de scoliose, des hanches) et en cas de progression de la symptomatologie, des investigations et de la prise en charge nécessaires. Les interventions chirurgicales sur les extrémités sont autant que possible combinées et concentrées afin de minimiser l’impact des opérations3). Parfois elles sont nécessaires au delà de la phase de transition, et nécessitent aussi à l’âge adulte, comme pendant l’enfance, une prompte neuro-réhabilitation. L’accent est mis sur le maintien ou l’amélioration de la locomotion et l’apprentissage des moyens de soutien comme le déambulateur ou le rollator, ou l’entraînement intensif sur tapis roulant.

Idéalement les contrôles neuro-orthopédiques et la planification du suivi sont effectués dans une institution spécifiquement équipée (imagerie, consultations intégratives dans le cadre d’un suivi à long terme, inclusion du chirurgien orthopédiste et de consiliums spécialisés). Ce sont ces cas qui mettent en évidence le grand besoin de prestations régionales/décentralisées, afin de limiter des déplacements fastidieux pour les patients et leurs familles . Des consultations neuro-orthopédiques ont lieu depuis longtemps, au niveau régional à plusieurs endroits, dans les homes plus grands, 1-2 fois par année, en regroupant les différents intervenants. Ce sont des interfaces essentielles pour la mise à disposition et le suivi des moyens de soutien orthopédiques. Pour l’adulte a lieu une collaboration spécialisée précoce et continue, concernant les indications et les investigations préopératoires des limitations de l’aptitude à la marche dues à la spasticité (analyse de la marche en 3D et cinématographie sous et sans effet botulinique, afin de prédire un résultat opératoire réalisable et bénéfique sur le plan fonctionnel). L’indication d’interventions chirurgicales nécessaires aux soins pour les patients sévèrement atteints, est également discutée à l’occasion d’une consultation interdisciplinaire neuro-orthopédique.

Remise de moyens auxiliaires

Avec le passage à l’âge adulte, pour les personnes pouvant exercer une activité, souvent les prémisses pour l’obtention de moyens auxiliaires changent. Les personnes avec un handicap qui ne sont pas en mesure de travailler, se trouvent souvent dans une situation minimaliste (rente de base), n’obtenant que l’équivalent d’une demi-rente AI et les assureurs ne remboursant pas, sur la base de la différence faite dans la LAMal entre moyens auxiliaires et appareils thérapeutiques, de nombreux moyens auxiliaires (p.ex. chaise hydraulique en plus de la chaise roulante, orthèses pour les patients dépendant de la chaise roulante). L’obligation de la prise en charge par l’AI dépend, bien qu’en principe donnée, souvent d’une longue procédure, ce qui complique ultérieurement l’appareillage de personnes polyhandicapées. Cette pratique très restrictive a des conséquences particulièrement dommageables à l’âge de la transition, lorsque de longues évaluations administratives retardent un appareillage optimal p.ex. en vue d’un apprentissage protégé. Les proches, curateurs et médecins de famille sont alors clairement débordés. Dans ces situations le principe de l’encouragement à l’intégration – notamment dans une activité protégée – échoue et le système mène inévitablement à une pénalisation des personnes avec un polyhandicap.

Un aspect important lorsqu’on évalue les besoins et le droit au remboursement des coûts au moment de la prescription et acceptation de moyens auxiliaires, est aussi l’appréciation souvent divergente entre patients et leur entourage, l’expertise médicale, la prise de position technique de l’AI et finalement la décision financière du payeur. Indépendamment du fait que les coûts des moyens auxiliaires ne représentent qu’une toute petite partie du budget global de l’AI, une meilleure coordination entre toutes les parties concernées devrait exclure que des mesures prescrites lege artis par le médecin, après une évaluation interdisciplinaire soigneuse, ne soient ensuite arbitrairement réduites voire refusées.

Troubles neurogènes de la déglutition et alimentation

Les personnes avec un polyhandicap ont un pourcentage élevé de troubles de la déglutition présents et étonnamment bien compensés déjà depuis la petite enfance4). Ces troubles peuvent concerner la phase orale (apraxie de déglutition, troubles moteurs de la langue, e.a.), plus souvent la phase laryngo-pharyngée (dystonie, passage de liquide ou d’aliments dans la région épiglottique jusqu’à l’aspiration). Des examens complémentaires et recommandations thérapeutiques s’imposent notamment lorsqu’apparaissent des signes de décompensation. Une évaluation logopédique, si possible sur place, et l’introduction de mesures judicieuses, adaptées au quotidien du home, devraient toujours précéder une éventuelle fibroscopie ou vidéo-endoscopie. Dans la pratique ces examens sont effectués pour mieux délimiter l’indication à la gastrostomie percutanée endoscopique (GPE). Déterminantes sont néanmoins des aspirations nécessitant un traitement antibiotique. Nous sommes de plus en plus confrontés au fait que des institutions font de la GPE une condition d’admission, arguant un «concept de sécurité». Il s’agit alors, lorsque la situation est compensée depuis des années et ne nécessite pas cette mesure, de conseiller objectivement en fonction des examens effectués. Une prise en charge de longue durée, limitée par le manque de ressources, exige la recherche d’autres solutions, p.ex. en appuyant la demande de ressources supplémentaires pour les foyers – parfois même en choisissant la voie juridique.

Médecine dentaire

Les contrôles dentaires annuels prophylactiques devraient avoir lieu lorsque existe un risque de formation de tartre et de caries. La nécessité de brèves narcoses représente souvent un problème et exige la collaboration avec un centre hospitalier ou autre centre médical, p.ex. cabinet de groupe avec possibilité d’effectuer des narcoses.

Vessie neurogène, troubles du transit, gynécologie

L’immobilité des patients vivant dans un home et sévèrement atteints sur le plan moteur (Gross Motor Function Classification System GMFCS niveau IV et V), occasionne fréquemment une constipation sévère. Elle se manifeste souvent sous forme de diarrhée paradoxale et nécessite un bilan liquidien optimal et la prescription régulière de laxatifs. On utilise des produits osmotiques comme p.ex. le Movicol® faiblement dosé et administré en permanence, et dans certains cas X-Prep® ou Practo-Clyss® dans le cadre d’un schéma précis. Les caisses maladies acceptent en général les prescriptions à long terme sans problèmes. En cas d’incontinence urinaire le remboursement des mesures nécessaires se fait, après prescription annuelle, selon un degré d’incontinence I à III. Dans le cadre de la transition il est donc important d’appréhender précisément la situation avec les soignants et les parents. De nombreux patients ont une vessie neurogène, en général sans capacité de rétention et mictionnent entièrement dans les langes5). La rééducation vésicale est possible dans certains cas dans le home, mais demande beaucoup de temps et de ressources en soins, et dépend essentiellement des facultés cognitives du patient. Des explications détaillées à l’intention des soignants, basées sur un bilan échographique, sont toujours opportunes. Les infections urinaires peuvent évoquer une dysfonction vésicale avec formation d’urine résiduelle, nécessitant selon la situation des examens complémentaires (cystomanométrie) et un traitement spécifique. Les patients avec une myéloméningocèle sont suivis et encadrés sur le plan urologique depuis l’enfance; lors de la transition, le transfert des informations par les spécialistes est donc garanti. Un suivi urologique ultérieur est certainement indiqué.

Un suivi gynécologique régulier devrait également être évoqué lors de la transition, et un spécialiste adapté recherché dans la région, d’entente avec le médecin de famille. La question de la contraception et l’interaction avec les antiépileptiques est régulièrement soulevée dans les consultations pour adultes.

Ostéoporose

L’immobilisation et les traitements médicamenteux à long terme (antiépileptiques) sont les causes majeures d’un bilan négatif du métabolisme osseux déjà pendant l’adolescence. L’importance de cette problématique a été évoquée par un groupe de travail de l’ancienne Association de médecins pour les personnes avec un handicap intellectuel ou un polyhandicap (SGAB), nouvellement Société suisse pour la santé des personnes avec troubles du développement intellectuel (SSSDI). En collaboration avec des ostéologues/endocrinologues (Prof. Marius Kränzlin, Bâle) ont été formulées des recommandations pour la prophylaxie, la thérapie et le diagnostic chez les personnes avec un polyhandicap6). Ainsi n’est p.ex. pas assez connu le fait que même des adultes masculins handicapés qui marchent librement ont, sous traitement antiépileptique, dans 50% des cas un taux sanguin de vitamine D trop bas. 75% des personnes avec un handicap moteur plus important ont un déficit en vitamine D significatif. Son dosage fait donc partie de la routine lors de la transition.

Accompagnement psychiatrique et psychagogique

Les problèmes neuropsychiatriques sont pris en considération lors de la transition, la médication est transmise, et en général une prise en charge comportementale est mise en place. Les patients avec p.ex. TDA-H ou impulsivité deviennent souvent des cas à problèmes à l’âge adulte, leur comportement étant inhabituel pour l’entourage. Des discussions ont lieu sur la manière optimale de procéder à long terme. En outre environ 40% des patients ont un double diagnostic7). Dans la psychiatrie adulte existent de nombreuses barrières concernant l’organisation et la conception mais aussi sur le plan professionnel, avec des conséquences non négligeables sur la qualité de la prise en charge. On remarque entre autres une prescription excessive de médicaments psychotropes.

Outre le nombre insuffisant de psychiatres, les personnes handicapées rencontrent parfois un manque d’intérêt et surtout un manque d’expérience avec des diagnostics complexes (temps, plafonds de remboursement, etc.). Il est nécessaire de créer plus d’offres spécifiques régionales pour ce groupe cible, tant dans le domaine ambulatoire qu’hospitalier8).

Bilan concernant les options scolaires/professionnelles

Situation de départ
On constate que les conseils donnés aux personnes polyhandicapées le sont plutôt par simple analogie: ainsi à qui sait lire, écrire et calculer on proposera p.ex. une formation d’employé de commerce, même si la personne en question aurait préféré soigner des animaux ou devenir assistant social voire exercer une activité indépendante.

Les besoins d’accompagnement et de soins pendant la formation représentent un défi pour les places de formation désignées, lorsqu’un lieu de formation ou de travail protégé «habituel» avec un accompagnement professionnel n’est pas disponible. La formation, sera donc plus simple pour une personne avec spina bifida, habituée à assumer ses soins que pour une personne polyhandicapée avec une PC, qui nécessitera plusieurs fois par jour l’intervention d’un soignant, ne serait-ce que pour l’alimentation, tout en étant en mesure de suivre une formation protégée.

Problématique des ressources
Ce qui est possible dans les services spécialisés des centres et cliniques universitaires, se présente très différemment selon les régions, avec pour conséquence des offres limitées et un investissement plus conséquent pour l’organisation de la prise en charge.
La Suisse dispose d’une offre très large de places adaptées dans des foyers (de jour) ou des homes, notamment de la part d’associations caritatives ou de fondations. L’offre est pourtant conditionnée plutôt par l’appréciation et les ressources en personnel des prestataires et les budgets gérés de manière très restrictive par les payeurs publics ou privés, que par les besoins réels. Ainsi pour de jeunes adultes avec un TDA-H associé à un autisme se produisent souvent des situations de crise: après un entourage familial dépassé, des institutions d’accueil peu spécialisées atteignent à leur tour leurs limites. Pour ces patients précisément, un «apaisement» médicamenteux n’est certainement pas l’ultima ratio.

Que peuvent donc faire les soignants ou le médecin accompagnant le processus de transition? Tout d’abord doit être disponible une épicrise avec toutes les données pertinentes sous forme de dossier électronique, afin de permettre une familiarisation rapide avec le cas. Ces informations doivent être transmises à toutes les personnes concernées, idéalement par un gestionnaire de cas garantissant une certaine continuité au niveau institutionnel.

Dans les institutions se trouvent souvent des personnes formées dans l’accompagnement ou des assistants en soins et santé communautaire (ASSC) ou des assistants sociaux. Un service médical ou un médecin du home ne sont pas toujours disponibles rapidement. De leur côté et malgré une formation approfondie, les accompagnants ou ASSC ne sont que rarement en mesure de faire des diagnostics médicaux complets.

L’adaptation souvent difficile et inadéquate au nouvel environnement, notamment lors d’un changement d’institution, surcharge les patients autant que les soignants.

Solutions possibles
La collaboration multidisciplinaire entre pédiatrie et médecine adulte est décisive pour une transmission et le départ dans une prise en charge efficaces. Ceci en incluant l’entourage, les parents, les thérapeutes et les spécialistes.

Tout le système doit apprendre: dans le domaine spécifique des maladies neuromusculaires tout particulièrement, un adolescent sera constamment observé avec beaucoup d’attention, à l’école spécialisée et à la clinique pédiatrique. À l’école ou dans une institution les physiothérapeutes constatent le moindre changement de la posture ou les besoins concernant l’appareillage, alors que dans un foyer de jour ou plus tard dans une institution, cette observation quasi quotidienne fait défaut. Un suivi plus régulier par des physiothérapeutes, éventuellement en collaboration avec un médecin et/ou orthopédiste serait nécessaire.

De même la prise en charge au quotidien de patients psychiatriques par des accompagnants socioprofessionnels ou des ASSC permettra de reconnaître une agitation motrice – mais moins la dégradation d’une schizophrénie paranoïde ou d’une dépression. La solution ne sera trouvée que dans une plus grande disponibilité de ressources médicales et thérapeutiques. La communication entre les professionnels concernés n’est actuellement pas reproduite de manière spécifique, ou alors insuffisamment, au niveau tarifaire.

Assurances et médecine sociale

Conclusions concernant le système de transition établi
Les auteurs et de nombreux spécialistes familiers avec la thématique ont l’impression que les assureurs, publics et privés, ont de la peine à reconnaître l’importance de la transition et à évaluer les facteurs coût-bénéfice à moyen et long terme. Selon la connaissance des auteurs il n’existe ni d’évaluation des coûts à long terme ni de stratégie relative. On ne peut pas expliquer autrement le fait qu’à l’âge adulte des mesures médicales ou le financement de moyens auxiliaires indispensables, bien que médicalement reconnus et documentés, soient régulièrement refusés (p.ex. orthèses de la jambe pour personnes inaptes à la marche!) sans prendre en compte adéquatement les répercussions à long terme.

L’objectif de l’Assurance Invalidité, qu’il s’agisse d’enfants et adolescents avec une malformation congénitale ou de personnes âgées avec des limitations fonctionnelles, est l’«enabling». L’éducation et la formation, ainsi que des mesures médicales et thérapeutiques adaptées doivent amener l’adolescent invalide à pouvoir exercer un métier, éventuellement dans une structure adaptée. Concrètement l’AI doit permettre, par des mesures de réadaptation, aux personnes invalides de subvenir eux-mêmes totalement ou partiellement à leurs besoins. Dans le cas contraire une rente (entière ou partielle) leur est octroyée.

Les ressources et mesures médicales généreuses jusqu’à l’âge de 18 ans contrastent avec un scénario souvent diffus concernant la vie réelle à l’âge adulte. En bref – alors que pour les enfants et les adolescents on fait «tout», l’adulte polyhandicapé et intellectuellement fortement limité ne reçoit que des prestations de base s’il n’entre pas dans une vie professionnelle productive. Une personne avec une PC, sans activité lucrative,  recevra éventuellement une petite rente AI de base sans prestations complémentaires. Dès l’âge de 18 ans elle se voit donc confrontée essentiellement aux évaluations financières des assurances maladie, aux moyens limités des cantons et aux exigences budgétaires des responsables politiques. La LAMal fournit la base pour la prise en charge de mesures médicales – une LAMal qui vu les contraintes économiques se bat avec acharnement pour chaque centimètre lors de la reconnaissance de médicaments ou de traitements à long terme, et ne rembourse dans certains cas des traitements pourtant indiqués qu’après des années de batailles juridiques.

Un changement de système s’impose. Dans la Stratégie de la santé 2020–20309) du Conseil fédéral on peut lire: « La stratégie se fonde sur les besoins de la population et sur sa perception d’une vie saine et de soins de qualité.» Cela implique la priorité de la qualité de vie et particulièrement de la durabilité pour les personnes avec des limitations fonctionnelles. En même temps on met en avant la faisabilité économique et, comme mentionné plus haut, lorsqu’il s’agit de polyhandicaps et de maladies psychiques, souvent sans analyse approfondie du pronostic à long terme et des coûts.

En réalité une grande partie de la prise en charge à l’âge adulte se base sur les contributions d’associations, fondations, églises et autres organismes qui à leur tour doivent se battre pour obtenir des donations. Au quotidien les exigences de la Confédération à l’encontre des payeurs – bien qu’inscrites dans la loi – ne sont souvent pas réalisées de manière adéquate.

Le changement de système demande une réorientation: à l’exigence d’une capacité de gain maximale des personnes concernées et la possible dévalorisation au sein de la société, doivent se substituer une bonne qualité de vie et des mesures pour une meilleure intégration. Afin qu’un processus de transition clairement défini puisse se réaliser en Suisse, les adaptations structurelles indispensables nécessitent obligatoirement le concours du législateur.

Références

  1. Müther, S., Findorff, J., Berliner Transitionsprogramm. Paediatr. Paedolog. Austria 51,25-29(2016). https://doi.org/10.1007/s00608-016-0348-x; Verlag: de Gruyter Oldenbourg, Deutsch / ISBN-13: 9783110432619
  2. Epilepsy in Children with cerebral palsy, A.K. Gururaj, L.Strik, A.Berner, A.Davodv,V.Eapen  in Seizure European Journal of Epilepsy, volume 12, Issue 2 P 110-114 , March 01 2003
  3. Jennifer L Mc Ginley, Fiona Dubson, Rekha Ganeshaligam, Benjamin J Shore, Erich Rutz, H Kerr Graham: Single- event multilevel surgery for children with cerebral palsy:a systematic review in: Developmental Medicin & Child Neurology, Volume 54 Issue 2
  4. Edenea da Cunha Menezes,Flavia Apareida Hora Santos, Flavia Lôbo Alves; Cerebral palsy dysphagia: a systematic review in : Re.CEFAC vol 19 no São Paulo July /August 2017
  5. Kevin P Murphy, Susan A Boutin, Kathy Ride: Cerebral palsy, neurogenic bladder, and outcome of lifetime care in: Developmental Medicine & Child Neurology Vol.54 Issue 10 October 2012 Pages 945-950
  6. SAGB-Jahrestagung 13.06.2013 :  Kätterer Ch., Kraenzlin M., Gelzer D, Suter F.,Gantenbein M., Voeglin M. et al;  „Vorbeugung und Behandlung von Osteoporose bei Geistig-  und Mehrfachbehinderten“  in: Empfehlungen der Arbeitsgruppe SAGB (pdf peut être obtenu auprès de l’auteur)   
  7. Frank Besag, Albert Aldencamp, David W Dunn, Rochelle Caplan, Giuseppe Gobbi, Matti Sillenpää Psychiatrische Störungen und Verhaltensstörung bei Kindern mit Epilepsie (ILAE Task force report) in Epileptic Disorders 10.684/epd.2016.0819, 18 s1 p.77-86(2016)
  8. Prof. Michael Seidl, DGPPN, 12.09.2019
    Positionspapier «Zielgruppenspezifische psychiatrische und psychotherapeutische Versorgung von Erwachsenen mit geistiger Behinderung und zusätzlichen psychischen Störungen –  Situation, Bedarf und Entwicklungsperspektiven», Geschäftsstelle DGPPN,
    Reinhardstrasse 27 B, D-10117 Berlin; pressestelle@dgppn.de
  9. Stratégie globale Santé 2020 de la Confédération:
    https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/gesundheit-2020/eine-umfassende-strategie-fuer-das-gesundheitswesen.html, Office fédéral de la santé publique OFSP, Division Communication et campagnes, Santé 2020, Schwarzenburgstrasse 157, 3003 Berne

    Littérature complémentaire disponible auprès des auteurs.

Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schlaepfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteurs n'ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr. med.  Christian Kätterer LA Neurorehabilitation REHAB Basel

Erhart Von Ammon ‚transition1525‘ - Medizinische und integrative Transition für junge Behinderte und chronisch Kranke, Zürich