Les défauts visuels (focalisation anormale de la lumière sur la rétine) comprennent la myopie (œil trop long) (Figure 1), l’hypermétropie (œil trop court), l’astigmatisme (stigmatisation ou convergence anormale sur la rétine des focales constituant une image) et la presbytie qui touche 100 % des individus entre 45 et 50 ans (vieillissement du cristallin induisant une diminution de sa puissance de convergence lors de l’accommodation avec difficulté à la lecture de près). En Chine, il y a 60 ans, 10 à 20 % de la population était myope alors qu’aujourd’hui jusqu’à 90 % des adolescents et jeunes adultes présentent une myopie1). A Séoul jusqu’à 96.5 % des hommes âgés de 19 ans sont myopes1). En Europe, on observe un prévalence de la myopie de 42.3 % entre 20 à 30 ans contre 29 % entre 50 et 60 ans2). 25 % des citoyens Américains seraient myopes alors que dans le monde 2.5 milliards d’individus présenteraient ce défaut visuel.
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Les défauts visuels (focalisation anormale de
la lumière sur la rétine\b comprennent la myo-
pie (œil trop long\b ( \bigure 1), l’hypermétropie
(œil trop court\b, l’astigmatisme (stigmatisa –
tion ou convergence anormale sur la rétine
des focales constituant une image\b et la
presbytie qui touche 100 % des individus entre
45 et 50 ans (vieillissement du cristallin indui –
sant une diminution de sa puissance de
convergence lors de l’accommodation avec
difficulté à la lecture de près\b.
En Chine, il y a 60 ans, 10 à 20 % de la popu-
lation était myope alors qu’aujourd’hui jusqu’à
90 % des adolescents et jeunes adultes pré –
sentent une myopie
1\b. A Séoul jusqu’à 96.5 %
des hommes âgés de 19 ans sont myopes 1\b.
En Europe, on observe un prévalence de la
myopie de 42.3 % entre 20 à 30 ans contre
29 % entre 50 et 60 ans
2\b. 25 % des citoyens
A mér icains ser aient myop es alor s que dans le
monde 2.5 milliards d’individus présente –
raient ce défaut visuel. Ce constat pose de
nombreuses questions:
Est-il dangereux d’être myope? Si oui pour
–
quoi? L’augmentation du nombre de myopes
dans la population pourrait-il devenir un pro –
blème de santé publique? Est-il possible de
contrecarrer ce phénomène et de ralentir
l’évolution de la myopie durant la première
période de la vie? Pourquoi cette évolution?
Cette tendance mondiale est-elle explicable
par des causes génétiques selon un modèle
mendélien? S’agit-il au contraire d’un autre
mode de transmission? Des mécanismes épi –
génétiques sont-ils impliqués dans ce phéno –
mène? Notre mode de vie sollicitant de ma –
nière importante la vision de près jouerait-il
un rôle?
Quelques faits sur la myopie
Le myop e a une mau vaise v ision de loin et une
b onne v ision de pr ès s ans lunet tes. Le myop e
à un œil trop grand et trop gros (augmenta –
tion du volume global de l’organe\b (\bigure 2).
Ces changements sont proportionnels à la
force de la myopie. On pourrait dire que chez
les myopes, l’œil a la même masse tissulaire
qu’un œil normal, mais que dans ce cas,
comme l’œil est plus long et que les volumes
des cavités ont augmentés, les tissus sont
étirés, et parfois tellement étirés qu’ils
peuvent se déchirer. Un tissu est particulière –
ment touché par ce phénomène, c’est la ré –
tine. Une déchirure de la rétine périphérique
ou maculaire (zone de la rétine servant à la
vision précise et à la vision des couleurs\b peut
conduire à un décollement de la rétine. L a myopie appar aî t dur ant la première par tie
de la vie, entre 3 et 25 ans. Pourquoi? Car
durant cette période l’individu est en crois
–
sance et ses tissus sont souples et ont une
grande capacité à se déformer. La myopie
commune étant une augmentation excessive
de la longueur finale de l’œil ce phénomène
est possible durant cette période de vie.
C’est aussi pour cette raison que les pé –
diatres sont en première ligne pour parler de
ce défaut visuel avec les familles de leurs
jeunes patients. Comme nous le savons, l’âge
est marqué par un durcissement de l’en –
semble de notre corps (glycation non enzy –
matique, stress oxydatif chronique de nos
tissus et inflammations chroniques\b, pour
cette raison une myopie commune ne peut
plus appar aî tr e apr ès l ’âge de 30 ans. D ur ant
la croissance, l’œil peut grandir de manière
excessive s’il est sollicité de manière impor –
t ante p our la v ision de pr ès. Un œil de g r ande
taille est adapté à la vision de près sans lu –
nette.
Pour un ophtalmologue pratiquant dans un
cabinet, sa patientèle est divisée en plusieurs
groupes, en fonction de l’âge d’apparition des
amétropies (défauts visuels\b rencontrées: les
myopes consultent pour la première fois entre
3 et 30 ans, les hypermétropes consultent
pour des plaintes visuelles à partir de 35 à 40
ans et les presbytes à partir de 45 ans. Cette
vision synthétique est incomplète, car dans
notre pratique, les défauts visuels peuvent
s’associer: myopie et astigmatisme, myopie
astigmatisme et presbytie, hypermétropie et
presbytie etc.
Comment corriger la myopie?
La myopie peut être corrigée à l’aide de lu –
nettes, de lentilles de contact ou par une
chirurgie. Il existe une chirurgie réalisée en
surface de l’œil, c’est la chirurgie réfractive
cornéenne qui nécessite l’utilisation de lasers
et la chirurgie intra-oculaire avec mise en
place d’un implant rigide fixé à l’iris ou d’un
implant intraoculaire souple glissé entre l’iris
et le cristallin.
«Myopie Boom» dans les pays industrialisés!
Pourquoi? Est-ce un enjeu de santé publique?
Est-il possible de freiner son évolution?
François Majo, Lausanne
Figure 1: Œil de myope. Défocalisation de la
lumièr e si l ’œil es t trop long et bais se de l ’acuité
visuelle en vision de loin sans correction.
Tache d’éclairement rétinienne MYOPIE AXILE
Figure 2: Déformation d’un œil de myope. IRM permettant de visualiser la protrusion postérieure d’un œil myope fort (staphylome\b. A et B œil
normal de profil. C, D et E: œil de myope fort de profil et depuis sa face postérieure.
1Prof. ffRPofTff.abT
1Prof. PRTaPR. RbinT,Se.f(oP(Pé iTSdc f.r tbi
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Est-il dangereux d’être myope?
Si oui pourquoi?
Avoir une myopie faible ou modérée de -1.0 à
-3.0 dioptries n’est pas un problème en soi.
L’individu présentant un tel défaut visuel, qui
dans la grande majorité des cas deviendra
stable à l’âge de 25/30 ans, pourra dans le
meilleur des cas être définitivement libéré de
ses lunettes ou ses lentilles de contact par
une chirurgie cornéenne. Une myopie plus
forte, supérieure à – 4.0D peut être associée
à des complications. Une myopie peut être
de -2.0D ou -3.0D jusqu’à -30.0D. Plus la
myopie est importante, plus l’œil aura une
grande taille et les risques de complications
ser ont imp or t ant s. Il es t à noter qu’il n’y a pas
de chiffres absolus liant la force de la myopie
et l’apparition de complications, un myope de
-2.0 D p eut avoir des complications comme un
décollement de rétine, mais il a été démontré
que plus la myopie est forte, plus le risque
d’avoir des complications en rapport avec ce
défaut visuel est important.
A quels dangers sont exposés les
personnes ayant une myopie forte?
Un fort myope peut avoir un œil mesurant
30.0 mm de long. Les 7 mm de différence par
rapport à un œil de longueur normale (23.4
mm\b sont clés, car le volume oculaire est
alors augmenté de 2 à 3 fois le volume nor –
mal. Dans ces yeux, la quantité de tissus et
équivalente à celle d’un œil emmétrope (nor –
mal\b, mais comme sa taille est augmentée,
les tissus sont étirés et peuvent se «déchi –
r er ». Le r is que majeur v ient des déchir ur es de
la r étine qui sont à l ’or igine des dé collement s
de la rétine. Les pathologies rétiniennes liées
à la myopie forte sont appelées rétinopathie
du myope. La rétine est une émergence du
cerveau au fond de l’œil et son décollement
peut être associé et un défaut de perfusion
ou une inflammation chronique. Dans les
deux cas le tissu est lésé irréversiblement
avec perte définitive d’une partie de la vision.
Le processus qui conduit à cette atteinte
fonctionnelle définitive pourrait être comparé
à un accident vasculaire cérébral à évolution
lente.
Un myope fort peut présenter une rétinopa –
thie qui est définie comme suit (\bigure 3):
sig nes de staphylome (déformation du pôle
postérieur de l’œil\b, déchirures de l’épithélium
pigmentaire (épithélium qui participe à nourrir
les photorécepteurs\b, tâches de Fuchs (cica –
trice maculaire d’une hémorragie rétinienne\b
et atrophie chorio-rétinienne
3\b.
\b’augmentation du nombre de
myopes dans la population
pourrait-il devenir un problème
de santé publique?
Selon l’OMS, la myopie fait partie des causes
les plus fréquentes de cécité légale dans le
monde
4\b. Ce risque est d’autant plus grand
qu’il s’agit de patients présentant une forte
myopie (défaut visuel supérieur à -5.0D\b.
La cécité: qu’elle définition?
Selon l’OMS, les trois catégories suivantes
définissent une cécité:
• La déficience visuelle profonde: acuité vi –
suelle binoculaire corrigée inférieure à
1/ 2 0
ème et supérieure ou égale à 1/50 ème,
avec un champ visuel compris entre 5° et
1 0 °. En pratique, le sujet compte les
doigts à 1 mètre.
• La cécité presque totale: acuité visuelle bino –
culaire corrigée inférieure à 1/50
ème, mais
perception lumineuse préservée, avec un
champ visuel inférieur à 5°. En pratique, le
sujet ne compte pas les doigts à 1 mètre.
• La cécité absolue: pas de perception lu
mineuse, à fortiori en absence de l’œil.
Le nombr e de myop es for t s var ie d ’une p opu –
lation à l’autre. A Taiwan, 80–90 % des enfants
ayant terminé le gymnase/lycée sont myopes et parmi eux 10–20
% ont une myopie forte
5\b.
A contrario, en Australie, 1.2 % des myopes
présentent une rétinopathie myopique
6\b.
La myopie forte et ses complications repré –
sentent une des principales causes de cécité
chez les personnes en âge de travailler. En
Asie, il s’agit de la 3ième cause de cécité lé –
gale par at teinte bilatér ale, alor s qu’au Jap on,
il s’agit de la première cause de cécité mono –
culaire chez les personnes de 40 années et
plus
7\b.
En Europe, une étude hollandaise a montré
que la dégénérescence maculaire myopique
est la première cause de cécité pour les indi –
vidus de 55 à 75 ans
8\b.
A la question: est ce que l’augmentation
du nombre de myopes dans la population
pourrait devenir un problème de santé
publique? Nous devons répondre par
l’affirmative.
Cet enjeu est d’importance car il s’agit de
personnes ayant l’âge de travailler qui pré –
sentent une diminution de leur vision, de leur
qualité de vie et de leur autonomie. Il existe
par ailleurs un enjeu en terme d’économie de
la santé, car ces personnes malvoyantes
bénéficient généralement d’une rente AI.
Figure 3: Rétinopathie du myope fort. Fond d’œil avec visualisation de la région maculaire.
A et B: tache de Fuchs et hémorragie maculaire. C: déchirures de l’épithélium pigmentaire.
D: atrophie chorio -rétinienne.
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1Prof. PRTaPR. RbinT,Se.f(oP(Pé iTSdc f.r tbi
17
La durée d’exposition journalière à la lumière
solair e ser ait aus si un f acteur imp or t ant impli-
qué dans l’évolution de la myopie. Deux effets
seraient impliqués. L’effet de le lumière et de
son spectre qui stimulerait chimiquement la
rétine de manière à stabiliser la longueur
axiale (la lumière artificielle n’aurait pas le
même effet biologique\b. De plus la faible ex –
position annuelle à la lumière solaire conduit
à un déficit en vitamine D, bien connu de nos
confrères pédiatres
12 \b. Ce déficit relatif joue –
rait un rôle dans la genèse de la myopie, car
la sclère correspond sur le plan histologique
à du cartilage. Le déficit relatif en vitamine D
objectivé chez les myopes pourrait expliquer
la f aibles se r elati ve de sa sclèr e et aug mente –
r ait ses pr opr iétés de r emo delage qui ser aient
supérieures à celles présentes dans la sclère
de l’emmetrope. Les propriétés de remode –
lage du tissu scléral ainsi obtenues favorise –
raient la croissance axiale du globe oculaire
contraint par des tensions musculaires lors de
la vision de près.
Par ailleurs, la sollicitation importante de la
vision de près durant la croissance conduit à
une sur-utilisation des yeux en accommoda –
tion convergence (statut habituel pour voir de
pr ès \b . C et ét at o culair e compr end une tension
accommodative constante avec probable hy –
pertonie de la partie postérieure du globe
oculaire
13 \b, augmentation passagère de la
longueur axiale de l’œil 14 \b et hyper-sollicitation
de la sclère. Ces deux contraintes mécaniques
imposées à l’œil en croissance favoriseraient
la croissance axiale de l’œil et le rendrait
myope. La vision de près est aussi associée à
Est-il possible de contrecarrer
ce phénomène et de ralentir
l’évolution de la myopie durant
la première période de la vie,
moment ou elle évolue le plus?
Un œil adulte normal a une longueur (mensu –
r ation entr e la cor né e et la r étine \b de 23.4 mm.
Un fort myope peut avoir un œil mesurant
jusqu’à 30.0 mm de long
9\b. A la naissance la
longueur axiale d’un œil normal est de 17 mm
pour atteindre 20.4 mm à l’âge de 2 ans. A 4
ans la longueur axiale adulte est atteinte.
La myopie commune est associée à une lon –
g ueur axiale excessive (œil trop long\b. Vouloir
comprendre la myopie et potentiellement la
«contrôler» nécessite de connaître les méca –
nismes impliqués dans la détermination de la
longueur définitive d’un œil à l’âge adulte.
Chez l ’animal, nous s avons que dur ant la cr ois –
sance, un œil qui n’a plus d’accommodation, et
donc avec une focalisation des images en
arrière de l’œil, aura tendance à devenir
myope par augmentation de sa longueur
axiale pour compenser cette imperfection
(comme s’il cherchait la zone de plus forte
énergie lumineuse localisée en arrière de la
rétine dans ces cas\b
10 \b. Ensuite, l’œil peut
continuer sa croissance en fonction des solli –
citations qu’il reçoit et des conditions dans
lesquelles il est sollicité: vision de près ou de
loin, exposition à la lumière solaire fréquente
ou non.
Comme la myopie commune est associée
à un œil de grande taille, il est important
de comprendre quels sont les facteurs
qui interviennent dans la taille finale d’un
œil humain
11 )
La quantité et la qualité de vision sont la rai –
son d’être d’un œil, élément d’un organisme
vivant. L’organisation de manière efficiente de
cette fonction dépend du développement et
de l’équilibre final trouvé entre le système
optique (cornée et cristallin\b et la longueur
axiale finale de l’œil.
Si un œil reçoit peu de lumière durant les
premières années de vie nous savons de
l’expérience clinique qu’il ne stabilisera pas
sa longueur et deviendra myope. Par exemple,
nous savons que si un enfant a un œil qui est
caché et qui ne peut pas voir la lumière (par
exemple après un traumatisme associé à une
cat ar acte non op ér é e \b , cet œil aur a tendance
à grandir d’une manière exagérée et à devenir
myope. C’est la myopie de privation (privation
de lumièr e \b . C e mécanisme est connu et a été
reproduit chez l’animal
11 \b. un déficit de convergence avec défocalisation
retro-rétinienne des images intra-oculaires
15 \b
ce qui favoriserait aussi la croissance axiale
de l’œil, d’autant plus que cette condition
sêrait présente durant le croissance.
C’est en comprenant les éléments impliqués
dans la détermination de la longueur finale de
l’œil humain, et le moment où sont sollicités
ces élément s , qu’il es t p os sible de dé finir des
stratégies pour freiner son évolution.
Les stratégies de prévention doivent
prendre en compte les deux éléments
suivants: le temps quotidien d’exposition
à la lumière du jour (corrélé au taux de
vitamine D) et la sollicitation quotidienne
de la vision de prés durant la journée.
Si l’on veut ralentir la croissance axiale d’un
œil myop e et s a longueur finale, ces élément s
doi vent êtr e mis en place dur ant la p ér io de de
crois s ance d ’un indi v idu , qui es t la p ér io de clé
durant laquelle la myopie peut progresser
(\bigure 4) .
i. Augmenter le temps quotidien d’expo
sition à la lumière du jour (corrélé au
taux de vitamine D) (Figure 5 supérieur
gauche)
• Dans certains pays, des décisions ont
déjà été pr ises par les autor ités de s anté :
en Chine et à Singap our des études pr os –
pectives sur des cohortes sont actu –
ellement en cours. Les élèves doivent
s’exposer à la lumière solaire, plusieurs
heures par jour, avec pour ob jectif de li-
miter la croissance de la longueur axiale
Figure 4: Mesur es pr ises dans une école chinoise p our limiter le nombr e de myop e. D es ar ceau x
empêchent les enfants de lire de trop près et de solliciter de manière excessive leur accommo –
dation.
1Prof. ffRPofTff.abT
1Prof. PRTaPR. RbinT,Se.f(oP(Pé iTSdc f.r tbi
18
• Remodelage de la courbure antérieure
de la cornée: l’Orthokératologie. L’uti l-
isation de lentilles de contact aplatis –
sant la cornée durant la nuit, pour créer
un profil asphérique, permet de corriger
la défocalisation périphérique (\bigure 5
inférieure gauche) .
• Action pharmacologique: paralysie de
l’ac commodation. Instillation d’atropine
en goutte à très faible dosage (\bigure 5
inférieure droite) . Il est à noter que ce
type de traitement peut se compliquer
chez le nouveau né d’iléus réflexes par –
fois mortels. La prescription de ce type
de gouttes doit donc être réalisée sous
surveillance médicale stricte en collabo –
ration avec un pédiatre chez un très
jeune enfant. Ce type de stratégie est
associée à des effets indésirables: les
enfants sont éblouis car les pupilles sont
dilatées toute la journée et peuvent plus
diminuer leur diamètre en cas de forte
exposition solaire.
des yeu x de ces enf ant s. Il es t à noter que
si des enfants jouent
à l’extérieur, durant
cette période de temps, ils sollicitent
moins leur vision de près.
• Supplémentation en vitamine D
16 \b. Des
études supplémentaires sont néces –
saires pour valider cette attitude.
ii. Limiter le temps durant lequel
la vision de près est sollicitée
quotidiennement
• Intervention optique: Limiter l’utilisation
de l’accommodation.
• Correction optique par lunettes: utili sation
de verres bifocaux ou de verres progres –
sifs permettant de soulager l’ac –
commodation (\bigure 5 supérieure droite) .
• Correction optique par lentilles de
contact. L’utilisation de lentilles de
contact créant un profil de focalisation
asphérique ayant pour conséquence de
corriger la défocalisation périphérique
(stigmatisation d’une partie de la lu –
mière en arrière de la rétine\b. iii.
Limiter chirurgicalement la
croissance axiale de l’œil du myope
• Le renforcement scléral consiste à
renforcer chirurgicalement la sclère
postérieure du myope fort pour éviter
que celle-ci ne continue à se défor –
mer
17 \b. Des bandes de sclère hétéro –
logue ou des patchs synthétiques sont
placé es au ni veau du p ôle p os tér ieur de
l’œil, fixés en avant de l’équateur, pour
créer un bandage de renforcement sur
la partie externe de l’œil. Cette tech –
nique a été proposée en 1960 par
l’ophtalmologiste russe Curtin.
Pourquoi cette évolution?
Cette tendance mondiale est-elle
explicable par des causes géné –
tiques selon un modèle mendélien?
S’agit-il au contraire d’un autre
mode de transmission? Des méca –
nismes épigénétiques sont-ils
impliqués dans ce phénomène?
Notre mode de vie sollicitant
de manière importante la vision
de près jouerait-il un rôle?
Pourquoi cette évolution?
Des enfants ayant des parents myopes ont
plus de chances de devenir myopes. Les mu –
tations de certains gènes ont été impliquées
dans des myopies syndromiques
18 \b. En ce qui
concerne la myopie commune, aucun gène
n’est retrouvé.
Cette «épidémie» nous interpelle car elle pose
de nombreuses questions. Comment se fait-il
qu’en deux ou trois générations, le nombre
de myope ait évolué aussi rapidement? Des
facteurs semblent modifier la longueur finale
des yeux des jeunes individus et ce nouveau
phénotype semble pouvoir être transmis à
la génération suivante. Un caractère acquis,
transmis si rapidement d’une génération à
l’autre, ébranle les fondements de nos
connaissances et la manière dont nous avons
appris que les caractères se modifiés avec le
temps et pouvait être transmis à notre des –
cendance.
Cette tendance mondiale est elle
explicable par des causes génétiques
selon un modèle mendélien?
Selon Mendel, un caractère est transmis de
manière héréditaire par la combinaison des
gènes des parents. Dans le cas qui nous inté –
resse, ce mode de fonctionnement ne peut
pas expliquer ce que nous observons sur le
plan mondial.
Figure 5 supérieure gauche: Activités extérieures chez l’enfant. Augmentation du temps
d’exposition à la lumière solaire.
Figure 5 supérieure droite: Verres bifocaux permettant de
soulager l’accommodation. Figure 5 inférieure gauche: Orthokératologie. Lentille de contact
por tée durant la nuit uniquement et permettant de modifier la courbure de la cornée en l’apla –
tissant. Il n’existe plus de défocalisation périphérique de l’image et l’ensemble de l’énergie
lumineuse focalisée dans l’œil se retrouve en avant de la rétine. Figure 5 inférieure droite:
Paralysie pharmacologique de l’accommodation qui permet, chez un enfant en croissance, de
soulager l’accommodation et de limiter la progression de la myopie. Cet effet est perdu si le
traitement est stoppé trop rapidement. Ce type de traitement devrait appliqué jusqu’à 25 ans,
ce qui est impossible compte tenu des effets indésirables associés: dilatation prolongée des
pupilles avec photophobie.
1Prof. ffRPofTff.abT
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19
Comment expliquer l’évolution de ce
phénomène? Si les lois de Mendel ne
peuvent expliquer nos observations,
s’agitil d’une modification de l’espèce
expliquée selon un modèle Darwinien ou
selon un modèle Lamarckien, impliquant
l’effet de l’environnement et lié à des
phénomènes épigénétiques?
Dans une évolution dite Darwinienne, qui exclut
la transmission de caractères acquis, le phéno –
mène que nous observons, avec évolution
dramatique du nombre de myopes, serait expli –
qué selon le modèle suivant: une mutation
localisée dans un individu créerait au travers
de sa descendance un plus g r and g roup e d ’indi –
vidu, ayant une chance de survie plus impor –
tante, car ce sous-groupe serait mieux adapté
à la v ie mo der ne né ces sit ant une acti v ité imp or –
tante en vision de près. Il devrait expliquer
l’ampleur du phénomène que nous observons
au niveau mondial. Ce modèle ne peut pas ex –
pliquer la situation actuelle car il aurait fallu
qu’une mutation aléatoire apparaisse en même
temps ou presque aux quatre coins du monde.
Seule l’épigénétique peut expliquer ce que
nous observons cliniquement. Pour expliquer
d’une manière succincte ce qu’est l’épi gé-
nétique, la métaphore suivante peut être uti –
lisée. Si on considère que le texte écrit dans
un li v r e est le génome d ’une cellule ( tr ansmis –
sion familiale, hard data modifiable par des
mutations aléatoires\b, la manière dont le livre
est lu correspond à l’épigénétique (transmis –
sion aussi, mais soft data sous l’influence
forte de l’environnement et donc modifiable
par celui-ci. Evolution selon Jean-Baptiste
Lamarck\b.
L’épidémie de myopie que nous observons
pourrait être expliquée selon ce processus.
Des études à large échelle sont nécessaires
pour préciser cette hypothèse.
Selon ce modèle, l’environnement (la manière
dont nous utilisons nos yeux et leur sur-utili –
sation en vision de près durant la phase de
croissance\b jouerait un rôle déterminant dans
le phénomène observé.
Conclusions
La myopie est devenue un problème majeur
de santé publique dans certains pays d’Asie
du Sud-Est car 80–90 % des élèves terminant
leur cursus scolaire sont myopes, avec une
augmentation marquée de la prévalence du –
rant les dernières décennies. Ce phénomène
est aussi observé dans les pays occidentaux
dont la Suisse, avec une moindre intensité.
Avoir une myopie simple demeure une cause commune de défaut visuel, avec peu de
conséquences sur la qualité de vie d’un indi
–
vidu, par contre avoir une forte myopie (au
delà de -5D, soit 10–20 % des individus
myopes\b peut exposer l’individu à une morbi –
dité importante, avec survenue d’une cécité
légale chez des individus en âge de travailler.
L’augmentation du nombre de myopes semble
être associé à l’importance des pressions
subies durant l’âge éducatif qui conduit les
enfants à passer toujours plus de temps à
étudier et à solliciter leur vision de près ; ainsi
qu’aux changements de notre mode de vie,
avec augmentation du nombre d’activité de
près (utilisation d’ordinateur, de tablettes, de
smartphones …\b. Ces modifications sont as –
sociées à une diminution du temps passé par
les enfants à l’extérieur et donc du temps
d’exposition à la lumière solaire et du temps
passé en vision de loin.
«L’épidémie» actuelle de myopie pourrait être
expliquée par des causes épigénétiques qui
impliquent une place centrale de l’envir on-
nement. Il s’agit d’une bonne nouvelle, car
nous pourrions en modifiant notre environne –
ment/mode de vie, influencer l’évolution de
ce pr o ces sus et diminuer la for ce et la dange –
rosité de ce défaut de vision.
Des stratégies pour bloquer l’évolution de la
myopie ont été proposées. Elles sont mise en
place pour les enfants, les adolescents ou les
jeunes adultes, la croissance étant le moment
pr incipal dur ant le quel la myopie est évoluti ve
(entre la naissance et 25 ans\b. Elles visent
principalement à augmenter le temps d’expo –
sition à la lumière du jour, à soulager l’ac –
commodation, ou à focaliser la lumière en
avant de la r étine et pas en ar r ièr e de celle – ci.
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Correspondance
Dr François Majo
Privat-Docent
Spécialiste FMH en Ophtalmologie
et Ophtalmochirurgie
Place de la Gare 10
1003 Lausanne
www.cogl.ch
fmajo @cogl.ch
L’auteur certifie qu’aucun soutien financier ou
autre conflit d’intérêt n’est lié à cet article.
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1Prof. PRTaPR. RbinT,Se.f(oP(Pé iTSdc f.r tbi
Informations complémentaires
Auteurs
Dr. François Majo , Privat-Docent Spécialiste FMH en Ophtalmologie et Ophtalmochirurgie Andreas Nydegger