La mélatonine exerce différentes fonctions dans le corps humain. L’hormone contribue entre autre à la régulation de l’horloge interne, exerce une action d’induction du sommeil et antioxydative et semble protéger le corps contre les maladies neurodégénératives et la cancérogénèse1). Le sujet de cet article est de savoir dans quelle mesure l’emploi de la mélatonine se justifie lors de troubles du sommeil de l’enfant et de l’adolescent.
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La mélatonine exerce différentes fonctions
dans le corps humain. L\bhormone contribue
entre autre à la régulation de l\bhorloge in-
terne, exerce une action d\binduction du som –
meil et antioxydative et semble protéger le
corps contre les maladies neurodégénératives
et la cancérogénèse
1). Le sujet de cet article
est de savoir dans quelle mesure l\bemploi de
la mélatonine se justifie lors de troubles du
sommeil de l\benfant et de l\badolescent.
Physiologie
La mélatonine est probablement connue de
la plupart des lecteurs en tant que «médica –
ment» prévenant les symptômes du jetlag. La
mélatonine est une hormone formée dans
l\bépiphyse à partir de la sérotonine. En raison
de sa fonction de régulateur de l\bhorloge in –
terne on la nomme aussi un chronobiotique. La mélatonine est le marqueur le plus puis
–
sant assurant le système circadien et est
largement indépendante du sommeil. Chez
l \bhumain comme chez l \banimal la sécr étion de
mélatonine est contrôlée par le noyau supr a –
chiasmatique (NSC) (figure 1). La modulation
de ce dernier est conditionnée par la lumière,
ce qui sig ni fie que la dur ée de sécr étion quo –
tidienne de mélatonine dépend de la durée
d\bexposition à la lumière. L\bintensité lumi –
neuse est enregistrée par des photorecep –
teurs non visuels de la rétine. L\bhormone est
sé cr été e p eu apr ès que s \bins t alle l \bobscur ité,
at teint son pic au milieu de la nuit et diminue
pr og r es si vement p endant la deu x ième par tie
de la nuit. La production de mélatonine est
influencée par un grand nombre de subs –
tances (entre autres les benzodiazépines, la
caféine et l\balcool). De grandes différences
individuelles existent concernant la sécrétion quotidienne. La quantité sécrétée diminue
avec l\bâge
2).
Mode d’action de la mélatonine
exogène
La mélatonine exogène semble agir spécifi
–
quement par l\bintermédiaire du NSC sur le
système circadien et améliorer ainsi indirec –
tement le sommeil nocturne. En outre la méla –
tonine a un effet légèrement hypnotique qui
explique l\beffet positif lors de troubles de
l\bendormissement. Il existe deux types de
récepteurs pour la mélatonine dans le NSC:
les récepteurs MT1 et MT2. À l\baube et au
crépuscule sont réceptifs les récepteurs MT2
(décalage de l\bhorloge interne). Au début de
la nuit sont sensibles les récepteurs MT1 qui
réduisent l\bactivité de neurones du NSC (effet
favorisant le sommeil).
Mélatonine et trou\bles du sommeil
spécifiques
Delayed sleep phase syndrome (syndrome
de retard de phase de sommeil): les patients,
généralement des adolescents, ont de
grandes difficultés à s\bendormir le soir. Les
heures d\bendormissements sont nettement
Mélatonine et troubles du sommeil
de l’enfant
Peter Hunkeler, ZurichTraduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
Figure 1: Régulation de la sécrétion de la mélatonine. Nuyau suprachiasmatique
(horloge «interne»)
Glande pinéaleTractus rétine-hypothalamus
Ganglion cervical supérieur Mélatonine
17La mé l7a é mton
17La mé7lto7lmélni
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décalées vers la nuit. Des difficultés à se lever
le matin peuvent s\bajouter, avec des effets
négatifs sur la vie scolaire et professionnelle.
Du point de vue physiopathologique on sup-
pose un rythme circadien durant plus de 24
heures. Certaines études démontrent un effet
positif de la mélatonine sur la difficulté à
s\bendormir.
Free-running type (horloge interne en libre
cours): chez le patient avec une horloge in –
ter ne en libr e cour s le r y thme cir cadien r alen –
tit de jour en jour malgré un environnement
normal (synchroniseurs externes sociaux). Ce
trouble affecte en particulier le quotidien so –
cial et professionnel des patients. Comme
cause on suppose entre autres une régulation
anormale (chronotype prolongé) de l\bhorloge
interne. Du point de vue physiopathologique
la démarcation du syndrome de retard de
phase de sommeil est floue. Chez ces patients
la mélatonine peut contribuer à rétablir un
rythme veille-sommeil normal.
Troubles du sommeil d’enfants malvoyants:
l\bhorloge interne peut marcher «librement»
aussi chez les personnes aveugles. Cet état
se présente p.ex. chez les personnes ayant
perdu la fonction des deux yeux (rétine). Les
aveugles n\bont pas tous une horloge interne
qui avance librement. Chez les patients
aveugles p.ex. par une lésion du cortex visuel
mais possédant une rétine fonctionnelle,
l\bhorloge interne est tout à fait en mesure
d\bêtre synchronisée par la lumière. Un test
pour le bon fonctionnement du canal non-vi –
suel de la lumière est la suppression, par
l\bexposition à la lumière, de la sécrétion de
mélatonine pendant la nuit subjective.
Troubles du sommeil chez les enfants avec
des troubles du développement: d\baprès
certaines études la mélatonine a un effet
positif sur les troubles du spectre autistique
3).
Un meilleur sommeil et moins de troubles
comportementaux le jour sont mentionnés,
les effets indésirables étant minimes. Un effet
positif sur l\bendormissement est décrit aussi
chez les patients avec un syndrome de l\bX
fragile
4). Les patients avec un syndrome de
Smith-Magenis souffrent, entre autres, de
troubles du sommeil sévères avec inversion
du rythme circadien. La prise vespérale de
mélatonine combinée avec des bétabloquants
le matin (suppression de la synthèse diurne
de mélatonine) peuvent induire chez ces pa –
tients une normalisation du rythme nycthé –
méral.
TDA-H et mélatonine
Les troubles du sommeil liés au TDA-H sont
abondamment décrits. Selon certaines études
la prévalence est de 50 % à 80 % , les troubles
du sommeil p ou vant donc êtr e dé finis comme
comorbidité du TDA-H
5). Les parents dé –
crivent des troubles de l\bendormissement et
du maintien du sommeil. TDA – H et tr oubles du
sommeil apparaissant conjointement, on peut
se demander laquelle des deux pathologies
est à l\borigine de l\binattention, de l\bhyperacti –
vité et de l\bimpulsivité. Trois possibilités sont
envisageables: 1. Le TAD-H ou sa médication
engendrent les troubles du sommeil, 2. Le
trouble du sommeil est à l\borigine de symp –
tômes imitant ceux du TDA-H, 3. Les deux
pathologies sont associées.
La question de l\bapproche thérapeutique cor –
recte se pose. Le premier et le pas le plus im –
portant sont des mesures d\bhygiène du som –
meil ( t a b l . 1) . L\binst aur ation d \bun r y thme de v ie
régulier le jour avec une heure fixe pour le
coucher est essentielle. Cela doit être main –
tenu aussi les fins de semaine où l\bheure du
coucher ne devrait pas varier de plus d\bune
heure. L\bheure du coucher doit être adaptée
aux besoins en sommeil. Un autre facteur im –
portant est donné par les activités du soir. Les
activités stimulantes, tels les jeux vidéo ou la
télévision ou une activité physique excessive
sont à éviter avant l\bendormissement. Caféine
et alcool peuvent influencer négativement le
sommeil. Certes l\balcool raccourcit la période
d\bendormissement mais il peut perturber le
sommeil plus tard. Passer du temps en plein
air, sur tout le matin et au soleil, p eut contr ibuer
à maintenir le rythme circadien. Comme pour
d\bautres troubles du sommeil les somnifères
ne sont pas le médicament de premier choix.
Est ce qu\bun traitement complémentaire par
la mélatonine est utile chez les enfants et
adolescents avec un TDA-H? Combinée à des
mesures d\bhygiène du sommeil, la mélatonine
peut avoir un effet positif sur l\bendormisse –
ment. Une étude démontre un endormisse –
ment raccourci et une durée du sommeil plus
longue chez des enfants avec un TDA-H sans
traitement médicamenteux
5). Par contre au –
cun effet n\ba été observé sur le comportement
et les performances cognitives. Malheureuse –
ment il n\bexiste pratiquement pas d\bétudes
documentant l\beffet de la mélatonine sur une
plus longue durée (> 6–9 mois). Il n\bexiste pas
non plus de consensus sur la dose thérapeu –
tique adéquate. La question des effets indé –
sirables possibles n\ba pas de réponse
concluante non plus. L a mélatonine ne dev r ait
donc être utilisée chez les patients avec un
TAD -H qu\bavec précaution
5).
Expériences du centre du sommeil
zurichois
Dans la littérature scientifique, on s\baccorde
à dire qu\ben présence de troubles fonction –
nels du sommeil, les ajustements comporte –
mentaux sont les mesures thérapeutiques au
premier plan
6). La prescription de somnifères
n\best pas conseillée. Il est important de faire
tenir aux parents un protocole du sommeil
(P. ex: http://www.kispi.uzh.ch/Kinderspi –
tal/Medizin/Schlafmittel/Downloads/
Schlafprotokoll.pdf) ) p endant deu x semaines.
Au centre du sommeil du Département de
pédiatrie du développement de l\bHôpital des
enfants de Zurich nous adoptons avec succès
un concept en trois ét apes
7): 1ère ét ape : r y th –
mer le déroulement de la journée, 2 ème étape :
Quels sont les éléments de l’\bygiène du sommeil 6)?
Heure du couc\ber: heures fixes, même en fin de semaine; adaptation de la durée aux besoins
établis au moyen du protocole du sommeil sur 2 semaines
Rituel d’endormissement
C\bambre à couc\ber: sombre, silencieuse, fraîche
Repas: pas d\baliments difficiles à digérer 1–2 heures avant le coucher
Stimulants: pas de caféine (café, thé, cola) 3–4 heures avant le coucher; éviter alcool, nicotine et
energy drinks
Activités: les activités excitantes, tels jeux vidéo, télévision ou l\bactivité physique excessive sont à
éviter avant l\bendormissement. Sont conseillées les activités à l\bextérieur avec exposition au soleil.
Appareils électroniques, tels téléviseur, ordinateur ou smartphone sont à bannir de la chambre à
coucher, afin d\béviter l\butilisation excessive avant le coucher
Les siestes devraient être évitées chez les enfants plus âgés (dès l\bâge scolaire)
Tableau 1
17La mé l7a é mton
17La mé7lto7lmélni
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adapter le temps passé au lit aux besoins
calculés, 3 ème étape: endormissement indé-
pendant.
Nous utilisons occasionnellement la mélato –
nine p our les enf ant s ave c un tr ouble du déve –
loppement et souffrant de troubles aigus ou
chroniques du sommeil, p.ex. pour les enfants
avec un trouble autistique ou un retard men –
tal. Nos expériences avec la mélatonine chez
les adolescents souffrant d\bimportantes diffi –
cultés d\bendormissement et qui, le matin, ne
veulent ou ne peuvent pas se lever malgré les
efforts des parents pour les réveiller sont
plutôt décevantes. Ces adolescents manquent
souvent l\bécole, ce qui augmente encore la
pression sur eux-mêmes et sur les parents.
Selon nos expériences le traitement par méla –
tonine uniquement n\bapporte pas d\baméliora –
tion à moyen ou long terme. En combinaison
avec des mesures d\bhygiène du sommeil nos
résultats sont un peu meilleurs, mais la réali –
sation de ces mesures n\best pas toujours
simple.
Conclusions pour la pratique
Pour la prise en charge d\benfants et adoles –
cents avec des troubles du sommeil, la pre –
mière et la mesure la plus importante est de
réaliser un protocole du sommeil pendant
deux semaines. C\best la condition sine qua
non qui permet de conseiller spécifiquement
l\benfant et la famille. Pour le traitement des
troubles du sommeil fonctionnels les somni –
fères ne sont pas indiqués. Leur emploi peut
s\bavérer utile chez les enfants avec des
troubles du développement. Les indications
classiques pour le traitement par la mélato –
nine sont les maladies rares comme le «syn –
drome de retard de phase de sommeil» et
l\b«horloge interne en libre cours». Chez les
enfants et adolescents avec TDA-H une cer –
taine évidence existe pour l\befficacité de la
mélatonine en combinaison avec des mesures
d\bhygiène du sommeil (surtout lors de difficul –
tés d\bendormissement); il n\bexiste par contre
pas de consensus concernant le dosage, la
durée du traitement et les possibles effets
indésirables.
Références1) Kostoglou-Athanassiou I. Therapeutic applications
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logy and metabolism 2013; 4 (1): 13–24.
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Habilitationsschrift zur Erlangung der Lehrbefähi –
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zinischen Fakultät der Charité – Universitätsmedi –
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tion-deficit/hyperactivity disorder. Pediatr Clin N
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6) Owens JA. The use of pharmacotherapy in the
treatment of pediatric insomnia in primar y care:
rational approaches. A consensus meeting sum –
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JVol 1, No 1.
7) Jenni O, Benz C. Schlafstörungen. Pädiatrie up2date
2007; 309–33.
Correspondance
Dr. med. Peter Hunkeler
Oberarzt, Abteilung Entwicklungspädiatrie
Kinderspital Zürich
Steinwiesstrasse 75
8032 Zürich
Peter.Hunkeler@ kispi.uzh.ch
Les auteurs certifient qu’aucun soutien fi –
nancier ou autre conflit d’intérêt n’est lié à
cet article.
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Informations complémentaires
Auteurs
Dr. med. Peter Hunkeler , Stiftung Arkadis, Olten Andreas Nydegger