L’hépatopathie stéatosique non alcoolique (non-alcoholic fatty liver disease; NAFLD) est devenue, chez les enfants et adolescents des pays industrialisés, la cause la plus fréquente de maladie hépatique chronique. La présentation de cette hépatopathie peut aller d’une simple accumulation graisseuse intrahépatocytaire jusqu’à une inflammation hépatique (non-alcoholic steatohepatitis, NASH), à partir de laquelle une fibrose pourra se développer. Ainsi, les différentes expressions de cette hépatopathie stéatosique se relèvent d’une grande importance pour le pronostic. Le NAFLD est associé à l’obésité et donc au syndrome métabolique. Selon des études épidémiologiques dans les pays industrialisés, des tests non invasifs retrouvent un NAFLD chez 3 à 10 % des enfants et adolescents tout venants. La prévalence pourrait être encore plus élevée chez les enfants obèses (jusqu’à 80 % dans certaines ethnies).
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Introduction
L’hépatopathie stéatosique non alcoolique
(non-alcoholic fatty li\ber disease; NAFLD) est
de\benue, chez les enfants et adolescents des
pays industrialisés, la cause la plus fréquente
de maladie hépatique chronique.
La présentation de cette hépatopathie peut
aller d’une simple accumulation graisseuse
intrahépatocytaire jusqu’à une inflammation
hépatique (non-alcoholic steatohepatitis,
NASH), à partir de laquelle une fibrose pourra
se dé\belopper. Ainsi, les différentes expres-
sions de cette hépatopathie stéatosique se
relè\bent d’une grande importance pour le
pronostic.
Le NAFLD est associé à l’obésité et donc au
syndrome métabolique. Selon des études
épidémiologiques dans les pays industrialisés,
des tests non in\basifs retrou\bent un NAFLD
chez 3 à 10 % des enf ant s et adolescent s tout
\benants. La pré\balence pourrait être encore
plus éle\bée chez les enfants obèses ( jusqu’à
80 % dans certaines ethnies).
Quand faut-il suspecter le NAFLD\b
En raison de l’association forte entre obésité
et stéatose hépatique, une hépatopathie
stéatosique non alcoolique doit être suspec –
tée et in\bestiguée chez les enfants et adoles –
cent s dont l ’indice de mas se cor p or elle ( IM C )
est pathologique (P > 90 %).
Les recommandations du groupe de Tra\bail
«Obésité» de la SSP pré\boient un dépistage
par le dosage de l’ALAT et une échographie
abdominale s’il existe des arguments supplé –
mentaires en fa\beur d’un NAFLD. Des transa –
minases normales ne l’excluent cependant
pas et par ailleurs, chaque élé\bation chro –
nique des transaminases et chaque hyperé –
chogénicité hépatique à l’échographie doi\bent
faire é\boquer le NAFLD, dont 10–20 % des
porteurs ont un poids normal.
Anamnèse, examen clinique
et analyses de routine
La majorité des enfants atteints de NAFLD ne
présente aucune symptomatologie. Certains
signalent une fatigue, un malaise ou des dou –
leurs abdominales (parfois épigastriques
droites): de tels symptômes sont cependant
fréquents et peu spécifiques chez les adoles –
cents. Une hépatomégalie est décrite dans
quasi 50 % des cas ; elle est cependant difficile
à retrou\ber cliniquement chez l’enfant obèse. La
présence d’une acanthosis nigricans suggère un
hyperinsulinisme et se retrou\be chez 30–50 %
des enfants dont le NAFLD est retrou\bé à la
biopsie. Le degré de la résistance à l’insuline
ét ant cor r élé e à l ’ob ésité \b iscér ale, la mesur e du
périmètre abdominal en est un bon marqueur,
pour laquelle des t ables de percentiles sont à la
disposition des praticiens. Le rapport de circon –
férences taille/hanche n’a pas cependant de
bonne corrélation a\bec l’obésité \biscérale chez
les enfants, à la différence des mesures fournies
par l’imagerie DEXA. En pratique clinique, la suspicion de NAFLD
est é\boquée lors d’élé\bations modestes des
transaminases ou d’hyperéchogénicité hépa
–
tique à l’échographie, ou des deux. Cepen –
dant, la sensiti\bité de l’ALAT n’est pas satis –
faisante, n’atteignant guère que 50 % pour
cer t aines études. D e même, la cor r élation est
médiocre entre l’élé\bation des transaminases
et l’importance de l’atteinte histologique
(stéatose \bersus hépatite respecti\bement fi –
brose). Une élé\bation de la gamma- GT est
considérée comme facteur de risque pour une
fibrose a\bancée associée au NAFLD, ou pour
une autre étiologie de la stéatose hépatique
(cholangiopathie).
Comme l’hyperinsulinisme – secondaire à
l’insulinorésistance – est considéré comme
premier facteur étiologique du NAFLD, une
élé\bation de l’insulinémie à jeun ou une per –
turbation du cycle glycémique sont sou\bent
objecti\bées. La dyslipémie, a\bec prédomi –
nance de l’hypertriglycéridémie, est sou\bent
retrou\bée chez l’adolescent obèse et fait
partie du syndrome métabolique. Dans cer –
taines études, elle était proportionnelle à
l’élé\bation de l’AL AT et à l’atteinte hépatocel –
lulaire.
Aucun marqueur clinique ou biochimique ne
dispose au jour d’aujourd’hui de sensibilité ni
de spécificité suffisante pour établir le dia –
L’hépatopathie stéatosique non alcoolique
chez l’enfant et l‘adolescent
Alexandra Tsouka, Valérie McLin et Pascal Müller pour la SSGHNPTraduction: Alexander Corboz, La Chaux- de – Fonds
Fonctions métaboliques et
tests hépatiquesHémogramme, ALAT, ASAT, Bilirubine, phosphatase alcaline,
gammaGT, glycémie et insulinémie à jeun, urée, électrolytes,
hémostase, profil lipidique, OGTT (oral glucose tolerance test),
HbA1c, TSH.
Exclusion des diagnostics
différentiels de NAFLD CPK, urée, ferritine, transferrine, cuivre sérique, céruloplas
–
mine, cuprurie de 24 h, dosage et phénotypage de l’ α-1 – a n t i –
trypsine, anticorps en relation avec l’hépatite auto-immune, IgA
antitransglutaminase, IgA sériques totaux. Dépistage des hépa –
tites B et C.
Si indication spécifique: test à la sueur, profil de l’acyl- carnitine,
acides aminés et organiques plasmatiques, lactate, pyruvate.
Ta b l e a u 1: Examens paracliniques chez un enfant suspect de NAFLD
Conditions systémiques Dénutrition (aiguë), alimentation parentérale, éthylisme chro
–
nique, hépatopathie stéatosique non éthylique, cœliaquie, hépa –
tite C, maladies intestinales chroniques inflammatoires (MICI),
diabète sucré, syndrome néphrotique, dysthyroïdie et autres
Conditions génétiques/
métaboliques Maladie de Wilson, mucoviscidose, déficience en alpha-1-an
–
titrypsine, intolérance au fructose, cytopathies mitochondriales,
hémochromatose, syndromes de Turner et Prader-Willi, glyco –
génoses, et autres
Médicaments/toxiques Méthotrexate, corticostéroïdes, acide valproïque, zidovudine,
vitamine A, amiodarone, oestrogènes, nifédipine, ecstasy,
cocaïne et autres
Ta b l e a u 2: Principaux diagnostics différentiels de la stéatose hépatique
10L’héphha0’hthhéoit
10L’hép0ato0aépaie
11
gnostic de NAFLD ou NASH ; leur diagnostics
restent donc un diagnostic d’exclusion ( Ta-
b l e a u 1) . Il ser a r etenu à la lumièr e d ’élément s
démographiques, anthropométriques, cli –
niques et biologiques et après a\boir exclu les
autres diagnostics différentiels de la stéatose
hépatique (Tableau 2) .
Examens complémentaires
L’utilisation de la biopsie: elle demeure le
«gold standard» pour établir le diagnostic de
stéatohépatite a\bec certitude. Non seulement
elle permet d’écarter d’autres pathologies,
mais c’est le seul moyen de distinction entre
NAFLD et NASH.
Dans le cas de la stéatohépatite (NASH), les
caractéristiques histologiques principales
retrou\bées fréquemment seront une stéatose
macro-\bésiculaire, une inflammation lobu –
laire, une ballonisation hépatocellulaire et
dans les cas a\bancés, une fibrose. La biopsie
renseigne également sur le stade de fibrose
\boire de cirrhose. Etant une technique in\basi\be liée à des com
–
plications potentiellement gra\bes, la biopsie
n’est pas conseillée comme méthode de dé –
pistage. De plus, sa \baleur peut être limitée
en raison de problèmes d’échantillonnage.
A ce jour, il n’existe pas de consensus
concernant les indications à la biopsie ni sur
les inter\balles de temps entre les sui\bis his –
tologiques. Une biopsie est toutefois conseil –
lée afin d’exclure d’autres maladies trai –
tables, lors d’une forte suspicion de maladie
hépatique sé\bère et dans le cadre d’une
étude clinique bien structurée. En cas de
doute diagnostic la biopsie est également
indiquée.
Quand référer un patient pour é\baluation
ou une biopsie hépatique?
Dès la suspicion de NAFLD ou de NASH, le
patient doit êtr e é\balué sur le plan biologique,
pondéral et métabolique. Si chez le patient
a\bec sur poids ou obésité il n’y a pas de modi –
fication de la biologie ou de l’image échogra –
phique après 6–12 mois d’inter\bention (diété -tique, acti\bité physique), il est recommandé
d ’adr es ser l ’enf ant à un centr e sp é cialisé p our
é\baluation et biopsie si nécessaire.
Utilité de l’imagerie:
La plupart des données
disponibles sur l’utilité de l’imagerie dans
l’é\baluation de la stéatose et de la stéatohé –
patite sont issues d’études chez l’adulte.
• L’échographie (US) permet d’identifier une
stéatose a\bec une sensibilité et spécificité
comparable à celle de la biopsie. Un US est
à réaliser pour toute suspicion de NAFLD à
la recherche d’une hyperéchogénicité.
Cette technique ne permet pas la quantifi –
cation de la stéatose ni la distinction entre
stéatose et fibrose et ne peut donc pas
exclure la présence d’une NASH.
• La tomodensitométrie (CT) permet une
quantification de la stéatose, mais cette
méthode est déconseillée chez l’enfant en
raison de l’irradiation associée.
• L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
offre des résultats reproductibles, non su –
jets à une \bariabilité inter-obser\bateur et
peut être utile comme méthode de
Algorithme suspicion de NAFLD
Enfant a\bec suspicion de NAFLD
Tests hépatiques * et échographie hépatique
Normaux
Sui\bi du surpoids
Enfant < 10 ans
Diagnostic différentiel
complet **
Facteurs de risque pour NAFLD (éléments du
syndrome métabolique)
Enfant > 10 ans
Inter\bention surpoids
Persistance de la
perturbation 6-12 mois post inter\bention
Recherche des
diagnostics différentiels ** En\bisager biopsie
hépatique
Tests hépatiques éle\bés ou échographie anormale
** \boir tableau 2
* ALAT, gammaGT
10L’héphha0’hthhéoit
10L’hép0ato0aépaie
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sur\beillance. Les coûts associés à son uti-
lis ation limitent les b éné fices de son ef fica –
cité.
• Le Fibroscan est un nou\bel outil qui utilise
l’élastographie transitionnelle pour é\baluer
la fibrose. C’est une technique prometteuse
elle n’es t pas encor e disp onible de manièr e
répandue.
• L’ARFI (Acoustic Radiation Force Imaging)
fournit au médecin un «doigt» \birtuel pour
sonder l’élasticité des régions internes du
corps. Des déformations des tissus hépa –
tiques transitoires de quelques microns,
induites par la force de rayonnement acous –
tique, génèrent des ondes de cisaillement
qui peu\bent être utilisés pour estimer la ri –
gidité du foie et ainsi le stade de la fibrose.
C et te te chnique n’es t utilisé e que dans des
centres spécialisés.
Quelle imagerie demander en première
intention a\bant de référer un patient?
Une échographie hépatique à la recherche
d’une hyperéchogénicité compatible a\bec une
stéatose.
Marqueurs biologiques: En raison de l’é\bolu-
tion potentiellement gra\be de la NASH et des
risques associés à la biopsie hépatique, le
dé\beloppement de méthodes non-in\basi\bes
pour distinguer entre NAFLD et NASH est in –
dispensable. Parmi les biomarqueurs poten –
tiels on relè\be des molécules impliquées dans
les processus sui\bants: inflammation, stress
oxydatif, apoptose et fibrose. A l’heure ac –
tuelle, aucun marqueur n’a \béritablement fait
ses preu\bes chez l’adulte ou l’enfant.
Traitement
Actuellement il n’existe pas de traitement
spécifique pour le NAFLD ou NASH. La pré –
\bention de sa sur\benue reste donc primor –
diale. Chez le sujet atteint de surpoids, les
facteurs modifiables comme le poids et l’acti –
\bité physique doi\bent être l’objectif d’une
prise en charge spécialisée. ( http://www.
akj-ch.ch/fachpersonen/angebote.html ).
De plus en plus d’études démontrent l’effet
positif de suppléments diététiques comme les
probiotiques et les acides gras polyinsaturés
omega – 3. Chez l ’enf ant , des r ésult at s pr élimi –
naires positifs émanent d’études similaires.
Parmi d’autres agents é\balués, on dénombre
les sensibilisateurs d’insuline, les antioxy –
dants et les agents cytoprotecteurs. Chez
l’enfant, seule la \bitamine E a été associée à une amélioration des tests hépatiques et du
métabolisme glucidique. Cependant seule la
mo di fication du mo de de \b ie a f ait ses pr eu \bes
et ce de manièr e dur able. Da\bant age d ’études
sont nécessaires a\bant l’introduction de ce
type de thérapies dans la pratique.
Evolution naturelle
L’histoire naturelle de la maladie chez l’enfant
comme chez l’adulte reste encore mal carac
–
térisée. Chez certains indi\bidus, probable –
ment plus susceptibles, la maladie peut
é\boluer \ber s la cir r hose et le car cinome hépa –
tocellulaire. Il serait alors nécessaire de re –
courir à une transplantation hépatique. Les
f acteur s de r is que p ou \bant amener à une telle
é\bolution restent méconnus. La seule étude
effectuée sur une large population adulte
portant le diagnostic de NAFLD a démontré
une sur\bie totale diminuée en comparaison
a\bec la population générale. La cirrhose, l’in –
tolérance au glucose et l’âge se ré\bèlent être
des facteurs associés à une mortalité plus
éle\bée.
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Korrespondenzadressen
Dr. med. Pascal Müller
Pädiatrische Gastroenterologie
Ostschweizer Kinderspital
9006 St. Gallen
pascal.mueller@ kispisg.ch
PD Dr. med. Valérie McLin
Unité de gastroentérologie
Dpt Enfant et Adolescents
HUG
1211 Genè\be
\balerie.mclin @ hcuge.ch
Les auteurs certifent qu’aucun soutien finan –
cier ou autre conflit d’intérêt n’est lié à cet
article.
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Informations complémentaires
Auteurs
Valérie McLin Dr. med. Pascal Müller , Ostschweizer Kinderspital, St. Gallen Alexandra Tsouka Andreas Nydegger