L’hépatite autoimmune est une maladie d’étiologie inconnue, qui progresse spontanément vers la cirrhose et l’insuffisance hépatique chez la plupart des patients. D’après les observations cliniques et de laboratoires réalisées chez l’homme, il s’agit d’une maladie multifactorielle dans laquelle les facteurs génétiques et environnementaux interagissent pour déclencher et faciliter le développement du processus inflammatoire.
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L’hépatite autoimmune est une maladie
d’étiologie inconnue, qui progresse spon –
tanément vers la cirrhose et l’insuffisance
hépatique chez la plupart des patients.
D’après les observations cliniques et de
laboratoires réalisées chez l’homme, il s’agit
d’une maladie multifactorielle dans laquel –
le les facteurs génétiques et environne –
mentaux interagissent pour déclencher et
faciliter le développement du processus
inflammatoire.
Deux types d’hépatite autoimmune sont
actuellement reconnus, et ils sont caracté –
risés par la présence d’auto-anticorps avec
une réactivité particulière dans le sérum des
patients. Les patients avec une hépatite au –
toimmune de type 1 ont des auto-anticorps
contre le muscle lisse (SMA), spécifique –
ment dirigés contre les filaments d’actine,
associés ou non à la présence d’auto-an –
ticorps anti-noyaux (ANA). L’hépatite au –
toimmune de type 2 est caractérisée par
les auto-anticorps contre les microsomes
du foie et du rein, qui reconnaissent une
protéine du réticulo-endoplasmique, le
cytochrome P450-2D6 (CYP2D6) et sont
associés ou non à la présence d’auto-anti –
corps anti-cytosol hépatique, dirigés contre
l’enzyme formiminotransferase cyclodea –
minase (FTCD). L’hépatite autoimmune de
type 1 est observée avec une incidence
similaire partout dans le monde; l’hépatite
autoimmune de type 2 est par contre plus
fréquente en Europe.
Clinique
L’hépatite autoimmune est une maladie
qui affecte surtout les filles. La fréquence
du sexe féminin est de 70% dans l’hépatite
autoimmune de type 1 et de 90% dans
l’hépatite autoimmune de type 2. Cette
maladie est diagnostiquée surtout à l’âge
pédiatrique; dans le cas de l’hépatite au –
toimmune de type 1, 40% à 50% des patients
commencent leur maladie avant l’âge de 20
ans, dans le cas de l’hépatite autoimmune
de type 2, 90% des patients sont diagnosti –
qués à ce moment de leur vie. Par ailleurs,
l’âge moyen du diagnostic de l’hépatite au –
toimmune de type 1 en pédiatrie est de 10
ans 6 mois et pour l’hépatite autoimmune
de type 2, de 6 ans et demie.
La moitié des patients se présentent à la
consultation avec un syndrome d’hépatite
aiguë, dont <5% sous forme d’hépatite fulmi -
nante ou sous fulminante ( Tableau 1 ). Pour
les autres patients, des symptômes non
spécifiques de fatigue, anorexie ou perte
de poids peuvent mener au diagnostic d’une
hépatite autoimmune. Entre 10 et 15% des
patients sont diagnostiqués lors de la décou -
verte fortuite d’une hépatomégalie ou d’une
augmentation des transaminases. Dans la
plupart de ces cas, des signes comme les
angiomes stellaires ou l’érythème palmaire
font suspecter la présence d’une hépato -
pathie chronique, et orientent le diagnostic
des cliniciens. Dans une minorité de cas,
la présence d’une maladie autoimmune
extra-hépatique en présence de symptômes
ou signes qui ne sont pas explicables par
celle-ci, oriente le clinicien vers la recherche
d’une maladie hépatique ( Tableau 2 ). Le pro -
blème majeur dans la pratique clinique est
le long délai entre les premiers symptômes
et le moment où le diagnostic est posé. Ce
délai est responsable de la présence d’une
fibrose hépatique importante chez la plupart
des patients. La seule façon d’éviter ce
délai dans le diagnostic serait que tous les
médecins pensent à cette maladie lorsqu’ils
sont confrontés aux symptômes et signes
décrits ci-dessus. Il faut aussi rappeler que
l’hépatite autoimmune est une maladie
d’évolution fluctuante, ce qui probablement
explique que le diagnostic soit très souvent
posé tardivement.
La plupart des patients ont, au moment
du diagnostic, une hépatomégalie d’une
consistance ferme ou dure et une spléno -
mégalie qui témoigne de la présence d’une
hypertension portale. Malgré la fréquence
élevée de cirrhose, et d’hypertension por -
tale, les épisodes d’hémorragies digestives
avant et après le diagnostic d’une hépatite
autoimmune sont plutôt rares. Les maladies
autoimmunes extra-hépatiques sont obser -
vées dans plus d’un tiers des patients ou les
membres de leur famille. La recherche de
ces antécédents est de grande valeur dans
la démarche diagnostic. Quelques-unes
de ces maladies autoimmunes extra hépa -
tiques sont caractéristiques de l’hépatite
L’hépatite autoimmune
Fernando Alvarez, Montréal
Formes de présentation:
● Hépatite aiguë
● Hépatopathie chronique:
– Hépatomégalie ferme ou dure
– Splénomégalie
– Angiome stellaire
– Érythème palmaire
● Symptômes non-spécifiques
– Fatigue intense
– Arrêt des menstruations
● Découverte fortuite:
– Augmentation des transaminases
– Hépatomégalie (± splénomégalie)
● Maladie autoimmune extra
hépatique
Tableau 1: Formes de présentation des patients avec une hépatite autoimmune
Tableau 2: Maladies autoimmunes extra-hépatiques plus fréquentes
Maladies autoimmunes extra-hépatique HAI type 1 HAI type 2
Arthrite + -
Colite ulcéreuse + -
Maladie de Crohn + -
Anémie hémolytique + -
Glomérulonéphrite + -
Diabète ± +
Thyroïdite ± +
Vitiligo - +
Alopécie - +
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autoimmune de type 1, d’autres par contre,
de l’hépatite autoimmune de type 2 ( tableau
2). Malgré la fréquence élevée de maladies
autoimmunes ou d’antécédents dans la
famille des maladies autoimmunes extra
hépatiques, il est plutôt rare de trouver
plus d’un cas d’hépatite autoimmune dans
la même fratrie. Une association qui mérite
une analyse particulière est celle d’une
hépatite autoimmune de type 1 avec une
maladie cœliaque. Il faut remarquer que
dans la plupart des cas de maladies cœ -
liaques avec augmentation des enzymes
hépatiques, cette perturbation est corrigée
par une diète sans gluten. Dans des cas
plutôt rares, une hépatite chronique active
peut se trouver dans la biopsie hépatique
et un traitement immunosuppresseur est
alors nécessaire.
Laboratoire
Le cours fluctuant de l’hépatite autoim -
mune explique aussi le niveau très varié
d’augmentation des aminotransférases sé -
riques qui vont de 1.5 à 50 fois la normale au
moment du diagnostic. La gammaglutamyl-
transferase ( gGT) et la phosphatase alcaline
sont fréquemment très légèrement augmen -
tées ( Tableau 3 ). Dans les cas ou la gGT ou la
phosphatase alcaline sont au-delà de 2 ou 2
fois et demie la normale, on doit s’interroger
sur la possibilité de complications sur la
voie biliaire et éventuellement proposer une
cholangiographie. Il ne faut pas oublier que
dans le cas d’hépatites autoimmunes de
type 1 classiques, nous avons vu se déve -
lopper des années plus tard une cholangite
sclérosante à la cholangiographie.
La caractéristique principale de l’hépatite
autoimmune est la présence d’une pro -
lifération de cellules B de type polyclo -
nal; l’activation de ces cellules génère
l’apparition d’une hypergammaglobuline -
mie. Cette hypergammaglobulinémie est
caractérisée par l’augmentation des im -
munoglobulines de type G, avec des im -
munoglobulines de type M dans les valeurs
considérées comme normales, et les immu -
noglobulines A dans les valeurs normales
ou inférieures à la normale, comme il a été
décrit dans d’autres maladies autoimmunes.
Une déficience génétique du facteur 4 du
complément a été observée chez presque
un tiers des patients.
La présence d’une insuffisance hépatique
dans presque la moitié des patients au mo -
ment du diagnostic est révélée par la cons -
tatation d’une hypoalbuminémie et d’une
diminution plus ou moins sévère des fac-
teurs de la coagulation ( Tableau 3 ).
La recherche d’auto-anticorps est très
utile pour le diagnostic et le début rapi -
de du traitement ( Tableau 4 ). Le titre de
ces anticorps est extrêmement variable
et oscille entre 1/100 et 1/500 000. La
méthode de détection actuelle la plus uti -
lisée est l’immunofluorescence indirecte;
cette méthode doit être appliquée dans des
laboratoires spécialisés et habitués à la dé
-
tection et à la lecture des r ésultats. Dans les
dernières années, des méthodes ELISA et
radio-immuno-essais ont été mises au point
grâce à la découverte des antigènes ciblés
par les auto-anticorps circulant. L’utilisation
des peptides synthétiques représentant
les épitopes des auto-antigènes permet la
détection d’auto-anticorps avec une grande
sensibilité et spécificité. Certains auto-an -
ticorps comme ceux contre les antigènes
solubles du foie et les anticorps contre le
récepteur des asialoglycoprotéines, ne sont
pas caractéristiques d’un type d’hépatite
autoimmune et sont détectables seulement
dans les laboratoires spécialisés. Leur va -
leur diagnostique est encore discutable sur -
tout à cause de la difficulté de leur détection
dans la plupart des centres cliniques.
Histologie
L’hépatite autoimmune est caractérisée
par la présence d’une infiltration lympho -
plasmocytaire constituée de lymphocytes
T avec une prédominance du marqueur
CD4, de lymphocytes B et de plasmocytes.
L’infiltration lymphoplasmocytaire envahit
le lobule hépatique produisant des lésions
appelées «hépatite d’interface». Lors du
marquage de lymphocytes qui envahissent
le lobule hépatique, il a été observé que la
plupart parmi eux sont des cellules T de type
CD8 positif. Le degré d’infiltration portale et
péri-portale aussi bien que l’inflammation lo -
bulaire est aussi influencé par le cours fluc -
tuant de la maladie. Il n’est pas surprenant
que, malgré la présence de toutes les
caractéristiques cliniques et de laboratoire
d’une hépatite autoimmune, l’infiltration
lymphocytaire soit plutôt modeste. Le con -
traire est aussi vrai.
Une caractéristique de l’hépatite autoimmu -
ne qu’il faut savoir reconnaître et interpréter,
est la présence dans 10 à 20% de biopsies
hépatiques, d’hépatocytes multinucléaires,
Laboratoire:
● Augmentation variable
des transaminases
● gGT à moins de 2xN
● Hypergammaglobulinémie (hyper IgG)
● Auto-anticorps circulants
(>90% des patients)
● Hypoalbuminémie
(~50% des patients)
● Déficience en facteurs de
la coagulation (~ 50% des patients)
● Absence de marqueurs viraux
Tableau 3: Caractéristiques biochimiques de l’hépatite autoimmune
Tableau 4: Marqueurs sérologiques chez les patients avec hépatite autoimmune
1) Antimicrosomes du foie et du rein (anti-liver-kidney microsomes = LKM)
2) Anti cytosol hépatique (anti-liver cytosol = LC)
3) Anti-antigène soluble du foie (anti-soluble liver antigen = SLA)
4) Anti récepteur des asyaloglycoprotéines (anti-asyaloglycoprotein receptor = ASGPR)
5) Cytochrome P450 2D6
6) Formiminotransferase cyclodeaminase
7) Ribonucleoprotéine
Auto-anticorps (Antigène) Hépatite autoimmune
Type 1 Type 2
SMA (F-actine) + –
ANA (variés) + –
LKM 1 (CYP2D6) 5 – +
LC2 (FTCD) 6 – +
SLA 3 (tRNP(ser) 7) + +
ASGPR 4 + +
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voire de cellules géantes. Les anomalies
de l’épithélium des canaux biliaires ont été
aussi décrites, et celles-ci ne sont pas asso –
ciées à des anomalies à la cholangiographie.
Récemment, des lésions de nécrose hépa –
tocytaire avec infiltration lymphocytaire
au niveau du centrolobule ont été décrites
avec peu ou sans infiltration portale. Les pa-
tients avec ce type de tableau histologique
montrent tous les symptômes ou signes
compatibles avec une hépatite autoimmune
et répondent favorablement au traitement
immunosuppresseur. Cette nouvelle carac –
téristique histologique doit orienter vers le
diagnostic d’une hépatite autoimmune; le
contraire ferait passer le clinicien à côté
d’une possibilité de commencer rapidement
un traitement immunosuppresseur. Bien
que la biopsie hépatique soit d’une gran –
de aide dans le diagnostic d’une hépatite
autoimmune, chez les patients qui sont en
insuffisance hépatique, il faudra commencer
sans délai le traitement avec un immuno –
suppresseur, plutôt que de prendre des
risques accrus lors de sa réalisation à cause
des troubles de la coagulation. La biopsie
pourra se faire lorsque ces paramètres
seront plus ou moins normalisés.
Diagnostic
L’International Autoimmune Hepatitis Group
a défini un certain nombre de facteurs
cliniques, de laboratoire, histologiques et
de réponse aux traitements qui facilitent
le diagnostic d’une hépatite autoimmune.
Ces caractéristiques s’appliquent autant
à l’hépatite autoimmune chez l’enfant que
chez l’adulte. Les diagnostics différentiels
de l’hépatite autoimmune sont: les hépa –
tites aiguës et chroniques de causes virales,
et de causes toxiques, la maladie de Wilson
et la cholangite sclérosante qui peut être
associée à un syndrome inflammatoire plus
ou moins sévère. Dans le cas des hépatites
virales, la recherche s’orienterait selon
la forme de présentation, vers un virus
capable de provoquer une hépatite aiguë
transitoire comme le virus A de l’hépatite,
le virus de la famille Herpès ou autre et le
virus B et le virus C de l’hépatite, ces der-
niers surtout dans le cas d’une présentation
sous forme d’hépatite chronique. Plusieurs
médicaments ou xénobiotiques peuvent
être responsables d’une toxicité hépatique.
Au cours des dernières années, nous avons
vu l’apparition d’un syndrome très similaire
à l’hépatite autoimmune provoqué par la
minocycline. Cette forme de tétracycline est
administrée aux adolescentes avec acné sé –
vère. Le syndrome est similaire à une hépa –
tite autoimmune avec une hypergammaglo –
bulinémie et dans quelques cas la présence
d’auto-anticorps anti-noyaux et/ou anti
muscles lisses. Ce type d’hépatite toxique
est diagnostiqué surtout chez les filles avec
un bagage génétique de susceptibilité com –
parable à celui de l’hépatite autoimmune.
La maladie de Wilson peut se présenter
sous forme aiguë ou chronique avec une
insuffisance hépatique ou une hémolyse
intravasculaire et elle est caractérisée par la
présence d’un anneau de Kayser-Fleischer
au niveau de la cornée (signe relativement
peu fréquent en pédiatrie), une diminution
de la céruloplasmine (mais ceci est diffi –
cile à interpréter lors d’une insuffisance
hépatique), et une augmentation du cuivre
urinaire. Le diagnostic est établi par le
dosage du cuivre au niveau du foie, mais la
réalisation d’une biopsie est périlleuse
en cas d’hépatite sévère. L’augmentation
ou la diminution du cuivre urinaire par
l’administration de pénicilline pourrait être
un test nécessaire et facilitateur pour poser
le diagnostic approprié. Il faut toujours se
rappeler que dans le cas de maladie de
Wilson aiguë ou chronique, une hypergam –
maglobulinémie et des auto-anticorps à des
titres faibles peuvent être présents dans le
sérum des patients. Le diagnostic différen –
tiel qui peut poser certaines difficultés est
celui d’une cholangite sclérosante associée
à un syndrome inflammatoire modéré ou
important. Dans ces cas, l’histologie hépa –
tique montre des signes en faveur d’une
obstruction de la voie biliaire, associés à des
signes d’hépatite chronique active. Ces pa –
tients s’améliorent relativement peu ou pas
avec un traitement immunosuppresseur, et
répondent beaucoup mieux au traitement
par ursodésoxycholate, quoi que celui-ci
ne semble pas modifier l’histoire naturelle
de la maladie.
Pathogenèse
Dans la pathogenèse d’une hépatite au –
toimmune, il faut considérer: 1) les facteurs
responsables d’une susceptibilité et 2) les
facteurs environnementaux déclenchant et
assurant la continuité du processus au –
toimmune. Les gènes situés dans le locus
du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) ont été analysés chez les patients
avec une hépatite autoimmune et les ré –
sultats comparés avec des cas contrôles.
La transmission intra-familiale des gènes
de susceptibilité a permis de confirmer ses
résultats. Des allèles d’HLA classe II ont
été trouvés associés à une susceptibilité
accrue au déclenchement de l’hépatite au –
toimmune ( figure 1 ). Des gènes en dehors
du locus CMH ont été récemment associés
à des maladies autoimmunes systémiques,
incluant une hépatite autoimmune ( figure 2 ).
Par ailleurs, les filles, surtout en âge pré-pu –
bertaire, sont particulièrement à risque de
développer une hépatite autoimmune.
L’hypothèse pathogénique plus fréquem –
ment évoquée est celle du déclenchement
de l’atteinte autoimmune par une infection
virale. La réponse immune est initialement
dirigée contre un épitope viral montrant
une similitude moléculaire (ex. similitude
de séquence) avec une protéine du foie. La
maladie autoimmune serait la conséquence
de la perpétuation de la réaction croisée
virus-Ag du foie, par l’exposition continuelle
Figure 1: Facteurs connus qui influencent le déclenchement et le maintien
d’un processus autoimmune hépatique ** CMH = Complexe majeur d’histocompatibilité
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de celui-ci au système immunitaire ( Figure
3). Deux modèles animaux montrent qu’une
similitude moléculaire peut déclencher et
entretenir la maladie autoimmune dans le
foie. Des souris ont été vaccinés avec des
plasmides codant pour de protéines expri –
mées normalement dans le foie. Des cel –
lules T reconnaissant des sites antigéniques
sur ces protéines ont été activées dans les
nodules lymphatiques périphériques. Ces
lymphocytes T ont par la suite été recrutés
dans le foie, où ils ont proliféré et développé
une inflammation agressive pour les hépa –
tocytes. Ces modèles montrent que la rup –
ture de la tolérance périphérique suffit au
déclenchement d’une maladie autoimmune
hépatique en absence d’une inflammation
préalable de cet organe.
Dans la pratique clinique, mettre en évi –
dence une infection virale est particulière –
ment difficile. Quand le diagnostic est établi,
il n’y a plus de marqueur détectable d’une
infection récente. Des cas d’hépatite au –
toimmune consécutive à des infections par
le EBV ou le virus de l’hépatite A ont été dé –
crits. En plus, des «similitudes moléculaires»
entre les épitopes du CYP2D6 et FTCD et de
protéines virales ont été décrites ( fig. 2 ).
Traitement
Le choix d’un traitement immunosuppres –
seur doit être dicté par une série de faits
bien établis, à savoir:
1) le processus inflammatoire doit être
contrôlé le plus rapidement possible 2)
la fibrose hépatique peut régresser si
l’inflammation est contrôlée
3) les effets secondaires de la médication
doivent être limités autant que possible
pour s’assurer de la fidélité des patients
au long traitement
4) l’âge et le sexe des patients peuvent
influencer l’apparition et les conséquen –
ces de certains effets secondaires
5) certaines maladies autoimmunes extra-
hépatiques co-existantes avec l’hépatite
autoimmune, peuvent être aggravées
par les médicaments immunosuppres –
seurs.
Le traitement habituel de l’hépatite au –
toimmune consiste en l’administration de
prednisone (2mg/kg/j, jusqu’à 60mg/jour)
associée à l’azathioprine (1,5–2mg/kg/j).
Ce traitement permet la rémission complète
(normalisation des transaminases) chez
plus de 85% des patients. Malheureuse –
ment, les effets secondaires des cortico –
stéroïdes, surtout chez les jeunes filles (la
majorité des patients) sont responsables
de l’abandon du traitement avec des con –
séquences néfastes pour les patients. La
diminution de la dose de prednisone devra
être faite selon l’évolution du niveau des
transaminases, le plus rapidement possible.
En général, entre la troisième et sixième
semaine de début du traitement, une dimi –
nution lente et progressive de la dose peut
être envisagée. Trois mois après le début,
la dose administrée oscille entre 0.3 et
0.5 mg/kg/jour, selon le poids du patient.
L’association d’azathioprine au traitement
permet une diminution plus précoce de la
dose de prednisone.
Récemment, un traitement d’induction de
la rémission par l’utilisation de la cyclospo –
rine a été mis en place. Ce médicament
immunosuppresseur a changé l’histoire de
la transplantation hépatique par la diminu –
tion de l’incidence et l’intensité des rejets
des foies transplantés. La cyclosporine
est un inhibiteur de la calcineurine me –
nant à une diminution de la sécrétion, de
l’interleukine 2. Cette cytokine stimule la
prolifération et l’activation des lymphocytes
T. L’administration de cyclosporine en quan –
tité suffisante pour maintenir des taux dans
le sang total d’environ 250mg/ml, permet
une rémission complète chez > 95% des
patients à la fin de la première année de
traitement. La dose moyenne administrée
pour obtenir de tels niveaux sanguins est
Figure 3: Traitement par cyclosporine: Induction de la rémission * Alanine amino-transferase sérique dans la limite de la normale
Figure 2: Hypothèse sur le mécanisme de déclenchement d’une hépatite autoimmune par une infection virale ou une agression toxique du foie
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aux alentours de 5 mg/kg/jour en trois
doses. Pour diminuer les effets secondaires
à long terme de ce médicament, celui-ci
est administré seulement pendant 6 mois,
et remplacé par des doses relativement
faibles de corticoïdes (0.3 mg/kg/jour)
et d’azathioprine (1.5–2 mg/kg/jour). Les
effets secondaires observés avec un tel
régime ont tous été très légers et ont com –
plètement disparu après le passage aux
corticoïdes et azathioprine ( fig. 3 ).
D’autres immunosuppresseurs ont été pro –
posés pour le traitement d’une hépatite
autoimmune, comme le mycophenolate
mofetil (MMF) et le tacrolimus. L’expérience
avec ces médicaments est très limitée et
ils ne semblent pas offrir des avantages
majeurs par rapport à ceux déjà utilisés sur
un grand nombre de patients. Néanmoins,
ils peuvent être considérés dans les cas
d’intolérance ou non réponse aux traite –
ments décrits précédemment.
Transplantation hépatique
En pédiatrie, 4% de toutes les transplanta –
tions hépatiques sont réalisées chez des
patients avec une hépatite autoimmune.
L’indication plus fréquente est celle d’une
insuffisance hépatique chez des enfants
avec une cirrhose (~3.5%). Moins souvent,
une présentation en forme d’hépatite fulmi –
nante ou subfulminante qui ne répond pas
au traitement immunosuppresseur mène à
la transplantation (~0.6%).
Lors du suivi d’un enfant transplanté pour
une hépatite autoimmune, il faut considérer
toujours l’antécédent du désordre immu –
nologique de base qui n’est pas corrigé
par le remplacement du foie. Les doses
d’immunosuppresseurs doivent être dimi –
nuées très lentement (l’utilisation de petites
doses de stéroïdes devra probablement être
poursuivie pendant plusieurs années…).
Une augmentation de rejets tardifs, lors
d’une diminution de l’immunosuppression
a été mise en évidence dans le suivi de ces
patients lorsqu’ils sont comparés à ceux
transplantés pour d’autres maladies.
Conclusions
L’hépatite autoimmune est une maladie
peu fréquente, mais elle doit être prise en
considération dans le diagnostic différentiel
des cas d’hépatite aiguë ou de maladie
chronique du foie.
Le diagnostic précoce et la mise en place
d’un traitement efficace peuvent éviter le
besoin d’une transplantation hépatique à
court ou long terme.
Plusieurs schémas de traitement sont dispo –
nibles. Le choix du protocole de traitement
doit être basé sur l’expérience du centre
en charge du patient. Les enfants avec une
hépatite autoimmune doivent être suivis
dans des centres spécialisés en hépatologie
pédiatrique.
Correspondance:
Prof. Fernando Alvarez, M.D.
Service de Gastro-entérologie
Hépatologie et Nutrition
Hôpital Sainte-Justine
3175, chemin Côte Sainte-Catherine
Montréal
Québec H3T 1C5
fernando.alvarez.hsj@ssss.gouv.qc.ca
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Informations complémentaires
Auteurs
Prof. Fernando Alvarez , M.D. Service de Gastro-entérologie, Hépatologie et Nutrition, Québec