Les enfants avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) présentent de nombreuses spécificités sur le plan neuro-cognitif. Certaines sont intégrées dans les critères diagnostics du DSM-5, comme les particularités sensorielles. D’autres semblent représenter davantage un style cognitif qui peut entraîner des compétences particulières (ex: mémoire visuelle) ou qui donne lieu à des difficultés (cognition sociale, fonctions exécutives, intérêts restreints). Par ailleurs, ces particularités peuvent constituer des aspects de la personnalité des personnes avec un TSA qui sont revendiqués par ces dernières.
27
1 HES -SO, Haute école spécialisée de Suisse occidentale, EESP, Lausanne
Figure 1: D es sin d ’une p er sonne avec un TSA
pratiquement non verbale sur ses sensations
auditives désagréables (tiré de 3), p. 11). Les enfants avec un trouble du spectre de
l’autisme (TSA) présentent de nombreuses
spécificités sur le plan neuro-cognitif. Cer –
taines sont intégrées dans les critères dia –
gnostics du DSM-5, comme les particularités
sensorielles. D’autres semblent représenter
davantage un style cognitif qui peut entraîner
des compétences particulières (ex: mémoire
visuelle) ou qui donne lieu à des difficultés
(cognition sociale, fonctions exécutives, inté –
rêts restreints). Par ailleurs, ces particularités
peuvent constituer des aspects de la person –
nalité des personnes avec un TSA qui sont
revendiqués par ces dernières.
On parle aujourd’hui de neurodiversité pour
caractériser ces différences qui ne sont pas
nécessairement des déficiences. En effet,
cette vision actuelle rend compte de ces
particularités qui peuvent être un atout pour
celui qui en est porteur ou à l’inverse engen-
drer une situation de handicap selon la ma-
nière dont la société ou l’environnement entre
en correspondance avec ces styles cognitifs
singuliers.
Dans cet article, nous présenterons les parti –
cularités neuro-cognitives des personnes
avec un TSA aussi bien concernant le traite-
ment de l’information, la cognition sociale que
les fonctions exécutives.
Les particularités neuro-cognitives dans
l’autisme
Evelyne Thommen, Laetitia Baggioni, Aline Tessari Veyre 1
Le traitement de l’information
Les spécificités sensorielles
Les personnes qui présentent un TSA ont été
les premières à décrire leurs difficultés et
particularités sensorielles
1), Figure 1 . Celles-ci
sont désormais mentionnées dans le critère
B du DSM-5 et ainsi prises en compte dans le
processus diagnostique
2).
L’hypersensibilité se traduit souvent par un
comportement d’évitement, de fuite, par une
recherche d’isolement alors que l’hyposensibi –
lité laisse place à des comportements de re –
cherche de sensation permettant de satisfaire
un besoin sensoriel. L’observation du compor –
tement est donc fondamentale pour évaluer la
dimension sensorielle. Bien souvent l’hyposen –
sibilité et l’hypersensibilité dépendent des
modalités sensorielles (auditive, visuelle, tac –
tile, gustative, olfactive, vestibulaire et proprio –
ceptive ) . Une même per sonne peut être dotée
d ’un seuil tr ès bas de sensibilité p our ce qui est
par exemple des informations auditives et avoir
au contraire un seuil de sensibilité très haut
lorsqu’il s’agit d’informations tactiles. Ce seuil
de sensibilité peut également varier au sein
même d’une modalité sensorielle. On pourra
alors observer chez une même personne une
hypersensibilité à certaines ondes sonores et
une hyposensibilité à d’autres. Toutes ces
subtilités soulignent l’importance d’une évalua –
tion sensorielle approfondie lors de la prise en
char ge de ces p er sonnes. En ef fet , elle p er met
de comprendre certaines difficultés des jeunes
enfants qui parfois ne supportent pas de man –
ger certains aliments ou de porter certains
vêtements. Pourtant, encore trop peu de pro –
fessionnels intègrent cette dimension dans
l’accompagnement qu’ils proposent. De nom –
br euses études r é centes se sont p enché es sur
la description et la prévalence des troubles
sensoriels dans l’autisme. Ainsi, Ausderau et
al.
4), proposent un instrument permettant
d’évaluer quatre types de réponses senso –
rielles:
•
HY
PO: Réponse sensorielle hyposensible
La
personne ne réagit pas face à certains stimuli et peut par exemple ne pas ré-
pondre lorsqu’on l’appelle.
•
HY
PER: Réponse sensorielle hypersensible
La
personne réagit de manière excessive à
certains stimuli qui semblent déranger ou
provoquer de la douleur. Cela peut entraî –
ner un évitement de certaines stimulations
comme le fait d’être touché, d’être mis en
présence de certains sons ou encore de
goûter certains aliments.
•
SI
RS: Recherche répétitive d’intérêts sen-
soriels ou de stimulations sensorielles
(Sensory Interests, Repetitions, and See –
king behaviors)
Il
s’agit des manifestations d ’une per sonne
qui recherche des sensations visuelles par
exemple en regardant la poussière qui
danse sous un rayon de lumière ou celles
d’une autre personne qui se balance pour
solliciter son système vestibulaire.
•
EP
: Perception augmentée ou améliorée
(Enhanced Perception).
Il
est question de la capacité à reconnaître
quelque chose dans tous ses détails. La
personne va ainsi repérer très rapidement
des changements même minimes de son
environnement.
Sur la base de ces quatre catégories de ré-
ponses sensorielles, les auteurs proposent de
différencier des profils sensoriels des per –
sonnes. Quatre sous-types sont ainsi consi-
dérés
4, p. 939) . Le sous-type «léger» («Mild Sub –
type») regroupe des enfants qui présentent
des scores relativement bas sur tous les types
de réponses sensorielles. A l’inverse, le sous-
type «extrêmement mélangé» («Extreme-
Mixed Subtype») regroupe les enfants qui
montrent des scores élevés sur les quatre
types de réponses sensorielles. Les enfants
des deux autres sous-types présentent des
réponses sensorielles plus hétérogènes. En
effet, le sous-type «en détresse sensorielle»
(«The Sensitive-Distressed Subtype») corres –
pond aux enfants qui présentent des scores
élevés dans les réponses sensorielles HYPER
et EP alors que les deux autres types de ré-
ponses sensorielles sont plutôt en dessous de
la moyenne. Le sous – t ype «atténué et préoc –
cupé» («Attenuated-Preoccupied Subtype»)
présente le patron opposé avec des scores
élevés en ce qui concerne le domaine HYPO
et SIRS alors que les autres dimensions sont
plus basses.
Il convient de préciser que les particularités
sensorielles semblent indépendantes des
RédacticconactcctAre
RédactiéonAéotioresntdér leCnprnCyeAtdencrtiCtigre
28
Figure 2: Evolution entre les deux passations
à 6 mois d’intervalle de la théorie de l’esprit
(ToM) chez des enfants avec un TSA et des
enfants typiques. Figure 3:
Evolution entre les deux passations
à 6 mois d ’inter valle de la compr éhension des
émotions ( TEC ) chez des enf ant s ave c un TSA
et des enfants typiques.
autres dimensions du trouble, mais peuvent
être invoquées pour comprendre les difficul-
tés des personnes avec un TSA, notamment
la présence de stéréotypies et d’intérêts
restreints.
Le manque de cohérence centrale
Happ é et Fr ith
5) analysent une particularité de
l’autisme portant sur le manque de cohérence
centrale («central coherence») . Cette notion
fait référence à la capacité d’organiser les
perceptions et les savoirs de manière cohé-
rente et globale pour en faire une sorte de
synthèse. Les capacités de méta-représenta –
tion sont liées à cette cohérence centrale qui
permet d’organiser à un niveau supérieur les
éléments du niveau inférieur. La cohérence
centrale correspond au traitement normal des
informations qui permet de construire une
signification à un niveau supérieur à partir
d’un ensemble d’informations dans un
contexte. Les données sur les capacités per-
ceptives des personnes avec un TSA sont à
l’origine de l’hypothèse d’un manque de cohé –
rence centrale.
La comparaison entre les points forts des
p er sonnes avec un TSA et leur s p oint s f aibles
montre une capacité hors du commun dans
les tâches qui supposent une prise en consi –
dération des détails, et pour lesquelles l’inté –
gration des éléments dans un tout diminue la
performance, alors qu’à l’inverse, ils sont
désavantagés par des tâches qui demandent
ce type d’intégration. Ces capacités extraor –
dinaires sont constatées chez certaines per-
sonnes qui parviennent à résoudre beaucoup
plus rapidement les tâches de figures intri-
quées
6).
Les travaux Mottron 7) contestent l’idée d’un
déficit de cohérence centrale dans l’autisme.
De leur point de vue, les personnes avec un
TSA sont capables de pr endr e un p oint de v ue
global, pour autant que leur attention soit
portée sur les aspects globaux de la tâche. De
façon générale, leur préférence va en effet
plutôt vers la prise en compte d’éléments lo –
caux.
Les travaux de Bowler et al. sur la mémoire
8)
ont montré une amélioration de la mémorisa –
tion d’une liste d’instruments de musique,
chez les p er sonnes avec ou sans TSA , lor s que
le lien existant entre les termes à mémoriser
est explicité verbalement. Cependant, les
performances des personnes présentant un
TSA restent inférieures à celles des per-
sonnes du groupe contrôle. Ce résultat est
important puisqu’il laisse penser que les
compétences des personnes avec un TSA sont modifiables par la mise en évidence
d’aspects sur lesquels leur attention ne se
focaliserait pas spontanément.
Du point de vue de la clinique, les par ticulari
–
tés dans le traitement des informations per –
ceptives sont décrites en d’autres termes.
Vermeulen et Degrieck
9) parlent de cécité
contextuelle ou encore de pensée en détail
p our r endr e compte du f ait que les p er sonnes
avec un TSA ne par v iennent pas à intég r er les
éléments perçus dans leur contexte. La pen –
sée en détail est un style cognitif de la per-
sonne avec autisme qui peut lui apporter des
compétences exceptionnelles, mais aussi des
difficultés lorsqu’un détail suffit à la pertur-
ber, à l’empêcher de comprendre comment se
comporter dans un contexte donné.
La cognition sociale
Les personnes qui présentent un trouble du
spectre de l’autisme rencontrent des dif ficul –
tés à comprendre les émotions et les états
mentaux d’autrui notamment à se représenter
ce qui n’est pas directement observable
comme les sentiment s , les p ensées , les inten –
tions d’autrui
10 ). On parle dès lors d’un pro –
blème à développer une théorie de l’esprit
c’est-à-dire une théorie sur les pensées
d’autrui. Les recherches à ce sujet demandent
aux enfants de prédire le comportement
d ’autr ui en fonction de ce que cet te p er sonne
sait ou croit . Avant la maî tr ise de la thé or ie de
l’esprit, les enfants de trois ans pensent que
tout le monde sait ce qu’ils savent et ignore
ce qu’ils ignorent. Ils n’imaginent pas des
pensées ou des croyances différentes des
leurs. C’est vers 4 ou 5 ans qu’ils maîtrisent
les attributions de pensées comme les
croyances. Ils réussissent alors à prédire
l’action d’un acteur en fonction de ce que cet acteur croit, même s’il sait que ce dernier se
trompe. Kimhi
11 ) présente une synthèse des
tr avau x sur le développ ement de la théor ie de
l’esprit des enfants avec un TSA mettant en
évidence l’argument d’un retard davantage
qu’un déficit. Elle discute également un élé-
ment important pour la pratique. Les enfants
avec un TSA peuvent réussir des tâches de
compréhension des états mentaux d’autrui
dans un contexte d’entraînement scolaire,
mais rencontrent des difficultés de générali –
sation dans les situations de la vie quoti –
dienne. Dans cette perspective, la difficulté à
comprendre comment les états mentaux in –
fluencent les comportements est fortement
liée aux troubles des interactions sociales.
Ainsi, les personnes avec un TSA ne com-
prennent pas les situations sociales de ma-
nière ordinaire et par conséquent intera –
gissent souvent de façon inappropriée.
Nos recherches
12 ) ont également permis de
montrer que la cognition sociale, bien que
déficitaire chez les personnes avec un TSA,
est susceptible d’évoluer dans le temps. Nous
avons recueilli les données longitudinales
auprès de 65 enfants de 4 à 10 ans, 36 en-
fants avec TSA (âgés de 52 à 128 mois) et 29
enfants typiques (âgés de 56 et 126 mois).
Les évaluations choisies sont le TEC
13 ), qui
évalue la compréhension des émotions et le
ToMStorybook
14 ) qui évalue plusieur s asp e ct s
de la thé or ie de l ’espr it . L a compar aison entr e
les enfants avec un TSA et les enfants ty-
piques (figures 2 et 3) montre un avantage
global de ces derniers. Le test statistique
d’analyse de variance montre que les enfants
typiques obtiennent des scores plus élevés au
ToMStorybook que les enfants avec un TSA
(F1;63 = 88, p <.001), il en est de même pour
le TEC (F1;63 =26, p <.001). Cependant, les
RédacticconactcctAre
RédactiéonAéotioresntdér leCnprnCyeAtdencrtiCtigre
29
Figure 4: Nombre d’enfants par type de réponse au changement de
règles aux cartes, lors de la première et deuxième passation à un an
et demi d’intervalle. Figure 5:
Exemple de planification d'un enfant qui repart toujours de
l'entrée pour visiter les places.
deux groupes améliorent leur compréhension
au cour s du temps comme le montr e l ’analyse
de variance pour le ToMStorybook (anova à
mesure répétée : F1; 63 = 38, p < .001, pas d’ef -
fet d ’inter action ) ainsi que p our le TEC ( anova
à mesure répétée: F1;63 =28, p <.001, pas
d’effet d’interaction).
Ces résultats met tent en évidence la possibi -
lité d’un développement de la théorie de
l’esprit, développement qui devrait être favo -
risé par la mise en place d’apprentissages
spécifiques pour développer la compréhen -
sion des émotions et des pensées des autres.
C’est ce qui est suggéré dans l’ouvrage de
Howling, Baron- Cohen et Haldwin
15 ).
Les fonctions exécutives
Les fonctions exécutives regroupent 4 fonc -
tions principales
:
la planification; la mémoire
de travail, l’inhibition et la flexibilité
16 )17 ) . Elles
permettent la gestion des comportements et
actions d ’un indi v idu par le contr ôle de l ’at ten -
tion.
La planification est une fonction cognitive
permettant la résolution d’un problème par
l’élaboration de stratégies d’actions. Il s’agit
d’organiser des comportements et de les
contrôler au fur et à mesure de leur accom-
plissement pour s’assurer de leur efficacité.
L a fl ex ibilité cor r esp ond à la capacité à mo di -
fier un comportement lorsque celui-ci ne
permet pas d’atteindre le but visé. Il est ainsi
question de déplacer l’accent attentionnel sur
un autre stimulus plus pertinent.
La mémoire de travail est constituée de deux composantes. Les informations d’ordre vi
-
suo
-spatial sont stockées en mémoire par un
processus appelé «calepin visuospatial» alors
que la «boucle phonologique» permet le main -
tien des informations de nature verbale. Cette
fonction exécutive permet de maintenir une
information en mémoire pendant une courte
période tout en gardant la capacité de traiter
simultanément une autre information. L’indi -
vidu est ainsi capable de réaliser deux tâches
simultanément. Une mise à jour permanente
de l’information stockée étant effectuée.
Enfin, l’inhibition est un processus permettant
d’empêcher un comportement ou une action
prédominante. Elle fait donc référence au
contrôle du comportement.
Nombreuses sont les études démontrant une
altération des fonctions exécutives chez les
p er sonnes pr ésent ant un TSA . L a plani fication
et la flexibilité sont les processus exécutifs les
plus impactés, l’inhibition et la mémoire de
travail semblent relativement préservés, bien
que des difficultés soient tout de même ob -
servées
18 ).
Dans le cadre de nos recherches 19 ), nous
avons analysé longitudinalement la flexibilité
et la planification de 24 enfants avec un TSA
de 6 à 15 ans à 1 an et demi d ’inter valle. Nous
avons utilisé deux sous-tests du BADS- C
20 ).
Le premier sous-test est le test du change -
ment de r ègle au x car tes qui p er met d ’évaluer
la capacité du sujet à changer de r ègle malg r é
la contradiction qui existe entre la première
et la nouvelle règle (flexibilité). Le deuxième
test , le test de la car te du zoo, évalue la capa -
cité du sujet à planifier un parcours pour visi -ter des lieux sur une carte en tenant compte
de certaines règles.
Le test du changement de règles aux cartes
révèle une grande difficulté pour les enfants
avec un TSA à répondre à la consigne. La
plupart d’entre eux adoptent la même règle
lors du changement, se montrant incapables
de modifier leurs réponses. L’évolution après
un an et demi est minime. Rares sont les en-
fants qui tentent de changer de règle. La fi-
gure 4 présente les réponses classées en
fonction de la description de la stratégie de
l’enfant.
Pour ce qui est de la plani fication, la t âche es t
extrêmement difficile, certains enfants vi
-
sitent toutes les places, d’autres repartent à
chaque fois de l’entrée pour visiter un lieu
(figure 5) . Le score du test est calculé en
soustrayant les erreurs au score des réussites
(les lieux atteints selon la consigne). Les en -
fants avec un TSA produisent plus d’erreurs
que de réussites et ne progressent pas entre
les deux sessions.
Les difficultés liées à la planification sont
soutenues par de nombreuses recherches
16 ) ,
21 )
. Ces perturbations sont d’autant plus
grandes lorsque l’enfant présente une défi -
cience intellectuelle associée. Nous notons ici
que ces tests neuropsychologiques ne repré -
sentent que peu les situations de vie quoti-
dienne. Toutefois nous pouvons penser que
ces difficultés à initier un premier comporte -
ment tout en ayant planifié les suivants en-
traînent des perturbations dans divers do -
RédacticconactcctAre
RédactiéonAéotioresntdér leCnprnCyeAtdencrtiCtigre
30
maines de la vie quotidienne. Pugliese et al. 21 ),
ont en effet démontré que des problèmes
dans l’initiation des comportements étaient
un bon prédicteur du fonctionnement adapta -
tif.
Une dif ficulté à décentr er son at tention d ’une
cible pour la déplacer vers une autre pourrait
être une piste de compréhension de la singu -
larité des comportements observés dans
l’autisme, notamment les comportements
répétitifs et stéréotypés et des difficultés de
communication sociale
21),22) . Cette capacité
est nécessaire dans de nombreuses situa -
tions du quotidien (ex: résoudre des pro -
blèmes, tolérer et s’adapter aux changements,
passer d’un sujet de conversation à un autre
ou d’une activité à une autre, jouer de façon
coopérative, etc.). Il est important de souli-
gner que diverses études montrent que l’at -
teinte des compétences de flexibilité est
moindre lorsqu’il s’agit d’autisme sans défi-
cience intellectuelle
21 ).
L’inhibition est une des fonctions exécutives
qui, contrairement à la planification et à la
flexibilité, semble relativement épargnée. Les
études à ce sujet sont toutefois controver-
sées. Certaines démontrent que l’inhibition
est une fonction préservée chez les per-
sonnes avec un TSA alors que d’autres
mettent en avant des difficultés présentes
dès le plus jeune âge
16 ).
Tout comme l ’inhibition, la mémoir e de tr avail
a long temps été considér ée comme une fonc -
tion préservée dans l’autisme. Pourtant, un
fonctionnement non optimal a été souligné
par diverses études
17 ). La mémoire de travail
permettrait de prédire les compétences de
communication et les habiletés de vie quoti -
dienne
21 ).
Les fonctions exécutives jouent un rôle pré -
dominant dans le fonctionnement de l’individu
au quotidien aussi bien chez l’enfant que chez
l’adulte. Bien que le QI ait une influence sur
les performances observées dans des tâches
évaluant les fonctions exécutives et qu’il
puisse être utilisé comme un indicateur des
habiletés sociales et de la communication, les
fonctions exécutives restent un meilleur pré -
dicteur du développement de ces compé -
tences
21 ) ,16 ) .
Quelle utilité pour le pédiatre?
Les particularités neurocognitives présentées
dans cet article permettent de mieux com-
prendre les manifestations comportemen -
t ales obser vées chez des enf ant s avec un TSA
dès les premiers signes diagnostiques. Il
permet également de mettre en évidence leur évolution et les implications pour l’accompa
-
gnement.
Les difficultés sensorielles sont souvent très
difficiles à gérer pour les parents. Com-
prendre qu’il ne s’agit ni de caprice, ni d’un
problème d’éducation peut permettre au pé-
diatre de chercher avec les parents des solu -
tions pour pallier à ces difficultés. Chez le
jeune enfant, il convient par exemple d’offrir
des protections contre les stimulations sen -
sorielles douloureuses. Cela demande un bi -
lan sensoriel qui peut être établi par des ergo -
thérapeutes. On pourra ainsi mieux choisir les
contextes qui sont supportables pour l’enfant,
comme des vêtements moins irritants ou des
soins moins dérangeants, et entreprendre des
désensibilisations. Il convient également
d’analyser la fonction sensorielle de certains
comportements de recherche de stimula -
tions. Ils peuvent parfois être dangereux pour
l’enfant et nécessitent une intervention afin
de l’amener à utiliser d’autres stimulations
répondant à la même fonction, mais étant
moins dangereux. Par exemple, il est préfé-
rable d’installer une balançoire sécurisée
plutôt que laisser l’enfant se balancer sur des
objets non prévus à cet effet.
Les difficultés liées au traitement des infor -
mations et à la compréhension de l’environ -
nement dans sa globalité sont indéniablement
à prendre en considération dans l’intervention
et nécessitent l’introduction d’aménage -
ments. La présence de repères visuels, de
clarification des éléments pertinents de l’envi -
ronnement , la mise en place d ’un prog r amme
pour généraliser progressivement les acquisi -
tions sont des adaptations fondamentales. La
pr ésence d ’un intér êt r es tr eint à un asp e ct de
l’environnement doit être respecté, mais il
peut être canalisé et «encadré» afin de ne
l’autoriser que pour des périodes limitées
dans le temps.
Les incapacités dans les interactions sociales
comme la compréhension des émotions et la
théorie de l’esprit, mais également le retard
de communication entraînent de grandes
difficultés chez les enfants. Il est important
de leur offrir rapidement des moyens de com -
munication alternatifs, cela permettra ensuite
d’intervenir pour rendre leur environnement
social plus compréhensible en leur apprenant
à décoder les émotions puis à interpréter les
comportements d’autrui.
Finalement, les difficultés dans les fonctions
exécutives de planification et de flexibilité sont
grandement diminuées par la présence de
structuration visuelle du déroulement de la
journée de l’enfant ainsi que de ses activités.
Ces quelques recommandations, non exhaus -
tives, montrent l’importance de comprendre
les particularités neurocognitives de l’autisme
pour proposer aux parents et aux profession -
nelles des interventions et des adaptations
favorisant un meilleur développement.
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s e a r c h , 2016 , 9(12):1274 -128 4.
Correspondance
Prof. Evelyne Thommen
Haute école de travail social et de la santé,
EESP, Lausanne et Université de Fribourg
HES-SO, Haute école spécialisée de Suisse
occidentale, University of Applied Sciences
and Arts, Western Switzerland
Ch. des Abeilles 14,
CH – 1010 Lausanne
evelyne.thommen @eesp.ch
Les auteurs ne déclarent pas de soutien financier ni
d’autres conflits d’intérêt en relation à cet article.
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Informations complémentaires
Correspondance:
Auteurs
Evelyne Thommen Laetitia Baggioni Aline Tessari Veyre