reflux gastro-oesophagien (gastroesophageal reflux; GER*) est défini comme un retour involontaire de contenu gastrique dans l’œsophage et constitue un problème fréquent en pratique pédiatrique.
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Vol. 16 No. 2 2005 Fortbildung / Formation continue
1. Introduction et définition
Le reflux gastro-oesophagien (gastroeso-
phageal reflux; GER*) est défini comme un
retour involontaire de contenu gastrique
dans l’œsophage et constitue un problème
fréquent en pratique pédiatrique. En l’ab-
sence de symptmes associés, le GER est un
phénomène physiologique du nourrisson, et
ne constitue pas une maladie: des mesures
de diagnostic ou de traitement ne sont pas
nécessaires
1). Il faut dissocier la maladie de
reflux (gastroesophageal reflux disease;
GERD), associée à des symptmes ou des
complications du GER (voir tableau 1). Le but
de cet article est de créer un schéma de
diagnostic et de traitement se basant sur les
données actuelles.
2. Physiopathologie
Le sphincter oesophagien inférieur (lower
esophageal sphincter; LES) 1)est l’un des élé-
ments les plus importants de la barrière anti-
reflux; à tout âge, le tonus du LES s’élève à
environ 25 mm de Hg. Le diaphragme, qui se
contracte lors d’une augmentation de la
pression intra-abdominale, l’angle de His (in-
cisura cardialis; angle aigu entre l’œsopha-
ge et le fundus gastrique) et une motricité in-
tacte de l’œsophage tubulaire constituent
d’autres mécanismes antireflux. Le GER ap-
paraît lors d’épisodes de relaxation transi-
toire ou d’augmentation de tonus inadéquate
du LES lors d’augmentation de la pression
abdominale
2). Ceci représente, en particulier
chez les nouveau-nés et les prématurés, la
cause la plus fréquente. Beaucoup plus ra-
rement, le GERD se manifeste lors de trou-
bles de la motilité d’origine neurogène ou
myogène. Sans traitement, le GERD évolue
vers une inflammation chronique de la
muqueuse oesophagienne avec des oeso-
phagites érosives ou ulcéreuses et le risqueconsécutif d’une sténose. De plus, une trans-
formation de l’épithélium stratifié oesopha-
gien en épithélium cylindrique spécialisé peut
survenir: la muqueuse dite de Barrett
10 ). Po-
tentiellement, celle-ci peut évoluer vers une
dégénérescence maligne.
3. Epidémiologie
Selon les observations cliniques, des régur-
gitations récidivantes s’observent chez 2/3
des nourrissons de 4 mois; à l’âge de 12 mois
un GER n’apparaît plus que chez 5 % des en-
fants
5), 6). L’évolution spontanée d’un GER non
compliqué est favorable chez pratiquement
tous ces enfants. En ce qui concerne la pré-
valence de maladie de reflux chez les enfants
d’âge scolaire et préscolaire, on ne dispose
que d’estimations
7), 8) . L’incidence se situe
entre 2% et 10%.Une maladie de reflux se ma-
nifeste plus fréquemment chez des enfants
porteurs d’un retard psychomoteur, de
pneumopathie chronique telle que l’asthme
ou la mucoviscidose et de malformations
telles que la hernie hiatale ou d’atrésie oeso-
phagienne opérée.
4. Sémiologie clinique
Les signes cliniques d’une maladie de reflux
ne sont pas les mêmes chez le nourrisson
d’une part et chez l’enfant d’âge scolaire ou
préscolaire d’autre part. Entre le GER physio-
logique et le GERD grave existe une zone de
transition tant clinique que morphologique,
qui n’est pas toujours facile à cerner. Durant
les premiers mois de vie, on observe des ré-
gurgitations, en raison du volume oesopha-
gien modeste de 10 à 15 ml («ça lui remon-
te»). Les manifestations d’une oesophagite
sont des pleurs excessifs, une irritabilité, une
hyper-extension du tronc, le refus alimen-
taire, des épisodes d’hématémèse ou une
anémie. Occasionnellement, on peut aussi
observer des déglutitions plus fréquentes
chez le nourrisson reflueur (la salive alcaline
sert à tamponner le suc gastrique acide qui
reflue). L’insuffisance de l’apport énergétique
(liée tant aux vomissements répétitifs qu’au
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chez les nourrissons et les enfants
George Marx und Pascal Müller, St. Gall
Traduction: Alexandre Corboz, La Chaux-de-Fonds
* Les abréviations suivantes dérivées de l’anglais ont été
maintenues sans changement dans l’ensemble du
texte français(note du traducteur) :
GER: Gastroesophageal reflux
GERD: Gastroesophageal reflux disease
LES: lower esophageal sphincter
Fortbildung / Formation continue
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Vol. 16 No. 2 2005
refus alimentaire suite à l’odynodysphagie et
à la dysphagie) provoquera un retard de
croissance. En dehors du tube digestif, on
pourra observer chez les nourrissons une
toux récurrente, un wheezing, des attaques
de cyanose, des apnées, des malaises du
nourrisson ou des pneumonies par aspira-
tion. Une association avec la mort subite du
nourrisson (SIDS) n’est pas connue.
Chez les enfants plus âgés, la maladie de re-
flux se manifeste plus fréquemment par des
douleurs rétrosternales ou épigastriques. De
plus, la dysphagie, la nausée, le retard sta-
turo-pondéral ou l’anémie peuvent être le té-
moin d’une oesophagite
8). Une toux chroni-
que, un asthme, un stridor, une raucité de la
voix ou des pneumonies par aspiration doi-
vent faire prendre en compte la maladie de
reflux à titre de diagnostic différentiel. Rare-
ment, le GERD se manifeste dans le cadre d’un
syndrome de Sandifer, avec des dystonies nu-
cales, cervicales et thoraco-abdominales
9).
Finalement, toutes les maladies impliquant
des vomissements récurrents peuvent pro-
voquer une oesophagite ou être associées aux
symptmes susmentionnés (reflux gastro-
oesophagien dit secondaire; voir tableau 2).
5. Le diagnostic de la maladie
du reflux gastro-oesophagien
Comme nous l’avons déjà mentionné, la fron-
tière entre reflux gastro-oesophagien physio-
logique et pathologique est floue, de sorteque le médecin traitant doit décider, en se
basant sur une anamnèse précise et un exa-
men clinique méticuleux, si des investiga-
tions et des traitements sont indiqués.
5.1. L’échographie
L’échographie est un complément de l’exa-
men clinique et ne sera pas utilisée de ma-
nière systématique en pédiatrie. Le radiolo-
gue expérimenté peut documenter l’épais-
seur de la muqueuse dans l’œsophage
distal, le cardia et – en partie – la vidange
gastrique. Comme il s’agit d’une image ins-
tantanée, l’absence d’une preuve échogra-
phique du GER pendant l’examen n’exclut
pas une maladie de reflux 11).
5.2. Transit oesophago-gastro-duodénal
Cette technique d’imagerie met en évidence
l’anatomie radiologique des voies digestives
supérieures. On peut observer la déglutition,
la réplétion et la vidange gastrique, et on
peut provoquer par différentes techniques de
positionnement des épisodes de reflux. Ce-
pendant, c’est l’option iconographique de
mettre en évidence, ou à l’inverse d’exclure
une hernie hiatale qui est la plus importan-
te. Or, ici également, il s’agit d’une image ins-
tantanée. Les épisodes isolés de reflux que
l’on peut observer ne sont pas obligatoire-
ment l’expression d’une maladie de reflux, et
éventuellement, des hernies hiatales par glis-
sement peuvent passer inaperçues.
5.3. Scintigraphie
Suite à l’administration de sulfate colloïdal
de
99M-Technetium en solution aqueuse ou
avec du lait, on enregistre la déglutition et la
vidange gastrique à la caméra γ. Il est pos-
sible de prouver des aspirations bronchiques
par augmentation de l’activité dans les bron-
ches. Cependant, la technique d’imagerie n’apas été standardisée pour distinguer phé-
nomène de reflux et maladie de reflux. Pour
cette technique d’investigation également, il
s’agit d’images instantanées, qui ne repré-
sentent pas obligatoirement une maladie de
reflux
12 ). D’autre part il ne faudra pas négliger
des désavantages tels que l’exposition au
rayonnement ou la durée relativement lon-
gue de l’examen.
5.4. pH-métrie de longue durée
(24 heures)
Invariablement, la pH-métrie de longue du-
rée reste la clé de voûte pour le diagnostic
d’un reflux gastro-oesophagien
13), 14) . Durant
16 à 24 heures, on enregistre de manière
continue le pH dans l’œsophage distal, se ba-
sant sur des valeurs physiologiquement dif-
férentes entre l’estomac (pH 1–2) et l’œso-
phage (pH 5–7)
15 ). Durant l’examen, un pro-
tocole recensera l’activité de l’enfant, les
repas, les phases de sommeil et les symp-
tmes potentiellement associés au reflux, en
particulier respiratoires. On dispose de va-
leurs normales ou de courbes de percentile
en fonction de l’âge, pour les paramètres du
reflux gastro-oesophagien dans l’œsophage
proximal et distal. On établit un graphique et
analyse les variations du pH pendant l’en-
semble de l’examen, le temps absolu du pH
en-dessous de certaines valeurs limites et la
proportion du pH inférieur à la valeur limite par
rapport au total de l’enregistrement (index de
reflux). On évalue l’enregistrement avec cet
index de reflux et d’autres paramètres se-
condaires (l’intégrale de la surface sous la
courbe par rapport à un pH inférieur à 4).
Bien que la pH-métrie soit relativement bien
tolérée et simple à réaliser, d’importantes et
élémentaires restrictions limitent cette mé-
thode d’investigation, telles que les sensibi-
lité et spécificité limitées ainsi que l’incapa-
Tableau 2: Les diagnostics différentiels de la maladie de reflux gastro-oesophagien
Maladie infectieusePar exemple gastro-entérite, infection urinaire
Maladie gastro-entérologiqueAllergie alimentaire, maladie coeliaque,
oesophagite éosinophilique, achalasie, pancréatite
Maladie métaboliqueMaladie métabolique héréditaire, urémie, céto-acidose
Hypertension intracrânienneTumeur cérébrale, hydrocéphalie, hématome sous-dural
Occlusion intestinaleVolvulus, atrésie, invagination, sténose du pylore, malrotation
Maladie rénaleUropathie obstructive, insuffisance rénale
Médicament, toxiqueVitamine D, cytostatiques, digitale, Xanthine
Causes psychogènesTroubles du comportement alimentaire,
vomissements cycliques.
Tableau 1: Symptômes et complications
du reflux gastro-oesophagien,
qui conduisent à une GERD
Symptômes
FVomissements répétitifs
ou régurgitations
FRetard staturo-pondéral
FIrritabilité
FBrûlures d’estomac
FHématémèse
FDysphagie ou refus alimentaire
FApnée ou malaise du nourrisson
FWheezing ou stridor
FRaucité de la voix
FToux
FDistorsion positionnelle (Sandifer)
Sémiologie
FOesophagite
FSténose oesophagienne
FSyndrome de Barrett
FLaryngite
FPneumonie récidivante
FAnémie
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Vol. 16 No. 2 2005 Fortbildung / Formation continue
cité de dépister un reflux alcalin. La méthode
ne donne pas non plus de renseignements
sur l’anatomie et sur l’état de la muqueuse
de l’œsophage.
5.5. Manométrie
La manométrie oesophagienne occupe un
rôle insignifiant en ce qui concerne le dia-
gnostic de la maladie de reflux en pédiatrie.
Elle n’est guère réalisable chez le nourrisson.
5.6. Mesures de l’impédance
électrique intraluminale (IMP)
La technique repose sur la variation de la
pseudo-résistance (l’impédance) intralumi-
nale oesophagienne lors du passage d’un
bolus le long d’un segment de mesure dé-
terminé
16 ). L’impédance peut être comparée
à la résistance électrique, qui est donc in-
versement proportionnelle à la conductibili-
té électrique. Les conditions d’examen de
l’IMP correspondent à celles d’une pH-mé-
trie. L’IMP prend de plus en plus d’impor-
tance pour le diagnostic des reflux laryngo-
pharyngés. Il s’agit cependant d’une tech-
nique bien onéreuse pour les enfants, de
surcroît pas encore standardisée, de sorte
que des normes par classe d’âge ne sont pas
disponibles. La technique est encore expé-
rimentale en pédiatrie.
5.7. Endoscopie
En gastro-entérologie pédiatrique, l’endos-
copie sera en règle générale réalisée en
anesthésie générale et représente pour le
malade une charge relativement importante.
Ainsi, l’oesophago-gastro-duodénoscopie
(OGD) ne fait de sens que si l’on peut s’at-
tendre à une oesophagite de reflux. Une OGD
physiologique exclut certes une oesophagite,
mais pas obligatoirement une maladie de re-
flux. Lors d’une endoscopie digestive supé-
rieure, on examine en une même séance l’es-
tomac et le duodénum, et l’on peut porter le
diagnostic d’autres maladies qui doivent être
envisagées, telles que les ulcères, les varices,
d’autres dysplasies et finalement les gastri-
tes érosives. Le diagnostic histopathologique
des biopsies duodénales,antrales et oeso-
phagiennes joue un rôle important. Très ra-
rement, l’on rencontre déjà dans la classe
d’âge pédiatrique un œsophage de Barrett
17 ).
6. Aspects thérapeutiques
Le premier but du traitement de la maladie
de reflux est de soulager complètement le
malade, de guérir les lésions épithéliales del’oesophagite, et finalement d’en prévenir les
complications. Il n’existe pas de traitement
curatif de la maladie de reflux, sauf pour cer-
taines opérations antireflux, la maladie ne
peut être que contrôlée.
En règle générale, il vaut la peine de recom-
mander quelques modifications du style de
vie, bien qu’aucune efficacité n’ait pu être
prouvée jusqu’à présent, ni pour les enfants
ni pour les adultes
18), 19) . La recommandation
fréquente de réduire l’excès pondéral est cer-
tainement raisonnable, puisque les problè-
mes généraux liés au surpoids seront dimi-
nués. Les données concernant une perte
pondérale et une amélioration de la maladie
de reflux sont discutées de manières extrê-
mement contradictoires
20). L’éviction diété-
tique de la menthe, du chocolat, des repas
gras, du jus de citron, du café, du thé noir,
des limonades gazeuses et de l’alcool peut
être utile, puisque ces aliments diminuent le
tonus du LES et favorisent ainsi le reflux
21 , 22) .
Des médicaments tels que les antagonistes
calciques, les anticholinergiques, le diazé-
pam ou la théophylline peuvent également
exercer une influence défavorable sur la com-
pétence du sphincter. Des arguments adé-
quats documentent que le tabagisme tant
passif qu’actif est associé à une augmentation
du reflux gastro-oesophagien
23)–26) .
6.1. Mesures diététiques
A l’exception des nourrissons porteurs
d’une intolérance ou allergie aux protéines
bovines qui bénéficient d’une éviction des
protéines bovines, des manipulations des dif-
férents laits de formule n’apportent pas
d’avantages notables lors de maladie de re-
flux
27). De même, il n’est pas clairement dé-
montré que les enfants allaités ont moins
d’épisodes de reflux que les enfants non al-
laités. Une étude
28)a montré que les enfants
allaités avaient (uniquement) pendant la pé-
riode de sommeil actif (REM) moins d’épi-
sodes de reflux que les enfants non allaités,
ce qui n’était pas le cas pendant les autres
états d’éveil ou de sommeil.
Les laits antireflux et l’épaississement des
laits de formule (par exemple de la farine de
caroubier, Nestargel
®) n’améliorent certes
pas, à la pH-métrie, l’index de reflux 29), 30) ,
mais diminuent clairement le nombre d’épi-
sodes de reflux
29)–31 ), raison pour laquelle cet-
te attitude est recommandée. On peut ad-
mettre que des petits repas fréquents sont
utiles chez les petits patients, afin de mini-
miser autant que possible la pression intra-
gastrique.6.2. Traitement postural
Des études par pH-métrie ont pu démontrer
que, en décubitus ventral, les nourrissons
subissaient nettement moins d’épisodes de
reflux qu’en décubitus dorsal
32)–34) . La dis-
cussion est ouverte si le décubitus ventral en
position anti-trendelenburg à 30° est plus fa-
vorable que le décubitus ventral en position
horizontale
35). Bien que le décubitus ventral
soit toujours encore préconisé pour le trai-
tement du GER, plusieurs études ont docu-
menté que ce positionnement est associé à
une incidence plus élevée de la mort subite
du nourrisson
36), raison pour laquelle l’Aca-
démie Américaine de Pédiatrie recommande
sans équivoque le décubitus dorsal comme
position de sommeil
37). Actuellement, on ne
dispose pas encore d’études en regard de
l’efficacité de la position de sommeil d’en-
fants souffrant de reflux à l’âge préscolaire.
L’élévation du sommier à 30° ainsi que le dé-
cubitus latéral gauche pourraient hypothé-
tiquement être avantageux
38), 39) .
6.3. Pharmacothérapie de la maladie
de reflux gastro-oesophagien
Tant les sociétés européennes (ESPGHAN)
que nord-américaines (NASPGHAN) de gas-
tro-entérologie pédiatrique se sont décidées
pour un schéma par paliers
40), 41) , partant de
l’éventail considérable des manifestations de
la maladie de reflux, du nombre élevé d’en-
fants à traiter et du pronostic très bon, du
moins à l’âge pédiatrique. Après le retrait dé-
finitif du procinétique cisapride (Prepulsid
®)
du marché suisse et planétaire, en raison
d’éventuels troubles du rythme cardiaque,
actuellement, nous ne disposons plus de pro-
cinétiques à efficacité prouvée par rapport à
la maladie de reflux à l’âge pédiatrique. Pour
le traitement médical, on en reste donc aux
antacides.
6.3.1. Antacides, alginate
et protecteurs de la muqueuse
Alors que pour les adultes, les antacides (Rio-
pan
®, Ulcogant ®) jouent un rôle important
pour l’automédication des malades souffrant
légèrement ou moyennement et sont répu-
tés être sûrs et anodins, ces substances ne
sont recommandées ni par l’ESPGHAN ni par
la NASPGHAN pour l’administration aux en-
fants
40)–42) , car l’on ne dispose pas de données
suffisantes en ce qui concerne l’efficacité et
d’éventuels effets secondaires chez des ma-
lades d’âge pédiatrique. Chez les nourrissons
et les enfants d’âge préscolaire, la teneur
très élevée en aluminium de la majorité de
Fortbildung / Formation continue
20
Vol. 16 No. 2 2005
ces produits peut engendrer une charge sig-
nificative en métal et des dépôts irréversibles
dans le squelette et dans le cerveau
43). Les
alginates (par exemple Gaviscon ®) gonflent
après contact avec l’acide gastrique et for-
ment un film protecteur à la surface de la
muqueuse
44). Lors d’une combinaison avec
un traitement antacide, la formation de gel
fait défaut, raison pour laquelle un traitement
combiné est inefficace. Les comprimés de
Gaviscon
®qui contiennent également de l’hy-
droxide d’aluminium ne devraient donc pas
être administrés aux nourrissons et enfants
en âge préscolaire.
6.3.2. Procinétiques
Le domperidone (Motilium
®) accélère la vi-
dange gastrique et déploie également un ef-
fet anti-émétique central. Cependant on n’a
pas pu démontrer une efficacité significati-
ve lors de maladie de reflux.
La métoclopramide (Paspertine
®) est un cho-
linergique, qui déploie son effet tant sur des
récepteurs périphériques que centraux. Te-
nant compte du taux relativement élevé d’ef-
fets secondaires et de l’absence d’efficaci-
té en comparaison avec un placebo, pour les
enfants souffrant de reflux, l’administration
de ce médicament à des enfants souffrant
d’une maladie de reflux doit être récusée.
L’érythromycine renforce les contractions
oesophagiennes et antrales, et accélère la
vidange gastrique. L’activité procinétique de
l’érythromycine est observée à des concen-
trations de 1 à 3 mg/kg/j, c’est à dire à
moins de 25 % du dosage nécessaire à un
traitement anti-infectieux. Un réel avantage
de ce médicament pour la maladie de reflux
à l’âge pédiatrique n’a pu être prouvé dans
aucune étude, raison pour laquelle l’éryth-
romycine n’est pas prescrite de manière sys-
tématique.
L’antagoniste des récepteurs gaba baclofène
(Lioresal
®) est un médicament, avec lequel
on traite l’hypertonie musculaire chez les ma-
lades atteints d’une tétraspasticité. Une pre-
mière étude pilote sur 8 enfants tétraspas-
tiques porteurs d’une maladie de reflux a
montré, avec une dose journalière de
0.7mg/kg en 3 doses
45), une diminution de
la fréquence des vomissements et une di-
minution des épisodes de reflux prolongé.
Des effets secondaires tels qu’anxiété,
somnolence, vertiges et sensation de réplé-
tion ont été décrits. En résumé, le baclofè-ne pourrait constituer une option thérapeu-
tique intéressante, au moins dans un sous-
groupe de malades sévèrement atteints ou
également de malades porteurs d’une infir-
mité motrice cérébrale. Des études à plus
longue échéance sont nécessaires.
6.3.3. Antagonistes des récepteurs H2
La cimétidine et la ranitidine (Zantic
®) font
partie de ce groupe. En raison des effets se-
condaires endocriniens (effets anti-andro-
gènes tel que par exemple la gynécomastie),un traitement prolongé à la cimétidine est à
proscrire chez les enfants. Les antagonistes
des récepteurs H2 servaient au traitement
des oesophagites érosives avant la décou-
verte des inhibiteurs de pompe à protons
(PPI). Ces substances ont été commerciali-
sées il y a bien longtemps; malgré tout, on ne
dispose de manière un peu surprenante que
de peu de données validées chez les enfants.
Bien que la ranitidine ne soit pas admise of-
ficiellement pour les enfants, cet antagonis-
te des récepteurs H2 est prescrit très sou-
Figure 1: Schéma de traitement par palier pour la maladie de reflux
Suspicion clinique de maladie
de reflux gastro-oesophagien
Démarches diététiques
et mécaniques
Transit oeso-gastro-duodénal,
pH-métrie,
Eventuellement gastroscopie
Eventuellement initier les inhibiteurs
de pompe à protons
ou les bloqueurs des récepteurs H2Quantité des repas
Fréquence des repas
Epaississement du lait
Traitement postural:
position anti-reflux
Eviction protéines bovines
Optionnellement,
inhibiteurs des récepteurs H2 Inhibiteurs de la pompe à protons
Pas d’amélioration
au bout de 2 semaines
Evaluer la possibilité
d’un traitement chirurgical
Absence d’amélioration
21
Vol. 16 No. 2 2005 Fortbildung / Formation continue
vent chez des nourrissons et petits enfants
porteurs de maladie de reflux. L’application
et le dosage sont simples avec les compri-
més effervescents (4 à 8 mg/kg/jour, en 2
à 3 doses).
6.3.4. Les inhibiteurs de pompe à protons
L’oméprazole (Antra
®, Antramups ®, Omezol
Mepha ®) et le lansoprazole (Agopton ®) sont
les inhibiteurs de pompe à protons actuel-
lement admis en Suisse pour le traitement
des oesophagites érosives et de la maladie
de reflux chez l’enfant. Suite à une inactiva-
tion irréversible de la H+/K+ATP-ase, la sé-
crétion acide gastrique est supprimée, jus-
qu’à ce que l’enzyme ait été à nouveau re-
constituée. Le traitement antacide adéquat
permet d’une part la guérison de l’oesopha-
gite par reflux, et améliore d’autre part la mo-
bilité de l’œsophage distal et le tonus du
sphincter oesophagien distal, ce qui améliore
à son tour la symptomatologie du reflux
46)–48) .
Contrairement aux antagonistes des récep-
teurs H2, l’administration prolongée des in-
hibiteurs de pompe à protons ne provoque pas
d’effet d’accoutumance. Administration en
pratique: les comprimés «mups» se dissolvent
après quelques secondes dans une cuillère
contenant de l’eau ou du jus de pomme. Cette
suspension peut être ensuite administrée
directement dans la bouche d’enfants jeunes
ou aussi d’enfants handicapés. Chez les en-
fants porteurs d’une sonde naso-gastrique,
celle-ci doit être plus grande que charrière 12,
pour ne pas être obstruée. En présence
d’une sonde naso-gastrique ou d’une PEG plus
étroite, il faut se servir de l’Omezol Mepha
®,
dont les «pellets» plus petits passent égale-
ment une sonde charrière 8.
Une étude internationale multicentrique a
établi chez des enfants dont l’oesophagite
par reflux était prouvée endoscopiquement,
que les doses nécessaires se situaient en-
tre 0.7 à 3.5 mg/kg/j, pour normaliser une
pH-métrie précédemment pathologique et
pour obtenir la guérison de l’oesophagite
49).
Il s’est avéré que c’était en particulier les en-
fants de moins de 6 ans qui avaient besoin
de doses plus élevées. En présence de for-
tes douleurs ou d’un status impressionnant,
il faut débuter avec des doses de 1.5 à 2
mg/kg/j, pour obtenir rapidement le soula-
gement des douleurs et la guérison des mu-
queuses. Après 2 à 4 semaines de traite-
ment, le dosage peut être réduit. Les inhibi-
teurs de pompe à protons peuvent aussi être
utilisés avec succès pour le traitement au
long cours de la maladie de reflux
49)–52) . 6.4 Traitement chirurgical du reflux
gastro-oesophagien en pédiatrie
Il s’avère que la chirurgie du reflux, effectuée
par un chirurgien expérimenté est couronnée
de succès à un taux de 85 à 90%. La chirur-
gie n’est cependant indiquée que si un trai-
tement conservateur soutenu, exploitant tou-
tes les ressources n’a pas abouti au succès.
Cliniquement, les signes peuvent en être les
vomissements chroniques, la persistance
des douleurs, le retard staturo-pondéral,
mais aussi la persistance d’aspirations réci-
divantes avec des pneumonies et également
d’attaques d’apnée récidivantes. Ceci vaut en
particulier chez les enfants porteurs d’un re-
tard psychomoteur plus important, dont l’ali-
mentation est tributaire d’une gastrostomie.
L’indication à un traitement chirurgical de-
vrait être réalisée dans un cadre interdisci-
plinaire. Les investigations pré-opératoires
doivent prendre en compte, en plus des don-
nées anamnestiques et cliniques, une pH-
métrie de longue durée, une endoscopie di-
gestive haute ainsi qu’un transit oeso-gastro-
duodénal, afin de documenter l’anatomie
oeso-gastrique et la vidange adéquate et
physiologique de l’estomac. A cette occa-
sion, la présence d’une malrotation devrait
également être recherchée
53)–55) . Les fundo-
plications selon Nissen, Thal ou Boix-Ochoa
sont les techniques opératoires les plus fré-
quentes. En établissant l’indication, il faut à
tout prix tenir compte des effets secondai-
res tels que le «Gasbloat»(à savoir l’impos-
sibilité d’éructer), le syndrome de dumping,
la diminution de la capacité gastrique, et l’im-
possibilité de vomir lors de malaises ou de
gastro-entérite virale.
7. Suivi
Le traitement d’une maladie de reflux avec
un inhibiteur de pompe à protons doit être
conduit pendant au minimum 8 à 12 semai-
nes
57). Lorsqu’une oesophagite a été docu-
mentée, une endoscopie de contrôle est in-
diquée après la période de traitement, afin
de documenter le succès thérapeutique, et
d’éviter des complications potentiellement
dangereuses telles que des sténoses ou un
œsophage de Barrett.
8. Récapitulation
Le GER est une maladie fréquente de la clien-
tèle pédiatrique, dont le décours est en
règle général bénin chez le nourrisson. Dans
la plupart des cas, le diagnostic peut êtreposé avec l’anamnèse et l’examen clinique.
Lors de complication d’un reflux, à savoir lors
d’une maladie de reflux, un diagnostic plus
poussé doit être obtenu, pour lequel diffé-
rentes investigations peuvent être choisies
en fonction des symptmes cliniques. Chez
les nourrissons, une éviction probatoire
d’une à deux semaines avec un lait de for-
mule exempt de protéines bovines peut être
justifiée chez les enfants non allaités. Après
avoir exploité les différentes mesures con-
cernant le mode d’alimentation (petit repas
fréquents, traitement postural, réduction du
poids, éviction de mécanismes provoquant
des relaxations inadéquates du sphincter), la
prochaine étape du traitement sera consti-
tuée par des médicaments, principalement
par les inhibiteurs de pompe à protons mais
selon les cas aussi par des antagonistes H2.
L’indication chirurgicale doit être posée de
manière prudente, après en avoir soigneu-
sement pondéré, dans un contexte interdis-
ciplinaire, les avantages et les inconvénients
(voir schéma 1).
Correspondance:
Dr. med. George Marx
Pädiatrische Gastroenterologie
Ostschweizer Kinderspital
Claudiusstrasse 6
9006 St. Gallen
Nous remercions chaleureursement le Dr
G. Baumgartner, chirurgie pédiatrique du Ost-
schweizer Kinderspital ainsi que Mme A. Ma-
this, diététicienne pour leurs conseils pré-
cieux et la revue du manuscrit. Nous remer-
cions le Dr A. Corboz pour la traduction.
Références
Voir le texte allemand.
Informations complémentaires
Auteurs
Dr. med. George Marx , Ostschweizer Kinderspital St. Gallen / Triemlispital Zürich