L’hypotonie est un signe non spécifique fréquemment rencontré chez le nourrisson et le petit enfant. Elle peut être congénitale, acquise ou transitoire et se manifester dans des affections ne touchant pas obligatoirement le système nerveux ou musculaire. En effet tout nourrisson «malade» pourra être hypotone, quelle que soit la cause de sa maladie. Les causes neurologiques de l’hypotonie seront principalement abordées ici.
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L’hypotonie est un signe non spécifique fré
quemment rencontré chez le nourrisson et le
petit enfant. Elle peut être congénitale, acqui
se ou transitoire et se manifester dans des
affections ne touchant pas obligatoirement le
système nerveux ou musculaire. En effet tout
nourrisson «malade» pourra être hypotone,
quelle que soit la cause de sa maladie. Les
causes neurologiques de l’hypotonie seront
principalement abordées ici.
Malgré les progrès de l’imagerie et des
techniques de diagnostic moléculaire, la dé
marche diagnostique initiale face à un nour
risson hypotone reste essentiellement basée
sur une anamnèse et un examen détaillés.
Comme souvent en neurologie, la répétition
de l’examen clinique à deux moments diffé
rents peut être très informative.
Classiquement on distingue l’hypotonie
d’origine centrale de l’hypotonie d’origine
périphérique ( figure 1 ). On entend par cen
trales, les pathologies touchant le cerveau,
le cervelet ou la moelle épinière; elles re
présentent 66 à 88% des cas d’hypotonie du
petit enfant 1). Les causes d’hypotonie cen
trale sont extrêmement nombreuses, il peut
s’agir d’une malformation ou d’une lésion
cérébrale, d’un syndrome dysmorphogéné
tique ou d’une maladie métabolique 2). Il faut
garder à l’esprit que des affections centrales
aboutissant à un tableau d’infirmité motrice
cérébrale de type spastique, ataxique ou
dyskinétique chez l’enfant plus grand peu
vent se manifester transitoirement par une
hypotonie dans les premiers mois de vie.
L’hypotonie d’origine périphérique se voit
dans des pathologies impliquant le mo
toneurone inférieur (atrophie musculaire
spinale), les nerfs périphériques (neuropa
thies), la jonction neuro musculaire (syn
dromes myasthéniques) et le muscle (les
myopathies) 3). Il faut savoir que l’atteinte est
parfois aussi bien centrale que périphérique
comme dans certaines leucodystrophies.
Eléments importants
de l’anamnèse
Au cours de l’anamnèse on sera donc atten
tif aux éléments permettant de distinguer
une hypotonie centrale d’une hypotonie
périphérique. On recherchera des événe
ments survenus pendant la grossesse ayant
pu engendrer des lésions cérébrales chez
le foetus (traumatisme, infection mater
nelle…). Une diminution des mouvements
foetaux, un polyhydramnios, une expulsion
prolongée peuvent être des signes d’une
atteinte neuromusculaire. Une extraction
difficile associée à une faiblesse des mus
cles respiratoires peut entraîner une as
phyxie néonatale et il n’est pas rare que
l’hypotonie soit attribuée initialement à la
mauvaise adaptation, retardant le diagnos
tic de l’atteinte neuromusculaire.
Chez le nourrisson un retard de développe
ment cognitif, une épilepsie, une micro ou
macrocéphalie sont autant de signes qui
orientent vers une atteinte centrale. Un
retard moteur isolé ou des troubles de la
déglutition par contre sont en faveur d’une
atteinte périphérique. On n’oubliera pas que
certaines affections non neurologiques (ma
ladies héréditaires du collagène, hypothyroï
die…) peuvent s’accompagner d’une hypo
tonie et une revue des systèmes ainsi qu’un
examen clinique complet s’imposent.
L’histoire familiale est bien évidemment
d’une importance capitale puisque nom
bres de pathologies associée à une hypo
tonie ont une origine génétique. D’autre
part, la présence d’une hypotonie transi
toire, d’évolution favorable, dans la fratrie
sera un élément anamnestique important
puisqu’il peut s’agir d’une variation de la
norme 4). Ceci reste toutefois un diagnostic
d’exclusion.
L’examen clinique
Par définition, le tonus est l’état de tension
du muscle en dehors de toute contraction
volontaire. On distingue généralement:
1)
le tonus au repos qui s’évalue surtout
par une observation des postures de
l’enfant: un nourrisson très hypotone
gardera souvent ses membres en ex
tension sur le plan du lit. L’extension
des hanches donnant aux membres
inférieurs une posture dite «en jambe
de grenouille».
2)
le tonus passif est la résistance à la mo
bilisation passive d’un membre autour
d’une articulation (ex. flexion/extension
du coude, du genou). Il peut être éva
lué en testant le «ballant»: on secoue
doucement l’avant bras ou la jambe en
observant l’amplitude des mouvements
de la main ou du pied.
3)
le tonus actif est le tonus présent
lors de mouvements contre gravité. Il
s’évalue par le tiré assis, la suspension
sous les aisselles et la suspension ven
trale.
Hypotonie du nourrisson
P Y Jeannet, Lausanne
Figure 1: Exemples d’atteintes centrales et périphériques
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Ces distinctions sont utiles comme ligne
conductrice pour la pratique de l’examen,
mais ne permettent que rarement d’orienter
le diagnostic différentiel.
Hypotonie, faiblesse et hyperlaxité (élasti
cité tendineuse) ne sont pas toujours facile
à distinguer et peuvent coexister chez un
même patient ( figure 2 ). L’hyperlaxité se ma
nifeste par une augmentation de l’amplitude
d’un mouvement autours d’une articula
tion (diminution du tonus passif). Elle est
présente chez 4 à 13 % de la population
saine et est plus fréquente dans certaines
ethnies mais peut être un signe d’appel de
certaines maladies non neurologiques 5).
Elle est par contre typiquement associée
à la faiblesse dans certaines myopathies
(maladie d’Ullrich).
La faiblesse se manifeste chez le nourris
son le plus souvent par une diminution des
mouvements contre gravité ou un retrait peu
vigoureux d’un membre après stimulation
douloureuse. Des difficultés de déglutition
ou respiratoires sont parfois associées. Chez
l’enfant plus grand, on évaluera la force lors
de la manipulation d’objets un peu lourds,
du passage du décubitus dorsal à la position
assise sans l’aide des bras.
Un examen orthopédique est important, la
présence de contractures des articulations
chez un nouveauné parle en faveur d’une
diminution de l’amplitude des mouvements
foetaux secondaires à une possible faibles
se musculaire.
L’hyperréflexie osteo tendineuse oriente
vers une atteinte centrale, tandis que l’hypo
ou l’aréflexie évoquent plutôt une atteinte
neuromusculaire, ceci n’est toutefois pas
absolu.
Le tableau 1 énumère quelques signes et
symptômes permettant de distinguer les
atteintes centrales et périphériques.
Investigations
Au vu du large diagnostic différentiel du
nourrisson hypotone, il est difficile de résu
mer une conduite à tenir et les propositions
d’algorithme ne font pas l’unanimité 1). Le
contexte clinique dictera toujours les pre
miers examens à effectuer, que l’on suspecte
une origine centrale ou périphérique.
En cas de suspicion d’atteinte centrale,
l’imagerie cérébrale ne sera demandée
qu’après avoir formulé une hypothèse bien
précise sur le type de lésion ou de malfor
mation recherchée. En effet, une origine
centrale ne signifie pas obligatoirement que
l’anomalie sera visible à l’imagerie. Face à
certains tableaux cliniques évocateurs, on
recourra directement aux analyses de gé
nétique moléculaire (ex: syndrome de Pra
derWilli) ou à des analyses métaboliques.
L’EEG, même en absence de convulsions,
peut être contributif, certaines anomalies
pouvant orienter vers une étiologie géné
tique ou métabolique.
Le choix des examens à effectuer en cas
de suspicion d’atteinte périphérique n’est
pas plus aisé. Si une myopathie est suspec
tée, on dosera les CK, mais ces derniers
ne sont que rarement pathologiques dans
les maladies musculaires se manifestant
chez le nourrisson. En d’autres termes une
valeur normale des CK n’exclu pas une pa
thologie musculaire. Face à une hypotonie
d’apparition récente, chez un nourrisson
avec une faiblesse musculaire et une ar
réflexie, on recherchera une maladie de
Wernig Hoffman (atrophie spinale de type 1)
directement par analyse moléculaire du
gène SMN. L’examen des vitesses de
conduction nerveuse et l’EMG sont tech
niquement difficile chez l’enfant en bas
âge et ne sont déterminants que dans de
rares situations (neuropathies congénitales
par exemple). La biopsie musculaire est
l’examen de choix si on suspecte une my
opathie, les progrès diagnostiques dans ce
domaine sont considérables et l’histologie
permet souvent d’orienter l’analyse de gé
nétique moléculaire.
Il n’est pas rare qu’aucune cause ne soit
trouvée malgré un bilan extensif, toute
fois l’évolution permet occasionnellement
d’orienter le diagnostic.
Face à une hypotonie légère, associée
à un retard moteur isolé peu important,
une attitude expectative pendant quelques
mois peut être justifiée. Un avis neuropé
diatrique est indiqué en cas de persistance
des symptômes ou face à d’autres signes
neurologiques.
Qu’en est-il de l’hypotonie
bénigne du nourrisson?
Cette entité initialement décrite dans les
années 1950 est de plus en plus remise
en question, certains auteurs nient même
son existence dans l’idée que ce diagnostic
était trop souvent retenus chez des patients
atteints de myopathies congénitales peu
sévères non reconnues 6). Dans la pratique
cependant, on trouve des patients ayant
présentés une hypotonie parfois sévère,
souvent associée à un retard moteur isolé
évoluant favorablement sans qu’un diagnos
tic étiologique précis n’ait pu être posé mal
gré des investigations approfondies. On se
rait alors tenté d’évoquer rétrospectivement
et par exclusion, le diagnostic d’hypotonie
bénigne du nourrisson. La problématique
de cette entité controversée est parfois
contournée, sans être résolue, en créant de
nouvelles appellations telle que «hypotonie
congénitale avec issue favorable» 7).
Il y a peu d’études sur le suivi de ces en
fants. Certaines mettent en évidence une
association avec une hyperlaxité ligamen
Tableau 1: Quelques signes et symptômes accompagnant l’hypotonie faisant suspecter une atteinte centrale ou périphérique.
Atteinte centrale Atteinte périphérique
Hypotonie axiale > périphérique Hypotonie axiale et périphérique
Force préservée Faiblesse ou fatigabilité musculaire
ROT augmentés (ou normaux) ROT diminués (ou normaux)
Signes dysmorphiques Hypotrophie musculaire
Macro microcéphalie Problèmes alimentaires ou respiratoires
Troubles oculomoteurs néonataux
Epilepsie Développement cognitif normal
Retard global du développement
Figure 2: Hypotonie, faiblesse et hyperla – xité ligamentaire ne sont pas toujours facile à distinguer et peuvent coexister
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taire familiale ou une anamnèse familiale
d’hypotonie congénitale 7).
Conclusion
L’hypotonie du petit enfant est un signe
fréquent et associé à des pathologies très
diverses d’origine centrale ou neuromus
culaire. Le contexte clinique dictera si un
bilan doit être effectué et lequel. Une at
titude expectative peut
être justifiée dans
des situations où l’hypotonie est modérée
et associée à un retard moteur isolé peu
important.
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du développement moteur. Méd et Hyg 1986; 44, 2861–7.
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diagnosis. Dev Med Child Neurol. 2002 Apr; 44(4): 283–4.
Corresp ondance : Dr P .Y. Jeannet Médecin associé, M ER Unité de NeuropédiatrieCHUV
1011 Lausanne
pierre yves.jeannet@chuv.ch
Die Hypotonie ist ein beim Säugling und
Kleinkind häufig angetroffenes, unspezi
fisches Symptom. Sie kann angeboren,
erworben oder transitorisch sein und kann
bei Krankheiten auftreten, die nicht unbe
dingt das Nervensytem oder die Muskulatur
betreffen. Jeder «kranke» Säugling kann
hypoton sein, um welche Krankheit es sich
auch immer handle. Es werden hier die
hauptsächlichen neurologischen Ursachen
einer Hypotonie abgehandelt.
Trotz den Fortschritten der Bildgebung und
der molekularen Diagnostik, beruht das
initiale diagnostische Vorgehen beim hy
potonen Säugling grundsätzlich auf einer
detaillierten Anamnese und der klinischen
Untersuchung. Wie dies in der Neurologie
oft der Fall ist, kann die Wiederholung der
klinischen Untersuchung zu verschiedenen
Zeitpunkten sehr informativ sein.
Klassischerweise unterscheiden wir die
Hypotonie zentralen Ursprungs von der
peripheren Hypotonie ( Abb. 1 ). Als zentral
werden Störungen betrachtet , welche das
Gehirn, das Kleinhirn und das Rückenmark
betreffen; sie stellen 66 bis 88% der Hypoto
niefälle des Kleinkindes dar 1). Die Ursachen
einer zentralen Hypotonie sind äusserst
vielfältig und reichen von einer Hirnmissbil
dung oder
läsion bis hin zu dysmorphoge
netischen und metabolischen Krankheiten 2).
Es muss in Erinnerung behalten werden,
dass zentralnervöse Krankheiten, welche
sich beim älteren Kind zum klinischen Bild
einer Cerebralparese vom spastischen,
ataktischen oder dyskinetischen Typ entwi
ckeln, sich während der ersten Lebensmo
nate vorübergehend als Hypotonie äussern
können.
Die Hypotonie peripheren Ursprungs wird bei
Pathologien des unteren Motoneurons (spi
nale Muskelatrophie), der peripheren Ner
ven (Neuropathien), der neuromuskulären
Verbindung (myasthenische Syndrome) und
des Muskels (Myopathien) angetroffen 3). Es
können manchmal zentrale und periphere
Strukturen gleichzeitig befallen sein, bei
gewissen Leukodystrophien.
Wichtige anamnestische
Elemente
Beim Aufnehmen der Anamnese wird man
also besonders auf Angaben achten, wel
Der hypotone Säugling
P. Y. Jeannet, Lausanne
Übersetzung: R. Schlaepfer, La Chaux de Fonds
Abbildung 1: Beispiele zentraler und peripherer Störungen
Zentral
Peripher
Zerebrale Störungen
Missbildungen
Metabolische
Krankheiten
Genetische Syndrome
Spinale Atrophien
Myopathien
Kollagenkrankheiten
Motoneurone
Sehne
Muskel
Informations complémentaires
Traducteur:
Auteurs
Dr. med. P. Y. Jeannet , MER Unité de Neuropédiatrie CHUV, Lausanne