Les traumatismes crânio-cérébraux (TCC) de l’enfant représentent l’un des motifs de consultation les plus fréquemment rencontrés en pratique hospitalière.
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Introduction
Les traumatismes crânio-cérébraux (TCC) de
l’enfant représentent l’un des motifs de con-
sultation les plus fréquemment rencontrés
en pratique hospitalière. Paradoxalement, si
la prise en charge des TCC sévères est bien
codifiée, celle des TCC mineurs est encore
source d’âpres controverses, touchant tant
au bilan radiologique initial (radiographies du
crâne? CT-scan cérébral?) qu’au type et à la
durée de la surveillance de ces enfants (en
milieu hospitalier? à domicile?). Pour com-
pliquer encore la situation, la prise en char-
ge de ces TCC varie selon les spécificités de
chaque classe d’âge (mécanismes d’acci-
dent, anatomie, physiopathologie, examen
neurologique). Il nous est donc paru utile de
revoir le sujet, en nous intéressant particu-
lièrement aux TCC mineurs, puisque, comme
l’a déjà relevé Klauber en 1989, la réduction
du taux de mortalité des TCC pédiatriques
observée ces dernières années ne résulte
pas tant dans l’amélioration de la prise en
charge des cas les plus sévères que de la
prévention d’une détérioration secondaire
des TCC mineurs ou modérés
13 ). On tentera
également d’élaborer un arbre décisionnel
susceptible de faciliter la prise en charge ini-
tiale des enfants victimes d’un TCC, en se
rappelant toutefois qu’aucun protocole ne
saurait s’appliquer à tous les patients ou rem-
placer le jugement clinique.
Classification – Définition
On parle de traumatisme crânien simple
(TCS)en cas de traumatisme crânien sans
perte de connaissance, amnésie, nausées,
vomissements ni céphalées et avec un état
de conscience et de collaboration nor-
maux. L’anamnèse ne doit par ailleurs pas
révéler de critères de gravité mécanique
24)
(voir tableau 1)Un traumatisme crânien avec signe indirect
de gravitéest un traumatisme crânien avec
un score de Glasgow de 14 ou 15 et les élé-
ments détaillés dans le tableau 2, qu’il s’y as-
socie ou non des critères de gravité méca-
nique.Les traumatismes crânio-cérébraux (TCC)
associent au traumatisme crânien au mini-
mum une perte de connaissance ou une
amnésie circonstancielle. Chez l’adulte, on
emploie volontiers une classification basée
sur le score de Glasgow (GCS) initial
17 ). Un
TCC sévèreest défini par un GCS de 3 à 8,
un TCC modérépar un GCS de 9 à 12 et un
TCC mineurpar un GCS de 13 à 15. Cette
classification peut également être employée
chez les enfants avec quelques adaptations.
Plusieurs auteurs, et nous en faisons partie,
estiment toutefois qu’un GCS initial de 13
devrait faire considérer le TCC comme
modéré plutôt que mineur
4). Ces variations
dans la définition même d’un TCC mineur ne
contribuent bien entendu pas à simplifier
l’analyse des données de la littérature sur le
sujet.
Epidémiologie
Quelle que soit la taille de l’hôpital où sont
examinés les traumatisés crânio-cérébraux,
on constate que les TCC mineurs représen-
tent la majeure partie de ces cas, chez l’a-
dulte ou plus encore chez l’enfant
8), 16) . Ainsi
dans une étude prospective et longitudinale 16 )
menée dans 41 hôpitaux américains durant
2 ans, incluant 1705 enfants et 5614 adultes,
on relevait les pourcentages suivants (voir
tableau 3):
L’étiologie des TCC pédiatriques et les lésions
observées varieront selon les classes d’âge.
Chez le nourrisson, plus de 80% des TCC sont
secondaires à des chutes, le plus souvent
dans l’enceinte familiale (table à langer, bras
des parents, meuble, caddie…). Les autres
causes sont les accidents de la voie publique
et bien entendu le syndrome de l’enfant bat-
tu qui représente 2 à 3% des cas de TCC et
qu’il faudra être attentif à diagnostiquer dans
cette classe d’âge
6), 8), 18) . Chez l’enfant plus
grand, les principales étiologies de TCC gra-
ves sont les accidents de la voie publique
(par ordre de fréquence piéton, cycliste, pas-
sager de voiture) et les chutes d’une hauteur
élevée
2), 5), 6), 8),18) . Dans la plupart des séries, on
observe une prépondérance masculine 2), 5), 8), 18)
Prise en charge des traumatismes
crânio-cérébraux de l’enfant
Olivier Vernet; Nicolas Lutz; Bénédict Rilliet; Lausanne et Genève.
•Ejection d’une voiture
•Mort d’un passager à bord du même véhicule
•Chute de plus de 5 m
ou de plus de 3x la hauteur de l’enfant
•Enfant à bord d’un véhicule ayant fait des
tonneaux
•Désincarcération de plus de 20 min
•Véhicule ou collision entre véhicules
à grande vitesse
•Vitesse d’impact > 60 km/h
•Déformation du véhicule > 50 cm
•Impact avec intrusion dans le comparti-
ment passager > 25 cm
•Collision voiture/piéton ou voiture cycliste
avec vitesse d’impact > 7 km/h
•Piéton propulsé à distance par un impact ou
écrasé par un véhicule
•Accident de cyclomoteur à > 30 km/h ou
avec éjection du conducteur
•Agression avec un objet contondant
Tableau 1: Critères de gravité mécanique.
•Perte de connaissance (< 5 minutes)
•Amnésie circonstancielle
•Vomissements
•Céphalées importantes et progressives
•Somnolence ou signes neurovégétatifs
(pâleur, cyanose, léthargie)
•Signes cliniques de fracture
(signe de Battle, hématome en monocle,
lunettes, enfoncement crânien,
rhino- otorrhée, etc…)
•Signes neurologiques focaux
Tableau 2: Signes indirects de gravité.
Tableau 3: Incidence des TCC selon leur gravité.
Sévérité du TCC Adulte (dès 15 ans) Enfants (0 à 14 ans)
TCC sévère (GGS: 3–8) 12.1% 5.6%
TCC modéré (GCS: 9–12) 9.3% 8.1%
TCC mineur (GCS: 13–15) 78.6% 86.3%
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sans que la morbidité et la mortalité de ces
TCC soient généralement différentes entre
les 2 sexes.
D’une manière générale, on ne peut trans-
poser chez les enfants l’expérience acquise
auprès des adultes victimes de TCC. Les en-
fants sont en effet d’avantage prédisposés
que les adultes au TCC, car le rapport entre
leurs volumes céphalique et corporel est plus
grand. De surcroît, leur cerveau est moins
myélinisé et par conséquent plus exposé aux
lésions et leur crâne est plus mince. Chez les
nouveaux-nés et les nourrissons les espaces
sous-arachnoïdiens péri-cérébraux sont plus
importants, ce qui favorise les lésions céré-
brales par ébranlement à l’intérieur de la
boîte crânienne, qui a par ailleurs tendance
à se fracturer plus facilement. S’il existe une
lésion de la dure-mère sous la fracture, à cet
âge, l’évolution pourra se faire vers une frac-
ture croissante. En outre, les jeunes enfants
sont susceptibles de perdre des quantités
relativement importantes de sang par lacé-
rations du scalp ou suite à des hématomes
sous-galéaux avec risques de choc hémor-
ragique.
La mortalité infantile après TCC varie dans la
littérature, selon les pays et bien entendu les
périodes durant lesquelles ont été conduitesces études épidémiologiques. Aux Etats-Unis,
on a rapporté des chiffres aussi élevés que 10
décès pour 100 000 habitants par année
14 ),
cette incidence étant moindre (5.3/100
000/an) dans le nord de l’Angleterre entre
1979 et 1986
23). En Suisse, mentionnons la
série genevoise de l’hôpital universitaire,
couvrant la période de 1969 à 1990 et qui
montre une chute de la mortalité après TCC
pédiatrique de 10.4 décès/ 100000/an à 3.5
décès/100000/an entre le début et la fin de
cette période d’étude
3). L’incidence d’hospi-
talisation pour tous les TCC pédiatriques
s’élève à 368/100000/an et celle des TCC
sévères à 13.5/100000/an, soulignant en-
core une fois la prépondérance des TCC mi-
neurs. Selon le registre américain des trau-
matismes de l’enfant, 2.8% des enfants trau-
matisés présentent un TCC isolé et 36% un
TCC associé à des lésions extra-crâni-
ennes
6).
Evaluation clinique
Avant de procéder à un interrogatoire com-
plet et à un examen neurologique, il faut éva-
luer les fonctions respiratoires et circula-
toires afin de limiter les risques d’agressions
cérébrales secondaires d’origine systémique
en maintenant ou restaurant ces fonctions
dans le limites de la norme. L’anamnèse tendra à définir les circonstan-
ces du TCC (chute, accident de la voie pub-
lique, description cohérente…), l’heure du
traumatisme, la notion de perte de connais-
sance immédiate, la durée de celle-ci et/ou
d’une amnésie traumatique (antéro- ou rétro-
grade) qui a la même valeur sémiologique,
l’évolution de l’état clinique depuis l’heure du
traumatisme, la survenue de convulsions im-
médiates? tardives? prolongées?, la surve-
nue de vomissements et leur fréquence, la
notion de consommation de drogues, médi-
caments. On s’intéressera également à
l’état physique antérieur et en particulier à
certains antécédents médico-chirurgicaux
(valve de dérivation? coagulopathie? patho-
logie crânio-cérébrale préexistante). Ces élé-
ments sont importants à relever, car ils ont
une certaine valeur pronostique. Ainsi, les ac-
cidents de circulation, les chutes d’une hau-
teur conséquente et une perte de connais-
sance excédant 5 minutes ont été corrélés
avec une incidence augmentée de lésions
cérébrales au CT-scan
14), 27) .
On procédera à un examen physique à l’occa-
sion duquel on mesurera les signes vitaux et
on s’attachera à reconnaître les signes de
fracture de la base du crâne: hématotympan,
ecchymoses périorbitaires (hématomes en
monocle ou lunette) et/ou postauriculaires
(signe de Battle), enfoncement crânien,
oto-, rhinorrhée. L’examen du fond d’œil pour
mettre en évidence des signes d’hyperten-
sion intracrânienne n’est pas fondamental à
la phase aiguë du TCC. Il est souvent difficile
à réaliser sans dilatation pharmacologique
(qui est bien entendu absolument proscrite
lorsqu’on doit évaluer fréquemment la fonc-
tion pupillaire, comme c’est le cas dans le
suivi d’un TCC). Par contre, la fundoscopie est
d’un intérêt primordial lorsqu’on suspecte un
hématome sous-dural du nourrisson. En
effet, dans cette catégorie d’âge, l’associa-
tion d’un hématome sous-dural et d’hémor-
ragies au fond d’œil doit faire fortement sus-
pecter la possibilité d’une cause non-acci-
dentelle, particulièrement si, de surcroît, les
circonstances du traumatisme sont peu
claires et qu’on constate une macrocéphalie
ou des crises d’épilepsie.
L’évaluation de l’état de conscience au
moyen du score de Glasgow est universel-
lement reconnue depuis plus de 20 ans chez
l’adulte. Elle a prouvé son utilité dans l’éva-
luation initiale et le suivi de la souffrance
cérébrale d’origine traumatique. Ce score a
Tableau 4: Score de Glasgow à usage pédiatrique.
Ouverture des yeux
> 1 an < 1 an
4 spontanée spontanée
3 à l’appel aux cris
2 à la douleur à la douleur
1 aucune aucune
Meilleure réponse motrice
> 1 an < 1 an
6 exécute les ordres mouvements spontanés
5 réaction bien orientée réaction bien orientée
4 rétraction à la douleur rétraction à la douleur
3 flexion à la douleur flexion à la douleur
2 extension à la douleur extension à la douleur
1 aucune aucune
Meilleure réponse verbale
> 5 ans > 1 an < 1 an
5 orienté Mots incompréhensibles babille
4 désorienté Mots incompréhensibles pleurs, consolable
3 mots incohérents
pleurs persistants, inconsolablepleurs persistants, inconsolable
2 incompréhensible gémissements gémissements
1 aucune aucune aucune
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cependant montré certaines limites chez les
petits enfants, il a donc été adapté en fonc-
tion de l’âge des patients examinés et plu-
sieurs variantes de Children’s Coma Scale
(CCS) ont été proposées
8), 25) dont l’une est
rapportée dans le tableau 4.
Prise en charge
des TCC pédiatriques
Comme mentionné au début de ce travail, la
prise en charge des TCC sévères (GCS ou
CCS de 3 à 7) soulève moins de controver-
ses que celle des TCC mineurs. Ces TCC sé-
vères impliquent une prise en charge inten-
sive avec intubation et ventilation méca-
nique, une équipe neurochirurgicale en
permanence à disposition et, bien entendu,
la réalisation d’un CT scan cérébral en ur-
gence. La prise en charge des TCC modérés
(GCS ou CCS de 8 à 13) sera également hos-
pitalière, l’unité où elle aura lieu (soins in-
tensifs, soins continus) dépendra de l’évo-
lution clinique et du résultat du CT scan, qui
devra toujours être réalisé à l’admission de
ces patients.
C’est plutôt la prise en charge des TCC
mineurs qui est source de débats. Ces dis-
cussions ont été alimentées par différentes
études
7), 20) rapportant des incidences de lé-
sions visibles au CT scan allant de 12% jus-
qu’à 53% en cas de TCC considérés comme
mineurs (GCS/CCS de 13 à 15 dans cette
étude) (sans préciser la proportion de ces lé-
sions qui étaient neurochirurgicales). Dans
un autre travail publié en 1995, on a rapporté
une incidence de 18% de CT scan anormaux
sur un collectif de 257 enfant ayant été vic-
times d’un TCC mineur
12 ). Dans cette série,
on relevait une incidence de 7% d’hématome
épiduraux et de 5% d’hématomes sous-
duraux. Plus inquiétant était le fait que 3% de
ces patients montraient des lésions intra-
crâniennes au CT-scan alors qu’ils étaient cli-
niquement asymptomatiques et ne prés-
entaient pas de fracture sur les radiographies
du crâne! On retrouve le même type de pour-
centage inquiétant dans une série de 429 en-
fants ayant été victime d’un TCC mineur avec
des signes de gravité mécanique chez qui un
CT-scan cérébral a été effectué de routine.
Cette étude a démontré 14% de lésion intra-
crânienne, soit 62 patients sur 429 dont 4
ont nécessité une opération
24).
L’ampleur du problème est bien reflétée dans
un article paru en 1993 qui, même s’il souf-fre probablement d’un biais de sélection, rap-
portait que 8.5% d’une série de 791 enfants
âgés en moyenne de 5.5 ans et victime d’un
TCC mineur à modéré présentaient des lé-
sions intracrâniennes ayant nécessité une
opération neurochirugicale
8). L’incidence de
sanction opératoire était bien évidemment
inversement corrélée au score de GCS (voir
tableau 5)
Dans cette série, qui légitimement soulève
une certaine inquiétude, on rapportait que
739 patients étaient initialement alertes
lors de l’examen hospitalier initial. Sur ces
739 patients, pas moins de 99 (13.4%) ont
dû être opérés, 9 (9.1%) pour un hématome
sous-dural, 35 (35.4%) pour un hématome
épidural, 44 (44.4%) pour une fracture
embarrée et 11 (11.1%) pour diverses autres
lésions (plaies du scalp etc…). Sur la base
de ces chiffres, les auteurs de cet articles
recommandaient d’effectuer un CT-scan
cérébral chez tous les enfants victimes d’un
TCC, même mineur, et de ne les renvoyer à
domicile qu’en cas d’examen neurologique
et de CT-scan normaux. Il s’agit là certai-
nement d’une attitude très défensive et pru-
dente. Elle illustre pourtant bien la problé-
matique des TCC mineurs pédiatriques. En
l’occurrence, toute la difficulté de la prise en
charge de ce type de TCC, réside dans
l’identification des patients à risque de pré-
senter une lésion intracrânienne susceptible
de requérir une intervention neurochirurgi-
cale, ce risque devant être mis en balance
avec les inconvénients d’examens radiolo-
giques relativement coûteux, souvent néga-
tifs et potentiellement grevés d’un certain
nombre d’inconvénients (irradiation, néces-
sité d’un sédation pour les enfants en bas
âge) et pas toujours disponibles selon l’éta-
blissement où sont admis ces patients.
Il fut un temps où l’on recommandait
d’effectuer des radiographies du crâne de
routine en cas de TCC, sachant que le risque
de présenter une lésion intracrânienne est
certainement plus élevé en présence d’une
fracture du crâne
27). On a pourtant dû rapi-
dement déchanter, après avoir constaté que
l’absence de fracture sur des radiographies
du crâne ne garantissait absolument pas
l’absence de lésion intracrânienne, même
avec un état de conscience et un examen
neurologique normaux
8)–10), 15), 27), 28) . En d’autre
termes l’absence de fracture du crâne a une
très pauvre valeur prédictive négative d’une
lésion intracrânienne
24). De surcroît, on a rap-porté que jusqu’à 25% de fractures du
crâne étaient occultées, lorsque ces clichés
n’étaient pas examinés par des médecins
cadres
15 ). Finalement, les partisans du CT-
scan, mentionnent que la découverte d’une
fracture sur des radiographies crâniennes
aura quand même pour conséquence d’effec-
tuer un CT-scan. A l’heure actuelle, la plupart
des auteurs s’accordent donc pour dire que
la réalisation de radiographies du crâne dans
le cadre d’un bilan initial de TCC représente
une perte de temps et de ressources et pri-
vilégient d’emblée le CT-scan
28), ceci d’autant
plus qu’en cas de TCC mineur avec un
CT-scan normal, le risque de détérioration
ultérieure est quasiment nul, permettant
donc, le cas échéant, le retour à domicile
en sécurité
1) , 10 ) .
La seule indication encore reconnue des
radiographies du crânes en cas de TCC
mineurs est la possibilité d’une fracture
croissante qui est observée dans 0.03% à
0.06% des fractures du crâne et qui survient
presque exclusivement chez les enfants
de moins de 3 ans et avec des fractures
diastatiques d’au moins 3 à 4 mm
26).
Ces dernières années, de nombreuses étu-
des ont tenté d’identifier des critères anam-
nestiques, cliniques ou paracliniques pré-
dictifs d’une lésion intracrânienne. Diffé-
rentes variables, telles qu’une perte de
connaissance, un déficit neurologique
5), une
amnésie, une crise épileptique post-trau-
matique, des lésions associées extra-
crâniennes
5), des céphalées ou des vomis-
sement progressifs ont été incriminés, sans
qu’aucun de ces élément ou aucune combi-
naison d’éléments ne permette de prédire de
manière fiable la présence d’une lésion au
CT-scan
8), 12), 20), 24) . Mentionnons à ce sujet le
travail de Schunk qui n’est pas parvenu à
identifier de facteur parmi une perte de con-
naissance, des vomissements, des cépha-
lées, une confusion ou une amnésie qui soit
prédictif d’une lésion intra-crânienne
21). De
Tableau 5: Incidence de lésion
intracrânienne (d’après référence 8).
GCS/CCS Hématome Hématome %
épidural dsous-dural.
15 (n=549) 28 11 7.1
14 (n =124) 7 5 9.7
13 (n =118) 12 4 13.6
Total n=791 47 20 8.5
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même, une série prospective récente a dé-
montré la mauvaise valeur prédictive de la
détérioration du status mental, de la perte de
conscience au moment de l’accident, d’une
fracture du crâne, de lésions extracrâniennes
associées
28). Dans le même esprit, une étu-
de rétrospective 24)a permis d’extrapoler que
si l’examinateur se basait uniquement sur
des facteurs cliniques pour prescrire un CT
scan cérébral, en moyenne une lésion intra-
crânienne sérieuse serait ratée tous les 150
patients avec TCC mineur!
Les auteurs qui ne sont pas parvenus à iden-
tifier de facteurs cliniques permettant de pré-
dire de manière fiable une lésion intracrâ-
nienne après TCC mineur ont donc logique-
ment prôné une politique très libérale dans
l’emploi du CT-scan afin d’identifier rapide-
ment le faible pourcentage d’enfants qui né-
cessiteront, sinon une opération, du moins
une surveillance rapprochée. Cette attitude
s’est vue renforcée par l’observation qu’un
délai dans le diagnostic d’une lésion intra-
crânienne était associé à une augmentation
de la mortalité et de l’incidence de séquel-
les neurologiques
4), 20), 24) . Des arguments éco-
nomiques ont également été avancés en fa-
veur de l’emploi systématique du CT-scan,
puisque si cet examen est négatif, il per-
mettra de renvoyer rapidement et en sécu-
rité le patient à domicile, économisant les
coûts d’une hospitalisation ou du traitement
d’une lésion intracrânienne initialement oc-
cultée
24).
Il faut quand même mentionner un travail ré-
cent qui a démontré que l’absence simulta-
née d’altération de l’état de conscience, de
signe clinique de fracture du crâne, de vomis-
sements, de céphalées et d’hématome du
scalp avait une bonne valeur prédictive né-
gative de lésion intracrânienne au CT-scan
19 ).
Tous les patients inclus dans cette série
n’ont toutefois pas eu un CT-scan de routi-
ne à leur admission hospitalière.
On ne sera donc pas surpris que 2 revues ré-
centes de l’Académie Américaine de Pédia-
trie aient relevé l’absence de consensus dans
la prise en charge des TCC mineurs
1), 10) . Une
de ces méta-analyses de la littérature a en
effet démontré qu’il n’existait pas de base
scientifique suffisante pour établir des re-
commandations de prise en charge des TCC
pédiatriques mineurs obéissant à une dé-
marche de type médecine fondée sur les
preuves
10 ). Cette étude, si elle n’a pas permisd’établir la prévalence exacte de lésion intra-
crânienne en cas de TCC mineur, a cepen-
dant livré quelques données intéressantes,
notamment que si un enfant victime d’un
TCC mineur avec un GCS à 15 n’a pas pré-
senté de perte de conscience, ni d’amnésie,
ni de céphalée, ni de vomissement, le risque
qu’il présente une lésion intracrânienne cli-
niquement significative est inférieur à 1%. Il
était également estimé dans ce travail
qu’un enfant victime d’un TCC mineur et qui
a présenté une perte de connaissance, une
amnésie, des vomissements ou une crise épi-
leptique avait un risque de lésion intracrâ-
nienne au CT-scan de 1% à 5%. Cette méta-
analyse évaluait à 20% à 80% la proportion
d’enfants présentant un CT-scan anormal re-quérant une sanction neurochirurgicale (in-
cluant la mise en place d’un capteur de pres-
sion intra-crânienne).
Sur la base, de tous ces éléments, on peut
donc proposer les prises en charge exposées
dans les tableaux 6 et 7suivants. On aura
toutefois bien garde de préciser qu’en raison
des nombreux faits contradictoires retrouvés
dans la littérature sur ce sujet, ces arbres dé-
cisionnels fournissent une base de travail
mais ne sauraient en aucun cas supplanter
le jugement clinique.
En général, on admet que la grande majorité
des complications vitales surviennent dans
les premières 24 heures qui suivent le TCC.
Tableau 6: TCC pédiatrique mineurs – Enfants de 2 à 16 ans – Algorithme décisionnel. (d’après références 1 et 11)
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Sur cette base, l’Académie Américaine de Pé-
diatrie, lorsqu’elle recommandait une sur-
veillance hospitalière, proposait que
celle-ci dure au minimum 6 heures, chiffre
que nous avons repris dans nos algorithmes.
Il va sans dire que cette durée d’observation
sera modulée par des éléments non médi-
caux tels que l’heure d’admission du patient
(on ne va pas renvoyer un enfant à domicile
dans la nuit…), la fiabilité et l’anxiété des
parents, l’éloignement du domicile etc… Si
le patient est renvoyé à domicile, on re-
commande une surveillance durant au
moins un jour. A cet effet, on fournira à la
personne en charge des indications claires
et si possible écrites (voir tableau 8), en dé-
taillant les circonstances qui indiquent une
nouvelle consultation hospitalière. Si la per-
sonne en charge de l’enfant paraît peu
fiable (intoxication…) ou non disponible ou
si l’accès à l’hôpital s’avère problématique,
on effectuera plutôt une surveillance en
milieu hospitalier.
Remerciements
A Madame Christine Bovard, infirmière du Service des
Urgences de l’Hôpital des Enfants à Genève qui a élabo-
ré la fiche des conseils aux parents.
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Correspondance:
● Dr O. Vernet, P.D., M.E.R
Service de Neurochirurgie
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
1011 Lausanne CHUV
● Dr N. Lutz, Médecin associé
Service de Chirurgie Pédiatrique
1011 Lausanne-CHUV
nicolas.lutz@ hospvd.c
h
● Dr B. Rilliet, P.D.
Hôpital Cantonal
Rue Micheli-du-Crest 24, 1205 Genève
benedict.rilliet@hcuge.c
h
Fortbildung / Formation continue
40
Vol. 15 No. 4 2004
Tableau 8: Exemple de conseils et instructions après TCC de l’enfant. (en vigueur dans les services de Pédiatrie et Neurochirurgie des Hôpitaux Universitaires de Genève)
Votre enfant a subi un choc sur la tête. L’examen médical et les contrôles pendant la période
d’observation ont démontré que son état lui permet de rentrer à la maison. Toutefois le
risque de complication tardive (rare) ne peut être totalement exclu. De nombreuses études
ont montré qu’une surveillance est nécessaire pendant 24 heures. Celle-ci peut être effectuée
à domicile.
Nous vous donnons quelques conseils:
•Si votre enfant a mal à la tête, donnez-lui du paracétamol (Dafalgan ®ou Tylénol ®) contre
la douleur (dose:………….) Ne pas donner de Brufen ®, Ponstan ®, Aspirine ®ou Aspégic ®.
•Garder l’enfant au repos pendant 24 à 48 heures. Lire, dessiner, faire des jeux, regarder
la télévision sont autorisés.
•S’il doit aller au soleil, mettez-lui des lunettes et une casquette.
•Les exercices violents et les sports de combat sont déconseillés pendant 2 semaines.
•Donnez-lui un régime léger pendant 24 heures: boissons, bouillon, lait, yogourt, compote.
Il se peut que l’enfant vomisse, nous tolérons 3 vomissements.
•Durant les 2 semaines qui suivent l’accident, n’hésitez pas à contacter votre pédiatre pour
toute information.
…et des consignes:
•Reprenez contact avec le service des urgences si l’enfant présente un des signes suivants:
•Maux de tête persistant qui augmentent et ne cèdent pas au paracétamol
•Somnolence anormale
•Vertiges
•Vomissements plus de 6 heures après le traumatisme crânien
•Vomissements plus de 3 fois
•Irritable, pleure beaucoup et n’est pas consolable
•Amener sans tarder votre enfant aux urgences s’il présente un des signes suivants:
•Convulsions
•Trouble de la vue ou de la parole
•Faiblesse d’un bras ou d’une jambe
•Comportement inhabituel
•Confusion sur les noms et les endroits
•Enfant non réveillable, ne répond pas à l’appel
•Démarche instable, trouble de l’équilibre
•Saignement ou écoulement clair par le nez ou l’oreille