La scoliose est définie, selon la Scoliosis Research Society (SRS), comme étant une déviation latérale de la colonne vertébrale avec un angle de courbure radiologique (angle de Cobb) de plus que 10°. Du point de vue étiologique on distingue les scolioses congénitales des scolioses acquises. Les malformations et déviations congénitales du rachis sont dues à des troubles de la formation et/ou segmentation et sont très rares, avec une prévalence de 1/10001). Les scolioses acquises sont beaucoup plus fréquentes. Dans 80% des cas aucune cause claire de la déviation de la colonne n’est décelée et l’on parle de scolioses idiopathiques. La plus fréquente est sans doute la scoliose idiopathique juvénile.
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Introduction
La scoliose est définie, selon la Scoliosis Re-
search Society (SRS\b, comme étant une dé-
viation latérale de la colonne vertébrale avec
un angle de courbure radiologique (angle de
Cobb\b de plus que 10°. Du point de vue étio –
logique on distingue les scolioses congéni –
tales des scolioses acquises.
Les malformations et déviations congénitales
du rachis sont dues à des troubles de la for-
mation et/ou seg ment ation et sont tr ès r ar es ,
avec une prévalence de 1/1000
1\b. Les sco –
lioses acquises sont beaucoup plus fré –
quentes. Dans 80 % des cas aucune cause
clair e de la dév iation de la colonne n’est déce –
lée et l ’on par le de scolioses idiopathiques. L a
plus fréquente est sans doute la scoliose
idiopathique juvénile. Par définition elle n’est
diagnostiquée qu’après l’âge de 10 ans. De-
puis 2015 existe une nouvelle classification
qui répartit les scolioses, indépendamment
de l’étiologie et uniquement d’après l’âge, en
Scolioses
Daniel Studer, Carol C. Hasler, Bâle
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
«early onset» (diagnostic avant l’âge de 10
ans\b et «late onset».
Le traitement d’une scoliose dépend, outre de
l’étiologie, surtout de l’étendue de la cour –
bure, de la croissance résiduelle et du risque
associé de progression de la déviation. Les
moyens de traitement conservateur com –
prennent la physiothérapie et les corsets
(plâtrés\b. Parmi les traitements chirurgicaux
on différencie les spondylodèses correctrices
et stabilisantes des techniques visant à diriger
la croissance.
Scolioses idiopathiques
Plus de 90 % des scolioses sont diagnosti-
quées après l’âge de 10 ans, appelées par
conséquent scoliose idiopathique juvénile
(SIJ\b. L’incidence est d’environ 2% , les filles
étant touchées 4x plus que les garçons, no –
t amment lor s que l ’angle de C obb dépas se les
20°
2\b. Bien que des études par IRM aient
confirmé une croissance plus importante de
la partie antérieure des vertèbres, accentuant
la lordose, l’origine de la déviation du rachis
reste inexpliquée
3\b. Il faut exclure d’autres
causes par l’anamnèse, l’examen clinique et
l ’imager ie et évaluer le r is que de prog r es sion,
afin de choisir le traitement adéquat. L’anam –
nèse doit explorer, outre les caractéristiques
du patient, comme les douleurs (dorsales\b ou
les troubles neurologiques, l’anamnèse fami –
liale (cumul de scolioses\b, pour les filles la
date de la ménarche et pour les garçons de la
mue afin d’évaluer l’âge biologique et donc la
croissance résiduelle de la colonne verté –
brale. L’examen clinique débute par la docu-
mentation du poids et de la taille. Une inéga-
lité de la longueur des membres inférieurs
sera compensée par des planchettes. Debout,
depuis derrière, on évalue la position du fil à
plomb, placé sur la ver tèbr e pr o éminente, par
rapport à la fente inter-fessière, l’équilibre des
épaules, la position des omoplates et la symé-
trie de la taille. Le test de flexion antérieure
du tronc ou test d’Adams permet l’évaluation
de la rotation de la colonne, en mesurant la
gibbosité thoracique ou le bourrelet lombaire
à l’aide du scoliomètre ( fig. 1). Les scolioses
n’étant en général pas douloureuses, par
contre rapidement progressives pendant la p ous sée de crois s ance pub er t air e, et sou vent
reconnues tardivement par les adolescents
eux-mêmes, l’examen systématique de la
colonne par les pédiatres est essentiel. Avec
le scoliomètre il est rapide et sûr!
Les asymétries > 5° ne sont pas physio –
logiques et exigent une investigation or –
thopédique. Le scoliomètre est donc un
must pour le pédiatre !
L’imagerie consiste, dans un premier temps,
en une radiographie conventionnelle de la
colonne vertébrale, avec crête iliaque (signe
de Risser\b, de face et de profil. Pour autant
que possible debout et en limitant l’irradiation
(radiologie digitale ou mieux avec un appareil
EOS \b . L’étendue de la scoliose est donnée par
l’angle de Cobb (fig. 2). Le traitement d’une
SIJ dépend de l’étendue de la courbure et de
la croissance résiduelle. Ces deux éléments
définissent le risque d’accentuation de la dé –
viation. Les scolioses avec un angle de Cobb
< 20° ne nécessitent pas de traitement spé-
cifique mais seront suivies cliniquement, à
intervalles de 6 mois, jusqu’à la fin de la
croissance, et radiologiquement en cas de
suspicion de progression (augmentation de la
gibbosité thoracique/du bourrelet lombaire
de >1-2°\b. La SRS a fixé les critères suivants
p our dé finir la fin de la crois sance sig ni ficati ve
du rachis:
– moins de 1 cm d’augmentation de la taille entre 2 mesures à intervalle de 6 mois
– ménarche ≥ 2 ans
– s t ade de Ris ser 4 ou 5 ( os si fication de l ’ap o –
physe de la crête iliaque\b.
Si la croissance résiduelle est significative
(Risser 0 -2\b et l’angle de Cobb >20°, on re –
commande le traitement par un corset. C’est
l e
seul tr aitement non chir ur gical de la SIJ p our
lequel est documentée une efficacité basée
sur l’évidence
4\b. S’agis sant d ’un guidage pas sif
de la croissance résiduelle de la colonne, une
physiothérapie ambulatoire visant à fortifier
de manière ciblée la musculature dorsale est
indiquée. Les coûts sont assumés pendant la
durée du traitement par le corset – comme
p our le cor set lui – même – par l ’as sur ance inva –
lidité. L’objectif premier du traitement par
c o
rset d’une SIJ est d’empêcher la progression
de la déviation et non pas d’obtenir une cor –
rection durable. L’information détaillée et ré-
pétée sur la maladie et les objectifs thérapeu –
tiques réalistes est donc indispensable à la
b o
nne réussite du traitement.
Figure 1: C ontrôle de la rot ation de la colonne
vertébrale par la mesure de la gibbosité tho –
racique/du bourrelet lombaire avec le scolio –
mètre, après compensation d’une éventuelle
inégalité de la longueur des membres infé –
rieurs. 5° ou plus sont pathologiques et né-
cessitent une évaluation orthopédique.
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La plupart des corsets utilisés pour le traite-
ment de la SIJ v isent à cor r iger la dév iation par
des forces latérales. À partir d’angles de Cobb
>45° l’effet correcteur diminue pourtant de
manière exponentielle. De plus les scolioses
de cette envergure ont tendance à s’accen-
tuer, par la for ce de g r av ité, même apr ès la fin
de la croissance de 1-3° par année
5 \b , 6 \b ; pour
les SIJ avec une telle déviation il y a donc une
indication relative à la correction chirurgicale.
Une limitation de la fonction pulmonaire par
un trouble ventilatoire restrictif, avec un cœur
pulmonaire consécutif, n’est à craindre qu’à
partir d’un angle de Cobb >80 -90°; il s’agit
alors d’une indication absolue au traitement
chirurgical. Le principe opératoire de la SIJ est
encore et toujours la correction (partielle\b de
la déviation avec fusion (spondylodèse\b du
segment rachidien instrumenté. Grâce aux
connaissances cliniques et de recherche
croissantes et les progrès dans le développe –
ment de nouveaux implants, on obtient au –
jourd’hui des résultats satisfaisants, sur le
plan cosmétique, avec des segments de fu-
sion plus courts (fig. 3). Le suivi continu,
pendant l’intervention, de la fonction de la
moelle épinière (Spinal Cord Monitoring\b est actuellement standardisé et incontournable.
Après l’opération les patients sont immédia
–
tement mobilisés sous assistance physiothé –
rapeutique et quittent l’hôpital après quelques
jours seulement.
Scolioses neuromusculaires
Les scolioses neuromusculaires représentent
le deuxième grand groupe de scolioses ac-
quises. Le plus souvent cela concerne des
patients infirmes cérébraux moteurs. La pré –
valence augmente avec l’étendue de l’infir-
mité et se situe pour les niveaux 4 ou 5 du
Gross Motor Function Classification System
(GMFCS\b au- dessus de 50 % , le risque de
progression étant de presque 100 % pour les
patients avec un niveau GMFCS 5 (dépen-
dants de la chaise roulante\b
7\b. L’ef ficacité des
cor set s p our les patient s in fir mes moteur s es t
controversée. Malgré cela ils sont régulière-
ment appliqués, en l’absence de moyens de
traitement conservateur alternatifs. Lorsque
la déviation progresse, les conditions pré –
caires des parties molles des patients souvent
cachectiques font que la p our suite du p or t du
corset devient impossible et la stabilisation
chirurgicale incontournable. En raison des troubles associés, l’évaluation préopératoire
de ces patients est souvent complexe et né-
cessite une consultation interdisciplinaire
incluant anesthésiste, intensiviste, cardio
–
logue, pneumologue et chirurgien orthopé –
diste. Les déviations à la courbure souvent
longue et rigide ne peuvent en général être
corrigées que par une fusion sur un long seg –
ment et des implants allant jusqu’au bassin
(fig. 4) .
Scolioses à début précoce
Depuis 2015 on nomme les scolioses diagnos –
tiquées avant l’âge de 10 ans – indépendam –
ment de l ’étiologie – de scolioses ear ly onset .
Cette nouvelle nomenclature repose sur deux
faits: d’une part la possibilité de traiter ces
scolioses du jeune enfant, traitement qui dé-
pend plus de l’étendue et du risque de pro –
gression que de la cause de la déviation.
D’autre part aussi du fait qu’outre la crois-
sance du rachis, celle du thorax est aussi
touchée. A l’âge de 10 ans la hauteur du tho –
rax (distance entre première et 12
ème côte
thoracique, D1-D12\b mesure en moyenne
22 cm et le volume thor acique ne f ait que 50 %
de la valeur adulte
9\b. Karol et coll. ont démon –
Figure 2: L’angle de Cobb est l’angle formé à
partir de l’intersection de deux droites tan-
gentielles l’une au plateau supérieur de la
vertèbre limite supérieure, l’autre au plateau
inférieur de la vertèbre limite inférieure. Les
vertèbres limites sont les deux vertèbres les
plus inclinées dans le plan frontal. L’apex est
formé par la vertèbre (ou le disque\b à la plus
grande déviation latérale, ici D9. Figure 3:
État avant ( a \b et après ( b \b traitement chirurgical par instrumentation ( spondylodèse \b
de la 4ème vertèbre dorsale à la 1ère vertèbre lombaire chez une patiente âgée de 16 ans avec
une scoliose idiopathique juvénile progressive.
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tr é que les patient s ave c une dis t ance D1- D12
<18 cm à croissance terminée n’atteignent
que 48 % des valeur s moyennes de la capacité
vitale forcée (CVF\b
10 \b. Ce n’est qu’à partir de
D1-D12 >22 cm que les valeurs se situaient
r égulièr ement au des sus de 80 % . L’objectif du
traitement des scolioses early onset actuel
par instrumentation est d’atteindre, outre la
stabilisation ou la correction de la déviation
de la colonne, une hauteur du thorax d’au
moins 22 cm.
Aussi longtemps que possible on choisit un
traitement conservateur. Le risque de pro –
gression des scolioses early onset étant en
général extrêmement élevé, on souhaite ga –
gner autant de temps que possible par des
corsets plâtrés réducteurs, appliqués sous
narcose, ou par des corsets conventionnels,
jusqu’au moment où un traitement chirurgical
devient nécessaire («buy time procedures»\b,
ne serait- ce qu’en raison du taux de compli-
cations élevé liés aux traitements chirurgi-
caux
11 \b. Lorsqu’une scoliose ne se laisse plus
contrôler par des moyens conservateurs
(angle de Cobb >60°\b, on évalue les possibi-
lités opératoires. On distingue 3 principes:
1.
Te
chniques opératoires de distraction
2.
Te
chniques opératoires de compression
3.
«G
uided growth»
Les techniques de distraction se basent sur
des implants fixés à la colonne vertébrale au des sus et au des sous de la dév iation ( g row ing
rods\b ou aux côtes (VEPTR
®\b. Par le rallonge-
ment mécanique régulier empêchent d’une
part la progression, ils corrigent ou em-
p êchent la prog r es sion de la scoliose, d ’autr e
part stimulent la croissance de la colonne
vertébrale. Les techniques basées sur la com –
pression tentent de corriger la déformation,
pendant la croissance, par un câble de com-
pression sur la partie convexe de la scoliose – comparable au principe de l’hémiépiphysio
–
dèse aux membres inférieurs. On n’obtient
par contre pas de stimulation de la crois-
sance. Le troisième groupe comprend les
techniques de guidage pas sif de la crois s ance
vertébrale, pareil à un corset intérieur (Shil-
la
®, Luque -Trolley\b. Ces techniques sont sou –
vent utilisées pour les patients où les distrac –
tions chirurgicales répétés ne sont pas
possibles en raison du mauvais état général.
Figure 5: Radiographies d’une patiente de 8 ans avec une scoliose idiopathique early onset avant (a\b et après (b\b implantation de Growing rods
motorisés (MAGEC
®\b et deux distensions non- chirurgicales de l’implant (c\b Figure 4:
État avant ( a \b et après ( b \b traitement chirurgical par instrumentation ( spondylodèse \b
de la 2ème vertèbre thoracique jusqu’au bassin chez une patiente âgée de 12 ans avec une
infirmité motrice cérébrale, risquant de perdre la capacité de s’asseoir.
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Le développement d’implants motorisés à
commande magnétique, qu’on peut distendre
depuis l’extérieur sans narcose (MAGEC
®\b,
ont sensiblement amélioré le traitement
chirurgical des scolioses early onset (fig. 5).
L’abandon des opérations répétées et inva –
sives de distension (en général tous les 6
mois\b permet d’une part de réduire le taux
élevé de complications et représente un
grand soulagement psychologique pour les
patients et leurs familles.
Mot de la fin
Malgré l’introduction des implants modernes,
le traitement des scolioses avancées néces –
site en général, malheureusement, en fin de
compte quand même une fusion vertébrale
définitive. L’objectif de la recherche actuelle
est de développer des techniques qui rendent
possible la correction des déformations du
rachis sans fusion vertébrale. Le dépistage
précoce des troubles de la croissance de la
colonne vertébrale, notamment des scolioses
idiopathiques, est encore plus important, afin
d’entreprendre à temps des stratégies
conservatrices. Cette tâche incombe surtout
aux médecins de premier recours, à l’aide du
scoliomètre.
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Correspondance
Dr Daniel Studer
Orthopädie, Universitätskinderspital beider
Basel (UKBB\b
Postfach, Spitalstrasse 33
CH- 4056 Basel
Daniel.studer@ ukbb.ch
Les auteurs certifient qu’aucun soutien financier ou autre
conflit d’intérêt n’est lié à cet article.
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Informations complémentaires
Correspondance:
Auteurs
Daniel Studer Carol C. Hasler