Société Suisse de Néonatologie
Le but de ces recommandations est de guider la prévention et le traitement de l’hypoglycémie chez des nouveau-nés à termes ou proche du terme (≥ 34 0/7 semaines de gestation) en salle d’accouchement et à la maternité. Les enfants nés prématurément ou malades sont en général hospitalisés dans une unité de néonatologie et requièrent une surveillance et un traitement particulier.
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Vol. 18 No. 6 2007 E m p f e h l u n g e n / R e c o m m a n d a t i o n s
Introduction
Le but de ces recommandations est de
guider la prévention et le traitement de
l’hypoglycémie chez des nouveau-nés à
termes ou proche du terme ( ≥ 34 0/7 semaines
de gestation) en salle d’accouchement et à
la maternité. Les enfants nés prématurément
ou malades sont en général hospitalisés dans
une unité de néonatologie et requièrent une
surveillance et un traitement particulier.
Information de base
Avec la naissance débute chez le nouveau-né une série de mécanismes d’adaptations métaboliques qui per – mettent de passer de la situation fœtale caractérisée par des apports transplacentaires de glucose avec syn – thèse glycogénique à une situation postnatale de pro – duction et régulation du glucose. Durant la naissance, les taux endogènes de glucagon et de catécholamines augmentent de 3–5 fois, initiant ainsi la glycogénolyse responsable de l’homéostasie du glucose durant les premières heures de vie. La libération d’hormone de croissance et de cortisol durant la naissance favorise la néoglucogenèse qui prend de l’importance au cours des heures suivantes. Simultanément, le taux sanguin d’insuline chute durant ces premières heures pour atteindre des valeurs peu importantes. Pour que la dégradation du glycogène et la néoglucogenèse puissent avoir lieu, les enzymes correspondants et les substrats sous forme de graisses et acides aminés sont indispensables 8), 11), 17), 21), 22), 23) .
La glycémie chute durant les 2 premières heures de vie même lors d’une adaptation métabolique optimale, puis elle remonte progressivement mais lentement pour atteindre une homéostasie. Le glucose est le substrat primaire du métabolisme énergétique céré – bral. En raison du poids relatif important du système nerveux central chez le nouveau-né, la consommation de glucose rapportée au poids corporel est très élevée. Chez le nouveau-né, les corps cétoniques représentent une source d’énergie additionnelle, mobilisée dans le cadre de la lipolyse. Ainsi, le cerveau du nouveau-né n’est pas entièrement dépendant du glucose sanguin. Pour cette raison, le contrôle de routine de la glycé – mie chez le nouveau-né à terme sain peut et doit être proscrit. Comparé au nouveau-né à terme sain, le nouveau-né prématuré ou avec retard de croissance a non seulement des réserves réduites en glycogène,
mais également des réserves insuffisantes en graisses. La réduction de la capacité de la lipolyse se répercute sur la mobilisation d’énergies alternatives sous forme de corps cétoniques pouvant aboutir ainsi à un sup – port énergétique cérébral insuffisant. Mais encore, en cas d’hypoglycémie, ces enfants prématurés ou avec retard de croissance ne peuvent pas activer une contre-régulation par la néoglucogenèse qui manque de substrats (lactate, pyruvate, alanine et corps céto – niques) 6), 7), 8), 11), 13), 17), 18), 21), 22), 23), 24) .
Une alimentation précoce du nouveau-né avec du lait maternel favorise la néoglucogenèse en mettant à dis – position les substrats correspondants. La cétogenèse est également stimulée par l’apport d’acides gras alors que les taux d’insuline ne sont que peu modifiés par le contenu en lactose du lait maternel. En revanche, un apport entéral de solutions glucosées peu après la naissance peut conduire à une sécrétion d’insuline et à une diminution de la production de glucagon qui ont le potentiel de retarder les processus homéostatiques né – cessaires à la néoglucogenèse et à la cétogenèse. Sur la base de ce raisonnement théorique l’administration de lait semble sensée 6), 8), 17), 18), 23) .
La définition de l’hypoglycémie reste controversée dans la littérature médicale avec essentiellement quatre concepts:
1. Définition dépendante d’une symptomatologie
(hypoglycémie symptomatique),
2. Définition basée sur les données épidémiolo – giques,
3. Définition basée sur des signes métaboliques,
endocriniens et neurologiques aigus,
4. Définition basée sur l’évolution neurologique à long
terme.
Aucun de ces concepts n’est satisfaisant et chacun d’eux présente en partie de gros désavantages 1), 3), 4), 5), 6), 8), 9), 19), 23), 24) .
Diagnostic différentiel
L’hypoglycémie n’est pas une entité nosolo –
gique uniforme, mais représente plutôt, soit
un dérèglement des processus d’adaptation
métaboliques à la naissance, soit une sym –
ptomatologie aspécifique de différentes
maladies comme l’infection, l’asphyxie ou
la polyglobulie. L’hypoglycémie est particu –
lièrement fréquente chez les nouveau-nés
prématurés ou avec retard de croissance
(voir «Prise en charge des enfants prématu –
rés de 34 0/7 à 36 6/7 semaines de gesta –
tion» 2)). Dans la plupart des cas, la cause
de l’hypoglycémie peut être déduite de
l’anamnèse ou des signes cliniques (préma –
turité, retard de croissance intra-utérin, foe –
topathie diabétique). Lors d’hypoglycémie
persistante ou récidivante malgré des ap –
ports glucidiques adéquats le nouveau-né
nécessite un transfert dans une unité de
néonatologie pour une recherche diagnos –
tique étendue (hyperinsulinisme persistant,
maladie métabolique ou endocrinienne).
Diagnostic / technique de mesure
Pour la mesure de la glycémie, les exigences
imposées aux appareils sont élevées: des
résultats rapidement disponibles, de la pré –
cision dans la zone des glycémies basses,
un échantillon minimal et une méthode
d’analyse économique. Le test de référence
(gold standard) reste la détermination en –
zymatique au laboratoire par l’hexokinase.
Ces dernières années les appareils portables
utilisés «au lit du malade» se sont établis pour
des raisons de praticité et un bon nombre de
ces appareils a été testé pour leur aptitude
à détecter des hypoglycémies 10), 12), 14), 15), 16), 20) .
En général on peut noter que la plupart des
appareils surestiment la glycémie. Selon
l’appareil en question, la déviation pour les
valeurs de référence entre 2.0 et 2.5 mmol/l
est de 0.2 à 0.6 mmol/l. Occasionnelle –
ment, on peut également trouver des glycé –
mies faussement basses avec ces appareils
portables «au lit du malade». Malgré les
inconvénients, ces méthodes «au lit du ma –
lade» se sont imposées à bien des endroits.
Ainsi il paraît important de tenir compte de
l’imprécision de mesure en établissant des
directives. Une calibration régulière (con –
trôle de qualité) des appareils de mesure est
désirable. Avant l’introduction de nouveaux
appareils qui n’ont pas encore subi des
évaluations en néonatologie s’impose une
calibration par rapporta à une méthode par
l’hexokinase.
Évaluation de l’hypoglycémie
Bien que l’hypoglycémie doive être définie
individuellement selon la situation clinique,
une définition pragmatique d’une valeur
seuil est nécessaire pour l’utilisation cli –
nique journalière. Le risque d’atteintes
neurologiques rapporté dans la littérature
Prise en charge des nouveau-nés
≥ 34 0/ 7 semaines avec risque élevé
d’hypoglycémie ou hypoglycémie en salle
d’accouchement et à la maternité
Société Suisse de Néonatologie 1
1 Groupe de travail de la SSN (ordre alphabétique): TM Berger, S Das-Kundu, RE Pfister, R Pfister, M Stocker,
U Zimmermann Responsabilité rédactionnelle: M Stocker
Die deutsche Fassung dieses Artikels ist in der Paediatrica erschienen
(Vol. 18 Nr. 5 2007, S. 15–17)
Traduction: Riccardo E. Pfister
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Vol. 18 No. 6 2007
augmente avec des valeurs en dessous de
2.0–2.2 mmol/l (méthode de mesure par
hexokinase). L’évaluation des risques sem –
ble justifier ce seuil (marge de sécurité),
en sachant que l’on traitera aussi certains
nouveau-nés sans risque d’atteinte neu –
rologique consécutive à l’hypoglycémie
(surtraitement). Il faut également tenir
compte de l’imprécision de mesure des
appareils portables employés «au lit du ma –
lade», raison pour la laquelle la valeur seuil
d’hypoglycémie doit intégrer cette suresti –
mation potentielle de 0.2–0.6 mmol/l.
Chez le nouveau-né ≥ 34 0/7 semaines de
gestation une glycémie < 2.5 mmol/l mesu -
rée par un appareil portable «au lit du malade»
doit être considérée comme hypoglycémie.
La Figure 1 décrit les mesures préventives
(alimentation précoce et compléments), les
contrôles de glycémie et les mesures théra -
peutiques chez le nouveau-né à risque élevé
d’hypoglycémie. Il faut veiller à toujours
minimiser la consommation de glucose en
optimisant la thermorégulation (voir «Prise
en charge des enfants prématurés de 34 0/7
à 36 6/7 semaines de gestation« 2)).
La Figure 2 décrit les contrôles de glycémie
et les éventuelles mesures thérapeutiques
nécessaires chez un nouveau-né avec des
symptômes suspects d’hypoglycémie.
Les situations suivantes sont absolument
à éviter et/ou à corriger rapidement et
avec rigueur dès leur apparition puisque
associées à un risque élevé de complica -
tions neurologiques. Une prise de contact
précoce avec une unité de néonatologie
est indiquée, mais ne devrait pas retarder
le traitement approprié:
● Hypoglycémie sévère < 1.5 mmol/l
● Hypoglycémie symptomatique
● Hypoglycémie prolongée > 4 heures
● Hypoglycémies récidivantes
1. Risque élevé d’hypoglycémie
● Enfant prématuré de < 37 0/7 semaines
d’AG
● Poids de naissance < 2500 g ou < 3 ème
percentile
● Diabète maternel et nouveau-né avec
signes de foetopathie diabétique (PN
>4500 g ou > 97 ème percentile, aspect
cushingoïde, pléthore, hépatomégalie,
hypertrichose des lobes des oreilles)
● Nouveau-nés malades (asphyxie, sep –
sis, syndrome de détresse respiratoire,
hémolyse)
● Hypothermie
2. Suspicion d’hypoglycémie
Les symptômes suspects d’hypoglycémie
chez le nouveau-né sont: trémulations,
hypotonie musculaire, apnées, hypother –
mie, convulsions, surexcitabilité ou apathie.
Lorsqu’une hypoglycémie est associée à des
symptômes neurologiques, il faut penser
à un apport cérébral insuffisant ainsi qu’à
un déficit en sources d’énergies alterna –
tives. Elle nécessite donc un traitement
rapide et rigoureux. Lors de persistance de
cette symptomatologie malgré un traite –
ment adéquat par contre, d’autres causes
sont à rechercher, puisque les symptômes
d’hypoglycémie sont aspécifiques.
3. Alimentation précoce ou
compléments
Une alimentation précoce doit toujours être
proposée aux nouveau-nés à risque élevé
d’hypoglycémie, celle-ci doit être débutée
aussi rapidement que possible après la nais –
sance, au plus tard avant les deux heures de
vie. Le nouveau-né doit être mis régulière –
ment au sein toutes les 3–4 heures durant
les 2–3 premier jours. Après la mise au
sein, on lui proposera un lait de synthèse
approprié jusqu’à ce que le lait maternel soit
suffisant. Une solution de dextrine-maltose
pourra être utilisée en alternative au lait de
Figure 1: Diagramme de contrôle et traitement: risque élevé d’hypoglycémie Figure 2: Diagramme de contrôle et traitement: suspicion d’hypoglycémie
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synthèse*, mais l’administration orale de
solutions de glucose (par exemple le glucose
10%) n’est pas recommandée.
4. Contrôles de glycémie
Les contrôles des glycémies peuvent
s’effectuer avec des appareils portables «au
lit du malade». Chez les nouveau-nés asym –
ptomatiques à risque élevé d’hypoglycémie
la première détermination de la glycémie
devrait se faire entre 4–5 heures de vie,
avant le deuxième repas. En cas de risque
d’hyperinsulinisme, cette détermination est
faite plus précocement, entre 1–2 heures
de vie, car ces enfants peuvent développer
rapidement des hypoglycémies sévères.
Lors d’une hypoglycémie avérée, il faut
documenter l’efficacité du traitement par un
contrôle de glycémie au plus tard une heure
après. Si la glycémie est ≥ 2.5 mmol/l les
contrôles suivants se feront avant les repas.
Trois glycémies successives > 2.5 mmol/l
permettent l’arrêt des contrôles. Une gly –
cémie immédiate est toujours indiquée lors
des symptômes suspects d’hypoglycémie.
5. Traitement entéral
Dès que le diagnostic est posé le traitement
doit suivre immédiatement. Le traitement
entéral consiste en l’administration de lait
maternel ou d’un lait de synthèse approprié
(10–15 ml/kg poids corporel). Ensuite on pro –
posera juste après la mise au sein soit du lait
maternel tiré soit un lait de synthèse appro –
prié, ceci toutes les 3 (- 4) heures (éventuelle –
ment plus fréquemment) et pendant les 2–3
premier jours de vie. Au total il faudra admini –
strer au moins 10–15 ml/kg/repas. En alter –
native à un lait de synthèse, on pourra utiliser
aussi une solution de dextrine-maltose*. En
revanche des solutions de glucose, comme
du glucose 10%, ne sont pas recommandées.
En cas de refus ou de tétée trop faible, on
doit considérer l’administration de lait par
sonde gastrique ou prendre contact avec le
pédiatre/néonatologue de référence.
6. Prise de contact avec l’unité
de néonatologie
Lorsque l’hypoglycémie ne se corrige pas
avec un traitement oral, le glucose doit être
administré par voie intraveineuse. Un tel
traitement parentéral est en général effectué
dans une unité de néonatologie. Lorsque
les hypoglycémies sont sévères, sympto –
matiques, prolongées ou récidivantes, une
prise de contact sans délai avec l’unité de
néonatologie de référence est indiquée.
* L’utilisation de lait ou dextrine-maltose pour l’alimentation précoce est controversée. Les avan – tages du lait se basent sur des réflexions théoriques telles que de favoriser la néoglucogenèse et le pro – cessus d’homéostasie cétogène; les désavantages du lait sont l’exposition du nouveau-né exclusive – ment allaité à des laits de synthèse.
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Informations complémentaires
Traducteur:
Riccardo E. Pfister
Auteurs
Dr. med. Martin Stocker , Kinderspital - Luzerner Kantonsspital, Luzern