Le pied équin de l’enfant se présente au pédiatre dans le contexte de différentes maladies. Par définition il s’agit d’une flexion plantaire accentuée dans l’articulation supérieure de la cheville. Cette définition ne donne pas d’indication sur l’angle entre pied et sol. En principe on distingue deux entités: soit «dynamique/fonctionnelle», c’est à dire un pied équin sans raccourcissement du muscle triceps sural, soit «structurelle», c’est à dire d’un pied équin avec raccourcissement du muscle triceps sural.
17
CauseCommentaire
Non neurologique Immobilité
Les fléchisseurs plantaires de l’articulation supérieure de la chevil –
le sont env. 5x plus puissants que les extenseurs dorsaux; le poids
de la couverture suf fit pour engendrer un pied équin lors d’un ali –
tement prolongé
Maladies systémiques P.ex. hémophilie avec hémorragies articulaires récidivantes; post-
traumatique; pied bot congénital
Marche sur la pointe
des pieds habituelle Marche sur la pointe des pieds par habitude en absence de spasti
–
cité. DD: diplégie spastique modérée
Marche sur la pointe
des pieds compensatoire Allongement fonctionnel de l’extrémité plus courte lors d’une iné
–
galité de longueur; le pied équin permet l’alignement du bassin
Neurologique
(Liste incomplète) Infirmité motrice cérébrale
Exemple classique d’une cause neurologique, le pied équin neuro –
gène étant la déformation la plus fréquente
État après accident vasculaire cérébral
Ataxie de Friedreich
Sclérose en plaques
Tableau 1: Causes neurologiques et non neurologiques du pied équin
Définition et diagnostic
Le pied équin de l’enfant se présente au pé-
diatre dans le contexte de différentes mala-
dies. Par définition il s’agit d’une flexion
plantaire accentuée dans l’articulation supé –
rieure de la cheville. Cette définition ne donne
pas d’indication sur l’angle entre pied et sol.
En principe on distingue deux entités: soit
«dynamique/fonctionnelle», c’est à dire un
pied équin sans raccourcissement du muscle
triceps sural, soit «structurelle», c’est à dire
d’un pied équin avec raccourcissement du
muscle triceps sural.
L’anamnèse détaillée permet d’exclure les
causes banales (p.ex. verrues plantaires) ou
d’autres donnant lieu à des douleurs de l’ar-
rière-pied. Le diagnostic est confirmé par un
examen clinique soigneux et l’analyse de la
démarche. Il s’agit surtout de vérifier s’il
existe un raccourcissement du muscle triceps
sural ou uniquement d’une partie du muscle.
L’extension dorsale du pied, le genou en
flexion et l’articulation inférieure de la cheville
bloquée en supination, indique la longueur du
muscle soléaire. L’extension dorsale, le genou
en extension et l’articulation inférieure de la
Pied équin – une mise au point
Erich Rutz 1, Carlo Camathias 2, Bernhard Speth 2, Bâle
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
cheville bloquée en supination, indique la
longueur du muscle gastrocnémien; il s’agit
de muscles qui intéressent deux articulations
(fixés au delà du genou). L’extension dorsale
avec le genou tendu et l’articulation inférieure
de la cheville libre permet d’apprécier une
entrave ligamentaire et capsulaire.
La problématique du pied équin concerne
classiquement la phase d’appui, alors que le
pied tombant occasionne des problèmes lors
de la phase oscillante. Pour examiner ces
problèmes dynamiques, se manifestant pen –
dant la marche, et reconnaître (ou exclure)
d’autres pathologies, l’analyse quantifiée tri –
dimensionnelle de la marche est le moyen
diagnostique de choix, notamment avant une
opération d’allongement. Les mouvements
des segments corporels sont calculés sépa –
rément, selon des critères strictement définis,
d’après un modèle musculo-squelettique. On
peut ainsi décrire la position exacte d’une
partie précise du corps dans l’espace pour
chaque moment du cycle de marche.
La classification du pied équin se fait d’après
Winters et Gage
1), d’après les données ciné –
matiques de l’analyse de marche.
Causes
On distingue essentiellement des causes
neurologiques et non-neurologiques (tabl. 1).
Lorsque l’origine est neurologique, l’examen
clinique révèle en général une spasticité. Le
pied équin peut aussi être le résultat d’une
compensation p.ex. d’une inégalité de la lon –
gueur des membres inférieurs, dans le sens
d’un allongement fonctionnel du membre
touché.
Problèmes cliniques
Les problèmes cliniques typiques de la
marche en position équine consistent en une
surcharge de l’avant-pied, avec p.ex. des lé-
sions cutanées au dessus de la tête du 5
ème
métatarsien dues à la pression, dans le cas
extrême même des fractures des os du méta –
tarse. La marche avec un pied équin léger
peut se faire en gardant le genou en flexion
ou bien en déroulant le pied vers l’arrière,
mouvement suivi d’une hyperextension du
genou.
Si la mar che pathologique dur e, elle p eut avoir
pour conséquence une contracture du genou
et une accentuation de la rotation interne de
la hanche ( fig. 1, tirée de la brochure «Spitz-
fussprobleme», avec l’autorisation de Ortho
Team, Berne).
Traitement
Traitement conservateur
Pendant la petite enfance on traite générale-
ment par des plâtres de redressement. Pour
1 Leitender Arzt Neuroorthopädie, Universitätskinderspital Beider basel (UKBB)2 Kinderorthopädie, Universitätskinderspital Beider Basel (UKBB)
1Prof. ffRTofaff.bai
1Prof. PRTaPR. RbiTnr.,PSe( iTSe( f.r ébi
18
Figure 1: Position typique de la jambe et du
bras lors d’hémiparésie droite spastique très
sévère. Pied équin droit avec contracture en
flexion du genou et rotation interne de la
hanche D, main D en flexion palmaire et dé-
viation cubitale. Figure 2: Orthèse flexible et la jambe
la marche sur la pointe des pieds habituelle
les résultats sont, selon notre expérience,
très bons lorsque le traitement est entrepris
avant l’entrée à l’école enfantine, classique-
ment en combinaison avec la physiothérapie
et/ou l’hippothérapie.
Appareillage orthopédique
On distingue entre orthèses fonctionnelles et
orthèses de positionnement (fig. 2, orthèse
fonctionnelle de la jambe, avec l’autorisation
de Basler Orthopädie, René Ruepp AG). Les
attelles fonctionnelles se portent en mar –
chant. L’objectif est d’obtenir une marche
avec appui sur le talon. Les or thèses de posi –
tionnement s’utilisent au repos et sans
charge. Par ces orthèses on souhaite obtenir
une élongation de la musculature et une amé –
lioration de la mobilité articulaire. D’après nos
recherches de la littérature il n’existe, pour le
traitement de la marche sur la pointe des
pieds habituelle, pas d’évidence d’un effet ni
par les semelles sensorimotrices ni par les
orthèses semelle pyramide.
Injection de toxine botulique
Les injections de toxine botulique se font,
dans le muscle (spastique) concerné, par guidage échographique ou électromyogra
–
phique. Les injections de toxine botulique à
répétition sont par contre à considérer avec
prudence, car elles engendrent à long terme
des modifications structurelles et cicatri –
cielles de la musculature. Nous utilisons le
test préopératoire à la toxine botulique avant
un éventuel allongement musculaire, afin de
dépister précocement une dégradation fonc –
tionnelle
2).
Traitement chirurgical
Lors de l’intervention chirurgicale il s’agit
avant tout d’éviter un allongement trop impor –
tant du tendon d’Achille. La faiblesse du
muscle triceps sural engendre une démarche
accroupie. Sont particulièrement à risque les
patients avec une diplégie spastique. Pour
cette raison nous n’effectuons l’allongement
chir ur gical en pr incip e qu’en fin de cr ois s ance
ou après. L’allongement chirurgical du muscle
triceps sural est possible classiquement à
trois endroits différents.
Plus l’allongement du muscle est distal, plus
on gagne en longueur mais on perd en même
temps en force. Par l’allongement aponévro –
tique on n’obtient que quelques millimètres,
mais pratiquement sans perte de force. Par
l’allongement du tendon d’Achille on gagne
plusieurs centimètres au prix d’une nette
perte de force. Lors de l’allongement du ten –
don d’Achille chez un patient avec une diplé –
gie spastique on maintiendra donc un pied
équin en flexion plantaire de 10 -15°.
Notre clinique a développé, il y a quelques
années, une technique chirurgicale d’allonge-
ment de la musculatur e du mollet qui combine
l’allongement avec un raccourcissement du
muscle tibial antérieur, l’antagoniste éleveur
du pied
3). Cette technique permet d’obtenir,
dans presque tous les cas de pied équin neu –
rogène, une marche postopératoire avec ex-
tension dorsale active et sans attelle.
Conclusion
En présence d’une marche sur la pointe des
pieds habituelle il faut exclure une maladie
neurologique sous-jacente (spasticité?). L’ob –
jectif thér ap eutique est la mar che avec dérou –
lement du talon. L’examen différencié d’un
pied équin structurel devrait toujours être
interdisciplinaire, en collaboration avec les
neuropédiatre et neuroorthopédiste traitants.
L’analyse quantifiée tridimensionnelle de la
marche est la technique diagnostique de
choix. Le traitement est conservateur ou alors
chirurgical après (ou juste avant) la fin de la
croissance. Les allongements trop importants
engendrent une nette perte de force. Il s’agit
d’éviter la marche accroupie surtout chez les
patients avec une infirmité motrice cérébrale.
Références
1) Winters T Jr, Gage J, and Hicks R. Gait patterns in
s pastic hemiplegia in children and young adults.
The Journal of bone and joint surger y. American
volume 1987; 69(3): 437.
2)
Ru
tz E, Hofmann E and Brunner R. Preoperative
botulinum toxin test injections before muscle
lengthening in cerebral palsy. Journal of orthopae –
dic science: of ficial journal of the Japanese Ortho –
paedic Association 2010; 15(5): 647.
3)
Ru
tz E et al. Tibialis anterior tendon shortening in
combination with Achilles tendon lengthening in
spastic equinus in cerebral palsy. Gait & posture
2011. 33(2): 152.
Correspondance
PD Dr. Erich Rutz
Leitender Arzt Neuroorthopädie
Orthopädie, Universitätskinderspital
beider Basel (UKBB)
Postfach, Spitalstrasse 33
CH- 4056 Basel
erich.rutz@ ukbb.ch
Les auteurs certifient qu’aucun soutien financier ou autre
conflit d’intérêt n’est lié à cet article.
1Prof. ffRTofaff.bai
1Prof. PRTaPR. RbiTnr.,PSe( iTSe( f.r ébi
Informations complémentaires
Correspondance:
Auteurs
E. Rutz C. Camathias B. Speth