En Suisse, chaque année, 400-500 enfants meurent. La moitié environ décède au courant de la première année de vie. Les décès non accidentels au delà de la première année sont dus à des maladies incurables, souvent très rares, en première ligne des pathologies neurologiques, suivies par les cancers et les maladies cardiaques. Au delà de l’âge de deux ans une partie considérable des décès est d’origine acciden telle.
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Arrière plan
En Suisse, chaque année, 400 -500 enfants
meur ent . L a moitié env iron décède au cour ant
de la première année de vie. Les décès non
accidentels au delà de la première année sont
dus à des maladies incurables, souvent très
rares, en première ligne des pathologies neu-
rologiques, suivies par les cancers et les
maladies car diaques. Au delà de l ’âge de deu x
ans une partie considérable des décès est
d’origine accidentelle.
Depuis la mise en place de la Stratégie natio –
nale en matièr e de soins palliatif s ( 2010 -1012
et 2013-2015), le développement des soins
palliatifs en Suisse ne tient qu’insuffisamment
compte de la pédiatrie et des besoins spéci-
fiques des patients pédiatriques. Pour les
enfants il n’existe actuellement une offre
clairement définie pour la prise en charge
d’enfants et adolescents nécessitant un ac –
compagnement palliatif que dans deux cli –
niques universitaires (Lausanne et Zurich) et
une clinique A (St Gall).
L’é t u d e P E L I C A N ( 2012- 2015 )
1), présentée ici
succinctement, a été conçue pour répertorier
systématiquement la situation des enfants en
fin de vie en Suisse. L’objectif de l’étude était
de dresser un état des lieux et d’en déduire
des recommandations sur la meilleure façon
de satisfaire les besoins de ces enfants et
leurs familles et des professionnels concer –
nés.
Quelques résultats issus de l’étude
PELICAN
Pour l’étude PELICAN ont été contactées
toutes les familles en Suisse ayant perdu, en
2011 et 2012, un enfant suite à une des 3
Paediatric End-of-Life Care Needs in
Switzerland (Etude PELICAN 2012-2015)
Morts d’enfants en Suisse
Eva Bergsträsser 1, Karin Zimmermann 1,2, Katrin Marfurt 3, Katri Eskola 4, Patricia Luck 1,
Anne-Sylvie Ramelet 5, Patricia Fahrni-Nater 6, Eva Cignacco 2,7
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
1 Kompetenzzentrum Pädiatrische Palliative Care, Universitäts-Kinderspital Zürich, Steinwiesstr. 75, 8032 Zürich 2 Pflegewissenschaft, Department Public Health, Medizinische Fakultät Universität Basel, Bernoullistrasse 28, 4056 Basel3 Pflegedienst, Pflegeentwicklung, Ostschweizer Kinderspital, Claudiusstr. 6, 9000 St. Gallen 4 Pflegeentwicklung, Kinderklinik Stadtspital Triemli, Birmensdorferstr. 497, 8063 Zürich5 Institut universitaire de formation et de recherche en soins, Rte de la Corniche 10, 1010 Lausanne6 Equipe pédiatrique cantonale de soins palliatifs et de soutien DMCP- CHUV, Rue du Bugnon 21, 1011 Lausanne7 Berner Fachhochschule, Fachbereich Gesundheit, Bereich Forschung und Entwicklung Disziplin Geburtshilfe, Murtenstr. 10, 3008 Bern
causes de maladie les plus fréquentes ou
pendant les premières 4 semaines de vie. Des
307 familles retenues 149 ont participé à
l’étude. Avec 38 % le plus grand groupe était
formé par les nouveau-nés (n = 57), en deu-
xième lieu par les enfants décédés d’une
maladie cancéreuse (25% , n =37), le troisième
groupe étant formé par les enfants avec une
maladie neurologique (24% , n =36) et le qua-
trième par les enfants avec une maladie car-
diaque (13 % , n =19).
Où les enfants meurent-ils en Suisse (fig. 1)
•
Mo
ins d’un enfant sur 5 sont décédés à la
maison.
•
Pa
rmi les enfants hospitalisés, 4 sur 5 sont
décédés aux soins intensifs.
•
Po
ur 4 sur 5 enfants décédés aux soins in-
tensif s a été pr ise la dé cision d ’inter r ompr e
les mesures de maintien en vie.
En comparaison avec les données internatio –
nales, en Suisse le nombre d’enfants qui
meurent à l’hôpital, et là surtout dans les
services de soins intensifs, est nettement
plus élevé. Ces chiffres sont influencés par le
grand nombre de nouveau-nés mais, comme
le montre la figure 1, décèdent à l’hôpital
aussi des enfants avec une maladie oncolo –
gique ou neurologique. Seulement 17% des
enfants inclus dans l’étude sont décédés à
domicile.
Ce dont souffrent les enfants en fin de vie et
comment ils meurent
La fin de vie, les dernières 4 semaines selon
l’étude PELICAN, s’avère complexe en pédia-
tr ie, comme le r évèlent les dos sier s médicau x qui font état de nombreux traitements, médi
–
caments et symptômes. Un tiers des enfants
ont subi une intervention chirurgicale en
narcose pendant les quatre dernières se –
maines de vie (58 % dans le groupe des en-
fants avec une malformation cardiaque). En
moyenne sont documentés, pour la dernière
semaine de vie, 12 médicaments et un grand
nombre de symptômes très variés (en
moyenne 6.4), le plus fréquent étant la dou-
leur (78 % des patients), mais aussi p. ex. la
dyspnée, l’agitation ou l’irritabilité. Les en –
fant s décédés dans un ser v ice de soins inten –
sifs le sont généralement suite à la décision
d’interrompre les mesures de maintien en vie
(84%). Ce qui signifie aussi qu’avec ces me-
sures il n’a pas été possible d’atteindre l’ob –
jectif souhaité.
La complexité de la prise en charge s’est révé –
lée aussi lor s des inter views avec des profes –
sionnels, comme en témoigne le passage ci-
dessous:
«Le moment le plus difficile pour moi, c’est
quand il faut redéfinir les objectifs thérapeu –
tiques. C’est le moment où en tant que soi-
gnants ou médecins nous nous disons , il y a de
la souf france. Lor sque la décision est prise par
l’équipe, cela devient plus facile.»
Les besoins des parents
D’apr ès les r ésult at s de l ’étude, on p eut r ésu –
mer les besoins des parents par le terme de
prise en charge axée sur la famille, incluant
notamment:
•
La
création d’une relation entre équipe
soignante et enfant/famille
Ce
t aspect relationnel n’a pas été relevé
seulement par les par ent s mais aus si par
les soignants interrogés
•
Un
e communication ouverte et sincère
Le
s par ent s ne veulent pas êtr e ménagés ,
ils veulent s avoir comment va leur enf ant
et à quoi s’attendre
•
Dé
cision commune
Un
aspect important de la communica-
tion est d’être pris au sérieux en tant
qu
e mère ou père dans l’évaluation de
l’état de l’enfant et d’être inclus active-
ment dans les prises de décision
•
So
ulagement de symptômes et troubles
La
souffrance de l’enfant en fin de vie se
A vousduuejouruus!Hi
A vousd ejr esde!H
30
grave dans l’esprit des parents. Ils sou-
haitent aussi savoir comment la mort se
présente et ce qui les attend.
•
Co
ordination et continuité de la prise en
charge
Le
s parents sont très sensibles à cet
aspect, surtout dans des situations cri –
tiques. Les expériences faites dans ce
domaine étaient les moins bonnes, pour
tous les groupes de diagnostics, avec
souvent des vécus négatifs
2).
•
Ac
compagnement dans le deuil
L’
offre dans ce domaine est considérée
insuffisante.
Les parents qui ont accompagné leur enfant
en fin de vie essentiellement à domicile, dé –
crivent leur satisfaction de lui avoir offert
cette possibilité. D’autre part les difficultés et
les effets négatifs de cette prise en charge
intensive étaient considérables
3). En compa –
raison avec la population générale de l’étude,
ces parents ont signalé plus de problèmes de
santé (59% vs 41%) et des signes évidents
d’épuisement. Ils souhaitaient surtout un
soutien pour les besoins quotidiens. Il faut
probablement considérer que dans cette en –
quête il s’agissait surtout des 4 dernières
semaines de vie. Pour la prise en charge à
long terme de l’enfant, l’intervention d’un
service de soins à domicile prend probable –
ment plus d’importance.
Perspective des professionnels
Dans six groupes de discussion interdiscipli –
naires ont été interviewés 48 professionnels,
n’ayant en général pas suivi de formation
spécifique en soins palliatifs pédiatriques
( SPP ) et n’ét ant pas is sus d ’un des g roup es de
soins palliatifs mentionnés (Zurich, Lausanne,
St Gall). Ces professionnels ont clairement
exprimé lors de l’interview que la prise en
charge d’enfants en fin de vie fait partie de
leur activité. Parallèlement au souhait de
rester impliqués dans ce type de prise en
charge, ont été mentionnés le manque et la
nécessité de structures spécifiques pour ces
patients et leurs familles. En considérant leur
propre activité (non spécialisée) de soignant
auprès d ’enfant s en fin de v ie, les profession –
nels ont soulevé trois points:
•
Cl
arté et unité de doctrine par rapport au
traitement et au suivi
•
Comp
étences clairement définies (spécia –
listes et disciplines)
Réf
érent médical avec compétences en
SPP
Bon
ne coordination notamment lors de
la transition des soins au domicile
•
Ad
vance Care Planning
Afin de mieu x satis f air e à l ’avenir ces asp ect s
de la prise en charge – outre les offres spé-
cialisées de SPP – les professionnels ques –
tionnés ont souhaité:
•
Pl
us de possibilités de formation, formation
postgraduée et continue
No
tamment en gestion de l’entretien,
transmission de mauvaises nouvelles
•
So
utien par des équipes spécialisées en
SPP
•
Ai
de lors de conflits dans l’équipe et sou-
tien réglementé des équipes soignantes
•
Co
ncepts et directives pour SPP
Recommandations pour le dévelop-
pement des soins palliatifs pédia-
triques en Suisse
Dans le contexte de ces recommandations il
faut souligner que le nombre de décès ne
p er met de conclusion sur le nombr e d ’enf ant s
nécessitant des soins palliatifs. De nom-
breuses maladies évoluent pendant des an
–
nées et ces enfants parfois très sévèrement
atteints ont d’importants besoins de soins et
d’accompagnement, avec de fréquentes situa –
tions de crise et hospitalisations. Il faut en
outre garder à l’esprit qu’à côté de l’enfant
malade les membres de la famille, en pre-
mière ligne parents et frères et soeurs, sont touchés par la maladie et les circonstances
inhérentes. Au niveau international on estime
la prévalence des enfants et adolescents
souffrant d’une maladie potentiellement mor
–
telle et qui pourraient bénéficier de SPP à
32/10‘000 enfants et adolescents (0 -19
ans)
4). En Suisse avec ses environ 8 millions
d’habitants dont 20 % de jeunes de 0 -19 ans,
cela correspond à environ 5000 enfants et
adolescents.
Pour le développement et l’intégration des
SPP en Suisse il faut viser, en tenant compte
des ressources limitées et des besoins esti –
més, des structures de prise en charge inno –
vantes qui pourraient fonctionner selon un
modèle en réseau avec des centres de com-
pétence. Comme centres de compétence on
peut imaginer les 5 cliniques pédiatriques
universitaires et l’hôpital pédiatrique de St
G all, d ’autr es centr es non uni ver sit air es ét ant
env isageables , selon les intér êt s et les p oten –
tiels de ces derniers. Des soins palliatifs pé –
diatriques spécialisés sont en principe prévus
par la Confédération
5).
Des services consultatifs pour SPP se géné-
ralisent au niveau international
6). C ela sig ni fie
que notamment à l’interne de l’hôpital la
responsabilité incombe aux sous-spécialités
médicales. A l’extérieur ce sont des équipes
en SPP qui assument en partie la coordination
et optimisent les passages entre hôpital et
domicile et/ou institutions de soins à long
terme. Il est rare qu’on crée des unités hospi-
Figure 1: Lieu du décès*PICU, Paediatric Intensive Care Unit; NICU, Neonatal Intensive Care Unit
Cardiologie Néonatologie Neurologie Oncologie
Pourcentage
PICU \z NICU \z Ser vice \z Domicile Ailleurs
1Prof. ffMBofiff.anc
1Prof. PMBiPM. Man
31
talières, le collectif de patients étant trop
hétérogène.
Les centres de compétence travailleraient
étroitement avec les structures ambulatoires
existantes, les pédiatres et médecins de fa-
mille ainsi que les services de soins pédia-
triques à domicile. Il serait ainsi possible de
créer des équipes mobiles, à partir des
centres de compétence et des structures
ambulatoires existantes, très flexibles et
adaptées aux besoins de prise en charge.
Outre les structures médicales et de soins
devraient être imaginées, évaluées par des
projets pilotes et mises en oeuvre avec des
critères d’indication clairs et une grande
flexibilité, des offres de soutien pour les fa-
milles avec des enfants gravement malades.
Devraient être ainsi disponibles des SPP pour
les enfants et les familles qui les nécessitent
dans toutes les régions de Suisse.
Références
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cross-sectional national survey. Pediatrics 2013;
132(6): 1063 -70.
Correspondance
PD Dr. med. Eva Bergsträsser
Kompetenzzentrum Pädiatrische
Palliative Care
Universitäts-Kinderspital Zürich –
Eleonorenstiftung
Steinwiesstr. 75
8032 Zürich
Tel. 044 266 7723
Fax 044 266 7160
eva.bergstraesser@ kispi.uzh.ch
1Prof. ffMBofiff.anc
1Prof. PMBiPM. Man
Informations complémentaires
Correspondance:
Auteurs
E. Bergsträsser K. Zimmermann K. Marfurt K. Eskola P. Luck A-S Ramelet P. Fahrni-Nater E. Cignac