Les valves de l’urètre postérieur (VUP) sont la principale cause d’obstruction sous vésicale congénitale. Leur étiologie n’est pas connue avec exactitude. Leur pronostic à long terme dépend de la sévérité de l’obstruction et de son impact sur les fonctions vésicale et rénale, allant de la non-viabilité in utero du fœtus à une symptomatologie d’incontinence persistante à l’âge adulte, en passant par l’insuffisance rénale plus ou moins sévère. Afin de préserver la fonction rénale et de permettre une vie sociale adéquate, la prise en charge de ces enfants, et en particulier du problème vésical, devra être agressive, accompagnée d’un suivi étroit de la fonction rénale. Ceci implique un suivi multidisciplinaire à long terme.
10
Vol. 23 No. 3 2012 Formation continue
Diagnostic
Comme on l’a vu, la grande majorité des cas
sont diagnostiqués, ou au moins suspectés,
sur la base des échographies anténatales.
Par la suite, il faut se souvenir que la cli –
nique associée aux VUP est un spectre al –
lant d’atteintes «légères» avec une sympto –
matologie assez banale (incontinence
urinaire persistante, dribbling) 9) jusqu’à l’in –
suffisance rénale terminale, en passant par
les infections urinaires fébriles à répéti –
tion 10 ). Le diagnostic de VUP devra donc être
formellement exclu devant toute symptoma –
tologie évocatrice.
L’ e x a m e n d e c h o i x p o u r c e f a i r e e s t l a c y s t o –
urétrographie mictionnelle (CUM), qui doit
impérativement inclure une phase miction –
nelle sans sonde, afin de mettre en évidence
l’image typique de «coup d’ongle» au niveau
de l’urètre postérieur (image 1) . La CUM
permet également d’étudier la forme de la
vessie et du col vésical, ainsi que de déter –
miner la présence d’un reflux vésico- urétéral
Résumé
Les valves de l’urètre postérieur (VUP) sont
la principale cause d’obstruction sous vési –
cale congénitale. Leur étiologie n’est pas
connue avec exactitude. Leur pronostic à
long terme dépend de la sévérité de l’obs –
truction et de son impact sur les fonctions
vésicale et rénale, allant de la non-viabilité in
utero du fœtus à une symptomatologie d’in –
continence persistante à l’âge adulte, en
passant par l’insuffisance rénale plus ou
moins sévère. Afin de préserver la fonction
rénale et de permettre une vie sociale adé –
quate, la prise en charge de ces enfants, et
en particulier du problème vésical, devra être
agressive, accompagnée d’un suivi étroit de
la fonction rénale. Ceci implique un suivi
multidisciplinaire à long terme.
Introduction
Les VUP ont une incidence estimée entre
1:4000 à 1:8000 naissances masculines,
certainement beaucoup plus élevée si l’on
inclut les fœtus non-viables ou avortés et les
adultes se présentant tardivement avec des
difficultés mictionnelles. Elles représentent
63% des obstructions sous-vésicales congé –
nitales 1). Leur étiologie reste inconnue, vrai –
semblablement liée à un mauvais positionne –
ment des orifices des canaux de Wolff
s’abouchant dans l’urètre 2). A la lumière
d’une meilleure compréhension de leur phy –
siopathologie, la classification des VUP s’est
modifiée de la description classique de Young
à celle, cliniquement plus adéquate, de
Congenital Obstructing Posterior Urethral
Membrane (COPUM) 3). Elles sont en général
découvertes in utero : 50% le sont à l’échogra –
phie de routine du deuxième trimestre et 80%
sont connues après la 28 ème semaine d’amé –
norrhée 4). Cependant, cette détection anté –
natale est fonction du nombre d’échogra –
phies effectuées et de leur qualité. Un
nombre non négligeable de patients ne sont
diagnostiqués que plus tard, à l’âge pédia –
trique voire adulte, avec en général une
symptomatologie d’infections urinaires à ré –
pétition ou d’incontinence 5). Grâce au déve –
loppement du diagnostic anténatal et à
l’amélioration de la prise en charge de ces
enfants, la mortalité a chuté de 50% dans les
années 1960 6), à moins de 5% à l’heure ac –
tuelle 7). Cette évolution très favorable a
malheureusement pour conséquence d’expo –
ser un nombre croissant de garçons aux sé –
quelles à long terme de la dysfonction vési –
cale intimement liée à ce diagnostic 8).
Celle-ci a pour conséquences d’une part une
atteinte de la fonction rénale et d’autre part
une incontinence urinaire avec ses lourdes
répercussions sociales. Il en résulte la néces –
sité d’un suivi méticuleux dans le cadre d’une
consultation multidisciplinaire.
Les valves de l’urètre postérieur
Jacques Birraux*, Christophe Gapany*, Paloma Parvex**, Genève
* Ser vice de chirurgie pédiatrique ** Unité romande de néphrologie pédiatrique, Hôpital des Enfants, Hôpitaux Universitaires de Genève, Rue Willy- Donzé 6, 1211 Genève 14
Image 1: Cysto-urétrographie mictionnelle: pseudo-diverticules vésicaux, hypertrophie du
col (flèche vide), dilatation de l’urétre postérieur et image «en coup d’ongle» caractéristique
de VUP (flèche pleine). Le reflux vésico-urétéral souvent associé manque ici.
11
Vol. 23 No. 3 2012 Formation continue
prise de boissons importante, ce qui parti –
cipe également à la dysfonction vésicale.
Prise en charge
médico-chirurgicale
La prise en charge anténatale est limitée par
différents facteurs: 20% des cas ne sont pas
diagnostiqués; il n’y a pas de valeurs biolo –
giques fiables des urines fœtales permet –
tant de poser l’indication opératoire; sur –
tout, il est démontré que le drainage vésical
anténatal améliore certes la survie périna –
tale, mais pas le pronostic rénal à long
terme 4).
En principe, le garçon sera donc pris en
charge à la naissance. Le diagnostic sera
rapidement confirmé par une CUM lors de
laquelle une sonde trans-urétrale (ou sus-
pubienne) est posée. On veillera à compen –
ser le syndrome de levée d’obstacle, qui peut
induire une diurèse cataclysmique pendant
plusieurs jours. La section endoscopique des
VUP peut ensuite être pratiquée. Dans un
certain nombre de cas particuliers (prématu –
rité, urosepsis), celle-ci ne peut être effec –
tuée d’emblée. Le haut appareil devra alors
être décomprimé par une dérivation urinaire.
La vessie étant le principal obstacle fonction –
nel à l’écoulement des urines, on optera en
général pour une vésicostomie chirurgicale
non continente.
Par la suite, l’enfant sera suivi régulièrement
cliniquement et biologiquement, ainsi que
par des examens urodynamiques qui guide –
ront la prise en charge urologique. Afin de
secondaire qu’il est illusoire de vouloir cor –
riger avant que l’obstruction infra-vésicale
ne soit levée. Le bilan radiologique sera
complété par une échographie qui permet –
tra d’estimer la morphologie des reins et la
présence d’une dilatation du haut appareil
urinaire et par une scintigraphie rénale per –
mettant l’évaluation d’éventuelles cica –
trices. On profitera de la voie veineuse po –
sée pour la scintigraphie pour effectuer un
bilan sanguin de fonction rénale.
Répercussions sur la fonction
vésicale
Les conséquences des VUP sur la vessie
sont très précoces, puisque cet organe se
développe déjà in utero sur un obstacle
créant un régime à haute pression. Il en ré –
sulte une hypertrophie puis une fibrose du
muscle détrusor, pouvant aboutir à une
dysfonction vésicale complète. En 1986, la
notion de «syndrome de la vessie de valves»
est introduite, après l’étude d’une série
historique de patients avec des VUP sé –
vères, notion qui sera largement reprise et
développée par la suite 11). A l’heure actuelle,
il est bien démontré que quel que soit le
succès apparent de la section de valve au
moment du diagnostic, les conséquences de
l’obstruction liée à la présence anténatale
des VUP se poursuivent à très long terme, y
compris à l’âge adulte 12). Il faudra donc
prendre en charge cette vessie en fonction
de l’évolution clinique (infections, détériora –
tion de la fonction rénale) et urodynamique
afin d’améliorer sa compliance, ses pres –
sions de fonctionnement et sa vidange, ceci
pour protéger les reins ou, si l’insuffisance
rénale est irréversible, pour préparer la
vessie à une greffe rénale.
Répercussions sur la fonction
rénale
Les VUP sont la principale cause de l’insuf –
fisance rénale terminale de l’enfant 13). L’in –
cidence des nouveau-nés présentant un
diagnostic de VUP a considérablement aug –
menté au cours des vingt dernières années,
en partie grâce aux progrès de l’échographie
anténatale. Le degré d’obstruction participe
au pronostic vésical et rénal à long terme.
En effet, l’augmentation des pressions vési –
cales se répercute en intra-rénal et entraîne
une cascade d’évènements cellulaires se –
condaires à la dilatation tubulaire. Il en ré –
sulte une fibrose interstitielle et une sclé –
rose glomérulaire conduisant à une
diminution du nombre de néphrons 14). La
progression vers l’insuffisance rénale termi –
nale chez ces garçons varie selon les re –
gistres statistiques de 13 à 20% 14), 15). Elle
survient habituellement entre l’âge de 11 et
15 ans ce qui correspond au moment de la
puberté 14). Sanna-Cherchi et al 13) ont suivi
sur 20 ans 312 patients avec un diagnostic
de maladies rénales congénitales posé à
l’âge pédiatrique dont 68 garçons avec VUP
(20%). Sur l’ensemble des patients, 58 ont
évolué rapidement vers l’insuffisance termi –
nale et ont nécessité l’initiation de dialyses
avant l’âge de trente ans. Parmi eux,
presque la moitié étaient des patients avec
des VUP (45%). La figure 1 illustre la proba –
bilité de ne pas nécessiter de dialyse avant
l’âge de 30 ans, en fonction du diagnostic
de la maladie rénale congénitale.
Les facteurs de mauvais pronostic sont: la
sévérité de l’insuffisance rénale au moment
du diagnostic, la présence d’un reflux vé –
sico-urétéral de haut-grade, la persistance
de la dysfonction vésicale, et la présence
d’une protéinurie 13), 14). Pour ralentir l’évolu –
tion vers l’insuffisance rénale, il est primor –
dial de diminuer la pression intra-rénale par
une prise en charge vésicale optimale et de
prévenir l’apparition de cicatrices chez les
patients qui présentent un reflux vésico-
urétéral sévère. Enfin, la surveillance étroite
de la fonction rénale glomérulaire et tubu –
laire est indispensable; la dysfonction tubu –
laire fréquemment observée chez ces pa –
tients se manifeste par une difficulté à
concentrer les urines, compensée par une
Figure 1 13): Probabilité de survie sans dialyse par catégorie d’anomalie rénale congénitale,
ajustée en fonction de la présence d’une reflux urétéral, de l’évolution de la créatinine en
fonction du temps et de la présence ou non d’une protéinurie ( ≥ 1G/J).
12
Vol. 23 No. 3 2012 Formation continue
maintenir des pressions de remplissage in –
férieures au seuil délétère pour les reins, la
compliance est améliorée dans un premier
temps par des anticholinergiques tels que
l’oxybutinine (Ditropan ®), puis, selon néces –
sité, par des injections intra-détrusoriennes
régulières de toxine botulinique (Botox ®),
voire par un agrandissement chirurgical de
la vessie (entérocystoplastie). Ces diverses
mesures agissent également favorablement
sur la fonction de réservoir de la vessie, très
importante pour obtenir des temps de sé –
cheresse suffisant pour une insertion sociale
satisfaisante. Enfin, la fonction de vidange
sera également optimisée pour éviter les
infections urinaires fébriles liées au résidu
post-mictionnel. Les principales mesures
envisageables sont par ordre croissant de
complexité: une discipline mictionnelle ri –
goureuse, des vidanges doublées, les
!-bloquants et enfin le cathétérisme propre
intermittent (CPI). L’urètre de ces garçons
étant sensible, on fera en général ce CPI par
l’intermédiaire d’une trans-appendico-vési –
costomie continente de Mitrofanoff.
Cette prise en charge peut paraître lourde,
mais le pronostic encore sombre de ces
enfants l’exige. Dans une étude multi-variée
récente recherchant justement des facteurs
pronostiques à long terme, le seul élément
prédictif indépendant retrouvé fut le nadir
de la créatinine sanguine 14). Cependant,
même dans le groupe de «bon pronostic»,
22% des enfants progressaient vers une in –
suffisance rénale, soulignant l’importance
du suivi à long terme.
Conclusions
Les valves de l’urètre postérieur représen –
tent une pathologie complexe, ayant des
répercussions importantes tout au long de
la vie. Il faut donc que ces enfants soient
suivis par des équipes pédiatriques multidis –
ciplinaires (pédiatres, néphrologues, chirur –
giens, néonatologues, psychiatres, physio –
thérapeutes, …) rompues à ce type de prise
en charge. Le manque de données scienti –
fiques sur lesquelles s’appuyer a poussé la
Société Suisse d’Urologie Pédiatrique
(SwissPU) à établir un registre suisse longi –
tudinal des nouveaux cas, afin d’essayer
d’améliorer le pronostic de ces enfants.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’in –
térêt en lien avec ce texte.
Références1) Morris RK, Reprod Sci 2011; 18 (4): 366 A. 2) Dewan PA, Dialogues Pediatr Urol 1995; 18 (8): 1–8. 3) Dewan PA, Zappala SM, Ransley PG, Duf f y PG: En – doscopic reappraisal of the morphology of conge – nital obstruction of the posterior urethra. Br J Urol. 1992; 70 (4): 439–44. 4) Morris RK, Kilby MD: Long-term renal and neurode – velopmental outcome in infants with LUTO, with and without fetal inter vention. Early Hum Dev. 2011; 87 (9): 607–10. 5) Khursigara N, McGuire BB, Flood H: Late presenta – tion of posterior urethral valves. Can J Urol. 2011; 18 (3): 5739–41. 6) Ellis DG, J. Urol 1966; 95 (4): 549–54. 7) Caione P, Pediatr Surg Int 2011; 27 (10): 1027–1035. 8) Holmdahl G, J Urol 2005; 174: 1031–34. 9) Atala A, Presentation at the American Academy of Pediatrics, Dallas, 1994. 10) Close CE, Mitchell ME: Posterior Urethral Valves in «Pediatric Urology», Gearhart, Rink and Mouri – quand Saunders Elsevier Ed. 2010. 11 ) Glassberg KI. Posterior urethral valves: lessons learned over time. Curr Opin Urol. 2003, 13 (4): 325–7. 12) Woodhouse CR: The fate of the abnormal bladder in adolescence. J Urol. 2001, 166 (6): 2396–400. 13) Sanna- Cherchi S, Ravani P, Corbani V, et al. Renal outcome in patients with congenital anomalies of the kidney and urinar y tract. Kidney Int 2009; 76: 528–533. 14) Sarhan OM, El- Ghoneimi A A, Helmy TE, Dawaba MS, Ghali AM, Ibrahiem el- HI: Posterior urethral valves: multivariate analysis of factors affecting the final renal outcome. J Urol. 2011; 185: 2491–5.
Correspondance
Dr Jacques Birraux
Responsable de l’urologie pédiatrique
Service de chirurgie pédiatrique
Hôpital des Enfants
Rue Willy-Donzé 6
1211 Genève 14
Tél. +41 22 382 45 08
Fax +41 22 382 54 97
Jacques.birraux@hcuge.ch
Informations complémentaires
Auteurs
Dr. Jacques Birraux , Responsable de l’urologie pédiatrique Service de chirurgie pédiatrique Hôpital des Enfants Christophe Gapany Paloma Parvex , Unité romande de néphrologie pédiatrique, Hôpitaux universitaires de Genève Andreas Nydegger