Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) se caractérise par le besoin irrésistible de bouger ses jambes, associé à des paresthésies et à des dysesthésies. Ces troubles se manifestent en général lors de fatigue, typiquement le soir au lit. Des mouvements périodiques des extrémités (appelés PLMS, periodic limb mouvements in sleep) peuvent suivre durant le sommeil et le perturber sensiblement. Les conséquences pour l’efficacité des lendemains sont évidentes. Le SJSR n’est pas un nouveau diagnostic à la mode, sans valeur pathogénique créé par des médecins affairistes. Avec une prévalence de 5 à 10 % de la population générale en Europe, il s’agit d’une maladie neurologique chronique et progressive, qui peut se manifester déjà durant l’enfance.
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Le syndrome des jambes sans repos (SJSR)
se caractérise par le besoin irrésistible de
bouger ses jambes, associé à des paresthé
sies et à des dysesthésies. Ces troubles
se manifestent en général lors de fatigue,
typiquement le soir au lit. Des mouvements
périodiques des extrémités (appelés PLMS,
periodic limb mouvements in sleep) peu
vent suivre durant le sommeil et le pertur
ber sensiblement. Les conséquences pour
l’efficacité des lendemains sont évidentes.
Le SJSR n’est pas un nouveau diagnostic à
la mode, sans valeur pathogénique créé par
des médecins affairistes. Avec une préva
lence de 5 à 10 % de la population générale
en Europe, il s’agit d’une maladie neurolo
gique chronique et progressive, qui peut se
manifester déjà durant l’enfance.
Qu’en est-il des douleurs
de croissance
Willis décri vit en 1685 pour la première
fois le SJSR de l’adulte. Il constata aussi
l’effet thérapeutique de la morphine qui
est encore utilisée de nos jours pour les
formes rebelles de cette affection. Une
première description du SJSR chez l’enfant
a été publiée en 1832. Il s’agissait d’une
étude sur les douleurs de croissance. Rétrospecti
vement il de vait s’agir de SJSR.
Les douleurs de croissance sont un terme
mal défini pour des douleurs de l’appareil
locomoteur, généralement des jambes.
Elles disparaissent dans la plupart des
cas après quelques jours, mais peu vent
réapparaître après plusieurs semaines ou
mois. Si les douleurs se manifestent régu
lièrement durant des mois, surtout le soir
au lit, il s’agit probablement d’un SJSR qui
n’a pas son origine dans le squelette ou
dans la musculature, mais dans le système
ner veux central. Le terme n’a été défini
qu’en 1945 par Eckborn 1).
À quoi faut-il encore penser
(diagnostic différentiel)
Le diagnostic différentiel est résumé dans
tableau 1 et est discuté en détail dans
l’article de Murali 2). On devrait exclure un
déficit en fer, vitamine B12, acide folique,
magnésium, une insuffisance rénale, une
dysfonction thyroïdienne ainsi qu’une gros
sesse. Plutôt que le fer sérique, il est con
seillé de mesurer la ferritine sérique dont la
valeur devrait atteindre au moins 50 μg/l,
donc une valeur plus élevée que la valeur
limite inférieure de la norme indiquée par la
plupart des laboratoires 3).
Pathophysiologie et génétique
Des systèmes centraux agonistes de la
dopamine sont impliqués dans le SJSR. Les
médicaments agonistes de la dopamine en
soulagent les douleurs. Le SJSR primaire
est probablement une maladie autosomique
dominante. Des gènes associés au SJSR
ont été localisés sur le chromosome 12q
chez une famille francocanadienne, sur le
chromosome 14q chez une famille italienne
et sur le chromosome 9p chez une famille
nord américaine. La cause la plus fréquente
d’un SJSR secondaire est le déficit martial.
Le fer est un élément indispensable à la
biosynthèse de la dopamine.
Des médicaments comme les antidépres
seurs (tricycliques, inhibiteurs sélectifs du
recaptage de la sérotonine), les antihista
minques à effet sédatif et les antagonistes
de la dopamine peuvent accentuer ou dé
clencher un SJSR.
Epidémiologie: penser au SJSR
aussi chez l’enfant
Le SJSR se manifeste déjà chez l’enfant
ou l’adolescent. Dans certaines études
rétrospectives, 40% des adultes concernés
indiquent que leurs troubles ont débuté
avant le 20 ème anniversaire et 12% même
avant le 10 ème anniversaire. Une étude alle
mande a constaté une prévalence du SJSR
chez l’enfant de 1% 4). Dans une autre étude,
25% des enfants souffrant d’un trouble de
l’attention avec hyperactivité (TDA H) pré
sentaient aussi un SJSR 5).
Diagnostic du SJSR
Les études montrent que les enfants décri vent
leurs troubles sou vent de façon i mparfaite.
Des expressions comme «en me couchant, j’ai
mal aux jambes» ou «les douleurs de viennent
plus fortes la nuit» d evraient nous alerter.
Des descriptions données couramment par
l’adulte, comme «une sensation de brûlure,
de fourmis ou de chaleur dans les jambes»,
«amélioration des douleurs par le mou ve
ment», «des douleurs obligeant à bouger les
jambes», ne sont que rarement utilisées par
les enfants 6). Le diagnostic étant difficile à
établir, on fait, chez l’enfant, la distinction
entre SJSR établi, probable ou possible.
Les critères diagnostiques actuellement
utilisés sur le plan international pour le SJSR
chez l’enfant 7) exigent, en plus des quatre
critères essentiels du SJSR adulte ( tableau
Le syndrome des jambes sans repos
a plusieurs visages
Silvano Vella, Berne
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux de Fonds
Tableau 1: Diagnostic différentiel du SJSR de l’enfant 2)
Etiologie Différence par rapport au SJSR
Douleurs de croissance Les douleurs persistent malgré qu’on bouge les extrémités
Tics moteurs Manifestations changeantes, impliquant différents groupes
de muscles, souvent du visage ou de l’épaule
TDA H Se présente aussi sans douleurs ou autres troubles
vespéraux (mais association avec SJSR possible)
Crampes musculaires Apparaissent après un effort, se limitent à des groupes
de muscles, ne sont pas soulagés par le mouvement
Chondropathie rotulienne Les douleurs apparaissent lors de sollicitation du genou,
notamment flexion
Arthralgies Tuméfaction et douleurs limités à une articulation
Akathisie Besoin de bouger durant toute la journée, apparaît suite
à la prise de psychotropes
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2), la description de dysesthésies dans les
jambes, l’enfant utilisant ses propres mots
(tableau 3 , critères diagnostiques définitifs).
Il ne suffit donc pas que les parents men
tionnent des mouvements fréquents des
jambes de leur enfant, ce comportement
étant fréquent chez l’enfant, p.ex. lors
d’un TDA H. Les enfants ne comprennent
souvent pas ce que nous entendons par
mouvements fréquents des jambes, il est
donc préférable de s’enquérir de dysesthé
sies ou de douleurs dans les jambes. Il
est important de vérifier que les douleurs
débutent au repos, particulièrement au lit.
Contrairement aux adultes, les enfants ne
font souvent pas la relation entre exercice
et amélioration des symptômes de SJSR
(3ème critère essentiel). Lorsque le SJSR
débute durant l’enfance, on suppose un
fond génétique, l’anamnèse familiale est
donc importante. Pour asseoir le diagnostic
de SJSR, de l’avis d’un groupe d’experts
allemands, les symptômes devraient être
présents depuis au moins 6 mois de façon
plus ou moins constante 6). Les douleurs
de croissance, par contre, se manifestent
durant quelques jours à semaines pour
disparaître et éventuellement réapparaître
ultérieurement. D’autres diagnostics diffé
rentiels sont résumés dans tableau 1 .
La polysomnographie (PSG) est indispensa
ble au diagnostic des PLMS. L’anamnèse et
la clinique permettent pourtant souvent de
poser le diagnostic. Certaines assurances
maladie ne remboursent la PSG que sur
justification précise.
Traitement du SJSR
Il n’existe aucune étude randomisée, avec
contrôle placebo concernant la pharmaco
thérapie du SJSR chez l’enfant (utilisation
«offlabel»). Les agonistes de la dopamine
(p.ex. Lévodopa ®, Ropinirol ®) sont les mé
dicaments le plus fréquemment utilisés
également chez l’enfant ( tableau 4 ). Il est
important d’adapter le dosage indi vidu
ellement, par petit pas 8). Des indications
concernant le risque d’une accentuation
des symptômes par les agonistes de la
dopamine chez l’enfant manquent dans la
littérature. L’antiépileptique Gabapentin ®
a également été utilisé avec succès 9). Cer
taines casuistiques relatent d’un traitement
par magnésium voire par la mélatonine.
Un enfant avec un TDA-H
a-t-il un SJSR?
Une fois établi le fait que jusqu’à 1% des
enfants souffrent d’un SJSR, l’intérêt des
professionnels s’occupant d’enfants avec
TDA H fut éveillé
10). En effet, les enfants
a vec un TDA H se plaignent plus sou vent de
douleurs nocturnes des jambes et d’une agi
tation motrice, selon des chercheurs amé
ricains dans jusqu’à 25% des cas 5). Il faut
relativiser ce chiffre, car l’étude concernait
des enfants pris en charge dans une clinique
spécialisée dans le traitement du TDA H, et
donc particulièrement atteints.
Comment fautil interpréter la relation entre
TDA H et SJSR, respectivement les dou
leurs de croissance? Il existe probablement
deux hypothèses possibles. D’une part, les
enfants avec des troubles du sommeil fré
quents – comme c’est le cas pour le SJSR
– ont souvent des troubles de l’attention et
de la concentration le jour. Cela signifierait
que le SJSR peut simuler les symptômes
d’un TDA H et que le traitement du SJSR
résout aussi les problèmes obser vés le jour
(ce qui peut être constaté en pratique).
D’autre part, on utilise avec succès des
agonistes de la dopamine (p.ex. méthylphé
nidate) pour le traitement du TDA H. Ces
médicaments inhibent l’élimination de la
dopamine depuis les synapses de certaines
aires cérébrales. Par l’administration de
LDopa pour un SJSR, nous augmentons
l’apport en dopamine dans les synapses!
Cela permet l’hypothèse qu’un déficit relatif
en dopamine est à la base du SJSR et du
TDA H. En poursui vant cette idée, il apparaît
logique de chercher, selon l’anamnèse, un
TDA H chez l’adulte souffrant d’un SJSR.
Tableau 4: Traitement du SJSR (prendre la médicement 1 à 2 heueres avant le coucher)
Médicament Expérience chez l’enfant
Ldopa, agonistes de la dopamine 8),9) p. ex. Carbidopa ®
/ L-Dopa ® (50 mg / 200 mg), Ropinirol ® (0.25 mg – 1.0 mg) +++
Benzodiazepines p. ex. Clonazepam ® (0.25 mg – 0.5 mg) ++
Antiépileptiques 9) p. ex. Gabapentin ® (300 mg – 600 mg) ++
Opiacés faiblement dosés +
Magnésium (+)
Mélatonine (+)
Tableau 2: Quatre critères essentiels du diagnostic du SJSR de l’adulte
1. Ncessit de bouger les jambes, associ des dysesthsie\
s
2. La ncessit de bouger et les dysesthsies augmentent au repos,\
en position
assise ou couchée.
3. La nécessité de bouger et les dysesthésies peuvent être partiellement
ou entièrement supprimées par l’exercice physique (p.ex. marcher,
assouplissement etc.)
4. La ncessit de bouger et les dysesthsies saccentuent le s\
oir ou la nuit ou ne
se manifestent que le soir ou la nuit
Tableau 3: Critères diagnostiques définitifs du SJSR de l’enfant entre 2 et 12 ans 7)
4 critères essentiels de l’adulte
PLUS
au moins 2 des 3 critères suivants:
● troubles du sommeil
● un des parents ou un frère/une sœur avec SJSR
● polysomnographie: mise en évidence de > 5 mouvements périodiques (PLMS)
par heure de sommeil
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Cas clinique:
● Maladie actuelle: garçon de 8 ans; le
soir au lit, dysesthésies dans les deux
jambes et difficultés à s’endormir. A été
vu par 4 médecins (pédiatre, orthopé
diste, rhumatologue, homéopathe), est
adressé à la consultation du sommeil
avec le diagnostic de «Douleurs de
croissance et insomnie».
● Anamnèse personnelle: pas de pro
blèmes de santé, pendant la journée
plutôt agité et impulsif; tra vaux scolaires
avec beaucoup d’erreurs d’étourderie.
● Anamnèse familiale: les deux parents
ont souffert de douleurs de croissance
durant leur enfance, le père a été exa
miné pour suspicion de TDA H.
● Examen clinique: le garçon a des diffi
cultés de concentration, il présente une
agitation motrice; assis, il ne sait pas
garder les jambes tranquilles. Examen
neurologique par ailleurs normal.
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Schlüter B, Kinkelbur J Restless Legs Syndrom im
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10) Picchietti DL, England SJ, Walters AS, Willis K, Verrico
Tracy. Periodic Limb Movement Disorder and Rest
less Legs in Children with ADHD. J Child Neurol 1998; 13: 588–594.
Correspondance:
Dr. med. Silvano Vella
Facharzt FMH für Kinder und Jugend
medizin, speziell Neuropädiatrie
Praxis Lindenhofspital
Bremgartenstrasse 115
Postfach
3001 Berne
Tel. 031 300 89 63
Fax 031 302 03 57
silvano.vella@gmx.net
Tableau 5: SJSR de l’enfant: résumé
Prévalence 1% des enfants
Diagnostic différentiel Voir tableau 1
Diagnostic Exclusion/traitement d’une carence en Fe (ferritine!),
Ca, Mg, Na, Cl, vitamine B12, acide folique. Exclusion d’une
urémie, d’une dysfonction thyroïdienne, d’une grossesse,
d’une prise d’antidépresseurs tricycliques ou de fluoxétine
Hérédité Forme primaire: autosomique dominante (plusieurs loci)
Thérapie Ldopa, agonistes de la dopamine, év. benzodiazépines,
antiépileptiques
Pronostic Forme primaire: accentuation des troubles avant la puberté
et durant l’âge adulte. Forme secondaire: souvent réversible
Informations complémentaires
Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Auteurs
Dr. med. Silvano Vella , Kinder- und Jugendmedizin, speziell Neuropädiatrie, Praxis Lindenhofspital, Bern