La puberté est une phase sensible du développement physique, psychique, social et cognitif. Une série de pathologies sont à l’origine d’un développement précoce, retardé, interrompu ou même absent. La connaissance de l’évolution normale de la puberté est indispensable pour reconnaître en temps utile les déviations, les variantes de la norme ou les pathologies et entreprendre, si nécessaire, les traitements adéquats.
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Vol. 28 Nr. 4 2017 Formation continue: Gynécologie de l’enfant et de l’adolescent
La puberté est une phase sensible du déve –
loppement physique, psychique, social et
cognitif. Une série de pathologies sont à
l’origine d’un développement précoce, retar –
dé, interrompu ou même absent. La connais –
sance de l’évolution normale de la puberté est
indispensable pour reconnaître en temps utile
les déviations, les variantes de la norme ou
les pathologies et entreprendre, si néces –
saire, les traitements adéquats.
Nous décrivons dans cet article les étapes les
plus importantes du développement pubertaire
physique ainsi que les troubles du développe –
ment que le pédiatre devrait savoir reconnaître.
En gynécologie pédiatrique nous collaborons
étroitement avec les endocrinologues pédiatres
car, comme présenté dans cet article, le dia –
gnostic et le traitement hormonal sont du do –
maine de cette spécialité pédiatrique.
Le développement pubertaire
La puberté débute par l’activation de l’axe
hypothalamo -hypophyso -gonadique. Suite à
la sécrétion pulsatile de GnRH (gonadotropin
releasing hormone) par l’hypothalamus, l’hy –
pophyse sécrète les gonadotropines FSH
(hormone folliculo -stimulante) et LH (hor –
La puberté et ses embûches
Le diagnostic des troubles du développement pubertaire
I. Fellmann, Lucerne, P. Tonella, Lucerne, R. Draths, Sursee
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux- de – Fonds
mone lutéinisante) qui à leur tour stimulent
les ovaires et induisent une production d’œs –
trogènes s’intensifiant progressivement (go –
nadarche). Les organes sexuels internes et
externes se modifient. Sous l’effet des andro –
gènes de la surrénale (adrénarche), la pilosité
pubienne et axillaire se développe dans une
large mesure indépendamment de ce circuit
de régulation.
Il n’est pour le moment pas clair qu’est- ce qui
donne le coup d’envoi à la puberté. Les fac –
teurs inhibiteurs du système nerveux central
sur le générateur hypothalamique de GnRH
sont supprimés, la sécrétion de GnRH indui –
sant ainsi progressivement la sécrétion pulsa –
tile de LH et FSH 1). Le moment où le généra –
teur hypothalamique pulsatile est débloqué
est influencé par l’hérédité, l’origine ethnique,
le style de vie et la situation alimentaire. Un
minimum critique pondéral (> IMC 17.5) res –
pectivement de masse graisseuse semble
nécessaire pour le déclenchement mais aussi
le maintien du développement pubertaire 2).
En effet la leptine, hormone synthétisée dans
les cellules graisseuses, agit positivement sur
la sécrétion de GnRH 3).
Déroulement chronologique de la
puberté
Physiquement il s’agit d’une suite typique de
modifications : croissance et maturation des
organes sexuels secondaires, poussée de
croissance, maturation osseuse et acquisition
de la fertilité; cliniquement la chronologie
pubertaire est décrite par les stades de Tan –
ner (fig. 1) , mis en relation aux autres jalons
(poussée de croissance, ménarche) (fig. 2) .
Seins
Le début de la puberté se manifeste chez la fille
par la croissance de la glande mammaire (thé –
larche), qui commence en moyenne à 11 ans
(entre 8 et 13 ans). La croissance et la matura –
tion des seins durent habituellement 3 à 6 ans,
pour atteindre en général l’aspect adulte (Tan –
ner B5); un arrêt peut se produire parfois au
stade B4 en tant que variante de la norme ou
lors du syndrome des ovaires polikystiques.
Remarque: la détermination de la thélarche
présuppose la palpation des seins. La seule
inspection, notamment chez la fille en
surpoids, n’est pas suffisante.
Pubarche
Les premiers poils pubiens apparaissent envi –
ron une demi année avant jusqu’à une demi
année après la thélarche. La pubarche est
l’expression de la production d’androgènes de
la part des surrénales, donc d’un deuxième
axe. Le développement synchrone des signes
pubertaires est important et à documenter
par les stades de Tanner.
Figure 1: Les jalons de la puberté (de 4)) Figure 2: Stades de Tanner (d’après 4))
Âge (années)
Pilosité pubienne P2
Bourgeon mammaire B2
Vitesse de croissance
maximale
Ménarche
Seins matures B5
Stades de Tanner pour les seins et la pilosité pubienne
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Puberté précoce centrale Puberté précoce périphérique
Idiopathique > 70 % Kyste ovarien sécrétant des hormones (fréquents)
Anomalies cérébrales: Tumeurs de l’ovaire
Tu m e u r s d e l ’h y p o t h a l a m u s ( p.ex . h a m a r t o m e) Tumeurs de la surrénale
Post-inflammatoire (encéphalite) Apport exogène d’œstrogènes
Status après traumatisme cranio – cérébral Syndrome de McCune -Albright
Status après irradiation du crâne Hypothyroïdie primaire sévère (syndrome de Grumbach-Van-Wyk) Malformations congénitales (p.ex. hydrocéphalie, MMC, kyste arachnoïdien)
Thérapie tardive d’un syndrome adrenogénital virilisant
Diagnostic de base en cas de suspicion de puberté précoce:
Anamnèse familiale: pays d’origine de la famille, adoption? Développement pubertaire et taille des parents/frères et sœurs: quand ménarche? quand le père s’est-il rasé la 1ère fois/quand la poussée de croissance?
Anamnèse personnelle: maladies neurologiques, opérations, irradiation, médicaments, symptômes neurologiques, croissance jusqu’ici
Examen physique: poids/taille, stades pubertaires (Tanner); inspection de la peau (acné, hirsutisme, taches café -au-lait, neurofibromatose etc.)
Examen des organes génitaux: œstrogénisation de l’hymen, fluor vaginal, hypertrophie du clitoris?
Échographie du petit bassin: taille et maturation de l’utérus et des ovaires; kystes de l’ovaire? follicules murs? év. tumeur des surrénales?
Âge osseux radiologique: croissance osseuse accélérée?
Laboratoire: LH, FSH, estradiol, TSH, T4 libre, testostérone, év. prolactine, Test GnRH (endocrinologie pédiatrique)
Analyses ultérieures selon le diagnostic suspecté:
Test de stimulation par GnRH (différentiation de puberté précoce centrale et périphérique)
17- OHP, DHEAS, androstendione en cas d’hirsutisme, suspicion d’une maladie des surrénales, syndrome adrénogénital late – onset
IRM du crâne en cas de puberté précoce centrale
Tableau 1: Diagnostic différentiel de la puberté précoce
Tableau 2: Diagnostic en cas de suspicion de puberté précoce
Remarque: l’absence de poils pubiens ou axil –
laires avec un développement par ailleurs
normal des seins jusqu’à Tanner B4 peut évo –
quer une pathologie (p. ex. le syndrome d’in –
sensibilité aux androgènes).
Fluor vaginal
Un fluor blanchâtre apparaît généralement,
sous l’effet des œstrogènes sur les organes
génitaux, au stade Tanner B3. Il est physiolo –
gique et indique un développement normal,
alors que son absence peut indiquer une pa –
thologie (atrésie hyménale, hypogonadisme).
Ménarche, signe d’un développement
pubertaire avancé
La première menstruation apparaît en
moyenne 2.2 années après la thélarche, géné –
ralement au stade Tanner B4. L’âge moyen de
la ménarche se situe actuellement à 12.5 ans,
avec une variabilité de 6 ans (9 à 15 ans). En
raison de l’immaturité de l’axe hypothalamo –
hypophyso -ovarien, le cycle menstruel est
souvent encore irrégulier pendant les 2-3
premières années après la ménarche, et au
début la plupart des fois anovulatoire.
Remarque: si 3 ans après la thélarche ou à
l’âge de 16 ans n’a pas eu lieu la ménarche, un
contrôle du développement pubertaire et des
organes génitaux (ouverture hyménale, utérus)
est indiqué.
Poussée de croissance pubertaire (8 à 15
ans)
La poussée de croissance pubertaire a lieu
généralement environ une année avant la
ménarche. Les stéroïdes sexuels, en premier
lieu l’œstrogène chez les filles et la testosté –
rone chez les garçons, influencent la crois –
sance par une modulation dose- dépendante
de l’axe GH-IGF-1 et ont un effet direct sur la
zone de croissance. La croissance est ainsi
accélérée en début de puberté, ralentie à
puberté avancée pour s’arrêter en règle géné –
rale 2 à 3 ans après la ménarche.
Trop tôt – puberté précoce
On définit la puberté précoce par l’apparition
de la thélarche avant l’âge de 8 ans ou si la
ménarche a lieu avant le 9ème anniversaire.
La cause peut se situer au niveau central
(SNC), des ovaires ou dans la production ou
l’apport extra-gonadique d’hormones. On
considère en gros, selon la pathogénèse, 3
formes de puberté précoce :
• puberté précoce centrale (= vraie), dépen –
dante de la gonadotropine
• puberté précoce périphérique (= pseudo –
puberté précoce), indépendante de la go –
nadotropine
• développement prématuré partiel : thé –
larche précoce isolée.
Du point de vue diagnostic l’anamnèse est
importante, notamment l’anamnèse familiale,
la puberté précoce pouvant être aussi une va –
riante de la norme constitutionnelle. L’examen
clinique permet de différencier entre puberté
précoce, plus rare, résultant de l’activation des
deux axes, et développement prématuré par –
tiel, ne concernant qu’un seul axe hormonal.
L’ é c h o g r a p h i e a b d o m i n a l e contribue ensuite
à définir la maturation des organes sexuels in –
ternes 4) et à dépister un éventuel k yste ovar ien,
la cause la plus fréquente d’une puberté pré –
coce. Les étapes les plus importantes sont ré –
sumées dans le tableau 2 .
Lorsqu’on suspecte une vraie puberté pré –
coce, les analyses complémentaires, do –
sage des hormones sexuels, des taux de go –
nadotropine basal et stimulé par GnRH ainsi
que l’âge osseux (radiographie de la main
gauche) seront effectués par les endocrinolo –
gues pédiatres. (Les taux plasmatiques des
gonadotropines et des hormones sexuels va –
rient fortement et ne devraient être dosés et
interprétés que dans un laboratoire spécialisé
dans l’endocrinologie pédiatrique).
Puberté précoce centrale
L’activation prématurée du générateur pulsa –
tile de GnRH stimule l’axe hypothalamo-hypo –
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Adrénarche précoce
Virilisation
Accélération de la
croissance
Âge osseux avancé
Oui
DHEA-S normal
Androstendione ↑
Testostérone ↑
17-OHP normal
Tumeur virilisante
Androgènes exogènes NCCAH
Tumeur virilisante
Adrénarche
précoce
DHEA-S ↑
Androstendione ↑
Testostérone ↑
17-OHP ↑
DHEA-S ↑
Androstendione ↑
Testostérone normale
17-OHP normal
Non
Taux normaux: Testostérone < 0.96 mmol/l (0.5 -9 ans)
Androstendione basse (0.5 - 6 j), 2.61 nmol/l (6-9 ans)
DHEA-S < 40 µg/dl (0.5 - 6 ans), puis augmente
17-OHP < 4 nmol/l (0.5 -9 ans)
physaire, induisant le développement des
seins, puis de la pilosité pubienne et finale -
ment la maturation sexuelle complète. Suite
à l’accélération de la maturation osseuse la
taille définitive sera moindre si le développe -
ment pubertaire n’est pas freiné, notamment
s’il débute avant l’âge de 6 ans 5). Les pro -
blèmes psychosociaux, par la présence pré -
coce de caractères sexuels secondaires et par
la taille (pendant l’enfance « trop grande » et
adulte « trop petite »), peuvent peser et exiger
un traitement. L’incidence de la puberté pré -
coce centrale se situe entre 1:5’000 et
1:10’000.
Dans la plupart des cas la cause n’est pas
décelée malgré des investigations approfon -
dies (puberté précoce idiopathique). Dans les
autres cas l’origine se situe souvent au niveau
cérébral, s’agissant entre autres de tumeurs
ou de malformations du SNC (tabl.1) , raison
pour laquelle une IRM cérébrale est indiquée
chez toutes les patientes avec une puberté
précoce centrale. Le traitement est de la
compétence des endocrinologues pédiatres.
Il consiste, après traitement d’une éventuelle
pathologie cérébrale, dans l’administration
d’agonistes de GnRH ; les gonadotropines LH
et FSH élevées sont ainsi freinées par blocage
compétitif des récepteurs GnRH dans l’hypo -
physe. Le développement pubertaire est ra -
lenti voire arrêté et sous l’effet du traitement
les signes pubertaires régressent partielle -
ment. La vitesse de croissance retrouve le
rythme prépubertaire. Les filles doivent être
accompagnées pendant le traitement et le
bon moment pour le redémarrage de la puber -
té sera choisi d’entente avec les parents et en
tenant compte du contexte psychosocial.
Puberté précoce périphérique ou
pseudo-puberté précoce
La pseudo-puberté précoce n’est pas le résul -
tat d’une activation prématurée de l’axe hypo -
thalamo-hypophyso-ovarien mais d’un taux
trop élevé d’hormones stéroïdiens sexuels,
produits par un kyste ou une tumeur de l’ovaire
ou par apport exogène (application de pom -
mades contenant des œstrogènes ou prise de
la pilule de maman). Les causes les plus fré -
quentes sont énumérées dans le tableau 1 . Sur
le plan diagnostique sont importants dans un
premier temps l’anamnèse méticuleuse, l’exa -
men physique et l’évaluation des ovaires par
échographie abdominale. Décisif pour la diffé -
rentiation de la puberté précoce centrale est le
test GnRH, les gonadotropines étant suppri -
mées et ne pouvant être stimulées par la GnRH.
Font partie des tumeurs produisant des œstro -
gènes les tumeurs de la granulosa, les thé -
comes, les tératomes avec des éléments de
choriocarcinome, les lutéomes ainsi que typi -
quement les kystes folliculaires autonomes
isolés de l’ovaire. Un cas à part est le syndrome
de McCune-Albright, présent dans 5 % des cas
de puberté précoce, caractérisé par des kystes
ovariens produisant des hormones, d’autres
dérèglements endocriniens, une dysplasie fi -
breuse des os et des tâches café-au-lait de la
peau. Le traitement s’oriente à la maladie sous-
jacente et le développement ultérieur nécessite
surveillance et accompagnement.
Variantes de la norme
Développements précoces partiels
Il s’agit d’une pubarche ou thélarche isolée
avant le 8ème anniversaire. On n’observe pas
d’autres signes pubertaires, la croissance
n’est pas altérée. Le bilan biologique révèle
des taux d’œstrogènes et de gonadotropines
normaux et un test GnRH du type prépuber -
taire. Les développements précoces partiels
sont un diagnostic d’exclusion et peuvent
annoncer une puberté précoce. Ils ne néces -
sitent pas de traitement mais une surveillance
régulière afin de ne pas manquer le passage
à une puberté précoce.
Pubarche précoce
La pubarche précoce est le résultat d’une
sécrétion prématurée d’androgènes surréna -
liens (adrénarche prématurée). Les taux de
gonadotropines et d’œstrogènes sont nor -
maux, les androgènes peuvent être légère -
ment élevés, l’âge osseux est souvent légère -
ment accéléré. Une virilisation doit être
exclue. Du point de vue diagnostic différentiel
il faut penser à un syndrome adrénogénital
non classique ou à une tumeur produisant des
androgènes. La figure 3 donne un aperçu des
étapes d’investigation. Les filles avec une
pubarche précoce tendent à développer plus
tard un syndrome des ovaires polikystiques
(SOPK) avec prise de poids, troubles du cycle
et possiblement des troubles métaboliques ;
leur développement pubertaire devrait être
surveillé 6).
Thélarche précoce
Il y a deux pics d’âge pour le développement
précoce de la glande mammaire: la 1ère et
2ème année de vie et entre 6 et 8 ans 7). En
Figure 3: Étapes diagnostiques lors d’adrénarche précoce (d’après P. Tonella: présentation
06.2017; d’après Hochberg 16 )) NCCAH: Nonclassic Congenital Adrenal Hyperplasia.
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général la régression complète ou partielle
est spontanée. Un traitement n’est pas néces -
saire. Une tumeur ovarienne doit être exclue
et le passage à une vraie puberté précoce ne
doit pas être manqué (figure 4) .
Saignement vaginal précoce
Un saignement vaginal pendant l’enfance doit
être investigué et ne doit pas être considéré
une « ménarche isolée ». Le diagnostic diffé -
rentiel du saignement vaginal est large et
comprend, entre autres, les infections vagi -
nales, les corps étrangers, un traumatisme,
l’abus sexuel et les tumeurs génitales 8).
Trop tard – puberté tardive
La puberté est considérée tardive lorsqu’une
fille par ailleurs en bonne santé ne présente
pas de thélarche après son 13ème anniver -
saire, lorsque le délai entre thélarche et mé -
narche dépasse 5 ans ou lorsqu’une puberté
ayant débuté, stagne pendant plus de 18
mois. L’aménorrhée primaire est définie par
l’absence de ménarche après l’âge de 15 ans,
indépendamment des autres éléments puber -
taires; c’est le symptôme le plus important de
la puberté tardive. Dans toutes ces situations
il est important d’approfondir les investiga -
tions. Dans 60% des cas il s’agit d’une variante
de la norme (retard du développement consti -
tutionnel), dans 40 % des cas l’origine est
pourtant pathologique, nécessitant des inves -
tigations et un traitement. Le diagnostic dif -
férentiel est large et comprend les troubles
hypothalamo -hypophysaires ou chromoso -
miques et les syndromes génétiques, l’insuf -
fisance ovarienne primaire, ainsi que les
troubles du développement pubertaire suite
à différentes maladies chroniques ou les re -
tards du développement pubertaire lors de
troubles alimentaires. L’anamnèse familiale et
personnelle joue un rôle décisif dans l’inves -
tigation de la puberté tardive.
Retard du développement constitutionnel
(RDC)
Cette variante de la norme est la cause la plus
fréquente d’un retard du développement pu -
bertaire, tout en étant un diagnostic d’exclu -
sion. On trouve en général des débuts tardifs
de la puberté dans l’anamnèse familiale. Par
rapport aux pairs les filles sont plutôt petites
et leur développement est globalement retar -
dé. L’âge osseux est retardé. On ne peut
s’attendre au début de la puberté et ensuite
à la poussée de croissance pubertaire avant
un âge osseux de 12 ans. Le développement
après le début de la puberté est symétrique
et la fille atteint une maturité physique com -
plète ainsi que la taille cible. La différentiation
de maladies chroniques, caractérisées elles
aussi par un hypogonadisme, est difficile et
nécessite des contrôles réguliers ainsi que de
nouvelles investigations diagnostiques lors
d’une déviation du développement attendu.
En cas de souffrance importante on envisa -
gera une substitution par œstrogènes.
Retard du développement pubertaire et
maladies chroniques
Les maladies chroniques, p. ex. les maladies
inflammatoires chroniques, rhumatismales,
les troubles de la résorption, les infections
sévères ou les maladies tumorales peuvent
engendrer un retard de l’apparition de la pu -
berté ou son interruption, généralement lors
de la manifestation initiale de la maladie. La
puberté tardive est alors l’expression du bilan
énergétique négatif du corps, ce qui occa -
sionne un hypogonadisme hypogonadotrope
fonctionnel 9),10) . Ci-après en bref quelques
exemples:
Maladies inflammatoires intestinales
chroniques
Chez l’adolescente avec une maladie inflam -
matoire intestinale chronique (maladie de
Crohn ou colite ulcéreuse) la croissance et le
développement pubertaire peuvent être retar -
dés ; une manifestation plus tardive de la
maladie peut amener à une interruption du
développement et à une aménorrhée pri -
maire. La malabsorption, la perte de poids, le
déficit en leptine, les cytoxines favorisant
l’inflammation, autant d’éléments qui freinent
la sécrétion de GnRH et occasionnent ainsi
des taux moindres de gonadotropines et
œstrogènes avec stagnation ou absence du
développement pubertaire. Le traitement de
la maladie sous-jacente est au premier plan;
une fois contrôlée, le corps reprendra le déve -
loppement pubertaire. Son évolution correcte
devrait pourtant être contrôlée et, selon la
souffrance individuelle, favorisée par un trai -
tement hormonal 11 ). Le développement de la
densité osseuse ne doit pas être négligé non
plus, surtout lors d’un traitement prolongé par
cortisone.
Mucoviscidose
Avec une incidence de 1:2500 la mucovisci -
dose est une maladie héréditaire relativement
fréquente, qui atteint différents organes et
souvent aussi le développement pubertaire.
L’âge de la ménarche est retardé en moyenne
de deux ans, la mucoviscidose pouvant aussi
causer une absence de développement pu -
bertaire avec aménorrhée primaire. La ferti -
lité est en principe conservée, mais en géné -
ral limitée. Les contrôles précoces,
l’accompagnement et le cas échéant un trai -
tement hormonal d’appoint sont essentiels,
aussi pour améliorer à long terme la densité
osseuse. Aborder la question de la contracep -
tion et prévoir les conseils génétiques font
également partie d’une prise en charge inter -
disciplinaire correcte 4).
Anorexie
Les troubles alimentaires sont fréquents,
élevé est aussi le nombre des cas occultes,
non découverts. On estime à 1% les adoles -
centes touchées, classiquement à l’âge de 13
à 15 ans 12 ). Il s’agit d’une maladie potentielle -
ment mortelle, touchant de nombreux or -
ganes et systèmes: arrêt de croissance, ab -
Figure 4: Comparaison entre puberté précoce et thélarche précoce de fillettes entre 6 mois
et 7 ans (Fig. R. Draths, d’après 7))
Puberté précoce
Thélarche précoce
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sence ou stagnation du développement
pubertaire, aménorrhée primaire ou secon -
daire, troubles électrolytiques et du rythme
cardiaque, bradycardie, hypotonie, anémie,
constipation, troubles de la thermorégulation,
dépression, etc. En principe avec un BMI en
dessous du percentile 3 pour l’âge la puberté
ne peut pas démarrer, stagne ou alors sur -
vient une aménorrhée secondaire. Même
après avoir retrouvé le poids normal, les
menstruations ne réapparaissent souvent pas
avant 6 à 12 mois. Le déficit en œstrogènes,
l’alimentation insuffisante et le taux souvent
élevé de cortisol ont des effets sur le métabo -
lisme osseux et peuvent causer une ostéopo -
rose 13 ). L’approche thérapeutique est multi -
modale et nécessite une bonne collaboration
entre les différentes disciplines médicales
(pédiatre/médecin de famille, psychologue,
gynécologue pédiatre, diététicienne).
Absence de puberté, puberté
tardive persistante
Le tableau 3 donne un aperçu des causes de
l’absence persistante de la puberté. Il est utile
de distinguer entre un trouble hypogonado -
trope (FSH et LH sont abaissés) suite à une
maladie de l’hypothalamus et/ou hypophyse
et un trouble hypergonadotrope (FSH et LH
sont élevés) suite à une maladie ovarienne.
Les causes peuvent être acquises ou congé -
nitales.
Syndrome de Kallmann
L’exemple classique d’un hypogonadisme hy -
pogonadotrope congénital est le syndrome de
Kallmann. Le défaut génétique cause un dérè -
glement de la sécrétion de GnRH et chez une
partie des patients une anosmie.
Syndrome d’Ullrich Turner (UTS)
L’anomalie chromosomique avec absence du
chromosome X est la cause la plus fréquente
d’une puberté manquante chez la fille. L’inci -
dence est d’environ 1:2500. Le syndrome de
Turner cause déjà très tôt, souvent avant la
puberté, une dégénérescence des oocytes et
une atrophie des ovaires. 90 % des filles n’ont
pas de puberté spontanée. Les mosaïques
avec expression phénotypique variable sont
fréquentes, avec parfois une puberté normale
mais une aménorrhée primaire ou secondaire.
Il est important de poser le diagnostic tôt et
mettre en place une prise en charge interdis -
ciplinaire avec prescription d’hormone de
croissance, induction de la puberté et d’entre -
prendre des investigations concernant divers
organes (cœur, rein, thyroïde, ouïe, etc.). La
probabilité d’une grossesse spontanée est
très réduite pour une fille Turner X0, plus
grande pour une fille Turner-mosaïque 14 ). Une
appréciation scrupuleuse de la fertilité, de la
nécessité d’une contraception et substitution
hormonale est importante au delà de la pé -
riode pubertaire.
Insuffisance ovarienne prématurée
idiopathique
Sous le terme d’insuffisance ovarienne pré -
maturée (IOP) ou POF (Premature Ovarian
Failure) on résume l’épuisement prématuré de
la fonction ovarienne d’origine inconnue.
L’arrêt peut survenir avant l’âge de 40 ans
(1:10 0 ) , de 30 ans (1:10 0 0 ) ou plus tôt , même
pendant l’adolescence. Si l’arrêt de la fonction
ovarienne survient avant la puberté, le déve -
loppement pubertaire n’a pas lieu ou s’arrête
à un certain stade. La définition inclut un taux
très élevé de gonadotropines, situé dans les
limites de la ménopause, un taux d’estradiol
bas, un jeu de chromosomes normal (46XX)
et une anamnèse médicale sans particularités
(exclusion d’une cause iatrogène ou d’une
maladie chronique). Sont à exclure différents
syndromes génétiques. Il est important de
prévoir une prise en charge à long terme, avec
substitution hormonale pour l’induction res -
pectivement le maintien de la puberté et la
prévention de l’ostéoporose ainsi qu’un ac -
compagnement psychologique, aussi par rap -
port à l’infertilité 15 ).
Démarches diagnostiques lors de
suspicion de puberté tardive
Outre l’anamnèse personnelle et familiale
détaillée, l’examen clinique minutieux (stade
du développement pubertaire, inspection des
organes génitaux, signes d’hyperandrogénie)
et l’échographie abdominale sont essentiels.
Cela permet souvent de poser un diagnostic
préliminaire qui orientera les démarches dia -
gnostiques ultérieures. En présence d’une
hypergonadotropinémie on effectuera, après
les conseils génétiques adaptés, une analyse
des chromosomes. Un algorithme possible
est présenté dans les recommandations de
l’AWMF (Arbeitsgemeinschaft der Wissen -
schaftlichen Medizinischen Fachgesellschaf -
ten - Groupe de travail des sociétés de méde -
cins spécialistes d’Allemagne) (fig. 5) .
Remarque: Toujours établir une courbe de
croissance lors de troubles du développement
pubertaire, une seule mesure de la taille est
peu indicative.
Toujours investiguer une vitesse de croissance
trop basse (< p3 - p10).
Avant de débuter un traitement hormonal le
diagnostic doit être clair; la substitution hor -
monale pendant la puberté exige de l’expé -
rience.
Toujours effectuer une analyse chromoso -
mique lors d’un hypogonadisme hypergonado -
trope.
Aménorrhée primaire
L’aménorrhée primaire est un symptôme fré -
quent de la puberté tardive mais peut aussi
dépendre d’autres causes. À mentionner les
malformations du tractus génital comme
l’atrésie hyménale, le septum vaginal ou le
syndrome de Mayer-Rokitanski-Küster-Hau -
ser (aplasie vaginale, aplasie utérine). Les
filles atteintes ont un développement puber -
taire normal, la fonction hypothalamo -hypo -
physo -ovarienne étant normale, mais la mé -
narche n’a pas lieu en raison de l’anomalie
anatomique. L’incidence est d’environ 1:5000.
Le syndrome des ovaires polikystiques
(SOPK)
Le dysfonctionnement de l’ovaire, qui est à la
base du SOPK, peut débuter déjà pendant
l’enfance, l’aménorrhée primaire qui s’ensuit
n’est souvent constatée que plus tard et le
diagnostic généralement posé tardivement.
Les symptômes du SOPK devraient donc être
connus aussi par le pédiatre. Il existe une rela -
Puberté tardive hypogonadotrope Puberté tardive hypergonadotrope
Acquise• Tumeurs (craniophar yngéome, adénome de l’hypopyhse)• Status après traumatisme cranio - cérébral
• Status après irradiation du crâne• Asphyxie périnatale
Défauts génétiques• Syndrome de Kallmann• Défaut du récepteur de GnRH ou gonadotropine
Acquise• POF/IOP• Maladies auto -immunes• À la suite d’infections, traumatismes,
opérations, irradiation, chimiothérapie
Congénitale • Syndrome d’Ullrich-Turner (45 X0)• Dysgénésie gonadique XY• Résistance aux androgènes etc.• Syndromes génétiques avec POF
Tableau 3: Diagnostic différentiel de la puberté tardive persistante
35
Vol. 28 Nr. 4 2017 Formation continue: Gynécologie de l'enfant et de l'adolescent
Figure 5: Algorithme diagnostique de la puberté tardive selon les recommandations 2011 de
l’AWMF (modification R. Drahts)
Figure 6: Manifestations précoces du SOPK. (d’après P. Tonella, Présentation 06/2017, modi -
fié R. Drahts)
tion avec le RCIU, la pubarche précoce et la
puberté précoce (fig. 6) ; plus tard le SOPK est
souvent associé à la résistance à l’insuline, à
l’obésité, à certaines maladies cardiovascu -
laires et à une fertilité réduite. Il est donc
important de poser tôt le diagnostic et préve -
nir les maladies associées.
Remarque: Une aménorrhée primaire est pos -
sible aussi en présence de taux hormonaux
normaux: il faut exclure des causes anato -
miques.
Lors d’un SOPK il n’y a pas de carence en
œstrogènes même en présence d’une aménor -
rhée primaire, l’endomètre est en général
épais. Il nécessite des saignements de priva -
tion réguliers.
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Prénatal Enfance Puberté/adolescence Adulte
RCIU Pubarche précoce Puberté précoce Surpoids Trouble du métabol. insulinique Syndrome métabolique Acné Hirsutisme Anovulation chronique Aménorrhée primaire Oligoménorrhée Infertilité
Aménorrhée primaire Absence de développement puber taire à l’âge chronologique de > 13.5 ans
Examen clinique Signes d’une maladie syndromique/UTS * Exclusion de malformations génitales
Gonadotropines plasmatiques
Élevées, hypergonadotrope Basses Normales/peu élevées
Caryotype Test GnRH Caryotype
46,XY 46,XX Pas d’augmentation de LH, hypogonadisme Augmentation normale de LH 46,XX 45,XO et variantes
Croissance, âge osseux
Retardés, adéquats pour l’âge biologique Trouble sévère acquis Absence de poussée puber taire
Troubles vi – suels, signes d’hypertension intracrânienne
Anosmie, hyposmie
IRM du crâne Dysgénésie gonadique Syndrome de Tur – ner ou mosaïque
Insuffisance del’ovaire primaire, POF/IOP,maladie auto-immune,syndromique Tumeur du SNC Syndrome de Kallmann HH ** i s o l é Causes anatomiques, HH ** par tiel
XY-DSD ***, AIS **** RDC
*UTS: syndrome d’Ullrich-Turner; **HH : hypogonadisme hypogonadotrope ; ***X Y- DSD : variations du développement sexuel ( Disorder of Sexual Development) ; ****AIS: syndrome d’insensibilité aux androgènes.
Adresse des auteurs
Dr. med. Irma Fellmann-Fischer
Fachärztin Gynäkologie und Geburtshilfe
Oberärztin Frauenklinik Luzern
Dr. med. Paolo Tonella
Facharzt Pädiatrie,
Pädiatrische Endokrinologie
Leitender Arzt pädiatrische Endokrinologie
Kinderspital Luzern
Correspondance
Dr. med. Ruth Draths
Fachärztin Gynäkologie und Geburtshilfe,
Spezialgebiet Kinder-Jugendgynäkologie
Frauenpraxis Buchenhof, Sursee
ruth.draths@frauenpraxis-buchenhof.ch
Les auteurs cer tifient qu’aucun soutien financier ou autre conflit d’intérêt n’est lié à cet ar ticle.
Informations complémentaires
Correspondance:
Auteurs
I. Fellmann R. Draths