Chers collègues, c’est avec un grand plaisir et un grand intérêt que nous avons accepté l’invitation de contribuer à ce numéro dédié aux troubles du spectre autistique (TSA). Les pédiatres sont en effet aujourd’hui les acteurs de premier plan dans les stratégies de détection, de diagnostic et de coordination de l’accompagnement des jeunes enfants avec TSA et ils sont aujourd’hui confrontés aux challenges de la mise en place des bonnes pratiques dans ce domaine.
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Ces mesures sont essentielles à développer
rapidement au regard des données de la litté-
rature scientifique qui montrent aujourd’hui
clairement qu’un diagnostic précoce entre 18
et 36 mois facilite l’accès à une intervention
intensive développementale et comportemen –
tale. Ces modèles d’interventions, étudiés sur
les deu x der nièr es dé cennies , ont montr é leur
efficacité au travers d’études contrôlées
4),5) .
Ce type d’accompagnement permet d’influer
sur la trajectoire développementale du très
jeune enfant et de limiter le handicap sévère
lié au TSA en améliorant les fonctions cogni-
tives, en permettant l’acquisition d’une com –
munication fonctionnelle et en diminuant les
comportements à problèmes. Cette améliora –
tion est directement corrélée à la précocité
de la mise en place de l’accompagnement
adapté, avant l’âge de 4 ans.
Pour les enfants et adolescents diagnostiqués
plus tardivement, l’adaptation de l’accompa –
gnement doit également être réalisée et il est
important de faire un bilan fonctionnel com –
plet permettant l’élaboration d’un projet
personnalisé. Ce projet individualisé, incluant
des interventions globales et coordonnées
autour de professionnels formés, vise à amé –
liorer l’ensemble du développement de l’en –
fant: communication et langage, interactions
sociales, émotions et comportements, fonc –
tions sensorielles et motrices, autonomie
quotidienne. Enfin, l’attention portée à la
place et à la singularité de la famille dans
l’accompagnement est cruciale. Toute famille
doit être associée à l’élaboration du projet
individualisé, elle doit être un interlocuteur
privilégié et bénéficier d’un accompagnement
spécifique et d’une formation adaptée. Cette
conception d’un réel partenariat entre famille
et professionnels implique un transfert des
connaissances de part et d’autre et un par-
tage des pratiques. Ceci constitue parfois un
véritable challenge pour les professionnels et
bouscule sans doute des modèles pré-établis
sur les rôles respectifs de chacun.
La question de l’autisme, des TSA, est donc
une question inter et transdisciplinaire. Elle
n’intéresse pas seulement le champ médical
et para-médical mais exige une collaboration
étroite et dynamique avec l’ensemble des
acteurs: l’éducation spécialisée, l’enseigne –
ment, l’accueil de la petite enfance, et plus
globalement, l’ensemble de notre société
pour permettre une meilleure adaptation de
l’accueil et l’insertion de ces enfants pour qui
notre objectif partagé est l’accès à l’autono –
Cher s collègues , c’est avec un g r and plaisir et
un grand intérêt que nous avons accepté
l’invitation de contribuer à ce numéro dédié
aux troubles du spectre autistique (TSA). Les
pédiatres sont en effet aujourd’hui les acteurs
de premier plan dans les stratégies de détec
–
tion, de diagnostic et de coordination de
l’accompagnement des jeunes enfants avec
TSA et ils sont aujourd’hui confrontés aux
challenges de la mise en place des bonnes
pratiques dans ce domaine.
Les troubles du spectre autistique touchent
environ 1% de la population dans le monde. Ils
sont rarement isolés, une comorbidité est
retrouvée dans 20 à 30 % des cas avec des
formes syndromiques génétiques, neurolo –
giques et métaboliques
1). Ils s’accompagnent
le plus souvent, chez l’enfant et au cours du
développement, de pathologies psychia –
triques associées (troubles anxieux et thy –
miques, TDAH, …)
2). Les vingt dernières an –
nées ont permis, grâce aux travaux en
neurosciences, de mieux comprendre l’ex –
pression clinique et les bases neuro-dévelop –
pementales de ces troubles. Ces connais –
sances ont contribué à modifier notre regard
quant aux stratégies d’accompagnement des
p er sonnes ayant un TSA et ont r emis en ques –
tion notre compréhension des bases étiolo –
giques sous tendant ces troubles. Le concept
même de TSA renvoie plus, aujourd’hui, au
registre du handicap qu’à celui de la patholo –
gie psychiatrique. Ce changement de
concept s ne s ’es t pas f ait s ans heur t s , not am –
ment dans les pays européens où l’autisme
était encore lu au travers d’une vision plus
psycho-analytique. Les associations d’usa –
gers et les professionnels ont œuvré et œuvrent toujours pour une évolution des
pratiques et la mise en œuvre de modèles
reconnus comme les plus adaptés dans l’ac
–
compagnement des TSA
3). Il n’en demeur e pas
moins que ces changements restent encore
délicats à généraliser.
Pour y parvenir, les principaux axes de travail
pour ces toutes prochaines années sont cen –
trés autour:
1) d’une meilleure connaissance des caracté –
ristiques cliniques des TSA au cours du
développement, imposant ainsi une forma –
tion adaptée des professionnels interve –
nant aupr ès des enf ant s et de leur s pr o ches
aidants. Tous les professionnels sont dès
lors concernés: pédiatres, neuropédiatres,
pédopsychiatres, enseignants, psycholo –
gues, éducateurs spécialisés, logopédistes,
psychomotriciens et ergothérapeutes, pro –
fessionnels de la petite enfance, … . Pour
ce domaine en évolution constante, une
formation continue solide est également
indispensable, pour exemple, une forma –
tion sur les particularités du fonctionne –
ment cognitif des personnes avec TSA qui
conditionnent la manière dont elles traitent
l’information et donc la façon dont elles
appréhendent leur environnement physique
et social. Ces particularités doivent être
prises en compte pour comprendre le fonc –
tionnement de ces personnes, identifier
leurs besoins et leurs ressources, adapter
les accompagnements et développer leur
potentiel d’apprentissage et d’adaptation.
2) d’une recherche systématique des signes d’alerte de TSA entre 12 et 24 mois dans
une politique structurée de détection pré –
coce par les pédiatres.
3) d’une articulation facilitée et rapide entre détection et procédures de diagnostic pré –
coce, avec un recours à des équipes for-
mées ayant une expertise dans ce domaine.
4) de la mise en place d’un programme d’in- tervention individualisé centré autour des
besoins de la personne et de sa famille,
s’appuyant sur les recommandations actua –
lisées internationales et nécessitant d’être
adapté régulièrement au cours du dévelop –
pement.
Editorial: Les troubles du spectre
autistiques, un enjeu de santé publique
Nadia Chabane, Lausanne
1Prof. ffRTof.ff.abi
1Prof. PRTaPR. RbinT.rPb,SieT(bTeéia.riTfb. e. dbi
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mie, à la socialisation et à une bonne qualité
de vie à l’âge adulte.
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11 5 0 – 9
Correspondance
Prof. Nadia Chabane
Directrice du Centre Cantonal Autisme
Département de Psychiatrie, CHUV
1011 Lausanne
Nadia.chabane @chuv.ch
L’auteur ne déclare pas de soutien financier ni d’autres
conflits d’intérêt en relation à cet article.
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