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Diagnostic de l’infection urinaire aiguë par échographie en pédiatrie

Les personnes décrites ici ne sont pas réelles, la situation par contre se répète avec une belle régularité dans les cabinets pédiatriques et est régulièrement à l’origine de vives discussions, surtout pendant la saison des maladies infectieuses...

Vignette clinique

Les personnes décrites ici ne sont pas réelles, la situation par contre se répète avec une belle régularité dans les cabinets pédiatriques et est régulièrement à l’origine de vives discussions, surtout pendant la saison des maladies infectieuses, dans les cercles de qualité et des urgences pédiatriques.

Une collègue du club sportif consulte le vendredi à 17 heures avec son fils Lino, âgé de 9 mois. À première vue Lino apparaît plus malade que les autres enfants ayant consulté avec un rhume ou une «grippe». Depuis trois jours il est fébrile, manque d’appétit et par moments il est moins actif. Le nez coule, les selles sont un peu plus molles que d’habitude, il ne boit qu’environ la moitié de ce qu’il boit normalement. L’examen clinique révèle un enfant qui n’est pas septique mais en état général réduit, avec un pharynx peut-être légèrement hyperémié et des tympans partiellement obstrués par du cérumen. Avec 38.5° de température rectale la respiration est légèrement accélérée, l’auscultation pulmonaire normale, de même que la palpation abdominale, les ganglions et la peau.

Les analyses biologiques montrent des paramètres inflammatoires légèrement augmentés (CRP 76 mg/l, leucocytes 13 G/l avec 60% granulocytes).

Réflexions de diagnostic différentiel

Une maladie infectieuse apparaît hautement probable. L’enfant n’est pas «septique», l’état général permet une prise en charge ambulatoire. Le foyer à l’origine de la fièvre ne peut pas être clairement défini. La clinique et les paramètres sanguins évoquent une infection bactérienne. La propre routine pédiatrique et les recommandations en vigueur font envisager une infection urinaire fébrile haute (pyélonéphrite).

Que faire? Déléguer la responsabilité des démarches diagnostiques/thérapeutiques à la clinique pédiatrique la plus proche (où le service des urgences est surchargé), postuler une otite moyenne cachée derrière le cérumen (impliquant l’indication d’un traitement antibiotique) ou tenter, malgré le congé prévu, de clarifier l’éventualité d’une pyélonéphrite aiguë?

Diagnostic de l’infection urinaire: directives suisses et mise en pratique

Les directives actuelles d’un groupe d’experts néphro-uro-infectiologique se basent essentiellement sur la récolte et l’analyse d’urines, difficiles dans la pratique quotidienne au cabinet, libres d’interférences. L’échographie en présence d’une infection vésico-rénale aiguë est étiquetée de manière péremptoire d’inefficace et donc non-indiquée(1,2).

Recommandations de consensus(2) (aperçu)

Recommandation no. 2
L’échographie ne permet ni de confirmer ni d’exclure une pyélonéphrite.

Recommandation no. 8
L’échographie des reins et des voies urinaires ne peut ni confirmer ni exclure une pyélonéphrite ou un reflux vésico-urétéral. L’examen sera néanmoins effectué chez tous les enfants, indépendamment de l’âge, après le premier épisode de pyélonéphrite.

Ce consensus est surprenant et contredit l’expérience des experts en échographie pédiatrique. Les signes échographiques, surtout des formes sévères d’infection urinaire haute, sont caractéristiques(3) et leur présence ou absence peut influencer les choix thérapeutiques.

Et franchement, qui envisagerait sérieusement de cathétériser son petit garçon non-circoncis ou sa fille, sans avoir vérifié auparavant s’il y a de l’urine dans la vessie ?

Critères échographiques pour l’évaluation d’une infection urinaire aiguë

Fondamentalement aucun des signes mentionnés ci-dessous n’est obligatoire. Ils sont sujets à une dynamique temporelle et leur mise en évidence dépend de conditions spécifiques à chaque patient et au type d’infection. La présence d’un ou plusieurs de ces signes met en évidence respectivement rend probable une infection urinaire (haute). L’absence de tout signe suspect à l’échographie rénale donne du temps pour d’autres investigations ou pour orienter l’attention sur d’autres diagnostics différentiels.

1. Vessie

Chez les petits enfants incontinents l’examen commence ici. L’échographie déclenche souvent une miction, il est donc recommandé de préparer le matériel pour une récolte d’urine «clean catch» et de préparer l’enfant en nettoyant la région anogénitale. Les parents sont généralement disposés à contribuer à la récolte des urines.

La vessie est examinée par des coupes transversales et longitudinales, en analysant le remplissage, l’épaisseur et les couches de la paroi vésicale ainsi que le contenu à la recherche d’échos flottants. On peut observer une dilatation rétrovésicale des uretères, devant l’orifice urétéral près du trigone vésical à la base de la vessie (fig. 1).

Figure 1. Coupe transversale de la vessie au-dessus de la symphyse. Bien reconnaissables les échos flottants (***) et derrière la vessie l’uretère légèrement dilaté (flèche).

2. Reins

Des vues abdominales latérales sont importantes pour comparer l’échogénicité des reins aux organes parenchymateux voisins que sont le foie et la rate. Pour une évaluation détaillée de la texture échographique, de la différentiation et pour une comparaison de la taille, les coupes dorsales sont préférables. L’examen des reins se fait de manière standardisée par une série de coupes longitudinales et transversales (fig. 2). On effectuera toujours une comparaison entre les deux côtés, facilitée par le mode dual avec représentation simultanée des deux reins.

Les signes échographiques sont résumés dans le tableau ci-dessous. On constate le gonflement du rein initialement par une surface transversale agrandie et arrondie (d’abord le rein s’épaissit sans s’allonger) et par la mesure volumétrique. Les modifications inflammatoires du tissu adipeux entourant les calices et le bassin rénal sont particulièrement caractéristiques et bien reconnaissables, notamment lors d’une pyélonéphrite unilatérale, par l’accentuation des contrastes.

Figure 2. Rein normal, coupe dorsale longitudinale et transversale, avec les lignes définies pour l’évaluation du volume.

3. Voies urinaires

Suite à une hypotonie réactive, le bassin et les calices rénaux peuvent être légèrement dilatés.

Une dilatation marquée évoque plutôt une malformation préexistante (sténose de la jonction pyélo-urétérale ou du méat, reflux vésico-urétéral important) ou une problématique secondaire (pyonéphrose, calcul). Pour l’identification et le suivi de ces phénomènes l’échographie est le moyen diagnostique de choix, complétée éventuellement par des examens complémentaires.

Signes échographiques de l’infection rénale :

  • Absence ou effacement focal ou diffus de la différentiation cortico-médullaire (fig. 3)
  • Échogénicité accentuée du cortex rénal (fig. 4)
  • Tuméfaction du rein focale ou diffuse (fig. 3, 5)
  • Urothèle proéminent (fig. 6)
  • Épaississement et échogénicité augmentée du tissu adipeux péripelvien (fig. 6, 7).

Résumé

Dans la pratique pédiatrique quotidienne, les investigations d’une possible infection urinaire (haute) aiguë représentent un des plus grands défis, avec une zone grise considérable. Ces infections peuvent toutefois être dangereuses pour l’enfant. Lino, dans la vignette clinique, représente tous les petits patients qui nous sont confiés et qui méritent d’être pris en charge avec les mêmes égards que nous souhaitons pour nos proches.

Un diagnostic fiable est important tant pour garantir un traitement adapté que pour éviter l’emploi superflu d’antibiotiques. Contrairement aux recommandations de consensus suisses, l’échographie peut fournir rapidement, avec précision et de manière peu contraignante des indications importantes pour la prise en charge de ces infections fréquentes, notamment lorsque la récolte d’urine est problématique.

Remarque personnelle de l’auteur

Les recommandations médicales sont formulées à l’intention des cliniques et cabinets médicaux mais peuvent aussi être utilisées pour apporter des preuves dans des cas litigieux. Pour le bien des enfants elles doivent donc tenir compte des développements actuels, être largement documentées et formulées avec prudence. La collaboration de co-auteurs de la pédiatrie pratique et de l’ASEPA (Association suisse pour d’échographie pédiatrique, section pédiatrie de la Société suisse d’ultrasons en médecine, SSUM) lors de l’élaboration des recommandations de consensus mentionnées est amèrement regrettée – mind the gaps(4).

Figure 3. Coupe longitudinale dorsale du rein avec tuméfaction de la partie supérieure et différentiation cortico-médullaire indistincte, «délavée».
Figure 4. Comparaison de l’échogénicité (ici augmentée) entre cortex rénal et une coupe abdominale latérale du foie.
Figure 5. Coupe longitudinale dorsale des deux reins. Le rein gauche est clairement plus gros (tuméfaction unilatérale).
Figure 6. Hile d’une duplication rénale. Dans l’image à droite le pyélon est proéminent (**) et recouvert d’un urothèle épaissi. La graisse péripelvienne adjacente est épaissie et plus échogène (clair).
Figure 7. Les deux reins en image duale. Dans le rein gauche on remarque la graisse péripelvienne très échogène (clair) et augmentée.

Références

  1. Buettcher M, Trueck J, Niederer-Loher A et al. Swiss consensus recommendations on urinary tract infections in children. Eur J Pediatr 180, 663–74 (2021). https://doi.org/10.1007/s00431-020-03714-4
  2. Buettcher M, Trueck J, Niederer-Loher A et al. Konsensus Empfehlungen zur Behandlung von Harnwegsinfektionen bei Kindern und Jugendlichen in der Schweiz – 2020. Paediatrica Vol. 31 / 4-2020
  3. Remsei G. Ultraschall bei Niereninfektionen. Kinderärzte Schweiz News 03/2022, S. 26-29.
  4. Schmid R. Mind the gaps! Can ultrasound bridge the Röstigraben? Paediatrica Vol. 30 / 5-2019

Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schlaepfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
L'auteur n'a déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Prof. h.c., Dr. med.   Raoul Schmid Baarer Kinderarztpraxis, Baar