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Cardiogénétique – update

Des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années dans la compréhension génétique des maladies cardiovasculaires. Ces maladies dites « cardiogénétiques » constituent un groupe ...

Introduction

Des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années dans la compréhension génétique des maladies cardiovasculaires1). Ces maladies dites « cardiogénétiques » constituent un groupe hétérogène de maladies qui sont causées par des variants génétiques (mutations) avec des expressions variables de la maladie. Il s’agit 1.) des canalopathies (le syndrome du QT long, le syndrome de Brugada et la tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique (CPVT)), 2.) des cardiomyopathies (hypertrophique, dilatée, restrictive, arythmogène, non-compaction).

Dans les recommandations des sociétés savantes, l’analyse génétique fait de plus en plus partie de la prise en charge1-4). Ceci soulève des questions complexes et importantes par rapport à l’information familiale, au consentement et au timing des analyses. Une consultation multidisciplinaire impliquant tant les cardiologues pédiatres, les cardiologues adultes et les généticiens est essentielle afin de répondre le mieux possible au familles touchées.

Le pédiatre ou médecin de premier recours doit être informé et est partie prenante dans le suivi de ces malades.

Quelques notions de base

Chacune de nos cellules contient dans le noyau toutes les informations pour construire un être humain. Les informations génétiques sont réparties dans nos 46 chromosomes (23 d’origine paternelle et 23 d’origine maternelle), dont 22 correspondent à des chromosomes dits autosomiques et 2 aux chromosomes sexuels (XX pour une fille, et XY pour un garçon). Les chromosomes sont formés par le double brin d’ADN (acide désoxyribonucléique) condensé de façon très complexe et hétérogène le long du chromosome. La plus petite partie de l’ADN qui nous donne les instructions pour construire une protéine se dénomme le gène. Chaque gène est présent en double dans nos cellules, les copies s’appellent allèles. L’alphabet génétique est constitué de 4 nucléotides : l’adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C) et les gènes sont constitués par une succession de ces 4 nucléotides dans un ordre très précis. On retrouve dans le gène des régions variables (tolérantes aux mutations) et d’autres très conservées même entre les différentes espèces animales. Une erreur dans ces régions très conservées peut être à l’origine d’un tableau clinique qu’on nomme phénotype. Le génotype est la séquence génétique d’un individu.

Une anomalie génétique dans un gène ou un chromosome peut perturber la fabrication des protéines avec pour conséquence l’absence de fabrication, un excès de fabrication ou une fabrication anormale. La protéine qui n’arrive plus à faire sa fonction correctement dans notre organisme donne alors lieu à une maladie génétique. L’expression de la sévérité de la maladie peut être variable même au sein de la même famille (expressivité variable) et, à l’occasion, ne pas se manifester (pénétrance incomplète). Toutefois, les individus porteurs sont à risque de transmettre la maladie sans pouvoir prédire le degré de sévérité chez leur descendance.

Principes généraux des tests génétiques

Il existe 2 types de tests génétiques couramment utilisés pour diagnostiquer les anomalies cardiogénétiques : des tests de cytogénétique et des tests de séquençage5).

La cytogénétique est utilisée pour vérifier l’intégrité des chromosomes (nombre et structure), et comprend le caryotype (inspection au microscope des chromosomes), les analyses par FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) ciblées sur une région particulière du chromosome, et le CGH-array (communément appelé « la puce à ADN ») qui permettent d’identifier des anomalies de nombre des chromosomes et surtout la présence de délétions ou duplications. Les tests de séquençage détectent les anomalies au niveau des nucléotides (les lettres de l’alphabet génétique). On retrouve le séquençage par Sanger (séquençage d’un seul gène) et le séquençage massif en parallèle (aussi connu comme next-generation sequencing (NGS)) qui permet le séquençage de plusieurs gènes et de plusieurs individus simultanément, en comparant la séquence du patient à une séquence de référence. Après analyse bio-informatique, les mutations identifiées sont classifiées selon leur effet pathogène en 5 catégories : bénin, probablement bénin, probablement pathogène, pathogène6). Celles qui ne peuvent pas être classifiées dans une de ces catégories sont dites « variant de signification inconnue (VUS) »7) (Fig. 1).

Figure 1. Cardiopathies : algorithme pour tests génétiques et screening des apparentés.
Une évaluation clinique initiale permet de définir, en fonction de l’anamnèse personnelle et familiale, s’il s’agit d’une cardiopathie acquise ou probablement génétique soit syndromique, quand la cardiopathie fait partie d’un tableau clinique plus complexe, soit non-syndromique, forme isolée. Après validation de l’indication d’une analyse par panel NGS, les résultats peuvent identifier un variant pathogène dans un gène permettant de confirmer la suspicion diagnostique (vert), ne pas identifier de variant suspect (rouge) ou identifier un variant de signification inconnu (VUS). Si un variant pathogène est identifié, il existe l’indication de faire une analyse en cascade des apparentés afin d’adapter leur surveillance cardiologique. En absence de variant identifié, tous les apparentés de premier degré du cas index devraient bénéficier de bilans cardiologiques.

Le test à choisir est basé sur l’indication clinique, la cytogénétique est surtout utilisée pour certaines cardiopathies congénitales, les tests moléculaires s’adressent aux patients avec suspicion de maladies héréditaires monogéniques.

Indications pour les analyses génétiques

Les analyses cardiogénétiques sont généralement effectuées soit à but diagnostic soit à but prédictif de risque4). Dans le premier cas, les enfants ont habituellement été diagnostiqués par un cardiologue ou un pédiatre avec une maladie cardiologique, probablement génétique, et adressés pour bilan génétique (Fig. 1). Le but des analyses génétiques est alors d’identifier une anomalie génétique comme étant à l’origine du tableau clinique, et de ce fait, confirmer son diagnostic au niveau moléculaire. Le diagnostic moléculaire permet d’orienter la stratégie thérapeutique, de définir le mode de transmission et de réaliser un conseil génétique. Ceci est encore plus important dans le contexte d’une mort subite. Une fois le variant pathogène identifié chez le cas index (patient), une analyse de ségrégation parentale (recherche du variant chez les parents) est réalisée et, si besoin, une analyse en cascade des apparentés, qui peuvent être malades ou en bonne santé. Le but des analyses pré-symptomatiques est d’identifier les possibles individus porteurs du variant génétique et donc à risque de développer la maladie afin de mettre en place une surveillance adaptée et de rassurer les individus non porteurs. Les tests pré-symptomatiques peuvent avoir des conséquences importantes sur le plan psychologique et assécurologique des individus qui étaient considérés, jusqu’à présent, en bonne santé. Un conseil génétique pré-test et post-test est indispensable ainsi qu’une consultation psychologique.

Tests génétiques chez l’enfant

Les tests génétiques chez l’enfant doivent être effectués en considérant ce qui est dans leur intérêt selon les principes de l’éthique médicale (bienfaisance vs non-malfaisance). Les tests génétiques sont indiqués uniquement s’il en décourt des conséquences cliniques. De ce fait, les tests génétiques visant à éclaircir une situation clinique sont justifiés et souvent réalisés. Par contre, les tests chez les enfants sans manifestations cliniques, visant seulement à connaître l’état de porteur d’un variant génétique, et donc « présymptomatiques », ne sont pas systématiquement proposés4), même s’ils sont souvent demandés par les parents. Il est préférable d ‘attendre que l’enfant soit en âge de pouvoir donner son avis, soit à l’acquisition de la majorité de l’enfant (18 ans), afin qu’il puisse exercer le principe d’autonomie et d’auto-détermination ; soit avant (14-16 ans), pour autant que l’enfant ait acquis une capacité de discernement. Comme la majorité des maladies cardiogénétiques ont une pénétrance incomplète et une variabilité dans leur expressivité, un test génétique positif n’implique pas forcément que l’enfant développera le phénotype et quelles en seront les manifestations cliniques ; ceci rend le conseil génétique d’autant plus complexe. Une consultation de conseil génétique est nécessaire, et une consultation psychologique pré-test est recommandée.

Maladies cardiogénétiques

1. Canalopathies

Les canalopathies sont des affections qui augmentent le risque d’arythmies et de mort subite. Dans ces situations, le cœur est anatomiquement normal. Les arythmies sont causées par des défauts structurels et fonctionnels des canaux ioniques d’où le nom de canalopathies. Les plus fréquentes sont le syndrome du QT long, le syndrome de Brugada et la tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique (CPVT).

1.1 QT long

L’incidence du QT long est de 1 : 2000 ; il se caractérise par une prolongation de l’intervalle QT à l’ECG (Fig 2 A) qui dans certaines circonstances peut provoquer une tachycardie ventriculaire appelée torsade de pointe (Fig 2 B)2,3). Les manifestations cliniques sont des palpitations, des syncopes à l’emporte-pièce, voire une mort subite. On décrit dans la littérature qu’entre 1-3 % des patients avec QT long auront une mort subite avortée au cours de leur vie. Les facteurs de risque pour les arythmies sont le sexe masculin avant 13 ans puis le sexe féminin au-delà des 13 ans, un QT corrigé pour la FC > 500 msec, une association à une hypokaliémie ou à des médicaments prolongeant le QT, l’émotion, le stress et l’effort3). Des facteurs déclenchant les arythmies sont propres à chaque sous-type de QT long. Pour le LQT type 1 il s’agit de la natation et de l’eau froide, pour le LQT 2 les bruits forts et soudains (alarme, sirène, réveille-matin) et pour le LQT 3 le sommeil. Pour poser le diagnostic on utilise les critères de Schwartz (Tableau 1)8). Les recommandations du groupe d’experts (classe I) pour la prise en charge sont résumées dans le Tableau 2.

Figure 2.
A. ECG 12 pistes : QT long type 1 B. ECG Torsades de pointes C. Caractéristiques électrocardiographiques des 3 formes plus fréquentes de QT long LQT1 : Ondes T à base large ; LQT2 : Ondes T de basse amplitude bifides ; LQT3 : segment horizontal long et onde T pointue
Tableau 1. Score de Schwartz
Tableau 2. Prise en charge du syndrome du QT long

Une quinzaine de gènes ont été identifiés jusqu’à présent comme étant impliqués dans les différentes formes monogéniques de QT long. Chaque gène est impliqué dans un type de QT long (de 1 à 15)9). Toutefois, les gènes les plus fréquemment impliqués sont KCNQ1 (LQT type 1), KCNH2 (LQT type 2), deux canaux de potassium, et SCN5A (LQT type 3), un canal de sodium. Ils sont responsables d’un syndrome de QT long dans 30-35%, 25-30% et 5-10% des cas, respectivement9). Il s’agit de gènes à transmission autosomique dominante avec une bonne corrélation phénotype-génotype (Fig. 2 C). Dans de rares cas, le syndrome de QT long fait partie d’un tableau syndromique pouvant associer un retard du développement, une surdité ou des particularités morphologiques (faciale ou des extrémités). Les patients porteurs de 2 variants pathogènes dans le même gène (forme autosomique récessive) ou dans 2 gènes différents (digénisme) impliqués dans le syndrome QT long développent habituellement une forme clinique plus sévère.

1.2 Syndrome de Brugada

L’incidence du syndrome de Brugada est de 1 : 2000 (1 :1000 dans les pays du Sud-est asiatique)3). Il est caractérisé par un sus-décalage en dôme du segment ST suivi d’une onde T négative sur les dérivations V1 et V2. Il est associé à un risque de syncope voire de mort subite par fibrillation ventriculaire, le plus souvent au repos ou la nuit. Ces symptômes peuvent être démasqués lors de fièvre. Les premiers symptômes se manifestent le plus souvent vers l’âge de 40 ans et sont plus fréquents chez les hommes que les femmes.

Le diagnostic est posé sur l’ECG (Fig. 3), chez l’enfant en particulier lors d’épisodes fébriles ou par un test pharmacologique (test à l’ajmaline). Ce dernier est moins fiable avant l’adolescence.

Figure 3.
ECG du syndrome de Brugada

Les recommandations du groupe d’experts (classe I) pour la prise en charge sont résumées dans le Tableau 41,3,4).

Tableau 4. prise en charge du syndrome de Brugada

Dans 15-30% des patients le syndrome de Brugada est dû à un variant pathogène dans le gène SCN5A10), codant un canal de sodium. De transmission autosomique dominante, le variant est habituellement hérité d’un des deux parents. Toutefois, dans la majorité des cas, aucune mutation pathogène ou probablement pathogène n’est identifiée. Bien qu’il existe une liste de gènes suspects d’être impliqués dans le syndrome de Brugada, une origine polygénique (avec des changements de nucléotides dans plusieurs gènes) est plutôt suspectée. De ce fait, le diagnostic du syndrome de Brugada est clinique, et l’absence de variant génétique ne modifie pas la prise en charge.

1.3 Tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique (CPVT)

La CPVT est une maladie cardiogénétique rare avec une incidence de 1 :10’0003). Elle se manifeste par des tachycardies déclenchées par une stimulation adrénergique, soit lors d’effort physique soit lors de stress émotionnel (Fig 4). L’arythmie est causée par le relâchement de calcium du réticulum sarcoplasmique. L’âge moyen du début de la symptomatologie est de 8 ans, 30% des patients auront des symptômes avant l’âge de 10 ans. Même avec un traitement et une restriction physique, l‘ incidence de mort subite est de 1-7 % à 4 ans et de 11-14% à 8 ans après le diagnostic.

Figure 4. Tracé ECG d’une CPVT lors d’un test d’effort

Les recommandations du groupe d’experts (classe I) pour la prise en charge sont résumées dans le Tableau 51,3).

Tableau 5. Prise en charge d’une CPVT

Le gène RYR2, de transmission autosomique dominante, est le gène majoritairement impliqué dans les CPVT (50-55%)11). Il est hérité d’un parent dans 50% de cas et la pénétrance est estimée à 83%. Il existe toutefois d’autres gènes de transmission autosomique dominante (CALM1) et récessive (CASQ2, TRDN et TECRL, entres autres) pouvant prédisposer à une CPVT11). L’identification du variant pathogène chez le cas index, souvent décédé subitement, permet la réalisation d’un test génétique en cascade des apparentés permettant d’identifier les individus à risque qui devront bénéficier d’une prise en charge cardiologique adaptée.

2. Les cardiomyopathies

Les cardiomyopathies héréditaires sont des atteintes primaires du myocarde qui sont hétérogènes, tant dans leur expression clinique que génétique.

Ce sont les maladies cardiogénétiques les plus fréquentes, elles ont une incidence de 1 : 250–5002,3). Elles peuvent se présenter à n’importe quel âge, même chez les nourrissons et les enfants. Les manifestations cliniques sont variables selon le type de cardiomyopathie mais incluent les arythmies, l’insuffisance cardiaque et la mort subite. Dans > 50% des cas il s’agit d’une forme familiale, monogénique (Tableau 3). Le mode de transmission est autosomique dominant, récessif ou lié à l’X.

Tableau 3. Gènes associés aux principales pathologies cardiogénétiques

2.1 La cardiomyopathie hypertrophique (CMH)

La CMH est caractérisée par une hypertrophie ventriculaire gauche isolée sans cause identifiable. Dans les formes sarcomériques, l’hypertrophie ventriculaire touchera de préférence le septum interventriculaire (Fig 5). Elle peut engendrer une obstruction sous-aortique et une dysfonction diastolique du ventricule gauche. Les manifestations cliniques sont variables, les patients peuvent être asymptomatiques ou paucisymptomatiques. On retrouve, le plus souvent, une dyspnée d’effort, de l’angor, des palpitations, des malaises ou syncopes, voire une mort subite. Au status clinique, on peut retrouver un choc de pointe soutenu et déplacé, un souffle éjectionnel râpeux au mésocarde, accentué au Valsalva. L’ECG est pathologique dans 90% des cas avec des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche et des troubles de la repolarisation. Le diagnostic se pose à l’échocardiographie. La prise en charge dépendra du type de cardiomyopathie hypertrophique et de la symptomatologie, elle peut être médicamenteuse (bêtabloqueur, anti-calciques) ou chirurgicale (myectomie). Selon la stratification du risque, un défibrillateur en prévention primaire peut être indiqué2,3).

Figure 5.
Échocardiographie : vue parasternale long axe d’une cardiomyopathie hypertrophique avec épaississement sévère du septum interventriculaire (flèche)
VG = ventricule gauche ; OG= oreillette gauche ; VD = ventricule droit ; Ao= aorte

Dans le diagnostic différentiel chez l’enfant il faut inclure certaines maladies métaboliques (maladie de Fabry, syndrome de Barth, ataxie de Friedreich), neuromusculaires (Duchenne, Becker) ou syndromiques (RASopathies tel que le syndrome de Noonan ou Leopard) mais ces formes touchent en général tout le ventricule gauche (hypertrophie concentrique) et peuvent se présenter cliniquement avec une faiblesse musculaire généralisée, un retard du développement et/ou des éphélides, des manifestations rénales, ophtalmiques ou auditives4). Ils sont dus à des mutations dans des gènes dit non sarcomériques12).

Les variants pathogènes dans les gènes sarcomériques, codant pour des protéines du sarcomère, sont responsables d’une expression essentiellement cardiaque. Les gènes MYH7 (myosine heavy chain 7) et MYBPC3 (myosine-binding protein C3) sont responsables d’environ 75 % des formes génétiques de CMH13). Il s’agit de gènes de transmission autosomique dominante, d’expressivité variable et de pénétrance incomplète et liée à l’âge. Les variantes pathogènes dans le gène MYH7 donnent lieu habituellement à une CMH plus précoce et plus sévère que celles dues à des mutations dans MYBPC3. A noter qu’il existe en Suisse la présence d’une mutation fondatrice, originaire du canton de Berne, dans le gène MYBPC3, c.3330+2T>G.

2.2 La cardiomyopathie dilatée (CMD)

La CMD familiale est caractérisée par une dilatation et une dysfonction systolique du ventricule gauche (Fig. 6). Elle peut se présenter à n’importe quel âge et peut-être associée au post-partum. La symptomatologie sera celle d’une insuffisance cardiaque de degré variable. Le traitement dépendra du degré d’atteinte et sera médicamenteux. Lors de progression de la maladie, on aura recours à la transplantation cardiaque. La cardiomyopathie dilatée peut être isolée ou associée également à des dystrophies musculaires associant faiblesse musculaire et augmentation de CK tel comme la dystrophie musculaire de Duchenne ou Becker et la dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss de transmission liée à l’X4). Une forme fréquente de CMD monogénique chez l’adulte est celle associée à l’hémochromatose. Les patients atteints présentent habituellement des arthralgies, une anomalie des enzymes hépatiques, voir une cirrhose, et un diabète.

Figure 6.
Échocardiographie : vue parasternale long axe d’une cardiomyopathie dilatée avec dilatation sévère du ventricule gauche
VG = ventricule gauche ; OG= oreillette gauche ; VD = ventricule droit ; OD = oreillette droite

L’étiologie de la cardiomyopathie dilatée est très hétérogène du point de vue génétique. Toutefois, les mutations tronquantes dans la titine (TTN), une protéine géante, impliquée dans l’élasticité du sarcomère, sont responsables de 15-20% des CMD isolées14). Le gène MYH7 est responsable dans 6% des cas. D’autres gènes, impliqués dans la structure du sarcomère peuvent également prédisposer à une CMD4,14) (Tableau 3). Certains gènes peuvent contribuer à un tableau mixte associant une CMD et des troubles du rythme comme le LMNA, FLNC, RBM20, SCN5A, DES et DSP, responsables de 15% des CMD14). Occasionnellement, les troubles du rythme peuvent survenir avant la CMD. Une bonne description phénotypique du patient est indispensable pour la bonne interprétation des résultats des analyses génétiques.

2.3 La dysplasie arythmogène du ventricule droit (ARVD)

L’ARVD est caractérisée par un remplacement du myocarde du ventricule droit, parfois aussi du ventricule gauche, par du tissu fibreux et adipeux. La maladie peut se présenter à n’importe quel âge mais débute typiquement avant l’âge de 10 ans. La prévalence est de 1 :5000-1 :200015). Les manifestations cliniques sont les palpitations, syncopes, voire mort subite. Le diagnostic peut être suspecté à l’échocardiographie mais c’est l’IRM qui reste l’examen de choix pour poser le diagnostic. Le traitement est symptomatique. Un défibrillateur en prévention primaire ou secondaire peut être indiqué. Une transplantation cardiaque doit être envisagée.

La majorité des gènes impliqués dans l’ARVD sont des gènes responsables des desmosomes, des régions de la membrane plasmique responsables de l’adhésion cellulaire. La plakophiline 2 (PKP2) est le gène plus fréquemment responsable (34-74%) suivi par la desmoplaquine (DSP, 2-39%) et la desmogléine 2 (DSG2 ; 5-26%)16). Bien que dans la majorité des cas, il s’agisse de gènes de transmission autosomique dominante, la pénétrance très basse de la maladie suggère l’implication d’autres facteurs génétiques ou environnementaux dans le développement de la ARVD.

2.4 La non compaction du ventricule gauche (LVNC)

La LVNC consiste en trabéculations importantes dans le ventricule gauche avec des profondes cryptes inter-trabécules et un amincissement de l’épicarde compact. Elle peut être isolée ou associée au phénotype de CMH ou de CMD. Les manifestations cliniques sont celles du phénotype associé lorsque l’atteinte est significative. Fréquemment le diagnostic se fait lors d’une échocardiographie de routine. Le gold standard pour poser le diagnostic est l’IRM. Le traitement dépendra du degré d’atteinte.

Il s’agit d’une maladie très hétérogène sur le plan génétique. La majorité des cas sont dues à des mutations dans les gènes MYH7 et MYBPC34), mais des mutations dans d’autres gènes ont également été impliqués, principalement dans le gène de la tafazzin (TAZ) de transmission lié à l’X, ainsi que les gènes alpha-dystrobrevin (DTNA), LIM domain binding protein 3 (ZASP/LDP3), et lamin A/C (LMNA)17), de transmission autosomique dominante.

Conclusions

Les tests génétiques font partie des recommandations des sociétés savantes dans la prise en charge des patients souffrant de maladies cardiogénétiques. La consultation multidisciplinaire offre aux patients souffrant de canalopathie ou de cardiomyopathie héréditaire et à leur famille une approche globale spécialisée. Il est nécessaire de réévaluer régulièrement les situations au vu de la progression constante des connaissances génétiques dans ces maladies.

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Informations complémentaires

Correspondance:
Auteurs
Dr med.  Maria Isis Atallah Gonzalez Service de Médecine Génétique, CHUV, Lausanne

Dr. med.  Sabrina Bressieux-Degueldre Unité de cardiologie pédiatrique, DFME, CHUV, Lausanne

Prof. Dr. med.  Andrea Superti-Furga Service de Médecine Génétique, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne

Prof. Dr. med.  Nicole Sekarski Unité de cardiologie pédiatrique, DFME, CHUV, Lausanne