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Allergies médicamenteuses – que doit savoir le pédiatre ?

De nombreux enfants portent l'étiquette d'allergie médicamenteuse et cela peut avoir des conséquences à vie pour le patient, mais aussi pour l'ensemble de la société.

Introduction

De nombreux enfants portent l’étiquette d’allergie médicamenteuse et cela peut avoir des conséquences à vie pour le patient, mais aussi pour l’ensemble de la société : un choix limité de traitements, potentiellement moins efficaces ou favorisant le développement de résistances, sans compter un impact économique plus élevé. Cependant, la plupart des enfants tolèrent en fait le médicament en cause lorsqu’ils sont réexposés lors d’un test de provocation orale (TPO) et ne sont donc pas allergiques. Le domaine des hypersensibilités médicamenteuses fait l’objet de nombreuses recherches mais des études précises sur leur épidémiologie et sur les outils diagnostiques font encore défaut chez l’enfant. Le TPO reste un moyen diagnostique essentiel chez les enfants présentant des réactions cutanées sans critère de gravité. Ces dernières années, la société européenne d’allergologie et d’immunologie clinique a publié des recommandations pour le diagnostic et la prise en charge des réactions d’hypersensibilité les plus fréquentes chez les enfants, que sont les réactions aux bétalactamines, aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), aux antiépileptiques et aux vaccins. C’est ce que nous proposons d’aborder dans cet aperçu.

Définition et classification

Un effet indésirable médicamenteux (EIM) a été défini comme suit par l’OMS : une réaction nocive et non voulue à un médicament, se produisant aux doses normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou pour modifier une fonction physiologique1).

Les EIM sont généralement classés en 2 types : les réactions de type A et les réactions de type B (voir figure 1). Les réactions de type A sont dose-dépendantes et sont la conséquence prévisible d’un effet pharmacologique connu du médicament, comme par exemple la diarrhée lors de la prise de co-amoxicilline. Environ 80% des réactions chez l’enfant entrent dans cette catégorie. Les réactions de type B sont moins fréquentes, indépendantes de la dose, non prévisibles et non expliquées par l’action pharmacologique du médicament2).

Figure 1. Modifié d’après Park et al. (Park & Suh, 2020)

Les hypersensibilités médicamenteuses (HM) appartiennent aux réactions de type B et ressemblent cliniquement à des réactions allergiques. Les allergies médicamenteuses (AM) sont quant à elles des HM pour lesquelles un mécanisme immunologique défini a pu être démontré. Cliniquement, on distingue les réactions immédiates, survenant dans les 1 à 6 premières heures après la prise du médicament, des réactions non-immédiates, qui peuvent se manifester à tout moment après la première heure suivant la prise initiale. Les allergies aux médicaments sont classées selon Gell et Coombs en type I (anticorps IgE spécifiques aux médicaments), type II (réaction cytotoxique due aux anticorps IgG spécifiques aux médicaments), type III (réactions dues à des complexes immuns) et type IV (réactions tardives médiées par les défenses cellulaires) (figure 2).

Figure 2. Réactions d’hypersensitivité, modifié d’après Villani et al. et Baminikar (Bamanikar, 2016; P. Villani et al., 2018 )

Les études épidémiologiques pour les EIM, HM et AM sont rares et ne distinguent généralement pas les réactions de type A et de type B. La prévalence des EIM auto-déclarés est plus rare chez les enfants que chez les adultes, allant de 2,9% à 16,8%3-5).

Après évaluation diagnostique, la proportion d’AM confirmées se situe entre 0,11 et 4%6-8).

Les médicaments le plus souvent à l’origine d’EIM reflètent également ceux les plus fréquemment utilisés en pédiatrie : les antibiotiques (en particulier l’amoxicilline), les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS, paracétamol et ibuprofène), les antiépileptiques et les vaccins.

Manifestations cliniques

Chez les enfants, la peau est l’organe-cible le plus fréquemment rapporté, suivi par les troubles gastro-intestinaux6, 7, 9-12). Les exanthèmes maculopapuleux et les urticaires représentent les plus fréquentes des manifestations cutanées mais on observe également des angioedèmes ou des exanthèmes médicamenteux fixes12-14). Les symptômes gastro-intestinaux incluent les nausées, vomissements, la diarrhée ou la constipation. Les symptômes respiratoires isolés se manifestent surtout lors de l’utilisation d’AINS, mais peuvent également se présenter lors de réactions anaphylactiques qui restent néanmoins rares. La littérature décrit qu’environ 5-25% des anaphylaxies sont induites par des AM, particulièrement chez les enfants plus âgés, les AINS étant les plus fréquemment responsables de ces réactions15, 16). D’autres symptômes tels que céphalées, léthargie, toux, palpitations et arthrites sont également rapportés (tableau 2).

Tableau 2. Critères de gravité lors de l’évaluation d’une allergie aux bétalactamines (BL)

Les allergies cutanées graves de type retardées  (toxidermies graves) sont des réactions plus rares mais potentiellement mortelles et incluent la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG), le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse avec éosinophilie et symptômes systématiques (DRESS), le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la nécrolyse épidermique toxique (NET)17-19).

Une association HLA, en particulier HLA-A*02:01, HLA-A*24:02 et A*51.01, a été décrite dans une population iranienne et a montré un risque accru d’effets secondaires cutanés graves. La pathogenèse n’est pas encore élucidée mais on suppose une activation des cellules T cytotoxiques17-19). La présentation clinique peut être très variable mais la plupart de ces tableaux cliniques se caractérise par un temps de latence prolongé entre la prise du médicament et l’apparition des premiers symptômes. Il atteint environ 3 semaines pour le DRESS et 4 à 6 jours pour le SJS/TEN. L’atteinte de la surface cutanée est la plus importante en cas de DRESS mais les muqueuses sont généralement épargnées et la guérison se fait sans cicatrisation. Chez les patients SJS et TEN, la surface touchée est moins importante (jusqu’à 30% dans la TEN) mais les muqueuses sont le plus souvent impliquées. L’approche thérapeutique se base sur l’éviction du médicament causal, la mise en place de traitements de soutien et sur l’instauration rapide d’un traitement anti-inflammatoire à base de corticostéroïdes.

Médications en cause les plus fréquentes pour une allergie médicamenteuse

Les causes les plus fréquentes d’AM chez les enfants sont les bétalactamines, les AINS et les vaccins.

Dans la prochaine section, ces 3 groupes seront abordés séparément ainsi que le sujet actuel des réactions aux vaccins anti-COVID.

Antibiotiques béta-lactames

Les antibiotiques de la famille des BL sont constitués de deux classes principales que sont les pénicillines et les céphalosporines. Ils partagent la particularité de posséder un anneau bétalactame au niveau de leur structure moléculaire, qui est à l’origine de leur activité antimicrobienne. Sur ce noyau sont disposées des chaînes latérales, principalement responsables des réactions d’ordre allergique.

Ils font partie des traitements antibiotiques les plus largement prescrits en pédiatrie, notamment l’amoxicilline qui représente environ 2/3 des prescriptions en ambulatoire20). De par leur fréquente utilisation, ils sont également à l’origine de la plus haute prévalence d’hypersensibilité médicamenteuse (HM) dans cette population. En pédiatrie ambulatoire, la prévalence auto-déclarée d’allergie aux BL chez l’enfant varie de 1.7 à 5.2 %, la plus fréquemment rapportée étant l’amoxicilline21). La fréquence des allergies avérées est cependant bien plus faible avec des estimations allant de 0.11 à 4%6-8). De nombreux enfants considérés à tort comme allergiques sont ainsi soumis à des évictions médicamenteuses inutiles et parfois délétères, ce qui souligne l’importance d’une évaluation allergologique approfondie.

La présentation clinique des HM est très variable, pouvant aller d’une éruption maculopapuleuse ou d’une urticaire d’apparition tardive à des manifestations potentiellement fatales telles que l’anaphylaxie ou des allergies cutanés graves de type retardées  (toxidermie grave). La plupart des réactions restent cependant bénignes, se limitant à une éruption cutanée isolée, sans signe de gravité (tableau 1).

Tableau 1. Manifestations cliniques et médicaments en cause, modifié d’après: Drug allergy in Children – What should we know? ) (Park & Suh, 2020)

L’approche diagnostique se fonde sur les mêmes principes que ceux appliqués chez l’adulte. Elle débute ainsi toujours par une anamnèse détaillée, l’exécution d’un bilan cutané ou de tests in vitro (si disponibles) puis l’exécution d’un TPO lorsqu’il est indiqué en vue d’un diagnostic définitif (Figure 3).

Figure 3. Algorithme de prise en charge des enfants avec suspicion d’allergie aux bétalactamines (BL).

Dans la pratique, il existe cependant quelques particularités pédiatriques ; les facteurs de risque, comorbidités et diagnostics différentiels sont en effet très différents en fonction de l’âge. Les infections virales et bactériennes avec exanthèmes, principaux diagnostics différentiels de l’HM,
sont en effets beaucoup plus fréquents chez les jeunes enfants. De plus, les tests cutanés, en particulier les IDT, sont douloureux et plus difficiles à exécuter dans cette population.

Lors de l’évaluation diagnostique, il convient de distinguer les réactions immédiates qui surviennent généralement dans l’heure suivant la dernière prise, des réactions retardées dont le délai d’apparition varie d’une heure à plusieurs jours (max 72h).

Réactions immédiates

Les réactions immédiates sont rares, en particulier chez l’enfant15). Leur diagnostic repose essentiellement sur l’exécution d’un bilan cutané à lecture immédiate (notamment les IDR). En cas de bilan négatif, un TPO en milieu hospitalier représente le gold-standard en vue d’un diagnostic définitif. En cas d’antécédents sévères ou lorsque les tests cutanés sont contre-indiqués, un bilan in-vitro par dosage des IgE spécifiques22) ou par test d’activation des basophiles23) peut constituer une étape intermédiaire et ainsi limiter le recours aux TPO24).

Réactions non-immédiates

La plupart des réactions non-immédiates sont caractérisées par un exanthème maculopapuleux ou une urticaire d’apparition tardive. En absence de signe de gravité, le diagnostic repose sur un TPO sans recours à un bilan cutané préalable. Divers protocoles de provocation ont été proposés sur une période d’exposition allant de 1 à 10 jours, sans consensus quant au protocole optimal. Compte tenu du fait que la durée du protocole de provocation n’a pas d’incidence significative sur sa valeur prédictive négative, un test de provocation en une seule dose semble suffisant pour le diagnostic d’une allergie aux BL chez l’enfant, et permet de réduire la durée d’exposition aux antibiotiques25).

Dans le cas de réactions plus sévères, un bilan cutané (IDR et patch) reste requis, avec une lecture retardée à 48-72h. Le TPO n’est alors effectué qu’en cas de bilan cutané négatif.

La présence d’une histoire compatible avec une toxidermie grave conduit généralement à l’éviction médicamenteuse stricte. En cas d’incertitude diagnostique, un bilan cutané peut dans de rares situations être proposé après une évaluation allergologique spécialisée.

AINS

L’utilisation des AINS est largement répandue en pédiatrie pour le traitement des douleurs, de la fièvre ou comme anti-inflammatoire26-28).

La prévalence d’HM aux AINS est de l’ordre de 0,6% à 5,7% dans la population générale et est estimée à environ 0,5% chez les enfants29) (M. I. Kidon & See, 2004). Les AINS semblent cependant plus souvent responsables de réactions graves, y compris anaphylactiques15, 30, 31).

L’HM aux AINS est généralement classée en 2 grands groupes, qui se distinguent par leur présentation clinique, la présence ou non d’une réactivité croisée entre diverses molécules ainsi que par le mécanisme de la réaction, sa chronologie et la présence de maladies sous-jacentes (voir figure 4).

Selon la prise de position de l’EAACI en 2018, les enfants de moins de 10 ans semblent présenter principalement des réactions à médiation non-immunologique, avec une réactivité croisée élevée (c’est-à-dire que plusieurs COX-1 inhibiteurs sont concernés), qui sont souvent renforcées par des cofacteurs tels que l’activité physique ou les infections32). Chez les enfants de plus de 10 ans, les réactions semblent être similaires à celles de l’adulte.

Selon les dernières recommandations, les TPO représentent le gold-standard du diagnostic d’une hypersensibilité non-allergique aux AINS (HM-AINS) chez les enfants. Pour la prise en charge, un diagnostic et une classification précises sont requis et une médication alternative doit être proposée. Comme il s’agit le plus souvent de formes à réactivité croisée chez les enfants de moins de 10 ans, des TPO avec des alternatives thérapeutiques sont souvent nécessaire. Les inhibiteurs sélectifs de la COX-2, comme le célécoxib, peuvent être utilisés à partir d’un poids corporel de 25 kg, même s’ils ne sont pas validés dans cette tranche d’âge.

Figure 4. Hypersensitivités aux NSAID, modifié d’après Kidon et al., 2018

Vaccination

La vaccination est l’un des outils médicaux les plus efficaces et les moins coûteux pour prévenir les maladies infectieuses. Les effets indésirables dus aux vaccins peuvent également être classés en réactions allergiques (médiées ou non par les IgE) et non allergiques, ces dernières étant fréquentes et comprenant principalement de la fièvre et des douleurs au site d’injection33).

Les réactions allergiques aux vaccins sont rares et le risque d’anaphylaxie post-vaccinale est estimé à 1,31 pour 1 million de doses34).

Les allergènes potentiels sont le plus fréquemment des additifs ou des substances qui se retrouvent dans le vaccin suite à une contamination lors du processus de fabrication. Les antigènes microbiens sont plus rarement à l’origine d’une réaction.

Les désinfectants utilisés avant la vaccination, le latex contenu par exemple dans le bouchon de l’ampoule, les conservateurs comme le formaldéhyde ou les stabilisants comme la gélatine ou le polysorbate peuvent entraîner des réactions de type immédiat mais également une dermatite de contact35).

La protéine d’œuf de poule est l’allergène le plus couramment utilisé dans le processus de fabrication des vaccins et représente un risque potentiel pour les patients allergiques à cette protéine. Les vaccins les plus courants contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), la rage, l’encéphalite à tique (produits dans des cultures cellulaires de fibroblastes de poulet) et les vaccins contre la grippe (produits dans des œufs de poule incubés) en contiennent néanmoins des quantités infimes et ne constituent ainsi pas une contre-indication à la vaccination. Les patients allergiques aux protéines d’œufs de poule peuvent donc être inoculés avec ces vaccins sans précaution particulière36, 37).

Des quantités plus importantes de protéines d’œufs de poule peuvent être retrouvées dans les vaccins contre la fièvre jaune (0,13-0,61ug/ml, produits dans des œufs de poule incubés). Une vaccination fractionnée (10% puis 90%) constitue une méthode sûre pour administrer un tel vaccin chez ces patients38).

Les réactions allergiques post-vaccinales peuvent se présenter sous forme de réactions locales y compris sévères, de réactions de type immédiat (≤4 heures) ou de réactions tardives. Les réactions locales importantes, les réactions immédiates légères (grade I) ou les réactions tardives ne constituent pas une contre-indication à la poursuite de la vaccination. Chez les patients ayant présenté des réactions immédiates surtout les plus sévères (grade II-IV), des investigations allergologiques plus approfondies sont indiquées, un bilan peut également être discutée en cas de réaction légères. Elles incluent un bilan cutané pour le vaccin et ses composants, et le cas échéant, un dosage des IgE spécifiques pour les adjuvants (gélatine, latex, chlorhexidine, ovalbumine) et la détermination des anticorps vaccinaux. Si une vaccination supplémentaire est indiquée, une vaccination fractionnée (en 2 à 6 étapes) peut être effectuée sous surveillance avec des soins d’urgence appropriés39).

On a pu craindre d’autre part que la vaccination puisse provoquer des allergies. Différentes études se sont penchées sur cette hypothèse et Ankermann et al. les résume de manière claire. Il n’existe aucune preuve que les vaccins provoquent une dermatite atopique, une rhinoconjonctivite allergique ou de l’asthme. Les enfants atopiques peuvent donc être vaccinés de la même manière que les enfants non atopiques35).

Sujet d’actualité : Réactions vaccinales à l’ARNm (vaccins ARNm SARS-CoV2)

Les vaccins à ARNm COVID-19 constituent un moyen d’action important dans la lutte contre la pandémie actuelle. Chez les adultes, jusqu’à 2,2% de réactions allergiques sont survenues après l’injection de la première dose de vaccin ARNm, mais les réactions allergiques sévères sont restées rares40).

Depuis janvier 2022, le vaccin BNT162b2 Covid-19 (Comirnaty de BioNTech/Pfizer) est autorisé en Suisse chez les enfants de 5 à 11 ans. Aucune réaction allergique grave n’a été observée au cours de l’étude de sécurité. Sur un total de 2268 sujets, 4 ont développé un exanthème non compliqué potentiellement causé par le vaccin.

Les mécanismes immunologiques évoqués sont des réactions IgE-médiées à des composants tels que le polyéthylène glycol (PEG), des réactions non IgE-médiées au PEG ou une activation des mastocytes médiée par les nanoparticules lipidiques (LNP) ou le complément41).

Les réactions allergiques sévères restent à ce jour une contre-indication à la poursuite de la vaccination par ARNm chez l’enfant. Conformément à la procédure en cas de réactions allergiques sévères, les patients ayant présenté un antécédent de réaction de grade II-IV après une vaccination par ARNm Covid-19 doivent faire l’objet d’une évaluation allergologique approfondie. Une vaccination fractionnée (en 2-5 étapes) a été proposée avec un bon profil de sécurité chez l’adulte40-43).

Diagnostic

Le diagnostic d’une AM se fonde sur une anamnèse détaillée et un bilan allergologique diagnostique correspondant.

Anamnèse

L’anamnèse approfondie et l’examen physique sont des outils essentiels pour le diagnostic d’une AM. L’histoire médicale chez l’enfant est généralement basée sur les déclarations des parents ou des soignants, qui donnent parfois des descriptions subjectives ou exagérées. Un autre problème récurrent vient de l’imprécision des données rapportées en lien avec le délai entre la réaction et la première évaluation allergologique. Les informations suivantes sont importantes dans l’évaluation d’une AM :

  • Nom exact du médicament
  • Lien temporel entre la prise du médicament et l’apparition des symptômes
  • Nature des symptômes, y compris documentation photographique en cas de manifestations cutanées.
  • Facteurs de gravité : atteinte des muqueuses, guérison avec cicatrices, desquamation, fièvre, arthrite.
  • Durée des symptômes
  • Thérapies reçues et tolérées après la réaction
  • Des symptômes similaires sont-ils apparus même sans prise de médicaments ?
  • Maladies sous-jacentes ?

Si l’on soupçonne une AM, le bilan allergologique doit idéalement être effectué environ 4 à 6 semaines après la régression complète des symptômes.

Tests cutanés

Les tests cutanés pour l’AM comprennent les prick-tests cutanés (PT), les tests intradermiques (IDR) et les patch-tests13). Les PT et IDR permettent de diagnostiquer avec une bonne fiabilité les réactions IgE-médiées chez l’adulte et l’adolescent, mais leur valeur diagnostique chez l’enfant est limitée, avec une sensibilité d’environ 50% et une valeur prédictive positive de 36%12, 44-47). Les lectures tardives des IDR (après 48-72h) et la réalisation de tests épicutanés peuvent aider à identifier les réactions retardées et les EIM cutanés sévères. Néanmoins, selon les recommandations actuelles, un bilan cutané négatif n’est pas suffisant pour exclure une AM chez les enfants12, 45, 48). Il est aujourd’hui admis de renoncer aux IDR lors de réactions tardives non-compliquées, en raison de leur faible sensibilité chez l’enfant et de la difficulté de réalisation en lien avec une procédure douloureuse. On recourt dans ce cas à un test de provocation oral, sans recours à un bilan cutané préalable13, 49).

Test in vitro

Les seuls tests in-vitro disponibles en routine diagnostique pour l’HM sont le dosage des IgE spécifiques (ImmunoCAP, ThermoFisher, Uppsala, Suède), qui ne sont toutefois disponibles que pour quelques médicaments, comme l’amoxicilline, le céfaclor, les pénicillines G et V. On y recourt en cas de réactions immédiates à médiation IgE, lorsque plusieurs médicaments sont potentiellement incriminés ou lorsque la réalisation de tests cutanés est contre-indiquée en raison de réactions sévères. Chez les adultes, il est également possible de réaliser un test d’activation des basophiles. Cependant, l’un comme l’autre ont une faible sensibilité (0-50% pour les IgE spécifiques, 22-55% pour la BAT en ce qui concerne les bétalactamines), combinée à une spécificité élevée. Les tests de stimulation lymphocytaire (LTT) peuvent également être considérés ; chez l’adulte, ils présentent une sensibilité et une spécificité élevée (58-88%). Le moment de la réalisation des LTT est toujours discuté, avec une sensibilité plus élevée dans les premières semaines après la réaction (max. 3 mois après la réaction)50). Cette technique est toutefois limitée par le fait qu’elle nécessite environ 50 ml de sang et que le test ne peut pas être réalisé sous corticothérapie. 

Test de provocation oral

Les tests de provocation orale (TPO) sont aujourd’hui le gold-standard pour confirmer ou exclure une HM en cas de réactions non-compliquées, le plus souvent cutanées. Différents protocoles ont été proposés chez les enfants : dose unique, doses croissantes ou encore tests de provocation sur plusieurs jours. A ce jour, il n’existe pas de protocole standardisé. La société européenne d’allergologie et d’immunologie clinique propose le protocole suivant : 1ère dose 10% d’une dose unique (adaptée au poids et à l’âge), suivie d’une dose à 50% puis 100%13). En cas de réactions sévères, la 1ère dose peut être adaptée entre 1:1000 et 1:10.000 de la dose thérapeutique. Les contre-indications aux tests de provocation sont une infection aiguë, un asthme insuffisamment contrôlé ou une maladie sous-jacente susceptible d’entraîner des réactions plus sévères ainsi que des réactions graves mettant la vie en danger (anaphylaxie, resp. effets secondaires cutanés graves). Les tests de provocation doivent être effectués sous surveillance médicale par un personnel expérimenté.

Conclusion

Les hypersensibilités médicamenteuses sont fréquemment suspectées en pédiatrie et concernent principalement les antibiotiques de la famille des bétalactamines, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ainsi que les vaccins. Le diagnostic d’allergie médicamenteuse est souvent retenu par excès, essentiellement par crainte d’une réaction anaphylactique sévère. La plupart des enfants concernés pourraient cependant être réexposés au médicament incriminé sans risque accru de réaction indésirable. Un bilan allergologique complet devrait donc être réalisé dans un délai raisonnable afin d’éviter des évictions médicamenteuses inutiles et souvent délétères.

Abbreviations utilsées

EIM – effet indésirable médicamenteux
HM – hypersensibilités médicamenteuses
AM – allergies médicamenteuses
TPO – test de provocation orale
DRESS – Drug reaction associated with eosinophils and systemic symptoms
AGEP – acute generalized exanthematous Pustulosis
SSS – syndrome de Stevens-Johnson
NET – nécrolyse épidermique toxique
BL – betalactam
LTT – test de stimulation lymphocytaire
BAT – test d’activation des basophiles
IDR – tests intradermiques
PT – Prick-test
EEACI – Association européene pour les allergies et l’immunologie clinique
NSAID – anti-inflammatoire non stéroïdien
NERD – NSAID’s exacerbated airway disease
NECD – NSAID’s exacerbated cutaneous disease
NIUA – NSAID-s induced urticaria/Angioedema

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Informations complémentaires

Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteurs n'ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr. med.   Felicitas Bellutti Enders Abteilung für Allergologie und klinische Immunologie, UKBB, Universitäts-Kinderspital beider Basel, Basel, Schweiz

Dr. med.  Michèle Roth Unité d’allergologie pédiatrique, UKBB, Hôpital universitaire des enfants, Bâle

Dr. med.  Samuel Roethlisberger Allergologue pédiatre, Centre médical Gland, Vaud