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Répercussions du confinement sur le psychisme et l’utilisation des médias en pédopsychiatrie

La pandémie Covid-19 a confronté toutes les familles à des défis sans précédent: suite à l’interdiction de contacts et l’absence d’alternatives de loisirs, les médias numériques ont pris une plus grande importance que jamais. Les enfants et adolescents avec des troubles psychiques préexistants étaient particulièrement affectés par les effets de la pandémie et la crainte était grande que précisément dans une population à risque de consommation de drogues ou de comportements dysfonctionnels, se manifeste une surconsommation problématique d’internet.

Effets du confinement Covid-19 sur la santé psychique des enfants et adolescents

Bien que l’infection avec Sars-Cov-2 représente un risque sanitaire relativement faible pour les enfants et adolescents, il s’est avéré que la pandémie a pesé lourdement sur leur psychisme. Les restrictions importantes (e.a. fermeture des centres de formation, prise en charge, sport et loisirs, limitation ou interdiction de contacts) les ont empêchés de vaquer à leurs activités quotidiennes habituelles. Cela a eu des répercussions directes sur le vécu psychosocial et émotionnel des enfants et adolescents.

Les mesures prises et les conséquences de la pandémie notamment sur les enfants, variaient au niveau international. Un confinement total avec interruption de l’enseignement en présentiel pour tous les types d’école n’a eu lieu – à ce jour – en Suisse qu’au printemps 2020. C’était différent dans de nombreux pays en Europe, où la deuxième vague de la pandémie était accompagnée, depuis l’automne 2020, de la fermeture des écoles et d’un confinement strict pendant des mois. Dans d’autres pays, surtout en Amérique du sud et centrale, de mars 2020 à mars 2021 aucun enseignement n’avait parfois lieu. À tous étaient par contre communes l’isolation sociale physique pendant le temps libre, la concentration sur la famille nucléaire, souvent à l’étroit, ainsi que le manque d’activité suite à la fermeture des lieux de sport et loisirs ou au couvre-feu.

De nombreuses études décrivent jusqu’ici les répercussions dues aux conséquences du premier confinement au printemps 2020. Elles montrent une augmentation tant de troubles du comportement externalisés (excitabilité, irritabilité, hyperactivité et agressivité) qu’internalisés (stress émotionnel, inattention, tristesse, troubles du sommeil). Surtout les jeunes enfants se souciaient d’une possible infection avec Sars-Cov-2 par des membres de la famille, et manifestaient des signes d’inquiétude et de peur de la séparation. Les adolescents devaient affronter des soucis et incertitudes concernant leur avenir académique et personnel, et manifestaient plus souvent des symptômes dépressifs.

Plus généralement enfants et adolescents faisaient part d’une qualité de vie nettement dégradée, de pression psychologique plus intense et d’angoisses. Les enfants et adolescents aux conditions socioéconomiques défavorables, aux parents avec un niveau de formation moindre ainsi qu’issus de la migration étaient particulièrement affectés, car bénéficiant de moins de soutien et de stimulation dans le cadre familial1). Notamment dans les familles soumises à une pression sociale plus forte, p.ex. suite à la perte du travail, la violence envers les enfants a augmenté.

Répercussions du confinement sur les enfants et adolescents avec des maladies psychiques préexistantes

Les répercussions du confinement sur les enfants et adolescents avec des troubles psychiques préexistants étaient variés. En présence de certaines maladies l’effet de la pandémie a probablement été particulièrement intense: les enfants avec des troubles obsessionnels compulsifs ou des peurs hypochondriaques étaient soumis, dans cette situation de pandémie et en raison de signes comme la peur de contamination et l’exploration du corps, à un stress particulier. Notamment des enfants plus jeunes avec des troubles émotionnels réagissaient plus fortement à la menace de maladie ou de mort à laquelle faisaient face des membres de la famille. Dépression et angoisses ont été renforcées par la pandémie1). Les enfants et adolescents avec un TDA-H ou des troubles de l’apprentissage ont particulièrement de la peine à organiser eux-mêmes leur travail ou à suivre une leçon en ligne; des périodes prolongées sans leçons en présentiel occasionnent alors des retards plus importants dans leur apprentissage. Chez les plus petits enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, l’absence d’une prise en charge spécialisée et les changements de la routine quotidienne ont pu occasionner des régressions et une accentuation des troubles du comportement.

Alors que la plupart des parents faisaient part d’une aggravation des symptômes psychopathologiques ou d’une situation stable, il y a eu aussi des améliorations, surtout pendant le premier confinement. Une étude canadienne a constaté 2-4 mois après le début du confinement, dans environ 16% des cas une amélioration des symptômes dépressifs chez des adolescents avec des maladies psychiques préexistantes, pas de changement dans 52% et une aggravation dans 35% des cas (appréciation parentale). L’auto-appréciation des adolescents révèle une amélioration légèrement plus fréquente (20%) mais aussi une aggravation plus fréquente (47%). Les parents mentionnaient souvent aussi une intensification de l’irritabilité et des troubles de l’attention. Une enquête française, faite pendant le premier confinement auprès de parents d’enfants avec un TDA-H, a constaté chez un tiers une amélioration, chez un tiers une aggravation, et chez le troisième tiers pas de changement du comportement et du bien-être. Les symptômes du TDA-H étaient moins pesants lorsque les conditions de vie étaient favorables (jardin, suffisamment d’espace)2). Pendant le confinement les adolescents avec un trouble du spectre autistique constataient plutôt une amélioration de leurs symptômes qu’une aggravation. Il est possible que la distanciation sociale forcée et l’absence d’enseignement présentiel apportait plutôt un soulagement à certains enfants et adolescents avec une maladie psychique préexistante.

Il est certainement pertinent de différencier entre signes en lien avec le confinement du printemps 2020 et les rapports concernant des périodes ultérieures de la pandémie. Davantage que pendant le premier confinement, pendant la deuxième vague de la pandémie dès l’automne 2020/hiver 2021, le nombre de consultations dans les services d’urgences de pédopsychiatrie a nettement augmenté en Suisse. Pendant le dernier trimestre 2020 la Clinique universitaire de pédopsychiatrie et psychothérapie de Zurich a enregistré une augmentation de 50%, augmentation qui s’est encore accentuée pendant le premier trimestre 2021.

Dans une enquête britannique en janvier/février 2021 auprès d’adolescents et jeunes adultes (13 à 25 ans), 75% ont répondu avoir vécu plus difficilement la situation actuelle que le premier confinement; 44% ont même trouvé la situation nettement plus difficile3). 67% craignent des effets négatifs à long terme de la pandémie sur leur santé psychique, 79% s’attendaient néanmoins à une amélioration de leurs problèmes psychiques après la suspension des restrictions.

Utilisation de médias avant et pendant la pandémie par des enfants et adolescents sans maladies psychiques préexistantes

La limite entre utilisation adaptative et maladaptative des médias n’est pas nette – pas seulement en temps de pandémie. Faire précocement la différence entre utilisation saine et problématique voire pathologique des médias représente un défi pour les parents et les professionnels de la santé. En effet les recommandations des instances pédopsychiatriques à propos de l’utilisation des médias numériques et les données sur la consommation réelle par les enfants et adolescents divergent sensiblement (tabl.1).

Les données les plus récentes sur la consommation moyenne des médias numériques par les adolescents (12-19 ans) en Suisse ont été recueillies en ligne sur la base d’auto-déclarations en mai/juin 2020, donc au moment d’un assouplissement progressif du confinement4). A été déclarée une utilisation moyenne d’internet de 2 h 44 min. les jours ouvrables et de 3 h 59 min. le week-end, et l’utilisation du téléphone portable de 3 h 47 min. la semaine et de 5 h 16 min. le week-end. Une situation socioéconomique moins aisée et un arrière-plan migratoire étaient associés à une utilisation plus longue. Les filles utilisaient plus le portable, alors que les garçons jouaient plus aux jeux vidéo (93% vs 54%). Il est difficile de dire dans quelle mesure la pandémie a influencé les résultats de l’étude, censée répondre aussi à des questions longitudinales; on peut néanmoins constater une certaine, quoique discrète augmentation depuis l’enquête de 2018 (la semaine: internet 2 h 30 min., portable 3 h 18 min.).

Tableau 1. Comparaison entre recommandations pédopsychiatriques et l’utilisation des médias numériques en Suisse (avant la pandémie).

Une augmentation beaucoup plus massive du temps passé en ligne est rapportée par une étude allemande, dont le but explicite était de saisir la modification de l’utilisation des médias numériques et d’internet par des enfants et adolescents (10-17 ans) pendant le confinement du printemps 2020, comparé à septembre 2019. Il s’avère que la semaine pendant le confinement, l’augmentation du temps passé par les enfants et adolescents avec des jeux vidéo était de 75% et avec les médias sociaux de 66%9). Plus souvent qu’avant le confinement a été mentionné que l’utilisation des médias était motivée par le souhait de garder le contact: les filles l’exprimaient par rapport aux médias sociaux, les garçons par rapport aux jeux (les garçons jouent plus souvent entre eux que les filles). Une augmentation particulièrement marquée a eu lieu chez les jeunes dont la consommation était à risque ou pathologique déjà avant la pandémie. En 2019 un comportement à risque a été constaté chez 10% des jeunes de 10-17 ans concernant les jeux et chez 8.2% concernant les médias sociaux, une consommation pathologique de jeux chez 2.5% et des médias sociaux chez 3.2%. 

Malgré cela l’augmentation de l’utilisation des médias pendant la pandémie ne doit pas être considérée négative en soi. Les recommandations de l’OMS publiées récemment, appellent les enfants et adolescents a maintenir les contacts en temps de pandémie à travers les forums numériques (sous supervision des parents). Par ailleurs non seulement l’enseignement était maintenu, là où les conditions le permettaient, sous forme virtuelle, mais aussi de plus en plus de consultations ont eu lieu par télépsychiatrie. Dans de nombreuses familles les médias numériques ont été considérés comme un moyen adéquat pour surmonter les restrictions dues à Covid-19, afin de maintenir les contacts, échapper à l’ennui et soulager le stress. Pendant le confinement les enfants et les adolescents ont utilisé les médias numériques pour gérer leur humeur (e.a. distraction, surmonter l’ennui et la frustration, fuite de la réalité), à des fins d’information ou comme moyen de communication avec des pairs. Cela a inévitablement engendré une augmentation de la consommation, avec les risques que cela comporte. Par ailleurs les parents aussi ont utilisé les médias pour occuper les enfants pendant leurs heures de télétravail.

Définition de l’utilisation problématique d’internet

Le terme utilisation problématique d’internet ou des médias numériques, aussi «usage problématique d’internet (UPI)», (de l’anglais «problematic use of the internet, PUI»), est employé en tant que terme générique pour des comportements dysfonctionnels dans l’internet ou dans l’utilisation des médias numériques, et qui mènent à des problèmes dans le fonctionnement quotidien, par exemple dans les relations avec les amis, la famille, l’école ou la formation. Parmi les comportements problématiques on compte la consommation excessive de jeux (aussi consoles et pas seulement en ligne) et l’utilisation excessive des différents offres disponibles sur internet, pouvant avoir un caractère addictif, comme les médias sociaux, les vidéos ou clips, le shopping en ligne, la cyberpornographie. Existent en outre des comportements problématiques ou à risque comme le cypermobbing, le cybergrooming (contacts non souhaités avec un enfant par un adulte avec des intentions sexuelles), ou le sexting (envoi d’images osées de sa personne sur demande), ayant des répercussions potentiellement néfastes sur la santé psychique10).

Il n’existe actuellement pas de définition et de nomenclature généralement acceptées et on trouve dans la littérature de nombreux termes, comme «dépendance aux médias», «trouble de dépendance à internet (TDI)», «dépendance aux ordinateurs», «cyberaddiction», «cyberdépendance», «addiction aux jeux d’ordinateur», «netaholisme». La pionnière dans ce domaine, Kimberly Young, a suggéré déjà très tôt que l’UPI est un trouble à part entière dans le sens d’une addiction. Elle s’est appuyée pour les critères concernant l’usage problématique d’internet sur les critères DSM-IV du jeu pathologique («dépendance au jeu») et a inclus un large éventail de comportements et problèmes de contrôle des impulsions (chat, jeu excessif, recherche compulsive d’informations et création de banques de données, utilisation excessive de sites de cybersexe)11).

L’UPI et les troubles de dépendance à des substances montrent des traits communs, comme la perte de contrôle, les signes de manque, le développement de tolérance, les effets négatifs sur les relations sociales, l’école, le travail et les performances. Jusqu’ici n’a été inclue dans le DSM-5 en tant que diagnostic clinique uniquement l’addiction aux jeux vidéo en ligne («Internet gaming disorder, IGD»)12), dont les critères s’orientent aux troubles de dépendance aux substances. Dans l’ICD-11 le «gaming disorder» est retenu en tant que dépendance avec des critères moins sévères comparé au IGD13). «Hazardous gaming» est également une catégorie de l’ICD-11, attribué aux risques de santé. La limitation aux jeux dans la définition actuelle des troubles inhérents à internet a souvent été critiquée9). Les indications sur la prévalence du comportement problématique sur internet, se référant généralement au jeu pathologique, varient beaucoup d’une étude épidémiologique à l’autre: entre 0.21% dans les pays européens jusqu’à 57% dans des pays asiatiques.

Tableau 2. Comparaison des critères diagnostiques de « Internet Gaming Disorder » (Addiction aux jeux internet), Gaming Disorder  (Addiction aux jeux vidéo) et Hazardous Gaming (Jeux à risque).

Utilisation problématique d’internet par des enfants et adolescents avec des troubles psychopathologiques

Des études de populations suggèrent que l’utilisation problématique des médias exerce un effet négatif sur la santé psychique. Peu analysé est le lien précis entre utilisation problématique d’internet et troubles psychiques pendant l’enfance et l’adolescence. De manière générale les études montrent que l’UPI, ou des sous-types d’UPI, sont plus fréquents chez les patients avec des troubles psychopathologiques que dans la population générale. Bien qu’il ne soit pas clair s’il existe une dépendance à internet «pure» ou si l’UPI se développe sur la base d’un trouble psychiatrique sous-jacent, l’UPI présente une forte comorbidité avec d’autres troubles psychiatriques10).

On peut s’imaginer au moins trois mécanismes possibles:

1. L’UPI et certains troubles psychopathologiques ont la même cause et partagent certaines caractéristiques, l’apparition de l’un des troubles étant donc associé à un risque élevé de développer l’autre trouble. On trouve p.ex. souvent un UPI, surtout le jeu problématique, chez des enfants et adolescents avec un contrôle des impulsions perturbé et une dégradation du circuit de la récompense, p.ex. dans le cadre d’un TDA-H ou plus généralement de troubles externalisés. Des troubles obsessionnels peuvent également être associés à un UPI.

2. Certains comportements propres à l’UPI semblent être la conséquence ou une tentative maladaptative de solution d’un problème psychique, p.ex. l’évitement de contacts directs par des patients atteints de phobie sociale ou autistes. On postule donc un taux élevé d’UPI lors de troubles du spectre autistique et de troubles anxieux. On peut p.ex. nouer des contacts en ligne qui ne seraient pas possibles, en raison des compétences sociales limitées, dans la vie présentielle. Avec une faible estime de soi il est par ailleurs facile dans le Web de se cacher derrière un ego virtuel.

3. D’autres troubles semblent s’accentuer suite à l’utilisation excessive/à risque des médias, comme les troubles alimentaires ou les dépressions; d’autres encore peuvent apparaître nouvellement, p.ex. des problèmes suite au manque de sommeil, des troubles de l’attention, des performances et de l’apprentissage, l’obésité, des céphalées. Le cybermobbing touche souvent des personnes marginales ou issues d’une minorité sexuelle ou autre et peut favoriser l’apparition de troubles psychiques voire accentuer le risque suicidaire.

Utilisation des médias numériques pendant le confinement par des enfants et adolescents avec des maladies psychiques– enquête auprès de patients du KJPP Zurich

Afin d’analyser comment le confinement se répercute en Suisse sur l’utilisation des médias et le bien-être des enfants et des adolescents avec des troubles psychopathologiques, au début de l’été 2020 la Clinique universitaire de pédopsychiatrie et psychothérapie de Zurich (KJPP) a mené une enquête en ligne auprès de parents14). Ont été questionnés les parents de patients âgés de 10 à 18 ans qui avaient débuté, au courant des deux dernières années, un traitement dans un des huit centres ambulatoires de la KJPP ou dans le centre spécialisé pour l’autisme. L’enquête était anonyme et les patients resp. leurs parents étaient invités à participer par e-mail. Il s’agit d’un échantillonnage sans prétention de représentativité. En raison du moyen de recrutement (accès à internet prérequis et questionnaire en allemand) et des données démographiques, on suppose que les familles aux conditions socioéconomiques modestes sont sous-représentées. L’enquête a eu lieu essentiellement en juin 2020, à un moment où des restrictions étaient encore en vigueur mais la plupart des écoles ouvertes.

L’enquête s’est concentrée sur deux points:

1. Questions touchant à la consommation de médias et au comportement de navigation problématique sur internet. Nous nous appuyons sur une formule de questions concernant la consommation problématique de médias et internet développée dans notre clinique pour le dépistage de routine en pédopsychiatrie.

2. Questions sur l’état général et émotionnel et les symptômes comportementaux pendant le confinement. Pour ce faire on a eu recours, dans le cadre d’un projet coopératif européen, à un questionnaire supplémentaire (CRISIS) (Coghill et al., non publié). L’enquête étant entièrement anonyme, toutes les indications démographiques et concernant les troubles basent sur les réponses des parents.

Parmi les 447 réponses de parents, environ un tiers se référaient à des patients avec des troubles internalisés (dépression et anxiété), un tiers à des patients avec des trouble externalisés (TDA-H et agressivité), un tiers finalement à d’autres troubles (troubles du spectre autistique, psychose, dysphorie de genre, troubles alimentaires, troubles obsessionnels compulsifs et d’autres). Le jeu excessif n’a été mentionné comme cause de consultation au KJPP que pour trois patients. La plupart des parents (41%) a indiqué que le confinement n’a pas influencé le trouble de leur enfant et qu’il n’y a pas eu de changement du problème psychopathologique principal pendant cette période; 21% ont indiqué une aggravation et 38% une amélioration. L’amélioration a été la plus fréquente (44%) parmi les patients avec un trouble internalisé. Cela correspond à d’autres études qui rapportent que pour une partie des patients avec des peurs et des problèmes sociaux, le confinement a été un soulagement.

La consommation de médias (portable, ordinateur, tablette, console et télévision) a augmenté de 59% pendant le confinement. Pour les garçons il s’agissait surtout de temps passé à jouer, pour les filles de temps sur les réseaux sociaux. Globalement les adolescents ont passé nettement plus de temps avec des médias que les enfants plus jeunes. Un lien entre temps accordé aux médias et l’aggravation de leur trouble a été observé pour les enfants, mais pas pour les adolescents. En ne considérant pas le groupe entier, mais uniquement les enfants et adolescents avec un TDA-H, on constate pour les deux une corrélation entre temps accordé aux médias et une diminution de la faculté de concentration et une plus forte irritabilité15).

Certains parents ont fait part de plus de soucis pendant le confinement à cause de comportements évoquant une addiction, comme des réactions de colère et agressives lorsqu’ils limitaient le temps d’accès aux médias. Cela témoigne de la plus grande importance que les médias numériques avaient pendant cette période pour les enfants et adolescents, mais peut-être aussi de l’attention grandissante que les parents portaient à l’utilisation que leurs enfants faisaient des médias. Pendant le confinement les parents n’ont pratiquement pas constaté de changement concernant les comportements problématiques ou à risque avec les médias numériques, comme la gestion insouciante des données ou le cybermobbing. À la question si pendant le confinement ils avaient modifié les règles – pour autant qu’il en existait dans la famille – et accordé plus de temps pour les médias à leur enfant, la réponse a été positive de la part d’une large majorité de parents, négative que pour 18%. Environ 20% ont par ailleurs répondu que leur enfant décidait seul de l’utilisation des médias.

Résumé et perspective

Pour les enfants et adolescents la pandémie Covid-19 et le confinement du printemps 2020 a été une période de détresse psychique, apparemment assortie d’une augmentation de troubles psychiques. Les enfants et adolescents avec des maladies psychiques préexistantes ont été en principe touchés plus fortement. On trouve néanmoins parmi eux un sous-groupe pour qui le retrait social forcé a représenté un soulagement et une réduction du stress.

La plupart des études mettent en évidence une augmentation en général massive de la consommation des médias pendant le confinement par les enfants et adolescents, avec ou sans maladies psychiques préexistantes. On peut partir du principe que cette consommation des médias était en partie conditionnée par la situation particulière de pandémie, l’utilisation pathologique s’étant manifestée surtout chez les enfants et adolescents vulnérables. Dans quelle mesure des enfants et adolescents ont été atteints durablement par la pandémie – concernant des troubles psychopathologiques et le comportement vis-à-vis des médias –, ne se laisse actuellement pas préciser aveec certitude et devra être analysé par des études longitudinales.

Remerciements

Les auteures remercient le réseau européen sur les utilisations problématiques de l’Internet de l’action COST CA16207 (Coopération européenne en science et technologie) pour leur soutien et la collaboration.

Références

  1. Ravens-Sieberer U, Kaman A, Erhart M, Devine J, Schlack R, and Otto C. Impact of the COVID-19 pandemic on quality of life and mental health in children and adolescents in Germany. European child & adolescent psychiatry.2021;1-11.
  2. Bobo E, Lin L, Acquaviva E, Caci H, Franc N, Gamon L, et al. How do children and adolescents with Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) experience lockdown during the COVID-19 outbreak? L’encephale. 2020;46(3S):S85-S92.
  3. YoungMinds. Coronavirus: Impact on young people with mental health needs. 2021
  4. Bernath J, Suter L, Waller G, Külling C, Willemse I, and Süss D. JAMES: Jugend, Aktivitäten, Medien–Erhebung Schweiz. 2020.
  5. Paschke K, Thomasius R, Holtmann M, Klein M, Melchers P, Schimansky G et al. Medienkonsum bei Kindern und Jugendlichen–Positionspapier der Gemeinsamen Suchtkommission der kinder-und jugendpsychiatrischen Fachgesellschaft und Verbände (DGKJP, BAG KJPP, BKJPP). Suchttherapie 2019;20: S14-02.
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  7. Süss D, Waller G, Suter L, Bernath J, Külling C, Willemse et al. Ergebnisbericht zur MIKE-Studie 2019. MIKE. 2019.
  8. Suter L, Waller G, Bernath J, Külling C, Willemse I, and Süss D. JAMES: Jugend, Aktivitäten, Medien-Erhebung Schweiz. 2018.
  9. DAK-Studie. DAK-Studie: Gaming, Social-Media & Corona. https://www.dak.de/dak/gesundheit/dak-studie-gaming-social-media-und-corona-2295548.html. 2020.
  10. Fineberg NA, Demetrovics Z, Stein DJ, Ioannidis K, Potenza MN, Grunblatt E, et al. Manifesto for a European research network into Problematic Usage of the Internet. Eur Neuropsychopharmacol. 2018;28:1232-46.
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  12. APA (American Psychological Association). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM-5). 2013.
  13. WHO (World Health Organization). 6C51 Gaming disorder. ICD-11 Beta Draft. 2018. https://icd.who.int/dev11/l-m/en#/http://id.who.int/icd/entity/1448597234 (Retrieved April 7, 2018).
  14. Werling AM, Walitza S, Grünblatt E, Drechsler R. eingereicht. Media use before, during and after COVID-19 lockdown in a clinically referred sample in child and adolescent psychiatry: Results of an online survey in Switzerland.
  15. Werling AM, Walitza S, Drechsler R. Impact of the COVID-19 lockdown on screen media use in patients referred for ADHD to child and adolescent psychiatry. An introduction to problematic use of the internet in ADHD and results of a survey. Journal of Neutransmission. 2021. DOI 10.1007/s00702-021-02332-0

Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteures n'ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr. med.  Anna Maria Werling Klinik für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie, Psychiatrische Universitätsklinik Zürich, Universität Zürich

Prof. Dr. med.  Susanne Walitza Klinik für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie, Psychiatrische Universitätsklinik Zürich, Universität Zürich & Zentrum für Neurowissenschaften Zürich, Universität und ETH Zürich

Prof. Dr. phil.  Renate Drechsler Klinik für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie, Psychiatrische Universitätsklinik Zürich, Universität Zürich