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Interface entre pédopsychiatrie et pédiatrie – illustré par le concept bâlois du traitement interdisciplinaire des troubles fonctionnels de la défécation

Les troubles de la défécation sont une cause fréquente de consultation en pédiatrie. Par ce terme on entend toutes les difficultés à éliminer la nourriture ne pouvant être expliquées par des causes organiques ou biochimiques uniquement. Des troubles typiques de ce spectre sont la constipation chronique, les douleurs à la défécation, les lésions péri-anales ou des selles de gros calibre. Peuvent aussi se manifester une perte d’appétit, des douleurs abdominales récidivantes, une encoprésie ou énurésie. Chez les enfants avec des troubles fonctionnels de la défécation apparaissent souvent des symptômes secondaires sous forme de troubles du comportement tels un comportement oppositionnel ou agressif, mais aussi anxieux, dépressif ou de retrait relationnel.

Troubles fonctionnels de la défécation – critères diagnostiques (Conférence Rome IV).

La constipation fonctionnelle se définit par au moins deux des symptômes suivants, présents au moins une fois par semaine depuis au moins un mois:
1. Deux ou moins défécations par semaine
2. Au moins un épisode d’incontinence fécale par semaine, en ayant atteint un âge développemental de 4 ans
3. Manœuvres de rétention
4. Défécation douloureuse ou selles dures
5. Masses de selles dans le rectum, le côlon sigmoïde ou l’abdomen
6. Émission occasionnelle de selles volumineuses
7. Absence de critères de côlon irritable.

Nous parlons de rétention fonctionnelle lorsque pendant au moins 12 semaines n’ont lieu que deux ou moins émissions de selles volumineuses par semaine, et si l’enfant âgé de 2 à 16 ans tente volontairement de retarder la défécation par contraction du plancher pelvien.

Par incontinence fécale fonctionnelle ou encoprésie on entend l’émission volontaire ou involontaire de selles par un enfant d’un âge développemental de 4 ans ou plus, à des endroits non prévus par l’entourage socioculturel de l’enfant. Ne doivent pas exister des phénomènes inflammatoires, anatomiques, métaboliques ou néoplasiques pouvant expliquer les symptômes de l’enfant. Les symptômes doivent durer depuis au moins deux mois.

D’après la classification internationale Rome IV de la gastroentérologie pédiatrique1,2), on distingue entre constipation fonctionnelle (avec ou sans encoprésie) et incontinence fécale sans rétention. La constipation est par conséquent définie en tant que diagnostic global, avec ou sans incontinence de selles. D’autre part il y a aussi des enfants souffrant d’encoprésie sans être constipés.

À propos de la constipation fonctionnelle il faut remarquer qu’elle ne se laisse pas diagnostiquer uniquement par la rareté des selles, certains enfants pouvant retenir les selles tout en déféquant quotidiennement. D’autres symptômes comme les douleurs abdominales, les douleurs en déféquant, l’encoprésie ou souillure, ou l’inappétence sont donc significatifs pour le diagnostic.

Les troubles fonctionnels de la défécation peuvent perturber considérablement le développement, la relation parents-enfant ou les contacts sociaux de l’enfant, avec des répercussions négatives sur sa qualité de vie3,4). Il est donc d’une importance capitale de mettre en route des mesures thérapeutiques le plus tôt possible, interdisciplinaires, comprenant une approche tant somatique que psychothérapeutique.

Vignette clinique 1: Felix (6 ans)

Felix nous est adressé par le médecin de famille pour investigation d’une constipation avec incontinence par débordement. Toutes les investigations entreprises jusqu’ici n’ont révélé aucune origine somatique pour ces symptômes. Le traitement par émollients n’a apporté aucune amélioration. Les parents envoient leur fils régulièrement aux toilettes, mais il n’y émet pas de selles. On constate régulièrement de l’encoprésie et des souillures. Pour cette raison Felix porte des langes. Il souffre de son encoprésie, ce qui se manifeste par une forte tension physique et des tendances au retrait relationnel. Il craint et aimerait à tout prix éviter des «accidents» notamment à l’école enfantine. Les parents désespèrent aussi, la situation ne s’étant pas améliorée malgré des années de traitement. L’encoprésie génère des conflits entre père et fils, le père supposant de plus en plus que son fils émet des selles volontairement dans les culottes.

Vignette clinique 2: Hanna (8 ans)

Hanna présente depuis des années une encoprésie. Elle a suivi un traitement dans une clinique de jour pédopsychiatrique suite à son exclusion de l’école enfantine. Dans ce contexte on a entrepris avec la fillette un entraînement aux toilettes, qui n’a pas été poursuivi de manière cohérente après le retour au domicile où la mère, qui souffre de dépressions récidivantes, élève seule sa fille. Après une nouvelle hospitalisation de la mère dans une clinique psychiatrique, l’encoprésie s’est encore agravée, avec des pertes de selles jusqu’à huit fois par jour. La patiente est alors adressée à la consultation spécialisée pour les troubles de l’élimination de la Clinique pédopsychiatrique universitaire. L’anamnèse donnée par la maman révèle qu’à la maison Hanna a un comportement très contrôlant et oppositionnel. Les conflits deviennent de plus en plus fréquents et elle n’arrive plus à faire face à sa fille. Celle-ci disjoncte parfois et agresse sa maman physiquement. Les lessives fréquentes mais aussi les sous-vêtements souillés cachés, avec les odeurs qui s’ensuivent, l’épuisent. L’école aussi lui met la pression, l’encoprésie devenant là-aussi insupportable.

 Physiopathologie des troubles fonctionnels de la défécation

Les données concernant l’origine des troubles fonctionnels de la défécation pendant l’enfance sont à ce jour insatisfaisantes. Du point de vue psychosocial la défécation est associée au calme et à l’absence de danger. Le stress, les contraintes du quotidien, les peurs et dangers peuvent influencer la motilité intestinale et donc modifier ou entraver l’élimination des selles5-7). Pratiquement cela se manifeste souvent par une constipation pour le moins passagère. Par ailleurs on suppose aussi une prédisposition génétique à la constipation. Des analyses métaboliques et endocriniennes ont p.ex. mis en évidence que les enfants avec un trouble fonctionnel de l’élimination ont une vidange gastrique et une motilité du grêle ralentis, ce qui entraîne une motilité réduite du colon8). À l’aide de la manométrie a été constatée chez ces enfants une pression élevée et un trouble de la coordination du sphincter. Des examens neurophysiologiques ont montré que le système nerveux central contribue également à cette pathologie, sa pertinence clinique n’étant néanmoins pas claire. On constate chez les enfants avec des troubles fonctionnels de la défécation souvent des situations familiales compliquées avec séparation des parents, une maladie psychique d’un ou des deux parents, des parents peu disponibles, des structures familiales chaotiques ou des relations dysfonctionnelles entre parents et enfant. Un élément important dans l’origine des troubles fonctionnels de la défécation semble donc être le manque de calme et de sécurité ainsi que d’une structure familiale stable et de liens sûrs. Ces constatations et d’autres indiquent que les troubles fonctionnels de la défécation ne sont ni un trouble isolé de la fonction intestinale ni du psychisme, mais qu’il s’agit plutôt d’une imbrication de phénomènes somatiques et psychosociaux. Il faut donc considérer les troubles fonctionnels de la défécation comme un processus multifactoriel, où jouent un rôle des facteurs psychiques tout autant que somatiques.

Comme présenté dans la figure 1, les troubles fonctionnels de la défécation sont pendant l’enfance souvent la conséquence d’une constipation aiguë traitée insuffisamment, avec des douleurs lors de l’émission des selles.

De tels épisodes de constipation se produisent souvent au cours des premières quatre années de vie. On suppose que le moment de l’éducation à la propreté est une phase critique pour l’apparition des troubles fonctionnels de la défécation; dans ce contexte peut s’installer une «lutte» entre enfant et parents, pouvant favoriser le développement d’une constipation9).

Des manœuvres de rétention resp. la rétention des selles engendre une accumulation de selles dans le côlon terminal, qui vont durcir. Lorsqu’elles seront expulsées cela engendrera à nouveau des douleurs. S’installe ainsi un cercle vicieux de selles dures, rétention et douleurs. L’accumulation de selles dans le rectum et le colon sigmoïde provoque une dilatation qui diminue la sensibilité pour le besoin d’évacuer les selles et l’activité d’expulsion; de ce fait les selles durcissent encore plus. Plus souvent et plus longtemps les selles sont retenues, plus l’émission devient difficile. Un rectum chroniquement dilaté, avec un tonus rectal diminué et des contractions rectales réduites, ralentit encore plus l’évacuation des selles10). Voskuijl et al.11) ont en outre constaté que les enfants avec une constipation chronique ont une élasticité accrue du rectum. Cela signifie que des quantités de selles plus volumineuses sont nécessaires pour déclencher le besoin d’aller à selle. Ce cercle vicieux peut ensuite être à l’origine d’une encoprésie (figure 1).

Figure 1: Cercle vicieux de la constipation fonctionnelle.

L’encoprésie ou l’incontinence fécale sont souvent associées à d’autres troubles du comportement12,13). Longtemps a été soutenue la thèse que ces troubles du comportement étaient responsables de l’encoprésie. Aujourd’hui on admet plutôt que l’encoprésie n’est pas forcément due à des troubles psychiatriques14). Plusieurs études ont démontré qu’un traitement efficace de l’encoprésie diminue les troubles du comportement et améliore la qualité de vie ainsi que les compétences sociales de ces enfants15,16). Ces études soulignent la thèse que l’encoprésie contribue de manière significative à l’apparition des troubles du comportement. Par conséquent on devrait traiter, lors d’une encoprésie et de troubles du comportement associés, dans un premier temps les troubles fonctionnels de la défécation.

Démarche thérapeutique

Afin d’exclure une cause somatique de la constipation on recommande au pédiatre praticien de procéder, chez les enfants sans troubles neurologiques, à une investigation de base avec dosage des hormones thyroïdiennes et dépistage de la cœliakie. Ces analyses sont indiquées aussi lorsqu’un traitement avec des émollients est nécessaire pendant plus de deux mois. En cas de suspicion d’une maladie de Hirschsprung, l’enfant devrait être adressé au gastroentérologue ou au chirurgien pédiatre.

À Bâle les enfants avec des troubles fonctionnels de la défécation sont investigués et pris en charge par une équipe interdisciplinaire et interprofessionnelle. L’avantage d’une telle consultation est la disponibilité des différents spécialistes (gastroentérologie, psychologie, diététique, soins, chirurgie, pathologie etc.). De cette façon l’approche diagnostique et le traitement nécessaire seront mis en œuvre conjointement en fonction du trouble/de la problématique/de la cause.

D’après le concept thérapeutique interdisciplinaire bâlois la prise en charge de tous les enfants consiste en 4 phases:
1. Phase de motivation,
2. Désimpaction initiale des masses de selles dans l’intestin,
3. Entraînement aux toilettes par thérapie comportementale pour favoriser l’émission régulière et éviter la rétention des selles,
4. Prophylaxie comportementale et médicamenteuse des rechutes de la constipation.

Phase de motivation

Cette phase du traitement comporte en premier lieu la transmission des connaissances, à clarifier la motivation et à planifier les étapes thérapeutiques. Au début du traitement devrait toujours avoir lieu une psychoéducation détaillée de l’enfant et de la famille sur le tractus intestinal et les fonctions d’évacuation. On utilise le modèle du cercle vicieux de la constipation fonctionnelle en version simplifiée et adaptée à l’enfant (fig. 2A). À partir de ce modèle on discute la suite du traitement avec la famille. Il est décisif à ce stade d’expliquer clairement à l’enfant et aux parents l’importance de paramètres comportementaux (habitudes alimentaires et hydratation, activité physique, routines quotidiennes etc.). La culpabilisation de la part des parents doit être évoquée et si nécessaire discutée. Le fait de considérer l’encoprésie comme étant un acte volontaire et agressif de la part de l’enfant a souvent une influence très négative sur la relation parents-enfant. On transmettra aux parents la notion que l’enfant ne les provoque pas et ne s’oppose pas sciemment à leur souhait qu’il devienne propre, mais que le phénomène s’explique par un ensemble de facteurs somatiques et comportementaux.

Les reproches des parents à l’adresse de l’enfant et les échecs répétés de contrôler la défécation peuvent exercer une pression psychique importante sur l’enfant et aboutir à une réaction dépressive-abattue ou anxieuse ainsi qu’un manque de conviction concernant le contrôle de la défécation. Dans le cadre du travail de motivation, il est donc nécessaire que les thérapeutes réveillent l’espoir et cette conviction. En externalisant le problème (p.ex. avec «Kaki-Monstre», fig. 2B) le symptôme est séparé de l’enfant, il est ainsi plus facile pour l’enfant et les parents de l’affronter. Cette technique thérapeutique se base sur les expériences du thérapeute de famille australien Michael White17). D’après son approche il est plus facile pour les enfants de travailler à la résolution d’un problème si on ne les considère pas comme un «enfant mal élevé» mais qu’on nomme «polisson» le problème.

Figure 2A. Exemples de matériel pour informer et motiver.
A: Cercle vicieux adapté à l’enfant;
Figure 2B: Kaki-Monstre pour externaliser le problème.

Dans le cadre du travail de motivation il faut soumettre à un examen critique la motivation personnelle de l’enfant. Il est tout aussi décisif d’exposer aux parents leur responsabilité dans le contexte du traitement.

Désimpaction et traitement d’entretien

À la suite de la phase de motivation il faut vider complètement l’intestin. La phase d’entretien avec des émollients fécaux doit ensuite être maintenue pendant plusieurs mois afin d’éviter une rechute avec nouvelle accumulation de selles dans le rectum, et garantir autant que possible une normalisation durable des habitudes de défécation.

La vidange initiale devrait se faire en priorité par voie orale avec du polyéthylène glycol (PEG, Macrogol) 1.5 g/kg pendant au moins 4 jours. Dès que les selles sont ramollies on peut ajouter un stimulant (p.ex. Bisacodyl, séné etc.). l’objectif est de vider entièrement l’intestin, ce qui se manifeste par des selles liquides très claires15,16). Des effets indésirables possibles sont des flatulences et de discrètes douleurs abdominales. Lorsque l’engorgement fécal est important, les selles doivent être ramollies par voie rectale, au moyen de préparations osmotiques (Microlax®: sorbitol citrate) ou d’un lavement (10-15 ml/kg). Dans de rares cas s’avère nécessaire une évacuation manuelle sous narcose.

Pour le traitement d’entretien dans le cadre de la prise en charge interdisciplinaire, sont indiqués des laxatifs oraux à long terme en combinaison avec l’entraînement aux toilettes par thérapie comportementale. Pendant l’enfance on préfère les laxatifs osmotiques. Le médicament de choix est le PEG, un laxatif osmotique formé d’un long polymère linéaire, non résorbable et non métabolisé, qui lie les molécules d’eau. On recommande de commencer avec une dose prudente (p.ex. 0.2 g/kg/jour en 2 doses), d’augmenter si nécessaire ou diminuer si les selles deviennent liquides, la dose recommandée étant de 0.2-0.8 g/kg/jour25). Des études montrent qu’environ 60% des enfants peuvent interrompre le traitement avec les émollients après 8-12 mois de prise régulière27).

Entraînement aux toilettes par thérapie comportementale

Des méta-analyses concernant l’efficacité de différentes approches thérapeutiques ont mis en évidence que la thérapie comportementale et notamment l’apprentissage à la propreté représentent l’élément décisif du traitement des troubles fonctionnels de la défécation18-20). Dans le cadre du concept bâlois, l’entraînement aux toilettes se déroule en trois étapes, la troisième n’étant destinée qu’aux enfants avec une incontinence. Les objectifs poursuivis dans chaque étape sont différents et récompensés par des incitateurs différents (tabl. 1). Pendant la première étape p.ex. est au premier plan la compliance de l’enfant. Il est donc récompensé exclusivement pour le fait d’aller régulièrement aux toilettes, indépendamment du fait que la séance ait été un «succès». Surtout les petits enfants peuvent aussi être récompensés de manière tactile, p.ex. avec un jeton.

Dans la deuxième étape l’accent est mis sur l’émission régulière de selles dans les toilettes et seulement dans la troisième sur le «ne plus souiller».

Tableau 1. Aperçu des étapes de l’entraînement aux toilettes.

La structure de base de l’entraînement aux toilettes est la même pour les trois étapes. Les enfants sont incités à se rendre aux toilettes de manière autonome trois fois par jour après les repas et de s’y installer décontractés pendant 10 minutes, les pieds ayant contact avec le sol, même s’il n’y a pas émission de selles. Ce comportement est noté par les parents ou les soignants dans un agenda et renforcé positivement. Les séances aux toilettes devraient être préparées le plus positivement possible: les enfants ont le droit le lire un livre ou une bande dessinée, d’écouter une histoire, de chanter ou de dessiner. Les médias numériques sont par contre déconseillés, car ils ont plutôt tendance à augmenter la tension musculaire et vont donc à l’encontre de la relaxation souhaitée.

Comme décrit dans le chapitre physiopathologie, les troubles fonctionnels de la défécation apparaissent souvent pendant la phase d’éducation à la propreté (entre 3 et 6 ans). Les enfants ne disposant pas à cet âge des compétences nécessaires à la lecture, il est important de traduire tout le matériel thérapeutique dans une langue de signes facilement compréhensible (fig. 3A). La représentation visuelle des règles de traitement et de suivi soutient les efforts thérapeutiques et réduit les conflits entre parents et enfant. En fracturant l’objectif thérapeutique complexe (défécation régulière, pas de souillures) en de nombreux objectifs mineurs, on facilite l’accomplissement de l’objectif final. Lorsque l’enfant réussit à chaque étape le comportement souhaité, il est récompensé par un système de jetons et aussi félicité verbalement (fig. 3). Les succès à leur tour augmentent l’auto-efficacité ainsi que la conviction de pouvoir gérer, ce qui se répercute positivement sur la motivation et la compliance.

L’entraînement aux toilettes

Figure 3A: Exemples de matériel thérapeutique non verbal et système de jetons dans le cadre de l’entraînement aux toilettes.
Figure 3B

Les comportements non souhaités (p.ex. manœuvres de rétention ou encoprésie) devraient être liées de manière conséquente pendant toute la durée du traitement à des conséquences négatives (tabl. 2). Ce point est un élément très important du plan de traitement, l’enfant n’ayant dans la plupart des cas pas dû assumer des conséquences négatives de sa conduite. Le/la psychothérapeute devrait expliquer aux parents qu’un comportement non souhaité ne pourra être réduit que s’il comporte un «coût» pour l’enfant, qu’il aimerait donc éviter à long terme.

Tableau 2. Exemples de conséquences négatives dans le cadre de l’entraînement aux toilettes.

Il faut par contre absolument souligner que le fait de gronder et les punitions qui ne sont pas en relation directe avec le comportement non souhaité (p.ex. interdiction de TV le soir), ne sont pas souhaitables car : a) l’enfant ne peut pas faire le lien entre son manquement et la punition et b) le fait de gronder est aussi une forme d’attention et renforce donc le comportement de l’enfant. De plus les interactions négatives en boucle entre encoprésie et gronder ont une influence très défavorable sur la relation parents-enfant d’une part et l’auto-efficacité de l’enfant et des parents d’autre part.

Interventions complémentaires

Dans le cadre du concept interdisciplinaire bâlois pour la prise en charge des troubles fonctionnels de la défécation les parents, et selon l’âge aussi l’enfant, sont informés sur l’influence de l’alimentation sur la constipation. On décrit aux parents la relation entre alimentation pauvre en fibres et riche en sucres, consommation insuffisante de liquides et faible activité physique (p.ex. en raison d’une surconsommation de médias) et constipation. On prévoit donc des mesures pour améliorer l’alimentation et augmenter l’activité physique, l’établissement de repas à heures fixes, pris en commun par la famille.

Lorsque des comorbidités psychiques (p.ex. troubles anxieux, de l’attention) sont associées aux troubles fonctionnels de la défécation, ils devront bénéficier d’une psychothérapie. L’étude de Mehler-Wex et al.21) montre que le traitement des troubles comorbides est essentiel. À condition que les comorbidités aient été traitées de manière conséquente, les patients avec des troubles psychiques associés n’ont pas évolué défavorablement. Surtout la prise en charge du syndrome hyperkinétique est décisive pour la réussite du traitement.

Suivi et prévention des rechutes

À la suite du traitement intensif (ambulatoire ou en milieu fermé) des contrôles psychothérapeutiques réguliers et des séances de rappel avec la famille devraient avoir lieu pendant trois à six mois, afin de maintenir la motivation de l’enfant et éviter les rechutes22-23).

Indications au traitement

Pour la plupart des enfants avec des troubles fonctionnels de la défécation une prise en charge ambulatoire suffit. Lors d’une évolution chronique, de l’association de troubles psychiques sévères, d’un manque de soutien par l’entourage social et/ou une interaction parents-enfants perturbée, un traitement en milieu fermé peut s’avérer nécessaire. Notamment devant une possible exclusion de l’école (enfantine) l’hospitalisation doit être envisagée sans délai.

Évolution de Felix (6 ans)

En raison de la chronicité et de la sévérité des symptômes, Felix a été admis à la Clinique universitaire pédiatrique en ambulatoire. La désimpaction dura en tout 18 jours. Suite à l’administration de hautes doses de Macrogol le patient a émis des restes de selles dures et aussi de grandes quantités de selles liquides. Cette phase a été psychiquement difficile à supporter pour Felix et sa maman, les deux s’étant attendus à une résolution plus rapide du problème. De plus les selles liquides ont entraîné une incontinence persistante. Des entretiens psychothérapeutiques quotidiens furent nécessaires pour réduire la crainte d’un nouvel échec. En parallèle à la vidange de l’intestin a été débuté l’entraînement aux toilettes. Jusqu’à son entrée à l’hôpital, Felix préférait une alimentation pauvre en fibres. L’équipe de thérapeutes a su le motiver à changer ses habitudes alimentaires. Surtout les premières réussites (l’émission de selles dans les toilettes) ont motivé le patient à s’engager activement à tous les niveaux (entraînement aux toilettes, alimentation, activité physique). Vers la fin de la phase de désimpaction il ressentit pour la première fois le besoin d’aller à selle. Vu l’évolution satisfaisante du patient, la poursuite de l’apprentissage à la propreté s’est faite à domicile. Felix devait noter dans un calendrier soleil-nuages les jours où il était propre. Des séances en ligne hebdomadaires ont eu lieu pour maintenir la motivation et le suivi du traitement. On peut considérer l’évolution comme un succès, Felix ayant réussi à émettre progressivement des selles formées, normales dans les toilettes. Vers la fin du traitement il avait des selles quotidiennes et ne salissait plus ses sous-vêtements.

Évolution de Hanna (8 ans)

Après une phase d’évaluation ambulatoire, Hanna aussi a été admise pour un traitement hospitalier avec sa maman à l’UKBB. Il n’y avait guère de selles dans le colon terminal, la phase de désimpaction a donc été courte (1 jour). Dès le début Hanna a fait preuve d’un comportement oppositionnel. La fillette refusait toute proposition de se rendre aux toilettes, raison pour laquelle a été instaurée une psychothérapie intensive avec elle et sa maman. L’objectif était surtout de faire prendre conscience aux deux de la fonction de l’encoprésie dans le contexte de la relation mère-enfant. Il s’est avéré que Hanna ressentait une grande colère envers sa mère, qui l’abandonnait sans cesse à cause de sa dépression et ne lui était d’aucun soutien. Au cours du traitement Hanna a fait ce dessin (fig. 4), où elle bombarde la maison familiale avec des selles. Dans le cadre d’une relation thérapeutique stable il a finalement été possible d’obtenir une motivation de Hanna pour l’entraînement aux toilettes. La meilleure communication entre mère et fille ainsi que l’application systématique de conséquences négatives se sont avérées favorables. Avec ce soutien thérapeutique au cadre clairement défini, qui impliquait étroitement aussi la maman, Hanna réussit au bout d’une quinzaine de jours à émettre au moins une fois par jour une selle dans les toilettes. L’encoprésie cessa complètement au bout d’un mois. Hanna aussi fut suivie pendant encore 6 mois afin de stabiliser le succès thérapeutique.

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Figure 4. Dessin effectué par Hanna dans le cadre du traitement.

Littérature complémentaire

Bolten und Légeret (paraît fin 2021). Funktionelle Magen-Darmstörungen im Kindes- und Jugendalter – Ein Praxismanual, Berlin/Heidelberg: Springer-Verlag

Références

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En raison de la limitation du nombre de références, toutes les déclarations ne sont pas référencées. Une liste détaillée des références est disponible auprès des auteures. 

Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteures n'ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr. rer. nat.  Margarete Bolten Universitäre Psychiatrische Kliniken Basel, Klinik für Kinder- und Jugendlichen (UPKKJ) & Universitäts-Kinderspital beider Basel (UKBB)

Dr. med.  Corinne Légeret Universitäts-Kinderspital beider Basel (UKBB)