Les porphyries constituent un groupe de troubles du métabolisme dus à des défauts enzymatique de la biosynthèse de l’hème. Comme le montre un recensement récent, elles ne sont pas inconnues en Suisse. La plupart des porphyries sont imputables à un défaut génétique autosomal dominant (fig.1). En général ces défauts génétiques hétérozygotes ne sont à l’origine d’une maladie qu’en association avec des facteurs déclenchants, se manifestant surtout chez le jeune adulte ou plus tard. Durant l’enfance apparaissent plutôt les formes récessives, occasionnant des pathologies plus sévères mais plus rares.
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hémolyse pouvant occasionner, déjà in
utero, une anémie sévère, nécessitant des
transfusions. Dans la période néonatale
précoce on constate une hyperbilirubi-
némie et l’enfant élimine généralement
une urine rouge-brune, due à la présence
massive de porphyrines. L’hyperbilirubi-
némie fait courir à l’enfant le risque d’être
mis sous photothérapie et de contracter
des brûlures sévères (fig.2), pouvant être
mortelles ou alors laissant des cicatrices
étendues et des contractures. En présence
de la triade urine rouge ou foncée, hyper-
bilirubinémie et éventuellement hémolyse,
la photothérapie devrait être évitée jusqu’à
exclusion d’une PEC ou d’une autre forme
de porphyrie néonatale. Le test rapide ou
de dépistage de la porphyrie ne suffit pas
pour le diagnostic ou l’exclusion d’une
porphyrie; l’urine, les érythrocytes et les
selles devraient être examinés par un
laboratoire ayant de l’expérience dans le
diagnostic des porphyries et ayant été
informé de la problématique. On trouve
les laboratoires ayant l’expérience requise
sous www.porphyria-europe.org.
La mesure la plus importante à l’encontre
de ces enfants est la protection contre
la lumière; la lumière du soleil, même à
Introduction
Les porphyries constituent un groupe de
troubles du métabolisme dus à des défauts
enzymatique de la biosynthèse de l’hème.
Comme le montre un recensement récent
1),
elles ne sont pas inconnues en Suisse. La
plupart des porphyries sont imputables à
un défaut génétique autosomal dominant
(fig.1)
2), 3). En général ces défauts génétiques
hétérozygotes ne sont à l’origine d’une
maladie qu’en association avec des fac-
teurs déclenchants, se manifestant surtout
chez le jeune adulte ou plus tard. Durant
l’enfance apparaissent plutôt les formes
récessives, occasionnant des pathologies
plus sévères mais p\ilus rares.
Deux symptômes cardinaux caractérisent
les porphyries, les coliques abdominales et
la photosensibilité de la peau. Les porphy-
ries aiguës se manifestent en premier lieu
par des coliques abdominales dont l’origine
est une lésion neurotoxique. Bien que cette
neurotoxicité ne soit pas entièrement élu-
cidée, il pourrait s’agir de lésions dues à l’acide aminolévulinique ou à un défaut du
produit final, l’hèm\ie.
La photosensibilité des porphyries cuta-
nées est le résultat d’une accumulation de
produits intermédiaires, des porphyrines,
dans la peau. Deux tableaux cliniques sont
possibles. D’une part la formation de bulles,
d’autre part une réaction phototoxique
aiguë accompagnée de douleurs, oedèmes,
pétéchies et lésions cutanées. Cette der-
nière forme est caracteristique pour la
protoporphyrie érythropoïétique, qui est la
porphyrie la plus fréquente durant l’enfance.
Les porphyries seront présentées ici dans
l’ordre de leur âge de manifestation le plus
fréquent.
Porphyries du nouve\.au-né
Les porphyries avec manifestation péri-
natale figurent parmi les plus sévères. La
forme la plus fréquente est la porphyrie
érythropoïétique congénitale (PEC). La
porphyrie hépato-érythropoïétique est
plus rare, mais cliniquement identique.
Les deux formes se caractérisent par une
Porphyries de l’enfant
Elisabeth Minder, ZurichTraduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Figure 2: Nouveau-né avec CEP, urines rouges
et anémie, ayant nécessité une transfusion
intra-utérine. Un «test rapide pour le por-
phyrie» étant négatif. l’hyperbilirubinémie
postnatale a été traitée par photothérapie,
qui a provoqué de grâves brûlures.
Figure 1: Biosynthèse de l’hè\ime et porphyries cor\irespondantes
Biosynthese de l’hè\gme et porphyries correspondantes
SUBST aN CE ENZ yME Ma LaDiE
a
cide aminolévulinique\i ( aLa)
Porphobilinogène (PB
G)
Bilan Hydroxyméthyl
Uroporphyrinogène-
iii
Coproporphyrinogène
Protoporphyrinogène
Protoporphyrine
Hème
ALA-Synthase 1/2
ALA-Déhydratase
Hydroxyméthylbilan\gsynthase
Uroporphyrinogène lll S\gynthase
Uroporphyrinogène-Ddécarboxylase
Coproporphyrinogèneoxydas\ge
Protoporphyrinogèneoxydas\ge
Ferrochélatase Déficit
Hyperactivité anémie sidéro-achrestique
Protop.domin. liée a\iu chrom.X
Déficit en
aLa-
D (Doss)
Porphyrie aiguë interm\iittente
Porphyrie érythropoïetique
congénitale
Porphyria cutanée ta\irdive
Coproporphyrie hérédit\iaire
Porphyrie variegata
Protoporphyrie érythropoïétique
EC
Selles
Urin
E
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qui peut être très intense. Le dos des mains,
le visage (surtout nez et oreilles), souvent
aussi le dos des pieds ainsi que d’autres
parties du corps exposées au soleil sont
principalement touchés. Lors de crises plus
légères, la peau ne change pas d’aspect, les
patients décrivent une sensation de brûlure,
de picotements ou démangeaisons. Lors de
crises plus sévères, la peau enfle, devient
rouge ou livide, des pétéchies et des lésions
cutanées apparaisse\int (fig.3).
Dans l’intervalle l’aspect de la peau est
normal, raison pour laquelle la porphyrie
n’est pas diagnostiquée pendant des années
et les enfants ou leur mère sont taxés de
malades psychiques, leurs troubles étant
jugés peu crédibles. Selon nos enquêtes en
Suisse, la durée moyenne entre premiers
symptômes et diagnostic est de 16 ans
3).
Un intervalle comparable a été constaté
par Wahlin en Suède
4). En cas de PPE on
ne trouve, contrairement aux autres por-
phyries, pas d’augmentation du taux de
porphyrine dans l’urine. Sous le microscope
à fluorescence on observe une brève fluo-
rescence des érythrocytes; la détermination
quantitative de la protoporphyrine dans les
érythrocytes révèle des valeurs fortement
augmentées (> 5 x la limite supérieure de
la norme). Sur le plan thérapeutique, dans
ce cas aussi, la protection contre la lumière
est primordiale, des tissus en coton, fins, à
la texture serrée et aux couleurs sombres
offrant la meilleure protection. La bêtaca-
rotène a été utilisée, mais n’a pas, d’effet
positif prouvé d’après nos recherches systé-
matiques
5). Cette conclusion est corroborée
aussi par le fait que la plupart des patients
avec une PPE arrête le traitement par bêta-
carotène
4), 6). Récemment une amélioration
des symptômes par l’analogue de l’hormone
mélano-stimulante afamélanotide a été dé-
crite, mais les études confirmant cet effet
font encore défaut
7), 8).
Porphyries de l’ado\.lescent
et de l’adulte
C’est l’âge auquel se situe la manifestation
inaugurale des porphyries aiguës, bien que
des manifestations plus précoces aient été
décrites
9). Comme mentionné plus haut,
ces porphyries aiguës se caractérisent par
des crises de douleurs abdominales, sous
forme de coliques localisées généralement
dans la région périombilicale ou épigas-
trique, souvent associées à des nausées,
vomissements et constipation ainsi qu’à
travers une fenêtre et les lampes opéra-
toires sont dangeureuses. À long terme,
ces porphyries néonatales entraînent des
ulcérations cutanées chroniques et des
mutilations sévères, voir très sévères des
doigts, du nez et des oreilles; ces enfants
sont donc généralement traités tôt par une
transplantation de moëlle ou de cellules
souches. Cette mesure permet une guéri-
son complète de la porphyrie érythropoïé-
tique congénitale. Faisant état d’un décès
pour six transplantations, les expériences
publiées sont relativement bonnes. Le
trouble de la synthèse de la porphyrine ne
semble pas provoquer d’autres symptômes
ou séquelles, en dehors de l’anémie hé-
molytique et de l’excès de production de
prophyrine dans la moëlle qui est à l’origine
de la phototoxicité.
La prévalence de la PEC est d’un cas sur
trois millions d’habitants en Grande Bre-
tagne. En Suisse la prévalence est proba-
blement plus élevée, l’auteur ayant connais-
sance d’au moins 6 cas en Suisse. Heu-
reusement deux des personnes atteintes
souffrent d’une forme plus légère qui ne
s’est manifestée qu\i’à un âge avancé.
La porphyrie hépato-érythropoïétique
(PHE), c’est à dire la forme homozygote
de la porphyria cutanea tarda (PCT), est
identique du point de vue clinique et du
traitement. La différence entre les deux ma-
ladies ne s’établit que par voie biochimique
et enzymatique.
a
namnèse familiale: les porteurs hétéro-
zygotes d’une PEC sont sains sur le plan
clinique et biochimique. En cas de PHE
l’anamnèse familiale peut être positive pour
la PCT. La pénétrance clinique de la PCT
étant faible, cet é\ilément manque souv\ient.
Les formes récessives des porphyries ai-
guës, comme le déficit en déhydratase de
l’acide aminolévulinique, la porphyrie ho-
mozygote aiguë intermittente, la porphyrie
variegata homozygote et la coproporphyrie
héréditaire homozygote sont très rares,
seul des cas isolés ayant été décrits. La
plus fréquente est la forme récessive de
la coproporphyrie héréditaire, qui apparaît
aussi sous forme de hardéroporphyrie.
Ces formes très rares peuvent se mani-
fester par une photosensibilité marquée
mais sont souvent accompagnées d’autres
symptômes, notamment de troubles neuro-
logiques ou de la cro\iissance.
Porphyries de l’enf\.ance
La manifestation inaugurale de la protopor-
phyrie érythropoïétique (PPE), la forme de
porphyrie la plus fréquente chez l’enfant, et
de la protoporphyrie dominante liée au chro-
mosome X (XLDPP), cliniquement identique,
se situe dans la petite enfance. Les deux
formes sont caractérisées par une réaction
phototoxique aiguë suite à l’exposition au
soleil. Le symptôme principal est une dou-
leur cutanée, qui apparaît après quelques
minutes aux endroits exposés au soleil et
Figure 3: Réaction phototoxiq\iue chez un patient avec\i PPE
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une tachycardie, hypertension artérielle
et hyponatrémie, en absence de signes in-
flammatoires. Souvent les douleurs ne sont
soulagées que par le\is opiacés.
À l’origine d’une crise de porphyrie aiguë
se trouve généralement un déclencheur:
un médicament contre-indiqué, un stress
(psychique), un excès d’alcool ou un jeûne.
Le sexe féminin est plus souvent touché
que le sexe masculin, probablement en
raison de l’effet po\irphyrinogène de la mo\in-
tée hormonale qui accompagne l’ovulation
et de la progestérone durant la période
prémenstruelle. Par analogie, la cont\iracep-
tion hormonale, à laquelle les jeunes filles
recourent pour la première fois à cet âge,
est un déclencheur possible. D’après notre
expérience, les premiers symptômes se ma-
nifestent plutôt chez l’adulte d’âge moyen
et plus rarement chez l’adulte plus jeune ou
chez l’adolescent. Les fongicides à base de
conazole sont, en Suisse, un déclencheur
relativement fréquen\it.
On peut confirmer le diagnostic de crise
porphyrique aiguë par un taux de porpho-
bilinogène urinaire dépassant de plus de
cinque fois la norme\i durant la crise.
il
faut finalement mentionner que, selon une
étude faite en Suède, les enfants qui ont hé-
rité d’une porphyrie souffrent plus souvent
de douleurs abdominales que leurs frères et
sœurs n’ayant pas hérité de cette maladie
10).
Malgré cela l’élimination de porphyrine ou
de précurseurs de la porphyrine par ces
enfants dans l’urine n’est pas augmentée.
Le consensus des experts dit par contre que
les symptômes de porphyrie sont réguliè-
rement accompagnés d’une surproduction
et d’une excrétion massive de porphyrine
(www.porphyria-europe.org).
Du point de vue thérapeutique on veillera
surtout à éviter les déclencheurs mention-
nés plus haut. Pendant la crise aiguë, l’ad-
ministration intraveineuse de Normosang
®,
3–5 mg/kg une fois toutes les 24 h pendant
4 jours est très efficace. Les perfusions de
glucose ne sont plus utilisées comme seul
traitement, étant de loin moins efficaces – si
tant est – que le Normosang
®. Le traitement
par Normosang ® ne se fait en principe que
chez les patients nécessitant une hospitali-
sation, dans les autres cas le traitement est
symptomatique par a\intalgiques.
Bien qu’il s’agisse d’une maladie auto-
somique dominante, l’anamnèse familiale
n’est pas forcément positive pour la porphy-
rie, la pénétrance clinique des porphyries
aiguës étant relative\iment faible. Une autre forme de porphyrie pouvant se
manifester chez l’enfant, bien que l’âge de
la manifestation inaugurale soit plutôt la
seconde moitié de la vie, est la porphyrie
cutanée tardive (PCT)
9). Cette porphyrie
nécessite également un facteur associé
pour déclencher la symptomatologie. Du-
rant l’enfance, d’après notre expérience,
il peut s’agir d’une hémochromatose ho-
mozygote, alors que chez l’adulte une hé-
mochromatose hétérozygote peut suffir
comme déclencheur. Chez l’enfant on évite
le traitement classique par saignées pour
plutôt prescrire la chloroquine (dose adulte:
2 x 100 mg par semaine).
Résumé
Les porphyries sont relativement rares pen-
dant l’enfance. Il est important de connaître
la porphyrie érythropoïétique congénitale
du nouveau-né et d’éviter la photothérapie.
Durant l’enfance la PEP peut se manifes-
ter, mais souvent n’est pas diagnostiquée
pendant des années; chez l’adolescent et
le jeune adulte il s’agit de reconnaître les
porphyries aiguës qui occasionnent des
douleurs abdominales, notamment suite à la
prise de contraceptifs oraux ou de médica-
ments contre-indiqués en cas de p\norphyrie.
Remerciements
Nous remercions les patients pour les images mises à
notre disposition.
références
V oir texte allemand.
Correspondance
Prof. Dr. E. Minder
Stadtspital Triemli Zürich
Birmensdorferstrasse 497
8063 Zürich
Informations complémentaires
Auteurs
Prof. Dr. med. Elisabeth Minder , Stadtspital Triemli Zürich