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Otite moyenne aiguë – prise en charge moderne

Contribution égale entre Margherita Plebani et Manon Jaboyedoff

Remerciements : Anresis pour les données de résistances bactériennes et Madame Marion Brun pour les figures.

Cas clinique

Emma est une fille de 5 ans en bonne santé habituelle avec des vaccinations à jour chez qui vous avez diagnostiqué une otite moyenne aiguë (OMA) droite. Après 48 heures d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), elle restait fébrile et algique, raison pour laquelle vous avez mis en place une antibiothérapie par amoxicilline à la posologie de 25 mg/kg 2x/jour. Elle revient vous voir 3 jours plus tard car l’état fébrile et l’otalgie persistent. A l’anamnèse, les parents confirment que l’antibiothérapie a été administrée de manière régulière. Emma est en bon état général, fébrile à 38.8°C. L’examen clinique met en évidence un tympan droit bombé, mat et érythémateux. Il n’y a pas de décollement du pavillon auriculaire et la percussion de la mastoïde est indolore. Que proposez-vous ?

Introduction et épidémiologie

L’otite moyenne aigue (OMA) est une infection virale et/ou bactérienne de l’oreille moyenne (OM), le plus souvent associée à une infection des voies respiratoires supérieures (IVRS). Elle se définit comme la présence d’un épanchement rétro-tympanique associé à des signes d’inflammation de l’oreille moyenne et des symptômes d’infection aigue(1).

L’incidence des OMAs a diminué depuis l’introduction de la vaccination contre le pneumocoque (22% de réduction au Royaume-Uni après introduction du Prevenar-7 (PCV7) incluant les 7 sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F, 19% de réduction supplémentaire après le Prevenar-13 (PCV13) incluant en plus les sérotypes 1, 3, 5, 6A, 7F et 19A)(2). Elle reste néanmoins une des causes principales de consultation médicale dans la petite enfance et la première raison de prescription d’antibiotiques en pédiatrie(3). Jusqu’à un enfant sur 4 présente au moins une OMA dans la première année de vie et la proportion passe à 60% à l’âge de 3 ans(4).

Le pic d’incidence de cette pathologie est entre 6 et 24 mois de vie et elle est légèrement plus fréquente chez les garçons. L’incidence est la plus élevée durant les mois d’automne et d’hiver, lorsque que la fréquence d’IVRS est plus importante.

Les principaux facteurs de risque sont l’exposition à la fumée passive, la fréquentation d’une crèche, l’utilisation de la lolette au-delà de 6 mois, un terrain atopique et une anamnèse familiale positive pour cette infection. Les enfants atteints d’une trisomie 21, d’une malformation ORL (par exemple une fente palatine) ou d’une immunodéficience présentent également un risque accru(4). L’allaitement maternel exclusif pendant les 6 premiers mois de vie est reconnu comme un facteur protecteur contre le développement d’OMA jusqu’à 24 mois(5).

Physiopathologie

Pour comprendre la physiopathologie de l’OMA et de ses complications il est important de considérer l’anatomie de l’oreille moyenne et les rapports avec les structures adjacentes. On définit comme OM la portion de l’appareil auditif qui est comprise entre l’oreille externe (conduit auditif et pavillon auriculaire) et l’oreille interne (vestibule, canaux osseux et cochlée). L’OM est séparée de l’oreille externe par la membrane tympanique (MT) et de l’oreille interne par la fenêtre ovale. L‘OM est pneumatisée et contient les trois osselets (marteau, enclume et étrier). Son aération et le drainage des sécrétions se fait par la trompe d’Eustache qui relie sa partie antérieure au rhinopharynx.

L’OMA survient le plus souvent pendant ou au décours d’une IVRS, qui provoque un œdème inflammatoire de la muqueuse du rhinopharynx obstruant la trompe d’Eustache et causant une stagnation des sécrétions au niveau de l’oreille moyenne. Les bactéries potentiellement otopathogènes comme le Streptococcus pneumoniae (SP) qui colonisent le rhinopharynx peuvent donc migrer vers l’oreille moyenne et proliférer dans les sécrétions stagnantes, causant une surinfection bactérienne. Le pus s’accumule alors dans l’OM et il est visible à travers la MT bombée(6). Chez le petit enfant, la trompe d’Eustache est plus courte et plus horizontale, ce qui favorise la translocation des bactéries du rhinopharynx à l’OM, figure 1. De plus cette tranche d’âge est particulièrement susceptible aux IVRS, qui sont à la base de la physiopathologie des OMA.

Figure 1. Spécificités anatomiques pédiatriques
Chez le petit enfant, la trompe d’Eustache est plus courte et plus horizontale, favorisant la translocation des bactéries du rhinopharynx à l’oreille moyenne

Microbiologie

Etant donné que les OMAs surviennent dans la majorité des cas dans un contexte d’IVRS, les virus respiratoires sont souvent retrouvés dans l’épanchement rétro-tympanique, seuls ou en co-infection bactérienne. Les picornavirus (rhinovirus humains – HRV, entérovirus) comptent pour plus de 50% des identifications, suivi du virus respiratoire syncytial (VRS), différents coronavirus humains (HCoV-OC43, -229E, -NL63 –HKU1), influenza, adénovirus, et métapneumovirus humain (hMPV)(6).

L’épidémiologie des OMAs bactériennes a évolué sur les dernières décennies en raison de l’introduction de la vaccination anti-pneumocoque. Historiquement, le SP était le principal pathogène responsable d’OMA. Suite à l’introduction successive du PCV7, puis du PCV13, un remplacement progressif des sérotypes vaccinaux au profit des sérotypes non-vaccinaux a été observé. Actuellement, SP est responsable d’environ 15 à 20% des OMAs et les cas d’infections à Moraxella catarrhalis (MC) (10-15%) et Haemophilus influenzae non-typable (HI) (jusqu’à 60%) ont nettement augmenté(4).

Les infections à SP sont souvent associées à des tableaux cliniques plus sévères (état fébrile élevé, otalgie importante, syndrome inflammatoire) et à un risque accru de complications. La proportion de pneumocoques résistants à la pénicilline varie fortement d’un pays à l’autre. En Suisse 2022 environ 95% des souches isolées étaient sensibles à la pénicilline, 2% seulement sensibles aux hautes doses de pénicilline et 3% résistantes à la pénicilline, figures 2 et 3. Les SP deviennent résistants à la pénicilline en altérant leur protéine de liaison aux pénicillines (PLP), réduisant ainsi l’affinité de l’antibiotique pour sa cible. Ce mécanisme de résistance peut être contourné en administrant des doses plus élevées d’antibiotique. Globalement le taux de résistance aux hautes doses présente une tendance légèrement à la baisse sur les 15 dernières années(7).

Figure 2. Proportion de Streptococcus pneumoniae résistant à la pénicilline et à la ceftriaxone en Suisse (isolats invasifs).
Données anresis.ch
– Ligne bleu clair : Pénicilline
– Ligne violette : Ceftriaxone
Figure 3. Proportion de Streptococcus pneumoniae résistants et avec résistance intermédiaire à la pénicilline (sensible aux hautes doses) en Suisse (isolats invasifs).
Données anresis.ch

Les OMAs à HI sont plus souvent bilatérales, mais moins sévères que celles à pneumocoques, et elles peuvent s’associer à une conjonctivite purulente. En Suisse, les trois quarts environ des souches isolées sont sensibles à l’amoxicilline et environ 90% à la co-amoxicilline à haute dose. Les OMAs à MC sont également moins sévères que celles à pneumocoque, mais ce pathogène produit dans la majorité des cas des β-lactamases nécessitant une antibiothérapie par co-amoxicilline. Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A) est responsable d’entre 1 et 10% des OMAs, il touche surtout les enfants plus grands avec moins de symptômes systémiques et plus de complications locales(8). On identifie plus rarement le Pseudomonas aeruginosa, présent notamment lors d’otites externes concomitantes et d’OMAs récidivantes. Celui-ci doit être évoqué en cas d’otite externe maligne. En cas d’OMA perforée, il convient d’évoquer le Staphylococcus aureus, et très rarement les bactéries gram-négatives comme Escherichia coli lors d’OMA, par exemple chez le nouveau-né.

Manifestations cliniques et diagnostic

Les symptômes plus fréquemment rencontrés dans les OMAs sont l’otalgie, l’hypoacousie, l’otorrhée et l’état fébrile. La fièvre peut être absente dans environ 17% des cas et les symptômes otologiques peuvent ne pas être évidents chez le petit enfant, jusqu’à 25% des cas. Chez les jeunes nourrissons, comme pour d’autres infections bactériennes, les symptômes peuvent être aspécifiques. Certains patients se présentent directement avec des symptômes de complications d’une OMA : décollement du pavillon auriculaire, signes méningés, paralysie faciale, tuméfaction mastoïdienne ou troubles vestibulaires (très rares chez l’enfant).

Le diagnostic d’OMA est clinique. Il repose sur les éléments anamnestiques, parlant en faveur d’une affection aigue, et sur les signes cliniques à l’otoscopie qui incluent, figure 4 :

  • Bombement de la MT avec effacement de la tête du marteau
  • MT blanchâtre ou jaunâtre (en raison du pus retro-tympanique),
  • Liquide rétro-tympanique
  • Perforation tympanique avec otorrée purulente
  • Des phlyctènes peuvent être présentes
Figure 4. Aspects otoscopiques du tympan.

En revanche, une MT érythémateuse reste un signe complètement aspécifique (spécificité 15%) et elle est souvent observée chez les enfants en pleurs ou fébriles avec dans ce cas un érythème typiquement périphérique(9). Une membrane mate et avec un niveau liquidien peut être vu également dans l’otite sécrétoire, dans ce cas la MT est souvent peu ou pas bombée, elle peut aussi être rétractée, et de couleur gris-bleu ou ambre.

L’OMA étant une pathologie fréquente, il est très important de poser le diagnostic correctement, d’une part pour éviter une surexposition aux antibiotiques de l’autre pour ne pas passer à côté d’une autre infection potentiellement sévère(10). Chez les enfants âgés de 2 ans ou plus, en l’absence d’otalgie et ce malgré l’impossibilité à visualiser les tympans, une OMA est improbable. Toutefois, chez tout enfant âgé de moins de 2 ans présentant une fièvre élevée (>39°C pendant plus que 24h-48h) et/ou avec une baisse de l’état général, une OMA devrait être exclue, si nécessaire par une consultation ORL en urgence.

Le diagnostic étiologique est possible uniquement lorsqu’une culture du contenu de l’OM est effectuée, soit en raison d’une perforation spontanée soit par paracentèse. L’association d’une conjonctivite purulente, suivi dans les 3 jours d’une OMA est suggestive d’une infection à HI. Le tableau clinique de myringite (inflammation et bulle de la MT) en revanche n’est pas associé à un pathogène spécifique, et est présent dans environ 5% des OMAs chez les < 2ans. Elle est souvent plus douloureuse qu’une OMA simple, mais le pronostic et les pathogènes sont les mêmes(11).

Evolutions possibles et complications

Complications, figure 5

Figure 5. Coupe anatomique de l’oreille moyenne et complications liées aux OMAs

Mastoïdite
Même si l’incidence a diminué avec une prise en charge adéquate des OMAs, elle reste une complication redoutable notamment chez les enfants de moins de 2 ans et ceux avec des OMAs récurrentes. Il s’agit d’une infection des cellules mastoïdiennes qui se manifeste par une douleur rétroauriculaire, spontanée ou à la palpation, un érythème en regard de la mastoïde et un décollement du pavillon auriculaire (en cas de mastoïdite associée à un abcès sous-périosté). La progression naturelle se fait vers une destruction des septa osseux avec la formation de collections purulentes sous-périostées (périoste mastoïdien peu adhérent chez l’enfant au contraire de l’adulte) ou intra-mastoïdiennes. La seule présence radiologique de liquide dans les cellules mastoïdiennes n’est pas pathognomonique de mastoïdite car il s’agit d’une observation fréquente en cas d’inflammation de l’OM (présente lors d’OMA, d’OMA au décours et d’otite séro-muqueuse). Le diagnostic est clinique mais une imagerie est indiquée dans la plupart des cas pour exclure une extension aux structures adjacentes et guider la prise en charge qui associe habituellement un drainage chirurgical (paracentèse tympanique et mastoïdectomie) et une antibiothérapie intraveineuse.

Paralysie faciale
C’est une complication rare et habituellement réversible, due au fait que le nerf facial passe dans l’oreille moyenne.

Syndrome de Gradenigo 
Il est définit comme l’association d’une OMA (ou antécédent d’OMA dans les deux semaines précédentes) avec une paralysie du nerf abducens (diplopie) et douleur au territoire d’innervation du trijumeau. Elle est due à l’extension de l’infection à l’apex pétreux, on parle aussi d’apicite.

Labyrinthite
L’extension de l’infection au niveau cochléaire et vestibulaire (labyrinthisation) est très rare et est caractérisée par une surdité de perception et une atteinte vestibulaire (vertiges, ataxie, vomissements). Elle peut être associée à une méningite.

Complications intracrâniennes
Les complications intracrâniennes sont rares, mais elles peuvent être sévères et elles doivent être identifiées rapidement. Elles résultent d’une extension locale du processus infectieux et/ou inflammatoire au niveau intracrânien. Les principales sont : méningite, abcès épidural ou cérébral, empyème sous-dural et thrombose des sinus latéral ou caverneux.

Otite moyenne chronique suppurée
Il s’agit d’une complication rare dans les pays où les OMAs sont prise en charge correctement, mais c’est la cause principale de surdité dans les pays à ressources limitées. L’otite chronique perforée avec épisode de suppuration est une complication des OMAs à répétition qui cause à terme une perforation tympanique consolidée qui se surinfecte à intervalle régulier.

Evolutions possibles

Otite séro-muqueuse (ou otite séreuse), figure 4
Elle se définit comme la présence de liquide dans l’OM sans signes d’infection aigue. Elle survient souvent à la suite d’une OMA, mais peut aussi être due à une dysfonction tubaire primaire chez le petit enfant. Cette condition est bénigne à la suite d’une OMA et extrêmement fréquente dans la petite enfance (environ 1 enfant sur 4 avant les 12 mois) mais elle peut devenir chronique quand elle persiste plus que 3 mois(12). Elle peut être objectivée jusqu’à 3 mois plus tard et causer une surdité de transmission avec un possible impact sur le développement langagier de l’enfant. Elle est un facteur de risque d’OMA itérative. La prise en charge, quand nécessaire, est ORL avec pose de drains trans-tympaniques, figure 6.

Figure 6. Drains tympaniques

Myringosclérose et poches de rétraction tympanique
Des OMAs répétées peuvent altérer l’aspect de la MT avec apparition de calcifications bénignes sans conséquence fonctionnelle (myringosclérose). Les otites séro-muqueuses peuvent entraîner une rétraction de la MT, qui peut causer une atteinte auditive.

Cholestéatome acquis
Il s’agit d’une prolifération anormale de cellules épithéliales au niveau de l’OM et de la mastoïde avec un potentiel de destruction des structures anatomiques. Il est rare à l’âge pédiatrique, 5-15/100’000 enfants par an. Il est le résultat de la dysfonction tubaire chronique et non de l’OMA, en lien avec des problèmes de ventilation de l’oreille moyenne et l’avènement de poches de rétraction. La prise en charge est chirurgicale.

Traitement

La majorité des recommandations nationales européennes proposent une approche expectative concernant la prescription d’antibiotiques en cas d’OMA(13). Pourtant, dans les pays à hauts revenus, le diagnostic d’OMA reste la raison la plus fréquente de prescription d’antibiotiques dans la communauté(14).

Indications de traitement

Le traitement de l’OMA a deux objectifs : soulager la douleur et réduire les complications.

La douleur engendrée par l’infection de l’OM et par l’augmentation de la pression rétro-tympanique peut être sévère avec un impact important dans le vécu de la maladie par l’enfant et sa famille. Tous les enfants, traités ou non par antibiotique, doivent recevoir une antalgie adéquate. Cet aspect central doit donc être discuté comme tel avec les parents durant la consultation. En effet, seule une petite proportion des parents pense qu’il est important de donner une antalgie en cas d’OMA, la majorité n’en donnant qu’en cas de douleur apparente(15). De plus, l’antibiothérapie ne réduit la douleur à 2-3 jours que chez un tiers des enfants(16).

L’antibiothérapie permet de réduire la fréquence des perforations tympaniques, et des tympanométries anormales 2-8 semaines après le début du traitement. Toutefois, elle ne réduit pas la fréquence des tympanométries anormales 3 mois après le traitement. Elle n’a aucun impact sur les récurrences d’OMA, et vraisemblablement pas sur les complications sévères(17). Il est important de rappeler que les antibiotiques eux-mêmes peuvent engendrer des complications, notamment vomissements et diarrhées.

Modalités de traitement

Les piliers du traitement de la douleur de l’OMA sont les antalgiques de palier 1, paracétamol et ibuprofène, qui doivent être administrés de manière régulière. Malgré l’absence d’effet anti-inflammatoire du paracétamol, il n’a pas été démontré de différence d’efficacité entre paracétamol et ibuprofène pour le traitement de la douleur en cas d’OMA(18). Une revue Cochrane de 2016 a relevé l’absence de données probantes comparant l’efficacité du paracétamol ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) seuls ou combinés pour le traitement de la douleur des enfants souffrant d’OMA.

L’antibiothérapie systémique de premier choix reste l’amoxicilline (tableau 1 et figure 7), même si la vaccination par PCV13 a modifié l’épidémiologie microbienne des OMAs. En effet, la prévalence d’OMAs dues au SP a baissé tandis que celle dues à HI et MC, deux bactéries potentiellement productrices de β-lactamases, a augmenté(4). Toutefois, HI et MC sont également plus souvent responsables d’OMAs spontanément résolutives comparées au SP. Une étude récente (ère post-vaccination anti-pneumocoque) ayant analysé les échecs de traitement d’OMA en fonction de l’antibiothérapie dans une population américaine de plus d’un million d’enfants a rapporté un taux d’échec et de récurrence d’OMA plus bas lors de traitement par amoxicilline que de traitement par une autre antibiothérapie(19).

En résumé (figure 7), une antibiothérapie n’est prescrite d’emblée que chez l’enfant de moins de 2 ans, ou en cas d’OMA bilatérale ou perforée. Si aucun de ces critères n’est rempli, une antibiothérapie est prescrite uniquement en cas de non-amélioration après 48 heures. Dans tous les cas, l’antibiothérapie prescrite en première intention est l’amoxicilline. La posologie recommandée est de 25 mg/kg 2x/jour, sauf dans les régions à prévalence élevée de SP avec résistance intermédiaire à la pénicilline où la posologie conseillée est de 40 mg/kg 2x/jour. En cas d’échec de traitement, un relais par amoxicilline-acide clavulanique à la posologie de 40 mg/kg d’amoxicilline 2x/j est recommandé(20). La durée d’antibiothérapie recommandée est de 5 jours pour les enfants dès 2 ans. Pour les enfants de moins de 2 ans, celle-ci est de 10 jours, les échecs de traitement étant plus fréquents dans cette population en cas de traitement plus court(21).

Figure 7. Algorithme de prise en charge de l’OMA en pédiatrie
Tableau 1. Traitement des otites moyennes aiguës

Cas particuliers

Echec de traitement de première ligne
On considère un échec de traitement en cas d’aggravation ou de non-amélioration après 48 à 72 heures de traitement antibiotique. Les hypothèses évoquées avant tout sont l’apparition d’une complication (cf. ci-dessus), la non-compliance au traitement prescrit ou encore une antibiothérapie inadéquate ou insuffisamment dosée. En cas d’exclusion des points précités, il convient d’évoquer la résistance intermédiaire du SP à l’amoxicilline ou encore la présence d’une bactérie productrice de β-lactamases. Dans le premier cas, un doublement des doses d’amoxicilline est préconisé, dans le second l’adjonction d’un inhibiteur de β-lactamases (acide clavulanique) est indiquée.

Otites moyennes aigues récurrentes
Elles sont définies par la survenue d’au moins 3 épisodes d’OMAs en 6 mois, ou au moins 4 épisodes en 12 mois dont au moins un dans les 6 mois précédents. Jusqu’à récemment, il était fréquent d’envisager la pose de drains tympaniques en cas d’OMAs récurrentes. Un essai clinique randomisé récemment publié ayant comparé la mise en place de drains tympaniques ou la prise en charge médicale des OMAs récurrentes chez les enfant de 6 mois à 3 ans n’a pas montré de différence en terme de nombre d’épisodes d’OMAs durant les 2 années suivant la randomisation(22). Il avait déjà été précédemment démontré que la mise en place précoce de drains tympaniques en cas d’otite moyenne sécrétoire (fréquemment associée aux épisodes d’OMA) n’apportait pas de bénéfice en terme de développement et d’audition(23).

Otites moyennes aigues avec perforation tympanique
La plupart des recommandations soutiennent un traitement antibiotique systémique d’emblée en cas d’otite perforée. Les raisons évoquées incluent un état fébrile et une otalgie de durée plus longue, en plus d’infections plus fréquemment causées par des bactéries(24,25). On pourrait imaginer qu’en cas de perforation une antibiothérapie locale serait suffisante. En effet, il a été démontré que leur utilisation était aussi efficace qu’une antibiothérapie systémique pour les enfants avec drains tympaniques(26). Il n’y a par contre pas de donnée concernant l’utilisation de gouttes antibiotiques topiques pour le traitement de l’OMA perforée, et le traitement de choix reste donc une antibiothérapie orale(27). Un essai randomisé est en cours sur ce sujet(28).

Otorrhée en présence de drains tympaniques
Le traitement de première ligne de l’otorrhée non-compliquée chez l’enfant avec drain tympanique est une antibiothérapie topique, associée ou non à une corticothérapie topique. En effet, la résolution de l’otorrhée est plus rapide avec une antibiothérapie topique que systémique(29), et encore majorée lorsque celle-ci est combinée avec une corticothérapie topiques(30). Les fluoroquinolones sont à favoriser aux aminoglycosides en raison du risque d’ototoxicité des aminoglycosides.

Suivi après le diagnostic d’OMA

En cas d’attitude expectative, l’évolution doit être réévaluée à 48 heures. Cette réévaluation peut être effectuée par les parents après explications des signes d’inquiétude lors de la consultation (persistance de la fièvre, de la douleur, altération de l’état général), et ne nécessite ainsi pas de réévaluation médicale en cas d’amélioration. Cela a été démontré lors d’études avec des résultats concordant entre évaluation parentale et évaluation médicale(31). Il est également possible de prescrire une ordonnance « en réserve » dans des situations sélectionnées en instruisant les parents de débuter l’antibiothérapie en cas de non-amélioration à 48 heures(32).

Il n’y a que peu de données concernant la nécessité d’un suivi médical après traitement d’OMA. En cas d’amélioration sous traitement antibiotique, un suivi pédiatrique rapproché ne semble pas nécessaire en dehors de cas particuliers (jeune âge, otites récurrentes). Un suivi pédiatrique à 3 mois pourrait néanmoins être conseillé afin d’exclure la présence d’une otite séro-muqueuse chronique(33).

Cas clinique, suite

Emma présente une non-amélioration de ses symptômes 3 jours après le début d’une antibiothérapie bien conduite par amoxicilline pour le traitement d’une OMA. Elle ne présente pas de signe de complication à l’examen clinique. Dans ce contexte, il faut suspecter l’inefficacité du traitement antibiotique, soit en raison d’un SP avec résistance intermédiaire à la pénicilline, soit en raison de la présence d’un germe producteur de β-lactamases (HI ou MC). Il est donc recommandé un relais par co-amoxicilline à haute dose (40 mg/kg 2x/j).

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Informations complémentaires

Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteurs n'ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr med. Margherita Plebani, Unité d’infectiologie pédiatrique et vaccinologie, Service de Pédiatrie, Département Femme-Mère-Enfant, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
Dr med. Manon Jaboyedoff, Unité d’infectiologie pédiatrique et vaccinologie, Service de Pédiatrie, Département Femme-Mère-Enfant, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
Dr med. Sophie Fries, Unité d'Audiologie pédiatrique et de Phoniatrie, Service d'Oto-Rhino-Laryngologie et de Chirurgie Cervico-Faciale, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
PD Dr med. Sandra Asner, Unité d’infectiologie pédiatrique et vaccinologie, Service de Pédiatrie, Département Femme-Mère-Enfant, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Centre Médical de Vidy, VidyMed, Lausanne