Gabriel Duc a été un pionnier en néonatologie par ses activités cliniques, en recherche, en enseignement, en organisation et en éthique. Il a grandement contribué à ce que cette nouvelle spécialité, orientée vers les soins aux nouveau-nés vulnérables et malades (nés trop tôt, nés trop petits, nés avec un trouble de l’adaptation) représentant près de 10% des nouveau-nés, soit reconnue tant en Suisse que sur le plan international.
Un valaisan part dans le monde
Né à domicile dans le village de Chermignon (VS) le 18 janvier 1932, Gabriel Duc y passe sa jeunesse. Il fréquente le collège à Fribourg, puis fait ses études médicales et sa thèse à l’université de Lausanne. Il complète sa spécialisation en pédiatrie à Berne par une sous-spécialisation en Néonatologie à New York. Son curriculum est détaillé dans la version allemande du texte.
Professeur ordinaire de Néonatologie
En 1970, Gabriel Duc revient à Zurich pour occuper l’une des premières chaires de Néonatologie en Europe, spécialement créée pour lui. Il devient en même temps directeur du centre cantonal pour les nouveau-nés du Rosenberg et du département des nouveau-nés du Kinderspital de Zürich. Il fonde ainsi la nouvelle « Klinik für Neonatologie » de l’hôpital universitaire de Zürich. Depuis sa fondation en 1978 jusqu’en 1997 à sa retraite, il en est le directeur visionnaire, attentif et efficace. Ses nombreuses activités et réalisations rempliraient un dictionnaire médical.
Visionnaire antiautoritaire avec autorité naturelle
Sa manière ‘horizontale’ de guider le rend très populaire auprès des équipes soignantes, des médecins et aussi des étudiants ; il est sociable sans s’incliner. Un exemple parmi tant d’autres sont ses légendaires formations du vendredi soir, où il offre un verre de vin de la propriété familiale.
Romand, d’inspiration germano-suisse et anglo-saxonne, s’exprimant aisément dans plusieurs langues, il joue un rôle médiateur entre différentes cultures conduisant à une reconnaissance nationale et internationale du jeune domaine de la néonatologie. Il construit aussi de nombreux ponts, notamment entre la pédiatrie et l’obstétrique. Ainsi, avec le couple de professeurs d’obstétrique Albert et Renate Huch, il fonde à l’hôpital universitaire de Zürich le centre de périnatologie, devenu de renommée mondiale.
Clinicien et enseignant passionnant
Grand clinicien, Gabriel Duc introduit de nombreuses innovations dans le traitement médical et la prise en charge des nouveau-nés vulnérables et malades. Enseignant hors pair, ses talents enthousiasment de nombreux médecins et infirmières. Son credo est : les nouveau-nés ne sont pas de petits adultes, notamment en raison de leur voyage physiologique du milieu intra-utérin au milieu extra-utérin qui les met à haut risque, même dans un pays privilégié comme la Suisse.
Communicateur charmant
Visionnaire communicateur, il réussit à convaincre grâce à sa ténacité, son habilité diplomatique et, le plus important, grâce à son charme, et ce dans le but d’améliorer les soins aux nouveau-nés en Suisse. Malgré de fortes réticences, il réussit à généraliser, en Suisse, le transfert systématique des mères avec grossesse à risque dans des centres de périnatologie, ce avant l’accouchement.
Il lutte aussi pour admettre les parents dans les unités de néonatalogie, à l’époque entièrement fermées. A l’étonnement des sceptiques de ces nouvelles pratiques, le nombre d’infections n’augmente pas, l’allaitement et la liaison mère-enfant sont grandement facilités, aidant au développement psychomoteur de l’enfant.
Chercheur
Chercheur, Gabriel Duc s’intéresse particulièrement à l’oxygène. Il insiste sur son utilisation dosée, comme un médicament pour éviter des lésions. Trop peu d’oxygène lèse le cerveau, trop rend aveugle. Pour le démontrer, il faut d’abord pouvoir mesurer l’oxygénation, ce qui le pousse à étudier des électrodes mesurant la pression partielle d’oxygène dans le sang artériel.
Il souligne l’importance des études randomisées, contrôlées et multicentriques et s’intéresse notamment aux interventions peu invasives, telles que l’administration intratrachéale de surfactant, la CPAP nasale («Continuous Positive Airway Pressure»), mais aussi l’échographie et la résonnance magnétique. Grâce à son engagement, une réduction significative de la mortalité néonatale Suisse, et surtout aussi une réduction concomitante de l’handicap, peuvent être démontrées.
Père de famille compréhensif
De manière exemplaire, Gabriel Duc trouve un équilibre entre travail et famille. Son empathie et son grand cœur pour patients et collaborateurs trouve source dans le soutien et la critique bienveillante de son épouse Rose-Marie. Il est fier de ses trois enfants, Daniel, Aline et Nathalie, ainsi que de ses petits-enfants Basil, Celia et Diego. Le décès prématuré de son fils Daniel en 2004 est un coup du destin très dur.
Éthicien profond
Humaniste, Gabriel Duc se questionne aussi sur les limites raisonnables des traitements intensifs chez les nouveau-nés avec un mauvais pronostic. Au début, il est fortement critiqué par ceux qui préconisent un traitement toujours maximaliste, parce qu’il est favorable à une évaluation médico-éthique plus large des valeurs. Il lance un débat médico-éthique en soins intensifs néonataux qui continue à ce jour.
En grande partie grâce à lui, en Suisse, si le diagnostic est prouvé, la loi tolère l’arrêt des soins intensif. Après un entretien-explication formel entre les parents et toute l’équipe soignante, la grande majorité des jeunes parents acceptent que les soins intensifs soient interrompus et l’enfant décède dans leurs bras.
Héritage de Gabriel Duc
De nombreuses valeurs, idées et réalisations de Gabriel Duc sont poursuivies à ce jour et adaptées aux nouvelles prouesses médicales, mais aussi aux changements de contexte social. Ses nombreux élèves et successeurs se souviennent de lui particulièrement comme d’une personne visionnaire, critique bienveillante, humoristique et charismatique.
Hans Ulrich Bucher, Diego Mieth, Jean-Léopold Micheli, Gregor Schubiger, Christian Kind, Romaine Arlettaz, Riccardo Pfister, Jean-Claude Fauchère, Dirk Bassler.
Correspondance: buh@usz.ch