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L’ENFANT AVEC DES TACHES BLANCHES – UN APERÇU DIAGNOSTIQUE

Les maladies associées à des troubles de la pigmentation peuvent avoir – notamment pour des raisons cosmétiques – des répercussions conséquentes pour un enfant.

Les maladies associées à des troubles de la pigmentation peuvent avoir – notamment pour des raisons cosmétiques – des répercussions conséquentes pour un enfant. Dans cette tranche d’âge, de nombreuses maladies congénitales et acquises sont à l’origine d’une hypopigmentation.

La coloration de la peau est définie essentiellement par la mélanine et le sang. Le terme hypopigmentation inclut toutes les formes de diminution de la pigmentation, alors que l’hypomélanose décrit spécifiquement une réduction de la teneur en mélanine. Le terme dépigmentation décrit, contrairement à l’hypopigmentation, une absence (presque) totale de pigment, ce qui a pour conséquence une apparence blanchâtre due au derme sous-jacent devenu visible. On classifie les troubles de la pigmentation dus à une hypopigmentation selon l’étiologie, l’âge au début de la maladie et l’étendue.

Pendant la petite enfance, la plupart de ces maladies ont une origine génétique, caractérisées soit par une diminution généralisée de la pigmentation (p.ex. albinisme oculo-cutané, syndrome d’Angelman, troubles métaboliques congénitaux comme la phénylcétonurie, l’homocystinurie et autres) ou par des taches hypopigmentées congénitales1).

Plus tard, les lésions hypopigmentées de l’enfant sont pour la plupart acquises, engendrant une hypopigmentation localisée. Les signes cliniques associés, comme la localisation de la zone concernée, l’étendue de l’hypopigmentation et d’autres particularités morphologiques contribuent au diagnostic différentiel 1)2).

Il est relativement simple de reconnaître les lésions hypopigmentées chez les patients à la peau foncée. Chez les personnes au teint pâle, les lésions hypopigmentées ne sont souvent reconnues qu’après la première exposition au soleil, suite au bronzage de la peau normale, typiquement pendant les deux premières années de vie (macules hypomélanotiques en forme de feuille de sorbier (ou frêne, ash leaf) et mosaïcisme pigmentaire).

Pour différencier les lésions hypopigmentées et dépigmentées, on se sert de la lampe de Wood (lumière de Wood, UVA 320-340nm), particulièrement utile chez les patients au teint pâle, chez qui l’hypo- et la dépigmentation sont souvent difficiles à reconnaître. Les lésions dépigmentées du vitiligo, du piébaldisme et du syndrome de Waardenburg prennent, à la lampe de Wood, un aspect blanc-bleuté, brillant, aux bords nets, par la perte de mélanine épidermique. Des lésions hypopigmentées avec une teneur réduite en mélanine, comme p.ex. le mosaïcisme pigmentaire ou les macules ash leaf, apparaissent comme blanches sous la lampe de Wood, mais sans être accentuées. Le nævus anémique n’est au contraire pas mis en exergue par la lumière de Wood, en raison d’une vasoconstriction dermique locale, avec une pigmentation normale de l’épiderme sus-jacent. La lumière de Wood donne un aspect fluorescent jaune-doré à la levure du pityriasis versicolor, alors que le pityriasis alba passe inaperçu3).

Dans cet aperçu, nous nous concentrons essentiellement sur les maladies avec une hypopigmentation localisée, aux taches blanches non palpables, en mettant l’accent sur le vitiligo. Les maladies présentant d’autres anomalies de la peau en plus de l’hypopigmentation et éventuellement une légère desquamation ou rougeur ne sont pas considérées dans cet article. Les diagnostics différentiels des maladies discutées ici sont résumés, pour une approche pratique, dans le tableau 1, d’après Ezzedine et al. (2016) et Tey (2010)1)2).

Hypomélanoses congénitales ou génétiques

Mosaïcisme pigmentaire

Le terme «mosaïcisme pigmentaire» comprend un groupe hétérogène de maladies qui sont la conséquence d’une mosaïque génétique de la zone concernée. Différentes anomalies cytogénétiques d’une multitude de chromosomes sont décrites, conditionnant l’expression ou la fonction de la production du pigment.

Du point de vue clinique, on constate des taches hypopigmentées de la peau, touchant un ou plusieurs segments (dépendamment du moment de la mutation pendant l’embryogenèse) (fig. 1a). Le plus souvent le mosaïcisme pigmentaire est linéaire, en bandes étroites ou en patchs plus larges, le long des lignes de Blaschko. Cinq autres types du mosaïcisme pigmentaire ont en outre été décrits : en damier (alternance de carrés de peau normale et hypo-/hyperpigmentée), phylloïde (macules allongées, en forme de feuilles, à la délimitation médiane dorsale ou ventrale), tacheté (sans limitation par la ligne médiane), unilatéral ou en écharpe4).

Pour décrire les différents tableaux cliniques, on utilisait jusqu’ici de nombreux termes en général descriptifs (nævus dépigmenté, nævus achromique, hypomélanose de Ito, hypermélanose nævoïde, incontinentia pigmenti achromians, etc.). Ces termes sont une source de confusion, d’autant plus que leur définition est disparate et qu’en fin de compte ils décrivent la même maladie, à l’expression clinique hétérogène. On devrait donc renoncer à l’avenir à ces termes et adopter à leur place le nom mosaïcisme pigmentaire.

Le mosaïcisme pigmentaire (hypo- ou hyperpigmenté; parfois, l’hyperpigmentation et hypopigmentation co-existent chez le même patient) n’est en principe pas héréditaire, bien que de rares cas familiaux aient été décrits. La prévalence du mosaïcisme pigmentaire varie de 0.4-0.7 % pour les formes discrètes (anciennement nævus dépigmenté) jusqu’à 1/8’000-10’000 pour les hypopigmentations étendues le long des lignes de Blaschko4). Les deux sexes sont également concernés. Bien que les lésions soient présentes déjà à la naissance, elles ne sont souvent remarquées qu’après la première exposition au soleil. La fréquence des manifestations extra-cutanées varie, selon la littérature, entre 30-56 % des patients concernés, la prévalence augmentant avec l’étendue du mosaïcisme pigmentaire. Le plus souvent sont décrits des troubles neurologiques (retard du développement, retard mental, épilepsie, etc.), oculaires (microphtalmie, ptose, strabisme, etc.) et musculo-squelettiques (anomalies squelettiques, scoliose ou clinodactylie, dysmorphies faciales, etc.). La grande variabilité des manifestations extra-cutanées associées à une lésion cutanée hypopigmentée souligne la grande diversité génétique du mosaïcisme pigmentaire4).

Il faut différencier le mosaïcisme pigmentaire du nævus anémique. Il ne s’agit pas d’un trouble de la pigmentation mais d’une anomalie vasculaire localisée sous forme de tache claire, due à des vaisseaux hypersensibles aux catécholamines. On peut faire la différence cliniquement par diascopie (la pression sur le bord avec une spatule transparente le fait disparaître), par la lampe de Wood (la lumière n’accentue pas la lésion) ainsi que par frottement (il n’occasionne pas d’érythème).

Les bandes hypo- ou hyperpigmentées suivant les lignes de Blaschko doivent aussi être différenciées de l’incontinentia pigmenti. Cette maladie X-chromosomique dominante (mutation du gène NEMO) se manifeste par des lésions vésiculeuses et verruqueuses, qui, au décours de la maladie, deviennent hyper- et finalement hypopigmentées.

Figure 1
Tableau clinique d’une mosaïque hypopigmentée (A) et de macules en forme de feuilles de sorbier chez un patient avec une sclérose tubéreuse (B).

Autres lésions hypopigmentées congénitales circonscrites

En présence de macules congénitales hypopigmentées, le diagnostic différentiel le plus important du mosaïcisme pigmentaire et du nævus anémique est la sclérose tubéreuse. Les macules hypopigmentées sont dans ce cas typiquement ovales, ressemblant à une feuille de sorbier ou frêne (ash leaf), plus rarement en forme de points (confetti-like) (fig. 1B). Il s’agit du premier signe cutané de cette maladie neuro-cutanée multisystémique, à transmission autosomique dominante (mutation du gène TSC1 ou TSC2), somme toute rare avec une prévalence de 1-5/10’000. Seulement 10% des patients avec une sclérose tubéreuse n’ont qu’une macule ash leaf solitaire; en présence de macules multiples (>3) chez un nouveau-né, on cherchera activement la maladie. Les autres signes cutanés de la sclérose tubéreuse, comme les angiofibromes centrofaciaux, les fibromes périunguéaux ou les nævi conjonctivaux n’apparaissent qu’à un âge plus avancé.

La maladie de Cole est une affection autosomique dominante extrêmement rare (mutation du gène ENPP1), caractérisée par la combinaison de macules hypopigmentées en gouttes aux extrémités, d’hyperkératoses papuleuses palmo-plantaires et rarement de calcifications cutanées5).

Lorsqu’on constate des taches ou stries hypopigmentées et hyperpigmentées très proches les unes des autres sur une peau par ailleurs normale, il faut évoquer le cutis tricolor. Cette maladie également très rare avec le phénomène de twin-spotting, a été décrite jusqu’ici en tant que manifestation purement cutanée, faisant aussi partie d’un syndrome complexe, en association à d’autres anomalies de la peau 6).

Hypomélanoses acquises

Vitiligo

Le vitiligo est une affection chronique, caractérisée par la perte progressive de mélanocytes cutanés et la modification de leur fonction. Il s’ensuit des zones cutanées hypopigmentées et, avec le temps, de plus en plus amélanotiques et dépigmentées.

Classification et pathogénèse
Selon la définition de consensus de la Vitiligo European Task Force, la maladie est classée en vitiligo généralisé (vulgaris) ou non-segmentaire (VNS) et vitiligo segmentaire (VS). On parle de vitiligo mixte lorsqu’on trouve chez le même patient des lésions segmentaires et non-segmentaires. Dans le groupe des VNS, on distingue encore différents sous-phénotypes, entre autres le vitiligo acro-facial (limité au visage, aux mains et pieds et aux orifices naturels), des muqueuses (buccale et/ou génitale), focal, généralisé et universel (> 60-90 % de la surface corporelle), ainsi que des formes rares (punctiforme, mineur, folliculaire)7).

La théorie privilégiée actuellement considère le vitiligo généralisé comme étant une maladie auto-immune qui ne se manifeste, par l’entremise des cellules T, que chez une minorité d’individus génétiquement susceptibles et qui est fortement dépendante de facteurs déclencheurs environnementaux. Le VS isolé survient au contraire sur la base d’une susceptibilité locale à la maladie et n’est pas associé à des phénomènes auto-immuns2).

Mondialement, la prévalence est de 0.5 % à 2.16 % de la population. La maladie touche toutes les classes d’âge et les deux sexes à part égale. Dans environ un tiers à la moitié des cas, le début de la maladie se situe pendant l’enfance, dont environ 25 % avant l’âge de 10 ans8)9).

Lorsque la maladie débute pendant l’enfance, l’âge moyen se situe selon les études entre 5 et 10 ans. La maladie est rare avant l’âge de 2 ans (11 % des cas pédiatriques), contrairement aux troubles de la pigmentation congénitaux, comme p.ex. le mosaïcisme pigmentaire2). L’existence d’un vitiligo congénital est toujours controversée9).

Associations
Les patients avec un vitiligo ont un risque accru de développer une autre maladie auto-immune: alopécie areata, anémie hémolytique auto-immune, maladie auto-immune de la thyroïde, diabète sucré, maladies inflammatoires de l’intestin, morphée, sclérose en plaques, pemphigus vulgaire, anémie pernicieuse, psoriasis, arthrite rhumatoïde ou lupus systémique. La prévalence de maladies auto-immunes associées est d’autant plus élevée que le vitiligo dure et est étendu10).

Dans au maximum 30 % des cas, l’anamnèse familiale est positive pour le vitiligo10). D’autres maladies auto-immunes ont en outre été rapportées chez des membres de la famille (dont vitiligo, maladie auto-immune de la thyroïde, anémie pernicieuse, maladie d’Addison, lupus systémique et maladies inflammatoires de l’intestin).

Il semble exister deux sous-groupes de patients avec vitiligo: l’un avec un début précoce (12 ans ou avant) avec plus souvent des halo-nævi, un phénomène de Koebner (apparition d’une lésion suite à un traumatisme), une anamnèse familiale positive, une forme segmentaire et une atopie; l’autre avec un début tardif (après 12 ans) avec plus souvent des lésions acro-faciales et des maladies de la thyroïde2). Chez l’enfant, le vitiligo non-segmentaire ou généralisé est la forme la plus fréquente. Le pourcentage de VS est néanmoins plus élevé chez l’enfant comparé à l’adulte9).

Figure 2
Vitiligo vulgaris (à noter la répartition symétrique, la poliose et l’atteinte des zones exposées comme le coude) (A), vitiligo vulgaris avec leucotrichie des cils (B), halo-nævus (C), vitiligo muqueux (D), vitiligo segmentaire (E) avec leucotrichie (F) et une repigmentation folliculaire au visage (G).

Aspects cliniques
Du point de vue clinique, la lésion de vitiligo est décrite comme étant asymptomatique, blanc ivoire, nettement délimitée, non palpable et non squameuse, le contour étant en général ovale ou linéaire. Les bords convexes sont typiques (fig. 2A). La localisation, la taille (quelques mm à des grandes taches) et la forme des lésions peuvent considérablement varier. Lors du premier contact avec le patient, il est essentiel de différencier entre VS et VNS, le pronostic, l’évolution et la réponse au traitement variant sensiblement2).

Dans le cas d’un VNS, les taches dépigmentées touchent de multiples zones corporelles, généralement symétriquement. La maladie peut débuter sur n’importe quelle partie du corps, mais il s’agit souvent de parties exposées, comme le dos des mains et le côté extenseur des doigts, la nuque et le visage. D’autres parties privilégiées du corps sont les plis (aisselles et aine), les orifices (yeux, narines, bouche, nombril, aréoles, région génitale et périanale) ainsi que la peau au-dessus de proéminences osseuses comme les coudes, genoux, malléoles ou tibias. Chez certains patient, les cheveux ou poils blanchissent dans les zones de vitiligo (leucotrichie ou poliose), ce qui peut contribuer à préciser un diagnostic pas clair (p.ex. lésions précoces pas entièrement dépigmentées) (fig. 2B) 1).

Les patients avec un vitiligo, notamment lorsque le début de la maladie est en période prépubère, développent souvent des halo-nævi (nævi pigmentés entourés d’une zone dépigmentée (fig. 2C). Une leucotrichie du cuir chevelu peut précéder le début de la maladie de plusieurs mois, voire années et passe souvent inaperçue, surtout lorsqu’elle est localisée ou lorsqu’elle est uniquement accompagnée de halo nævi9).

Chez environ 15 % des enfants, un traumatisme/frottement ou un coup de soleil sont associés au phénomène de Koebner. Les genoux, coudes, la région prétibiale, les bras et les mains sont souvent éraflés ou égratignés et donc fréquemment des localisations d’une première dépigmentation. Il n’est pas rare que, chez les petits enfants, la primo-manifestation se situe dans la région périanale et des fesses, où elle passe souvent inaperçue. Il est possible qu’il s’agisse d’un phénomène de Koebner déclenché par un érythème fessier9).

Le spectre des VNS comprend quelques formes rares: le vitiligo punctata, avec des macules dépigmentées de la taille d’un petit pois, se situant sur n’importe quelle partie du corps. Le vitiligo minor, rarement décrit chez l’enfant, est caractérisé par des macules hypopigmentées situées surtout au visage. Le vitiligo folliculaire concerne en premier lieu le réservoir des mélanocytes et occasionne une décoloration de la plupart des cheveux et poils, rarement des macules dépigmentées. Le vitiligo muqueux, également rare pendant l’enfance, touche les muqueuses buccale et/ou génitale et peut apparaître dans le cadre d’un vitiligo généralisé ou bien isolé (fig. 2D). Lorsque des taches blanches se limitent à la muqueuse, il faut toujours envisager le diagnostic différentiel de lichen scléreux.

Les lésions dépigmentées du VS suivent unilatéralement (vitiligo asymétrique) une répartition segmentaire ou en bandes. En général le VS ne touche qu’un seul segment, des cas avec une atteinte de deux ou plusieurs segments, avec répartition ipsi- ou contralatérale ayant été décrits dans la littérature. Typiques sont l’évolution rapide et l’implication précoce du réservoir mélanocytaire des follicules pileux (fig. 2E). La maladie se stabilise par contre tout aussi rapidement après quelques mois. Le VS doit être différencié du vitiligo focal avec une petite lésion solitaire sans expansion clairement segmentaire et du mosaïcisme pigmentaire de type hypopigmentée2) (cf. ci-dessus).

Diagnostic et analyses biologiques spécifiques
Dans la pratique quotidienne, le VS ne nécessite pas d’examens complémentaires. Pour les enfants avec VNS, on recommande par contre des analyses de routine, comprenant une formule sanguine complète, un profil métabolique (si la clinique le suggère), le screening de la fonction thyroïdienne (TSH), le dosage d’anticorps anti-thyroïde (anti-thyroperoxidase et anti-thyroglobuline) ainsi que de la 25-(OH)-vitamine D. Une vitamine D basse identifie un sous-ensemble de patients avec une tendance élevée à développer des auto-immunités secondaires. Le dépistage des anticorps anti-nucléaires n’est recommandé qu’avant une éventuelle luminothérapie. D’autres dépistages seront effectués en présence de signes ou symptômes évoquant une autre affection auto-immune ou d’une anamnèse familiale positive2)9).

Diagnostic différentiel
Le vitiligo doit être distingué de nombreuses autres entités décrites ailleurs dans cet article de revue. Des taches dépigmentées congénitales et associées à une mèche blanche doivent évoquer des maladies génétiques comme le piébaldisme ou le syndrome de Waardenburg.

Le piébaldisme est une maladie autosomique dominante, caractérisée par l’absence de mélanocytes épidermiques. Les lésions sont présentes dès la naissance et restent plus ou moins stables durant toute la vie. Les zones dépigmentées incluent la mèche blanche frontale typique et se trouvent, dans leur expression classique, sur les surfaces ventrales (milieu du front, partie antérieure du tronc, partie médiane des extrémités), rarement à proximité de la ligne médiane dorsale, et les zones susceptibles de blessures ou intertrigineuses. Les lésions n’ont pas de bords convexes et on trouve des îlots normalement ou hyperpigmentés à l’intérieur ou en bordure des taches dépigmentées.

Chez les patients avec des signes de piébaldisme (mèche blanche et dépigmentations), on cherchera des éléments du syndrome de Waardenburg (SW). La cause du SW est un trouble de la migration des mélanocytes et de leur survie dans l’épiderme, les follicules pileux, l’iris et l’oreille interne. Il s’agit d’un groupe hétérogène de maladies autosomiques (SW type 1 à 4), comprenant une hétérochromie de l’iris, une large base nasale et une surdité congénitale de l’oreille interne (fig. 3).

Évolution et pronostic
Le VS progresse rapidement (sur 6 à 12 mois), avec l’apparition précoce d’une leucotrichie, tout en se stabilisant rapidement, même sans traitement. La réponse aux traitement est moins bonne que pour d’autres variantes, possiblement en raison de l’association avec la leucotrichie et donc de l’absence d’un réservoir de mélanocytes pour la repigmentation2).
L’évolution du VNS au contraire est imprévisible et tend à une progression cyclique. Cela comporte des périodes calmes (destruction minimale de mélanocytes), puis des phases d’accélération (progression rapide pendant des semaines ou mois) suivies de phases stables voire d’une repigmentation partielle, apparaissant sans intervention thérapeutique ou après exposition au soleil. La décoloration des cheveux apparaît plus tardivement. La repigmentation se fait dans la plupart des cas sous forme de points périfolliculaires ressemblant à des taches de rousseur (due à la migration de mélanocytes à partir des follicules pileux), parfois diffuse à partir des bords de la lésion. La plus grande propension à la repigmentation du visage et du cou, comparé à d’autres zones corporelles, p.ex. les mains, peut être attribuée à la plus grande densité de follicules pileux et l’exposition plus fréquentes aux rayons UV (fig. 2F).

Effets psychologiques
L’impact psychologique du vitiligo peut s’avérer conséquent pendant l’enfance. Alors que les petits enfants ne sont que rarement perturbés par l’apparition d’un vitiligo, celui-ci peut avoir des effets psychologiques marquants chez les enfants plus âgés. Malgré l’absence d’autres signes physiques visibles (comparé à d’autres maladies dermatologiques chroniques fréquentes, comme l’eczéma ou le psoriasis), le vitiligo représente à partir d’un certain âge (variable) une épreuve émotionnelle énorme. Cela n’affecte pas seulement la qualité de vie du patient mais aussi celle des parents. Les patients se plaignent souvent non seulement de la méconnaissance des médecins concernant les possibilités thérapeutiques, mais aussi du fait que le vitiligo soit considéré une simple «maladie cosmétique»2).

Traitement
Les options thérapeutiques sont limitées pendant l’enfance et représentent un défi pour le dermatologue, car il n’existe un traitement approuvé pour le vitiligo chez l’enfant. Il n’existe en outre que peu d’études cliniques randomisées ayant examiné l’efficacité des différentes alternatives thérapeutiques du vitiligo pendant l’enfance11).

Une approche pratique du vitiligo, basant sur le type, l’étendue et l’activité de la maladie, a été proposée par Ezzedine et al. (tableau 2) 2)9).

Figure 3
Frère et soeur avec syndrome de Waardenburg (à noter la mèche blanche et l’altération pigmentaire de l’iris).

Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada

Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada est une maladie auto-immune rare, caractérisée par un vitiligo bilatéral, une poliose, une uvéite granulomateuse, une alopécie, une dysacousie, une surdité et parfois une irritation méningée ou des symptômes d’encéphalite. Il se manifeste en général chez le trentenaire ou le quadragénaire, parfois déjà chez l’enfant ou l’adolescent12).

Hypomélanose post-inflammatoire

Plusieurs maladies inflammatoires de la peau (entre autres psoriasis, eczéma séborrhéique, eczéma atopique, lichen scléreux) peuvent engendrer une hypomélanose post-inflammatoire par une pertubation mélanocytaire ou de l’interaction mélanocytes-kératinocytes. L’hypomélanose post-inflammatoire est donc très fréquente et particulièrement visible sur la peau fortement pigmentée ou bronzée. Elle apparaît à la suite ou en même temps que l’affection inflammatoire. Parfois, plusieurs consultations sont nécessaires pour identifier la lésion inflammatoire sous-jacente. Rarement, p.ex. pour la sarcoïdose ou le mycosis fongoïde, les lésions hypopigmentées peuvent apparaître sans qu’il y ait au préalable une inflammation cliniquement évidente. En fonction de la maladie sous-jacente, les lésions avec pigmentation réduite sont localisées ou étendues. Les inflammations locales sévères (p.ex. dermatite atopique sévère ou lupus discoïde) peuvent engendrer jusqu’à la perte totale de la fonction voire la mort cellulaire des mélanocytes, ce qui se manifeste cliniquement par une dépigmentation complète.

Le diagnostic est en général clinique, la biopsie cutanée ne mettant en évidence que des altérations non-spécifiques. En absence de lésions inflammatoires sous-jacentes et/ou suspicion de sarcoïdose ou mycosis fongoïde, l’histologie peut contribuer à asseoir le diagnostic.

Pityriasis alba

Le pityriasis alba se caractérise par plusieurs macules aux limites floues, rondes à ovales, hypopigmentées et finement desquamantes. Elles se situent surtout au visage (joues) mais parfois aussi sur les épaules et les bras et ont pour la plupart un diamètre entre 0.5 et 3 cm (fig. 4). Rarement, des patients se plaignent d’un léger prurit. On attribue la pathogénèse à une dermatite eczémateuse discrète, qui perturbe le transport de mélanosomes depuis les mélanocytes aux kératinocytes. Il n’est donc pas surprenant que le pityriasis alba soit une manifestation fréquente chez les enfants avec une dermatite atopique et qu’il soit particulièrement bien visible chez les personnes avec la peau foncée et pendant les mois d’été. Le diagnostic est clinique.

Figure 4
Pityriasis alba de la joue.

Mycosis fongoïde

Les lymphomes à lymphocytes T, dont la première manifestation est cutanée, sont extrêmement rares pendant l’enfance. Le mycosis fongoïde (MF) en est la forme la plus fréquente. Il se manifeste pendant l’enfance relativement fréquemment dans sa variante hypopigmentée; en présence d’un tableau clinique ou d’une évolution atypique d’un des diagnostics différentiels bénins, il faut donc absolument évoquer le MF. Cliniquement, on constate des lésions hypomélanotiques qui augmentent avec le temps sur des parties du tronc et des extrémités non exposées au soleil. Elles sont asymptomatiques ou peu prurigineuses et peuvent présenter une infiltration et/ou érythème discrets. Si la clinique est évocatrice, le diagnostic doit être assuré par une biopsie cutanée; celle-ci montre typiquement un épidermotropisme. Le traitement par corticostéroïdes topiques et luminothérapie (rayonnement UVB à bande étroite ou puvathérapie) est efficace, mais le taux de récidives élevé. Globalement, l’évolution et le pronostic du MF hypomélanotique semblent être plus favorables que pour le MF classique13).

Hypomélanose infectieuse

Plusieurs infections cutanées peuvent engendrer une hypomélanose. Comme exemples importants, on trouve le pytiriasis versicolor, l’hypomélanose maculaire progressive et la lèpre.

Le pityriasis versicolor, appelé aussi tinea versicolor, est une mycose superficielle, non inflammatoire, due à la levure lipophile de l’espèce malassezia. À l’examen clinique, on constate des macules rondes à ovales, hypomélanotiques, très légèrement desquamantes, de la taille de quelques mm à quelques cm (fig. 5). Les premières lésions apparaissent généralement symétriquement sur la partie supérieure du tronc et les épaules, et peuvent confluer. En présence d’une peau foncée ou bronzée, les parties infectées et hypomélanotiques se laissent facilement délimiter; pour les enfants à la peau pâle, la lumière de Wood aide à détecter toutes les lésions. Le diagnostic est clinique et peut être confirmé par la mise en évidence de filaments de champignon dans la préparation directe (KOH). Le traitement consiste en antimycosiques topiques.

Un diagnostic différentiel important est l’hypomélanose maculaire progressive (HMP). Les taches hypopigmentées asymptomatiques, nummulaires, aux limites floues, non desquamantes, se trouvent sur le tronc, plus rarement aussi sur la partie proximale des extrémités ou sur la tête et le cou. Sont surtout touchées de jeunes femmes à la peau foncée, vivant dans un climat tropical ou ayant séjourné dans une région au climat tropical. L’étiologie de la HMP n’a pas été entièrement éclaircie; la bactérie propionibacterium acnes type III semble jouer un rôle pathogénique14).

Parmi les causes d’une hypomélanose infectieuse, il ne faut pas oublier la lèpre. Cette maladie est rare en Suisse mais, suite aux flux migratoires, nous rencontrons de plus en plus souvent des patients originaires de pays à risque (e.a. Brésil et Inde). Selon le contexte immunitaire, il est possible de ne constater à l’examen clinique que des taches hypopigmentées, dont la sensibilité est typiquement réduite.

Figure 5
Pityriasis versicolor.

Hypomélanoses chimiques, médicamenteuses et physique

Plusieurs substances chimiques peuvent induire par mélanotoxicité, suite à un contact répété et une prédisposition génétique, une hypomélanose ressemblant au vitiligo. Les lésions hypo- ou dépigmentées ne se trouvent pas seulement au lieu du contact initial, mais peuvent apparaître aussi sur des zones corporelles éloignées. L’affection est souvent méconnue et faussement diagnostiquée de vitiligo. Les substances dépigmentantes les plus importantes sont les dérivés du phénole et du catéchol (p.ex. hydroquinone et monobenzyl-éther d’hydroquinone) ainsi que des produits contenant des groupements de sulfhydryle; plusieurs autres substances (p.ex. phénylènediamines, l’alcool benzylique ou le mercure) peuvent également occasionner une leucodermie chimique. Alors que l’hypopigmentation due à l’hydroquinone, utilisée p.ex. pour le traitement du mélasma, est réversible, le contact avec le monobenzyl-éther d’hydroquinone entraîne une dépigmentation durable. L’adulte est plus facilement exposé à ces substances que l’enfant (exposition professionnelle). On devrait néanmoins aussi y penser lorsqu’il s’agit de patients pédiatriques, s’agissant d’une préoccupation croissante au niveau mondial. Dans les pays peu développés surtout, on trouve, entre autres en raison de l’absence de réglementation, des substances dépigmentantes aussi dans des produits quotidiens tels des colorants pour cheveux, déodorants ou produits de nettoyage15).

Les hypomélanoses médicamenteuses s’observent après l’application topique ou intra-lésionnelle de corticostéroïdes et notamment chez des personnes à la peau foncée. D’autres exemples sont l’acide azélaïque (traitement topique de l’acné) ou l’imiquimod (immunomodulateur topique). Plusieurs autres médicaments systémiques, rarement utilisés en pédiatrie, comme la chloroquine ou les inhibiteurs de la tyrosine-kinase, peuvent occasionner une hypopigmentation. La repigmentation spontanée après l’arrêt du médicament est fréquente.

Des facteurs physiques peuvent tout autant induire une amélanose, p.ex. les brûlures (par la chaleur ou le froid), le rayonnement UV, le laser ou des traumatismes physiques.

Les causes de taches blanches pendant l’enfance sont donc multiples et – heureusement – souvent pas graves. Il ne faut pourtant pas négliger les diagnostics différentiels alarmants, notamment le MF hypopigmenté, les infections comme la lèpre ou les maladies syndromiques associées à une mosaïque hypopigmentée. Les effets psychosociaux de taches hypo- ou hyperpigmentées pouvant être considérables, il est essentiel de prendre ces patients au sérieux et d’offrir un traitement aussi vite que possible.

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Informations complémentaires

Traducteur:
Rudolf Schlaepfer
Correspondance:
Conflit d'intérêts:
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport avec cet article.
Auteurs
Dr. med.  Christina Bürgler Pädiatrische Dermatologie, Universitätsklinik für Dermatologie, Inselspital, Universitätsspital Bern, 3010 Bern

Dr. med.  Stefanie Häfliger Pädiatrische Dermatologie, Universitätsklinik für Dermatologie, Inselspital, Universitätsspital Bern, 3010 Bern

Dr. med.  Carolina Gouveia Pädiatrische Dermatologie, Universitätsklinik für Dermatologie, Inselspital, Universitätsspital Bern, 3010 Bern