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L’assistance respiratoire mécanique non-invasive chez les enfants à domicile

L’assistance respiratoire non-invasive (ARNI) consiste à fournir une assistance ventilatoire par l’intermédiaire d’un interface posé sur le visage, par opposition à la ventilation invasive via un tube endotrachéal ou une trachéotomie.

Introduction

L’assistance respiratoire non-invasive (ARNI) consiste à fournir une assistance ventilatoire par l’intermédiaire d’un interface posé sur le visage, par opposition à la ventilation invasive via un tube endotrachéal ou une trachéotomie.

Il n’existe pas de nomenclature uniforme dans ce domaine. Nous préférons utiliser l’expression «assistance respiratoire non-invasive» pour distinguer le terme couramment utilisé de «NIV» (anglais pour «non-invasive ventilation», c’est-à-dire ventilation non-invasive), qui exclut d’autres thérapies non-invasives. Les termes synonymes tels que «extrahospitalier» ou «à domicile» sont utilisés pour souligner que la thérapie est effectuée dans un environnement domestique plutôt qu’à l’hôpital. Dans ce contexte également, le terme «ventilation à domicile» devrait être évité et un terme plus global comme «assistance respiratoire extrahospitalière» devrait être utilisé.

Au cours des dernières décennies, nous assistons à une augmentation importante de la prévalence de l’ARNI au long cours à domicile dans le monde, en particulier chez les enfants(1). A titre d’exemple, la dernière étude française rapporte une augmentation de prévalence d’un facteur 14 entre 2000 et 2019(2). Cette augmentation s’explique d’une part par l’amélioration du dépistage et du diagnostic des troubles respiratoires du sommeil, d’autre part par l’accroissement du spectre des indications à une assistance respiratoire au long cours chez l’enfant, et enfin par les innovations techniques dans les dispositifs médicaux rendant possible ces traitements à domicile.

En réponse à cette expansion, les premières recommandations européennes pour la prise en charge des patients pédiatriques nécessitant une assistance respiratoire à domicile ont été récemment publiées(3). En Suisse, des recommandations nationales sont actuellement en cours de rédaction. Il est important de préciser que cet article n’a pas valeur de recommandations. Son objectif est de rapporter l’expériences des différents centres suisses ayant participé à sa rédaction.

Le terme d’ARNI regroupe deux modes d’assistance principaux : la pression positive continue ou CPAP (Continuous Positive Airway Pressure) et la ventilation à deux niveaux de pression positive ou BPAP (Bilevel Positive Airway Pressure). Leurs indications sont différentes et seront détaillées plus loin. Les canules nasales à haut débit ou HFNC (High Flow Nasal Cannula) peuvent aussi être utilisées comme assistances respiratoires non-invasives au long cours, mais leur utilisation dans des situations chroniques à domicile reste pour l’instant marginale en pédiatrie. L’ARNI est considérée comme « au long cours » lorsqu’elle est utilisée pendant plus de 3 mois dans une situation jugée chronique(4).

Indications

La respiration peut être vue comme un équilibre entre la charge imposée au système respiratoire (résistance dans les voies respiratoires, mouvement du thorax, extension des poumons), la puissance des muscles respiratoires et le contrôle central de la respiration (Figure 1A)(5).

Chez les enfants en bonne santé, les muscles respiratoires sont capables de surmonter sans effort la charge qui leur est imposée pour préserver ainsi un échange gazeux normal. Par ailleurs, les mécanismes de régulation centraux (centres respiratoires dans le tronc cérébral) assurent une respiration continue, en mesure de réagir de façon adéquate aux besoins de l’organisme face à des changements (en particulier la composition des gaz sanguins) par un ajustement de la fréquence et/ou de la profondeur respiratoires. Les processus pathologiques peuvent perturber cet équilibre et causer une insuffisance respiratoire

  • par une augmentation de la charge respiratoire (p. ex. en cas de dysplasie bronchopulmonaire ou de scoliose marquée, Fig. 1C) ;
  • par un affaiblissement de la musculature respiratoire (p. ex. en cas d’atteintes neuromusculaires, Fig. 1C) ou
  • par une atteinte du contrôle central de la respiration (p. ex. en cas de syndrome d’hypoventilation centrale congénitale ou syndrome d’Ondine, CCHS, Fig. 1B).

Le tableau 1 compile de façon non exhaustive les maladies qui peuvent nécessiter une assistance respiratoire non-invasive selon le degré d’atteinte. Il n’est pas rare d’observer un chevauchement entre plusieurs mécanismes physiopathologiques ; ainsi, un patient souffrant d’une maladie neuromusculaire peut présenter une faiblesse des muscles respiratoires et dans le même temps une augmentation de la charge respiratoire due à une scoliose. L’insuffisance respiratoire chronique est généralement (mais pas toujours) mesurable par la mise en évidence d’une hypercapnie consécutive à l’hypoventilation. L’objectif d’une assistance respiratoire non-invasive est de rétablir l’équilibre du système respiratoire en se substituant au contrôle respiratoire et en soulageant (en cas de faiblesse musculaire) ou en soutenant (en cas d’augmentation de la charge) les muscles respiratoires (Fig. 1D). Le mécanisme menant à l’insuffisance respiratoire permet de définir quel type d’assistance respiratoire non-invasive doit être choisi.

Tableau 1. Exemples de troubles susceptibles d’entraîner un déséquilibre du système respiratoire.
Figure 1. (A) L’équilibre respiratoire est normal lorsque la charge sur le système respiratoire, la capacité des muscles respiratoires et l’impulsion centrale fonctionnent en équilibre. (B) Une diminution de l’impulsion centrale (ligne en pointillés) provoque une baisse d’activité des muscles respiratoires et ainsi une réduction du volume respiratoire par minute. (C) Une faiblesse des muscles respiratoires ou une augmentation de la charge respiratoire entraîne une augmentation de l’impulsion centrale (flèche en gras). Une hypoventilation intervient lorsque le déséquilibre dépasse un certain seuil. (D) La ventilation artificielle non-invasive peut corriger le déséquilibre en se substituant à l’impulsion centrale, en soulageant les muscles respiratoires (en cas d’augmentation de la charge respiratoire, comme présenté) ou en les soutenant (en cas de faiblesse des muscles respiratoires). Reproduction avec l’aimable autorisation de l’auteur de(2).

La CPAP est une forme simple d’assistance respiratoire chronique. L’appareil de CPAP crée une colonne de pression dans les voies respiratoires afin de les stabiliser et d’éviter un affaissement(6). La CPAP n’est pas une ventilation artificielle, c’est pourquoi il faudrait éviter le terme générique de « ventilation à domicile » pour les patients bénéficiant d’une assistance respiratoire extrahospitalière. La CPAP est utilisée pratiquement toujours en milieu extrahospitalier, pour le traitement du syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS). Les patients souffrant d’obésité ou de maladies syndromiques sous-jacentes (p. ex. trisomie 21) sont les plus touchés par un SAOS ne pouvant être amélioré par la chirurgie ou persistant de manière résiduelle après une prise en charge chirurgicale(7). La canule nasale à haut débit ± oxygène (HFNC ou HFNC-O2) peut être utilisée en alternative chez les patients intolérants à la CPAP, mais les preuves scientifiques de son efficacité restent limitées(8).

La BPAP, lorsqu’elle est administrée à travers un masque, correspond au concept de ventilation non- invasive (en anglais : non-invasive ventilation, NIV). Comme pour la CPAP, les voies respiratoires sont maintenues par un niveau de pression expiratoire (expiratory positive airway pressure, EPAP) ; en revanche, un niveau de pression inspiratoire (inspiratory positive airway pressure, IPAP) vient en outre soutenir l’inspiration et augmente ainsi le volume courant et le volume respiratoire par minute(9). Un traitement par BPAP est envisagé pour toutes les maladies associées à une hypoventilation ; il s’agit habituellement de maladies neuromusculaires avancées, mais aussi d’atteintes restrictives du thorax (p. ex. cyphoscoliose, dysplasies squelettiques thoraciques), de maladies obstructives des voies respiratoires supérieures (p. ex. OSAS très sévère) ou inférieures (p. ex. mucoviscidose avancée, emphysème pulmonaire associé à une hernie diaphragmatique congénitale). Dans ces tableaux cliniques, le traitement par CPAP uniquement ne devrait être utilisé qu’avec beaucoup de retenue(5).

Phase d’instauration

L’instauration d’une assistance respiratoire non-invasive chez les enfants et les adolescents intervient souvent en milieu hospitalier, en particulier chez les patients très jeunes ou non coopératifs et dans des situations médicales et/ou sociales complexes. En fonction des possibilités et des compétences du centre de traitement de la détresse respiratoire, une instauration en ambulatoire est possible(10).

La prise en charge des patients et de leurs familles est toujours assurée par une équipe pluridisciplinaire, aussi bien pour la phase d’instauration que plus tard dans le suivi ambulatoire(11). Si le traitement est initié en milieu hospitalier, un séjour de 2 à 3 nuits est généralement nécessaire. Après le choix du masque, on procède aux premiers essais de CPAP ou de NIV à l’état éveillé. La première nuit, on cherche à ce que le patient puisse dormir avec le masque en configuration minimale. Chez les patients très coopératifs, il est possible d’entamer le titrage dès la première nuit. Les nuits suivantes, l’ajustement des paramètres se poursuit afin de normaliser la respiration pendant le sommeil et notamment les échanges gazeux. La sortie de l’hôpital intervient dès que la CPAP/NIV est établie, que l’enfant et les parents se sont familiarisés avec l’utilisation de l’équipement et que des options d’assistance extrahospitalière (p. ex. planification de soins à domicile) ont été organisées au besoin.

En cas d’instauration à domicile, le choix du masque et les premiers essais de CPAP/NIV interviennent à l’état éveillé avec le concours d’une équipe de spécialistes, en consultation hospitalière ou à domicile. La famille se charge elle-même des premières tentatives de traitement nocturne et contacte l’équipe soignante en cas de problème. La Figure 2 montre par exemple un patient atteint d’une maladie neuromusculaire, qui suit un traitement à domicile.

Figure 2. Assistance respiratoire non invasive à domicile. Utilisation avec l’autorisation du patient.

Equipement / matériel

Equipement thérapeutique

Par rapport aux respirateurs, les appareils de CPAP sont techniquement plus simples et donc moins chers. Il n’existe pas d’appareils de CPAP spécifiques aux enfants et les modes de traitement reposent sur des algorithmes (p. ex. Auto-CPAP) optimisés exclusivement pour les adultes, ce qui explique pourquoi ces équipements ne sont généralement autorisés qu’à partir de l’âge scolaire. Une utilisation off-label chez les patients plus jeunes est certes possible, mais, chez les nourrissons et les enfants en âge préscolaire, on préfère le plus souvent utiliser des respirateurs artificiels (voir ci-dessous) en mode CPAP  équipés d’une batterie (mobilité), d’une humidification active (mieux adaptée aux petites voies respiratoires sujettes à l’obstruction) et d’une alarme (sécurité).

Pour les appareils de ventilation artificielle hors du milieu hospitalier, on distingue les appareils non-life-support (ou life-sustaining) et life-support(12,13). Ces derniers sont utilisés en cas de forte dépendance à la ventilation artificielle et sont donc équipés de batteries (pour fonctionner en cas de coupure de courant), offrent de nombreux modes de traitement et permettent un déclenchement d’alarme très distinct. Ils conviennent en outre pour une ventilation adéquate en cas de volumes courants déjà diminués et par conséquent pour des enfants plus jeunes. Dans l’ensemble, le choix de l’équipement thérapeutique pour l’assistance respiratoire extrahospitalière dépend de la maladie de base, de l’âge du patient, du degré de dépendance à la ventilation, mais aussi des préférences et des compétences du centre de traitement de la détresse respiratoire.

Interface patients

Les types de masques et d’interfaces les plus courants sont présentés dans le Tableau 2. On choisira de préférence un masque nasal(14). Il permet aux enfants de parler, de boire et de se nourrir, tout en diminuant le risque d’aspiration et de vomissements. Les enfants qui dorment la bouche ouverte peuvent préférer porter un masque nez-bouche, une respiration par la bouche ne conduisant pas nécessairement à une fuite buccale(14).

Tableau 2. Avantages et inconvénients des types de masques les plus courants pour l’assistance respiratoire non-invasive en pédiatrie. Adapté d’après(1), avec l’aimable autorisation de l’auteure.

L’enfant et sa famille choisissent le masque ensemble. La procédure de sélection doit être menée avec tact, car beaucoup d’enfants craignent le masque. Les critères de sélection du masque sont sa tenue, le confort de port et la préférence de l’enfant.

Le masque est ajusté en position assise et allongée, afin de le tester également dans la position habituelle de sommeil. Le masque est raccordé à l’appareil (ajusté à un faible niveau de pression) pour contrôler la tenue et le coussin d’air produit par le masque.

Les principaux éléments à prendre en compte pour le choix du masque et son ajustement sont : le bon positionnement des bandes de fixation, le remplissage du coussin d’air (traction adéquate sur les bandes de fixation), la recherche et la correction des fuites, perceptibles ou non, des plis de la peau ou des points de pression, notamment au niveau des oreilles et du nez. La figure 3 montre comment bien fixer l’ensemble, ainsi que les erreurs les plus fréquentes.

Figure 3a. Masque bien en position (© Air Liquide Medical Systems)
Figure 3b. Erreurs fréquentes dans le positionnement du masque. Bandeau de fixation au-dessus de l’oreille
Figure 3c. Erreurs fréquentes dans le positionnement du masque. Nez compressé.
Figure 3d. Erreurs fréquentes dans le positionnement du masque. Bandeau de fixation entortillé

Moniteur de pouls/saturation

Il n’est pas obligatoire de remettre un moniteur de pouls/saturation pour la ventilation artificielle non- invasive, il n’existe aucune recommandation fondée sur des preuves concernant l’utilisation de ces moniteurs. Outre les directives inhérentes au centre, l’âge du patient, le degré de dépendance à la ventilation artificielle et le recours à une oxygénothérapie sont les facteurs pris en compte pour décider si un suivi du pouls et de la saturation à domicile s’impose.

Oxygène

L’oxygène n’est pas requis de manière systématique pour les enfants sous assistance respiratoire chronique. Si un besoin en oxygène apparaît, il est indiqué de procéder à une hospitalisation pour le traitement et l’examen des causes, au même titre que chez les enfants en bonne santé. La plupart des équipements d’assistance respiratoire chronique sont dotés d’une prise permettant d’oxygéner le flux d’air de l’appareil.

Prise en charge à domicile

La famille est renvoyée à domicile dès que le fonctionnement lui a été correctement expliqué et que le traitement peut être mis en place avec un équipement et un masque adaptés.

Il peut être utile d’apporter une aide à domicile à la famille, en particulier dans un premier temps.

A plus long terme, les auteurs pensent que les pédiatres jouent un rôle prépondérant en qualité de « case manager » dans la prise en charge des patients nécessitant une assistance respiratoire chronique. D’une part du fait de leur familiarité avec les alternatives de soutien locales à disposition, qu’elles soient thérapeutiques, sociales ou autres, et d’autre part pour les contrôles cliniques réguliers (notamment les examens de prévention, les vaccinations) ou le tri en cas d’aggravation aiguë. Pour les familles, un contrôle clinique de proximité est alors particulièrement précieux et permet de prendre des décisions communes sur l’opportunité de poursuivre la prise en charge à domicile ou de procéder à une hospitalisation. Les principaux problèmes et complications qui peuvent survenir à domicile sont présentés ci-après :

  • Points de pression : D’après une publication de Visscher et al., 72 % des patients en pédiatrie rapportent des points de pression(15). Sur la base de notre expérience, cette complication peut être évitée quasiment entièrement par des mesures simples :
    • le coussin du masque doit pouvoir se remplir d’air ;
    • la peau est lavée uniquement à l’eau et au savon avant de positionner le masque ; il convient de renoncer à l’usage de crèmes pour éviter toute humidité ou macération de la peau (les crèmes ou lotions peuvent être appliquées après le traitement) ;
    • des pansements en mousse comme Mepilex Lite® (ou des alternatives) peuvent être utilisés pour soulager la pression.
    • Les rougeurs et points de pression légers qui s’estompent dans l’heure qui suit le retrait du masque ne requièrent aucune intervention spécifique.
  • Fuite : Il convient d’empêcher l’écoulement d’air hors du masque par une tenue optimale. Une fuite au niveau du masque peut causer des complications locales (conjonctivite) et/ou dégrader la qualité de l’assistance respiratoire (asynchronies patient/appareil, perte de pression). Chez l’enfant, une fuite mineure peut dans certains cas être tolérée. En cas de problèmes répétés, il convient toutefois d’en informer le centre et le cas échéant de réajuster le masque / les fixations.
  • Dessèchement des voies respiratoires : La plupart des équipements de traitement sont dotés d’un système d’humidification interne ou externe destiné à prévenir un dessèchement de la muqueuse des voies respiratoires. Si une irritation se développe tout de même au niveau de la muqueuse du nez, avec une formation accrue de croûtes dans le nez ou des saignements nasaux, il est utile de bien soigner le nez avant et après l’assistance respiratoire à l’aide d’un spray nasal hydratant ou d’une crème nasale. La sécheresse buccale avec langue « collante » et difficultés à déglutir peut être soulagée par une hydratation régulière ou par le passage à une interface nasale.
  • Surdistension du tractus gastro-intestinal (gas bloating) : les facteurs de risque sont l’utilisation de masques nez-bouche, une pression de CPAP / ventilation artificielle accrue et des patients présentant des troubles de la déglutition préexistants. Les surdistensions gastriques et une grande quantité d’air dans l’intestin peuvent causer des nausées, des vomissements et le cas échéant des difficultés respiratoires (restriction au niveau du diaphragme). Chez les enfants porteurs d’une sonde nasogastrique ou PEG, l’air accumulé peut le cas échéant être aspiré de l’estomac à l’aide d’une seringue, ou la sonde peut être laissée ouverte de façon préventive.
  • Dégradation respiratoire aiguë : les infections des voies respiratoires constituent la principale cause de dégradation respiratoire à domicile et d’hospitalisation consécutive(16). Le Tableau 3 synthétise les mesures qui peuvent être prises directement par le/la pédiatre avec le concours des parents, des équipes de physiothérapie et de soins à domicile et qui peuvent dans l’idéal éviter une hospitalisation. Une prise de contact précoce avec le centre est recommandée. Une hospitalisation doit intervenir en cas d’hypoxie réfractaire au traitement, de mauvais état de santé général, voire de surcharge du système de prise en charge.
Tableau 3. Mesures en cas de dégradation respiratoire à domicile (p. ex. infection des voies respiratoires) chez les enfants avec assistance respiratoire chronique.
* pas disponible par défaut pour tous les patients

Suivi médical

Il n’existe aucune directive fondée sur des preuves qui réglemente le suivi optimal des enfants bénéficiant d’une assistance respiratoire hors du milieu hospitalier. Par ailleurs, le processus de suivi dépend fortement des conditions et des ressources locales. Habituellement, un premier contrôle intervient de un à deux mois après le début du traitement(3). Ensuite, des examens de suivi interviennent tous les trois à douze mois en fonction de la stabilité clinique. L’examen de suivi se compose d’une consultation qui porte avant tout sur les troubles du sommeil et les complications du traitement (points de pression, hypoplasie du milieu du visage).

Les paramètres de l’assistance respiratoire non-invasive doivent être contrôlés régulièrement. Dans l’idéal, ces contrôles passent par une analyse du sommeil, qui permet d’évaluer les échanges gazeux et la mécanique respiratoire (asynchronies patient / équipement et typage des incidents respiratoires). Le type d’examen dépend fortement du centre et va de la réalisation de polysomnographies ou de polygraphies ventilatoires aux mesures d’échanges gazeux (saturation et CO2 transcutané), combinées à l’évaluation des données enregistrées par l’appareil. Ces données peuvent être consultées sur supports physiques dans la clinique et à l’avenir depuis n’importe quel endroit, grâce aux solutions sur le cloud(17). Les données de l’appareil contiennent des informations importantes sur l’adhésion au traitement, mais aussi de plus en plus d’informations sur la mécanique respiratoire (courbes pression-volume) et des critères de qualité du traitement(18). Le choix entre une analyse du sommeil à domicile, en ambulatoire (dans un laboratoire du sommeil) ou dans le cadre d’une brève hospitalisation (en service d’étage ou en soins intensifs) varie également selon les centres. Après une intervention chirurgicale susceptible d’altérer la mécanique respiratoire (de façon positive ou négative, qu’il s’agisse d’une adénotonsillectomie, d’une chirurgie de la mâchoire, d’un redressement de scoliose), il convient de procéder à un contrôle de l’évolution env. 2-3 mois après l’opération pour ajuster le traitement le cas échéant. En cas d’opérations de la scoliose, les conséquences sur la fonction pulmonaire sont particulièrement imprévisibles(19).

Adhésion/échec du traitement

Il y a peu de littérature sur l’observance au traitement concernant l’assistance respiratoire à domicile chez l’enfant, mais les experts s’accordent à dire que l’assistance respiratoire non-invasive au long cours est globalement bien tolérée chez l’enfant(20). Néanmoins, les échecs de traitements restent possibles, soit en lien avec une mauvaise compliance au traitement, soit parce que l’assistance respiratoire non-invasive n’est pas ou plus suffisante pour corriger le trouble ventilatoire(21).

Dans les situations de mauvaise adhésion au traitement, il faut commencer par se reposer la question de l’indication au traitement et du choix du matériel, en particulier de l’interface, pour améliorer la tolérance. L’évaluation de la compréhension et de l’adhésion du patient au projet thérapeutique sont également primordiaux. Des programmes d’éducation thérapeutique et/ou de thérapies comportementales peuvent être aidants dans certains cas(22).

Dans les troubles respiratoires obstructifs liés à une obstruction des voies aériennes supérieures, des traitements alternatifs ou adjuvants devront être envisagés, idéalement de façon multidisciplinaire. Selon les cas, on discutera de la possibilité d’un geste chirurgical ORL ou maxillofacial, d’un traitement orthodontique (expansion palatine par exemple), ou encore d’un suivi spécialisé pour accompagner la perte de poids(23). Le changement de mode d’assistance ventilatoire peut également être discuté : passage de la CPAP à la BPAP, ou de la CPAP à l’HFNC par exemple. Pour certains cas précis, la pose d’un stimulateur du nerf hypoglosse pourra se discuter, même si ce traitement reste pour le moment peu répandu en pédiatrie(24). Enfin, dans les cas les plus sévères, si l’assistance respiratoire non-invasive ne suffit pas à corriger le trouble ventilatoire obstructif et qu’aucun autre traitement n’est envisageable, la trachéotomie devra être considérée.

En cas d’hypoventilation (maladies neuro-musculaires, pathologies restrictives, hypoventilation d’origine centrale), la situation est plus complexe car il y a peu d’alternatives à l’assistance respiratoire non-invasive. La stimulation diaphragmatique peut être discutée dans de très rares cas mais c’est généralement le switch vers l’assistance respiratoire invasive via une trachéotomie qui est discuté si l’assistance respiratoire non-invasive n’est pas suffisante à corriger l’hypoventilation ou si la dépendance à cette assistance devient trop importante(25). En règle générale, lorsque le besoin dépasse seize heures de thérapie par jour, il convient de considérer un passage à une ventilation mécanique invasive(12). Il s’agit d’une décision lourde qui doit prendre en compte des aspects éthiques et qui doit être discutée en détail avec les patients et les parents(26).

Registre Suisse des enfants et adolescents ayant un soutien respiratoire à domicile

En 2022, grâce au soutien financier de la ligue pulmonaire suisse et de la société suisse de pneumologie pédiatrique, le registre national des enfants et adolescents ayant une assistance respiratoire au long cours a vu le jour en Suisse. Y sont inclus tous les patients de moins de 18 ans ayant une assistance respiratoire au long cours, invasive ou non. Les hôpitaux de Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Lucerne, Lugano et Zürich participent à ce registre, en y incluant tous les patients concernés suivis dans leurs centres.

Les informations recueillies à partir des dossiers médicaux et mises à jour une fois par an permettront de savoir combien d’enfants sont concernés, quel est leur âge, leur pathologie sous-jacente, et de détailler les informations en lien avec leur assistance respiratoire : indication, modalités pratiques, durée du traitement, effets secondaires, etc.

Le recensement effectué pendant cette première année du registre nous permet de dire qu’actuellement, environ 175 patients de moins de 18 ans ont une assistance respiratoire au long cours en Suisse.

Perspectives

Les progrès de la médecine en néonatologie et en soins intensifs pédiatriques, les possibilités techniques croissantes et les attentes en pleine évolution des parents et du personnel de santé vont continuer à faire augmenter le nombre de patients présentant un besoin chronique d’assistance respiratoire, non-invasive comme invasive. De mieux en mieux tolérée et plus facile à utiliser, la HFNC à domicile jouera à l’avenir un rôle essentiel, en particulier dans la prise en charge des nourrissons prématurés atteints d’insuffisance respiratoire ou comme alternative chez les patients intolérants à la CPAP(8,27). A l’heure actuelle, son usage est encore limité, notamment en raison d’un mode de financement non régulé.

Comme dans d’autres domaines médicaux, la tendance est à la médecine ambulatoire plutôt qu’aux hospitalisations. Le suivi à distance et les analyses simples du sommeil à domicile sont d’ores et déjà possibles et joueront un rôle encore plus grand à l’avenir(28).

La tenue d’un registre de patients permettra un benchmarking des centres de traitement de la détresse respiratoire et améliorera la qualité de la prise en charge. Par ailleurs, un registre permet une recherche de qualité auprès de cette petite population de patients, pour une médecine fondée sur les preuves.

Face à une plus grande complexité et un nombre accru de patients nécessitant une assistance respiratoire non-invasive à domicile, une bonne collaboration entre les pédiatres et les hôpitaux est indispensable. Un engagement proactif soutient la famille et l’équipe pluridisciplinaire à l’hôpital et améliore encore la prise en charge des patients et de leurs familles, tout cela dans l’objectif de permettre aux patients de passer le plus de temps possible chez eux plutôt qu’à l’hôpital.

Références tableaux/figures

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Informations complémentaires

Traducteur:
weiss traductions genossenschaft
Correspondance:
Auteurs
Dr. med. et phil.   Christian Bieli Abteilung pädiatrische Pneumologie/Schlafmedizin, Universitäts-Kinderspital Zürich, Zürich

Dr. med.  Miriam Liliana Giarrana Kaufmann Oberärztin ,Pneumologie, Universitäts-Kinderspital Zürich, Zürich

Alexandra Caflisch Universitäts-Kinderspital Zürich, Zürich

Fabienne Mani Universitäts-Kinderspital beider Basel, Basel

Marion Kale Kinderklinik, Pneumologie, Inselspital Bern, Bern

Martina Gfeller Kinderklinik, Pneumologie, Inselspital Bern, Bern

Dr med.  Sophie Guerin Unité de pneumologie et mucoviscidose pédiatrique, Département Femme-Mère-Enfant, CHUV, Lausanne