Introduction
La migration peut être une opportunité pour de nombreux parents d’offrir de meilleures conditions de vie, une formation ou des soins adaptés à leurs enfants ou adolescent∙e∙s. Parfois, dans certaines conditions de guerre, de pauvreté extrême ou d’insécurité, elle est la seule alternative pour une famille ou un∙e mineur∙e non accompagné∙e de rester en vie.
Un∙e adolescent∙e issu∙e de la migration mobilise beaucoup de ressources personnelles pour s’adapter non seulement aux enjeux qu’elle∙il rencontre face aux modifications morphologiques, neuro-biologiques ou psychologiques, mais aussi à une migration souvent forcée dans un pays inconnu, impliquant l’adaptation à un nouvel environnement socio-culturel. Un∙e jeune issu∙e de la migration présente ainsi en plus des vulnérabilités en lien avec son âge développemental, plusieurs facteurs de risques comme une situation administrative incertaine, une précarité financière, une détresse psychologique ou un accès restreint à une formation adaptée1). Ces différents processus internes (adolescence) et externe (migration) jouent un rôle crucial pour l’appropriation identitaire du jeune et son autonomisation.
Le parcours migratoire est fréquemment marqué par des deuils, des séparations, des violences ou des événements ayant conduit l’enfant ou l’adolescent∙e à être confronté∙e à des traumatismes majeurs et/ou des menaces de mort imminente. Les études observent que plus de 80% des enfants requérants d’asile ont été exposés à des violences durant leur parcours migratoire2). Chez les mineur∙e∙s non-accompagné∙e∙s, on retrouve jusqu’à 76% d’états de stress post-traumatiques3).
Bien que teintée de vulnérabilités diverses, l’adolescence représente un carrefour d’opportunités où se jouent de nombreux enjeux de santé globale, comme l’apprentissage de comportements protecteurs pour la santé ou le passage de l’école à la vie professionnelle. L’environnement dans lequel évoluera l’adolescent∙e récemment arrivé∙e en Suisse aura donc un impact significatif sur son développement et sa santé.
Le terme « migrant∙e » est multiple et englobe plusieurs types de population. Dans cet article, par « adolescent·e∙s issu∙e∙s de la migration », seront concernés les adolescent·e∙s dit·e∙s de « première génération », arrivé∙e∙s en Suisse après leur naissance, accompagné·e∙s ou non de leurs parents, avec ou sans permis de séjour, ainsi que les réfugié·e∙s et les requérant·e∙s d’asile.
Pour la·le pédiatre, se former aux problématiques en lien avec les populations issues de la migration est essentiel afin d’améliorer la qualité des soins des adolescent∙e∙s et de réduire ainsi les inégalités sociales ayant un impact sur leur santé. Le bilan d’entrée doit comprendre, en plus d’une évaluation somatique complète4), une anamnèse psycho-sociale et un état des lieux des ressources à disposition du jeune afin de pouvoir évaluer son état de santé globale et ses besoins.
Cet article offre des outils aux médecins de premier recours, centrés sur les déterminants sociaux de la santé. Il vise à répondre à trois objectifs permettant une prise en charge de meilleure qualité pour cette population :
- Connaître les procédures administratives pour les demandeuses et demandeurs d’asile et certaines particularités en lien avec les permis de séjour pouvant avoir un impact sur la santé et l’accès aux soins
- Améliorer la détection des vulnérabilités psycho-sociales des adolescent·e∙s afin de les orienter précocement vers la prise en charge médico-sociale adéquate
- Identifier les ressources et facteurs protecteurs des patient·e∙s afin d’adapter les messages de promotion et de prévention de santé globale
Migration en Suisse, quelques statistiques
Au niveau mondial, nous assistons à une augmentation constante des personnes déplacées. Entre 2015 et 2017, l’Europe a vécu un pic migratoire important. En 2015 en Suisse, plus de 39’000 personnes ont déposé une demande d’asile, chiffre le plus élevé depuis 1990 durant la guerre en Ex-Yougoslavie5). 6.7% des demandes d’asile enregistrées en 2015 étaient des mineurs non accompagnés (MNA), soit 2’730 jeunes6). De nombreuses structures spécialisées (foyer, structures de soins) ont alors vu le jour pour répondre aux besoins spécifiques de cette population.
Depuis 2017, après certaines modifications des lois sur la migration, le nombre de migrant·e arrivant en Europe et en Suisse est en nette diminution. Cette diminution s’est vue encore accentuée en 2020 en lien avec les mesures de restriction des déplacements liée à l’épidémie de COVID-19. En 2020 en Suisse, 11’040 demandes d’asiles ont été déposées avec 4.5% de MNA, soit 535 jeunes6). En parallèle, on assiste à une situation critique aux portes de l’Europe, où les conditions de vie de milliers de jeunes mineur·e∙s sont précaires et les exposent à des violences communautaires ou institutionnelles, comme dans les camps de réfugiés sur les îles grecques ou dans les enclaves espagnoles en Afrique du Nord. Un nouveau pic migratoire en Suisse est possible et nous devons être prêt·e·s à accueillir ces jeunes patient·e∙s d’un point de vue social et médical.
Aujourd’hui, en Suisse, les nouvelles demandes d’asiles sont déposées par des personnes principalement issues de l’Érythrée, d’Afghanistan, de Turquie, d’Algérie, de Syrie et du Sri Lanka, ainsi que, dans une moindre mesure de Géorgie, d’Irak, d’Iran et de Somalie5).
Demande d’asile et situation administrative
En 2019, la procédure d’asile a été modifiée dans le but de raccourcir les procédures administratives7). À son arrivée en Suisse, la∙le requérant∙e d’asile peut déposer une demande dans un des 6 centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA). Cette étape dure au maximum 140 jours et les procédures ont lieu en grande partie dans les centres fédéraux. (Figure 1) Les personnes reçoivent alors un permis N. La procédure se déroule en plusieurs étapes, menée par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) :
Phase préparatoire (10 à 21 jours) : Audition sommaire avec un recueil des données personnelles et des motifs d’asile avec une protection juridique gratuite. Le SEM va alors déterminer la suite de la procédure en 3 possibilités :
1.Procédure Dublin (40%) : Si la personne a déjà fait une demande d’asile dans un autre état européen, sa demande est refusée et l’on parle de « Cas Dublin ». Les personnes concernées reçoivent généralement une décision de non-entrée en matière (NEM). Elles sont soit renvoyées directement vers un autre état (membre de l’accord Dublin) ou sont transférées vers un autre centre fédéral dit sans tâche procédurale, anciennement appelé centre de renvoi.
Phase cadencée (jusqu’à 140 jours) : Audition plus longue et plus détaillée. Procédure accélérée (32%) : Si une décision est positive (permis B ou F), la personne sera transférée dans un centre cantonal pour débuter son intégration. Si la décision est négative, un recours est possible dans les 7 jours. En cas de renvoi rapidement exécutable, il a lieu directement depuis le CFA.
2. Procédure étendue (28%) : Pour les cas complexes, la personne est envoyée dans un centre cantonal pour la suite de la procédure.
3. Pour toutes les personnes déboutées de l’asile mais dont le renvoi n’est pas exécutable, l’aide d’urgence peut leur être octroyée. Celle-ci est définie par des dispositions cantonales.
Situations nécessitant une attention particulière :
- Adolescent·e∙s à l’aide d’urgence (NEM) :
Les personnes déboutées de la procédure d’asiles sont tenues de quitter la Suisse. Durant l’attente de l’exécution de leur renvoi, ces personnes reçoivent une aide dite d’urgence. L’aide d’urgence est accordée par le canton, sur demande et en cas de nécessité avérée. Cet aide comprend la mise à disposition d’un toit (hébergement collectif), d’une alimentation en nature ou sous forme de bon, rarement en espèce ou alors équivalent à 8.- par jour, d’articles d’hygiène et d’une couverture médicale. Cette mesure avait été pensée au départ par le SEM pour inciter les personnes à quitter la Suisse, mais un grand nombre de personnes reste avec ce statut précaire pendant des années. À noter qu’en Suisse, une personne sur 6 à l’aide d’urgence est un·e mineur·e9) . Cette situation mène à une grande incertitude concernant les projets de vie des familles et à une précarité financière qui ont un impact important sur la santé. L’accès à un apprentissage est impossible. La∙le pédiatre doit également veiller à ce qu’un lieu de vie sécurisé, un encadrement éducatif et un accès à une nourriture saine soient assurés.
- Adolescent·e∙s sans permis de séjour
Les adolescent·e∙s sans permis de séjour se retrouvent dans une situation d’illégalité et de grande vulnérabilité. Ce groupe présente un risque augmenté de problème de santé physique et mentale, un accès aux soins diminués par peur d’être dénoncé·e ou en l’absence d’une assurance-maladie. Ces jeunes ont le droit d’être assuré∙e∙s, mais elles∙ils ne touchent pas d’aide supplémentaire pour les besoins de base. L’accès à une formation professionnelle est également difficile, voire impossible, ce qui fragilise la santé de ces jeunes contraints à se mettre en danger en travaillant illégalement en cas de non-régularisation de leur situation après l’école obligatoire.
- Mineur·e∙s non accompagné·e∙s
Par mineur·e∙s non accompagné·e∙s, on entend toute personne de moins de 18 ans qui est séparée de ses deux parents et n’est pas accompagnée d’un adulte responsable. Ces adolescent·e∙s isolé·e∙s, ne bénéficiant pas d’un accompagnement familial, nécessitent une prise en charge bio-psycho-sociale spécifique afin de pouvoir être suivis sur le plan médical et être soutenus dans un projet de formation. Le passage à la majorité est souvent une période à risque qui doit être anticipée par les professionnel∙le∙s encadrant ces jeunes afin de pouvoir identifier les personnes ressources pouvant les accompagner et leur éviter une désinsertion professionnelle ou un morcellement de leur soutien social ou psychologique.
Compétences communicationnelles
De bonnes compétences cliniques transculturelles sont essentielles afin de favoriser des soins équitables et permettre d’aborder avec l’adolescent∙e et sa famille ou l’adulte de référence, les enjeux du passage à la vie d’adulte (choix d’un·e partenaire de vie, projet de formation, autonomisation du milieu familial…). En raison de la fréquence élevée de vécus traumatiques et violents, au pays, mais aussi sur leur trajet migratoire ou dans leur pays d’accueil, des connaissances en clinique du traumatisme psychique sont importantes afin de détecter des symptômes pouvant être signe d’une souffrance psychique aiguë ou chronique (PTSD, troubles anxio-dépressifs, …) et pouvoir ainsi les orienter rapidement vers des structures adaptées.
Dans les situations d’antécédents de maltraitances interpersonnelles ou structurelles, de précarité financière ou de dysfonctionnement psychique d’un membre de la famille, un sentiment de honte peut influencer la qualité de la consultation. La∙le soignant∙e doit privilégier une approche non-jugeante et sécurisante.
Se sentir en sécurité avec la∙le thérapeute est un élément clé pour ces jeunes ayant été interrogé∙e∙s de multiples fois par les services administratifs10). Les silences concernant le parcours migratoire peuvent être liés à une méfiance envers la·le médecin qui pourrait communiquer avec les autorités administratives. La·le médecin doit pouvoir exprimer explicitement qu’il est soumis au secret médical afin d’établir un lien de confiance avec la·le patient·e.
Dans l’anamnèse du parcours migratoire, la·le jeune pourrait refuser de s’exprimer ou donner des réponses imprécises par crainte de réactiver un traumatisme en le verbalisant. Dans cette situation, la·le pédiatre ne devrait pas investiguer activement les antécédents traumatiques si la·le patient·e n’en exprime pas le besoin ou s’il a la possibilité d’élaborer ses traumatismes avec un·e pédopsychiatre formé·e dans ce domaine.
Malgré l’autonomie souvent très précoce des adolescent·e∙s issu·e∙s de la migration, il est indispensable d’inviter les parents durant une partie de la consultation afin de prendre en compte leurs préoccupations et faire office de médiateur·trice lorsque des désaccords ou malentendus surviennent. La question de la confidentialité doit être discutée avec la·le patient·e seul·e et expliquée aux parents. La présence d’un·e interprète, médiateur·trice culturel·le, est souvent essentielle pour le bon déroulement de la consultation. Pour un·e adolescent·e migrant·e, l’accompagnement par un·e adulte de confiance aura un impact déterminant pour sa santé, son intégration sociale et professionnelle. La·le pédiatre doit pouvoir identifier cet·te adulte ressource (parfois c’est la·le pédiatre lui-même qui prend ce rôle) qui accompagnera l’adolescent·e durant ces années déterminantes.
Santé globale et bilan social
L’évaluation bio-psycho-sociale de l’adolescent·e se fait par le biais du HEADS (acronyme « Home, Education, Activities, Drugs, Sexuality, Suicide/Depression ») dont les questions peuvent être adaptées au contexte migratoire. (Figure 2) Les facteurs protecteurs comme des ressources individuelles sur le plan de la santé mentale, une famille soutenante ou de bons résultats scolaires doivent être identifiés et verbalisés aux jeunes afin de renforcer son estime de soi et sa résilience. Afin de pouvoir effectuer une synthèse de cette évaluation, elle peut être structurée en trois partie interdépendantes, qui comprennent la santé globale, le contexte social large et la formation. (Figure 3)
La stabilité ou l’insécurité administrative doit être connue du·de la soignant·e afin de pouvoir comprendre les facteurs pouvant fragiliser un suivi médical ou social. Dans les situations incertaines concernant le lieu de résidence à moyen terme d’une famille, il est important que le médecin parte du principe que la·le patient·e restera en Suisse pour un temps indéterminé afin d’organiser le suivi médical en lui offrant une qualité de soins identique à celle offerte à n’importe quel autre patient·e résidant en Suisse.
Aborder la question des ressources financières de la famille ou du type de logement est important afin de ne pas mettre l’adolescent·e ou la famille en situation d’échec annoncé avec des recommandations qu’il ne pourrait pas suivre sans accompagnement social. (Tableau 2).
Santé sexuelle
Le développement psychosexuel est influencé par de nombreux facteurs comme la culture, la religion et/ou le milieu social. Aborder les questions de sexualité avec les jeunes migrant·e∙s nécessite une certaine expertise afin de prendre en compte leur représentation et leur vécu, pouvoir adapter les messages de prévention et répondre à leurs questions en lien avec leur vie intime.
Selon le pays d’origine, il est encore difficile de parler ouvertement de ces sujets, ceux-ci étant considérés comme tabou11). Ces jeunes n’ont souvent pas bénéficié de cours d’éducation sexuelle et n’ont pas une bonne connaissance de la physiologie du corps ou ne connaissent pas l’existence des services de prévention12). Dans ce contexte, elles·ils sont plus à risque d’avoir des expériences négatives comme une grossesse non désirée ou une maladie sexuellement transmissible.
Dans les consultations, les questions liées au fonctionnement du corps et à la puberté doivent être abordées. S’il est peut-être plus facile de parler de ces sujets avec les jeunes femmes, notamment pour les questions en lien avec les menstruations, ils doivent également être abordés avec les jeunes hommes car leurs connaissances sont souvent faibles et le nombre de questions importantes. La prévention des grossesses non désirées ou des maladies sexuelles transmissibles, le dépistage, la prise en charge des maladies doivent être discutés, mais également les questions en lien avec le vécu, l’orientation sexuelle et la relation à l’autre.
Certaines normes culturelles peuvent représenter un obstacle à l’accès aux soins, notamment si le modèle familial est patriarcal avec un rôle lié au genre prédéterminé ou un message principalement basé sur les interdits. Il est donc essentiel d’explorer la représentation de la sexualité de la famille du jeune et de son/sa partenaire : L’adolescent·e devra-elle cacher un moyen de contraception ou des rendez-vous chez le médecin ? La question du préservatif est-elle discutée dans le couple ? Comment une grossesse et une éventuelle interruption sont-elles perçues ? Dans ces cas-là, la·le soignant·e devient une source clé d’information et de soutien pour la·le jeune et un accompagnement spécialisé peut-être nécessaire, notamment par des conseiller·ères en santé sexuelle et reproductive.
Parmi les jeunes femmes migrantes en Suisse, certaines viennent de régions où les mutilations génitales féminines (MGF) sont des traditions courantes. L’OMS définit les MGF par « toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou autres lésions des organes génitaux féminins pratiquées à des fins non thérapeutiques »13). Cette pratique est encore réalisée dans 30 pays d’Afrique (notamment en Érythrée et en Somalie pour les populations migrantes fortement représentées en Suisse), dans quelques pays d’Asie et au moyen Orient. Cette pratique est interdite par la loi en Suisse. Les complications tant sur le plan médical que psychologique sont importantes et la·le pédiatre doit pouvoir aborder ces sujets et proposer un suivi adéquat à ces patientes, par exemple une évaluation chez un·e gynécologue pédiatre.
Dans les différentes phases du parcours migratoire, les jeunes et particulièrement ceux voyageant seul·e∙s, sont à risque de différentes formes de violences et d’exploitation2). Ces expériences négatives vont avoir un impact sur leur santé globale et nécessitent un suivi spécialisé. Un bilan IST doit être proposé à tout·e adolescent·e pouvant avoir été à risque de rapport sexuel non protégé.
Enjeux en lien avec la formation
L’école et les projets de formation assument un rôle clé dans la prévention et la promotion de la santé14). C’est par ailleurs un des facteurs protecteurs principaux pour les adolescent·e∙s issu·e∙s de la migration permettant de s’intégrer dans leur nouveau pays et se projeter dans l’avenir. Malgré les nombreux projets d’amélioration d’intégration proposés aux élèves d’origine étrangère, les parents ne sont pas toujours invités à participer à l’accompagnement scolaire de leur enfant et à en comprendre le fonctionnement et les enjeux. Dans certaines situations, la·le pédiatre doit pouvoir garder un lien régulier avec l’école afin d’évaluer les progrès de l’adolescent·e, les projets de vie qui lui sont présentés et les éventuels bilans nécessaires lorsqu’il existe des troubles de l’apprentissage.
Selon la littérature, plus l’âge d’entrée dans le système scolaire suisse est précoce, moins le risque d’échec devient important. En effet, une étude indique que, 7 ans après avoir fini l’école obligatoire, 60% des jeunes migrant·e∙s en situation juridique précaire arrivé·e·s en Suisse après l’âge de dix ans se trouvent en dehors du système de formation et sans diplôme.
La fragilité statutaire d’une partie des adolescent·e∙s issu·e∙s de la migration peut avoir des conséquences directes sur la formation (inaccessibilité de formations professionnelles, interruption de formations suite à un non-renouvellement du permis de séjour, etc). Il y a ainsi une tension entre le principe du droit à la formation pour tou·te∙s les mineur·e∙s et les restrictions imposées par le droit des étrangers.
Malgré les obstacles, les actions des professionnels qui entourent les jeunes peuvent être décisives pour permettre la poursuite d’une formation15).
Précarité et prévention des dettes
Les études montrent une forte corrélation entre une bonne situation financière et une bonne santé16).
En effet, les problèmes de santé peuvent conduire à l’endettement mais l’endettement lui-même a des effets sur la santé physique et mentale.
Sachant qu’en Suisse, 80% des personnes endettées ont contracté leur première dette avant l’âge de 25 ans17), le passage à la majorité est une période de vie qui rend cette population particulièrement vulnérable, avec les nouvelles responsabilités qui lui incombe. Dès lors, il n’est pas rare de voir des jeunes majeur∙e∙s renoncer aux prestations de santé pour des raisons économiques, par exemple si la franchise de l’assurance maladie est trop élevée. Le facteur migratoire étant un des facteurs de risque de pauvreté18), il convient à la·au pédiatre d’être particulièrement attentif avec les adolescent·e∙s issu·e∙s de la migration afin de pouvoir les adresser vers un soutien social adapté.
Anticiper la majorité
La question de la transition est une période cruciale pour tout·e adolescent·e et particulièrement s’ils sont issu·e∙s de la migration.
Un accompagnement social clairement identifié devrait être mis en place en parallèle à la recherche d’un·e médecin traitant adulte afin que la·le jeune puisse avoir des personnes de confiance vers qui il ose s’adresser en cas de problèmes de santé, de difficultés économiques, sociales ou de formation.
Conclusion
Les consultations avec des adolescent∙e∙s migrant∙e∙s sont passionnantes et leur parcours de vie souvent impressionnant. Elles et ils nécessitent une prise en charge adaptée par des soignant·e∙s formés en compétences transculturelles et en pédiatrie sociale. Souvent malmenés par des événements de vie traumatiques, une évaluation physique et psychologique doit être effectuée par la·le médecin de premier recours.
La·le pédiatre doit pouvoir identifier le réseau interdisciplinaire accompagnant la·le jeune afin qu’il puisse bénéficier des compétences des différentes professionnelles qui pourront l’accompagner en fonction de ses besoins sociaux, selon son état psychologique ou son parcours scolaire.
Le rôle de la∙du pédiatre peut être déterminant durant cette période de l’adolescence fragile mais riche en opportunités de changement et en leviers de résilience.
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