Durant quatre séances, un groupe de travail de la Société Suisse de Néonatologie* a discuté des valeurs de référence à adopter pour le poids, la taille et le périmètre crânien à la naissance et comment définir un faible poids pour l’âge gestationnel. Les conclusions ont été présentées le 19 janvier 2010 à l’occasion du Congrès annuel de la Société Suisse de Néonatologie à Berne. Le groupe de travail propose d’utiliser comme valeurs de référence les courbes de percentiles publiées par Voigt et al.1) qui se basent sur 1.8 millions nouveaux-nés nés en Allemagne; comme valeur limite il propose le percentile 3.
Nous présentons ici les principales réflexions ayant conduit à cette recommandation.
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F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e Vol. 21 No. 5 2010
de mesures échographiques (longueur du
fémur, tour de l’abdomen et périmètre crâ-
nien) répétées
3). Le faible poids pour l’âge
gestationnel (Small for Gestational Age =
SGA) est constaté à la naissance, lorsque
le poids de l’enfant est en dessous d’une
certaine limite. Après avoir coupé le cordon,
l’enfant est pesé nu\( sur une balance.
Le RCIU repose donc sur une observation
longitudinale alors que le SGA est une valeur
isolée. Un enfant avec un RCIU peut avoir
un SGA, mais son poids peut aussi se situer
dans la norme (fig. 1).
Différence entre v\.aleurs de
référence intrauté\.rines et
extrautérines
Plusieurs auteurs ont fait remarquer que
les normes basées sur des valeurs calcu-
lées par échographie pendant la grossesse
dévient sensiblement de celles constatées
après la naissance
3), 4). Entre 24 et 37 se-
maines de grossesse, le percentile 3 se
trouve, pour les courbes établies après la
naissance, jusqu’à 500 g en dessous des
normes intrautérines (fig. 2). Le percentile
97 par contre se situe, pour les valeurs
de référence intrautérines, au dessus des
valeurs extrautérine\(s.
Il y a deux raisons importantes à ces dif-
férences: d’une part le poids est établi
par deux méthodes complètement diffé-
rentes. La méthode intrautérine est une
estimation indirecte à partir de mesures
échographiques; par la méthode extrauté-
rine on mesure le poids directement sur
la balance. D’autre part les deux popula-
tions de référence sont différentes. Les
valeurs extrautérines ont été récoltées à
Durant quatre séances, un groupe de travail
de la Société Suisse de Néonatologie* a
discuté des valeurs de référence à adop-
ter pour le poids, la taille et le périmètre
crânien à la naissance et comment définir
un faible poids pour l’âge gestationnel. Les
conclusions ont été présentées le 19 janvier
2010 à l’occasion du Congrès annuel de la
Société Suisse de Néonatologie à Berne.
Le groupe de travail propose d’utiliser
comme valeurs de référence les courbes de
percentiles publiées par Voigt et al.
1) qui se
basent sur 1.8 millions nouveaux-nés nés en
Allemagne; comme valeur limite il propose
le percentile 3.
Nous présentons ici les principales ré-
flexions ayant conduit à cette recomman-
dation:
Quel est l’objectif des courbes
de croissance?
Les valeurs de référence visent plusieurs
objectifs 2). Nous citons ci-après les plus
importants:
•
Etablir
la cause d’un poids trop faible/
trop élevé. •
E
valuer un risque accru pour des troubles
de l’adaptation (hypothermie, hypoglycé-
mie (fig. 4) etc.) et prendre les mesures
préventives.
•
C
onduire l’alimentation entérale et paren-
térale.
•
Etablir
un pronostic pour la croissance
et pour le développement psychomoteur
(fig. 5).
•
Reconnaître
précocément les risques à
long terme (maladie coronaire, syndrome
métabolique).
L’objectif visé influence le choix des valeurs
de référence et la définition du faible poids.
Nous estimons qu’en néonatologie, l’appli-
cation la plus importante est l’évaluation
du risque de troubles de l’adaptation. De
sa définition découle, dans la pratique
quotidienne, quels enfants nécessitent une
surveillance post natale\( particulière.
Différence entre r\.etard de
croissance intraut\.érin (
RCIU)
et faible poids pour l’âge
gestationnel (
SGA)
Lors d’un retard de croissance intrautérin
(RCIU) la prise de poids, donc la courbe de
croissance individuelle, stagne et croise
les courbes de percentiles. Cela présume
plusieurs évaluations du poids qui est en
général calculé, chez le fœtus, sur la base
Comment définir un faible poids pour
l’âge gestationnel?
H. U. Bucher, ZurichTraduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
* Composition du groupe de travail: Mark Adams,
Olaf Ahrens, Vera Bernet, Hans Ulrich Bucher (cor-
respondance à buh@usz.ch), Tilo Burkhardt, Gabriel
Konetzny, Diego Mieth, Marco Travaglini, Rebekka
Zündorf, conseiller statisti\(que: Luciano Molinari
Fig. 1:
Retard de croissance intrautérin (RCIU, bleu) et faible poids
de naissance pour \(l’âge gestationnel (SGA, losange noir) Fig. 2: Comparaison entre valeurs de référence (percentile 3, 50 et 97)
intrautérines (ligne interrompue) et extrautérines (ligne fine, continue) 1), 3)
0
500
1000 1500
2000 2500 3000
3500
4000
4500
5000
23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Semaines de grossess\de
Poids de naissance
4
544
d444
d544
e444
e544 444 544
m444 m544
5444
ee em eseu 4 e m s u m4me
Fortbiolduodng llo\.llo
/ bul
réchogapréchoga4réchogp5réchog54réchoge5réchogd4réchog iq(lnf,
F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e
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Vol. 21 No. 5 2010
Quels co-facteurs faut-il
considérer lors de\. la définition
de valeurs normale\.s
?
Dans la littérature sont proposées comme
co-variables, outre l’âge gestationnel et le
sexe, entre autres les naissances multiples,
les malformations, l’âge, la parité, la taille de
la mère et l’origine ethnique. À notre avis ne
se justifient que des courbes séparées selon
le sexe, comme c’est le cas aussi durant
l’enfance. Les percentiles 3, 50 et 97 se
situent, pour les garçons, 4 à 5% au dessus
de ceux des filles (fig. 3).
Quelles valeurs de\. référence
sont les mieux ada\.ptées à la
population de nouve\.aux-nés
suisses
?
Dans la littérature nous n’avons trouvé, pour
les mesures à la naissance, qu’un nombre
limité de valeurs de référence différenciées
selon les semaines de grossesse. Nous
avons exclu un grand nombre de publica-
tions qui se basaient soit sur des mesures
échographiques intrautérines, soit ne décri-
vaient que la croissance après la naissance
ou se rapportaient à un groupe à risque
comme p.
ex. les jumeaux.
D
es travaux énumérés dans le tableau 1,
nous avons exclu ceux publiés avant 1990
et ceux ne comportant pas d’indications sur
le périmètre crânien ou qui se limitaient aux
nouveaux-nés à terme. Le choix se limita
partir d’une sélection d’enfants atteints de
pathologies diverses, le faible poids ayant
souvent influencé la décision en faveur d’un
accouchement prématuré.
Pour des raisons théoriques devraient donc
être utilisées, pour les prématurés, des
courbes de croissance qui reposent sur la
population générale, incluant des enfants
nés et pas encore n\(és.
Nous avons discuté l’opportunité d’utili-
ser, pour les prématurés de moins de 34
voire moins de 37 semaines de grossesse, une référence séparée, basée sur des va-
leurs échographiques recueillies in utero.
Nous avons écarté cette option pour deux
raisons. 1. Au passage de la référence
intrautérine à la référence extrautérine ap-
paraîterait une cassure. 2. En remplaçant
les valeurs extrautérines utilisées jusqu’ici
par les valeurs intrautérines, d’un coup
plus de 30% de tous les nouveaux-nés se
trouveraient en dessous du percentile 3.
Dans la pratique, appliquer des valeurs de
référence intrautérines à une population
de nouveaux-nés ne serait donc guère
adéquat.
Fig. 3: Comparaison entre courbe de référence pour garçons (ligne interrompue) et filles
(ligne continue) 1)
Tableau 1: Publications avec valeurs de référence pour les mesures à la naissance. SG = semaines de grossesse, P = poids, T = taille, PC =
périmètre crânien
Auteur
principal Année de
publication Nombre
d’enfants
Pays (région) Durée Exclusion Âge gesta-
tionnelMesures à la
naissance
Lubchenco 1966 4716 USA (Colorado)
1948–1961 Non caucasiens 26–42 P, T, PC
Usher 1969 ? USA Non caucasiens 25–44 P, T, PC
Gairdner 1971 ? Grande Bretagne 28–40 P, T, PC
Largo 1980 5613 Suisse (Winterthur) 1969–1974 27–44 P, T, PC
Blidner 1984 1231 Canada 1974–197531–43 P, T, PC
Beeby 1996 29 090 Australie (NSW) 1982–1995 Naissances multiples\( 22–43 P, T
Cole
5) 1998 33 700 Grande Bretagne 1987–1994 Non blancs 23–42 P, T, PC
Alexander 1999 9.6 Mio USA 1994–1996 Naissances multiples\( 20–44 P
Kramer 2001 676 605 Canada 1994–1996 Aucune 22–43 P
Oken 2003 6.7 Mio USA 1999–200022–44 P
Tentoni 2004 1.4 Mio Italie 1990–1994 3
ème enfant et ultérieurs\( 21–34 P
Voigt 1) 2006 1.8 Mio Allemagne1995–2000 Naissances multiples\( 20–43 P, T, PC
Janssen 2007 2695 Canada (British Columbia) 2000–2003 Mère tabagique 37–41 P, T, PC
0
500
1000 1500
2000
2500 3000 3500
4000
4500
5000
23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42
Semaines de grossess\de
Poids de naissance
G Perc. 97
G Perc. 50
G Perc. 3
F Perc. 97
F Perc. 50
F Perc. 3
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F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e Vol. 21 No. 5 2010
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intrauterine growth. Arch Dis Child 2005; 90: 474–9.
Correspondance
Prof. H.
U. Buc
her
Klinik für Neonatolo\(gie
UniversitätsSpital, 8\(091 Zürich
Fax 044 255 44 42, b\(uh@usz.ch
finalement à deux études
1), 5). Nous nous
sommes décidés pour l’étude de Voigt et
al.
1) qui se base sur un grand collectif de
naissances uniques dont la composition eth-
nique est comparable à celle de la Suisse.
Pour prouver qu’elle est représentative,
nous avons comparé les données de cette
étude avec celles mises à disposition par
l’Office fédéral de la statistique à Neuchâ-
tel, concernant les enfants nés en Suisse
en 2007. Le percentile 50 pour le poids de
naissance de garçons et de filles de 25 à 42
semaines de grossesse est pratiquement
identique.
Ces normes ne devraient pourtant être utili-
sées que pour un bilan à la naissance et pas
pour la croissance après la naissance. En
effet le percentile 3 de Voigt et al.
1) montre
entre la 26 ème et la 32 ème SG une progression
rapide de 30 g par kg de poids corporel
et par jour. Pour les courbes intrautérines
l’augmentation n’est que de 15 g. C’est la
raison pour laquelle des valeurs de réfé-
rence spécifiques ont été publiées pour la
croissance postnatale des prématurés
6), 7).
La discussion si et avec quelle rapidité les
prématurés avec un faible poids de nais-
sance devraient rattraper après la naissance
est par contre enco\(re ouverte.
Quelle limite faut\.-il choisir
pour définir le fai\.ble poids
de naissance?
Nous avons discuté des percentiles 10,
5 et 3 et de deux déviations standard
en dessous de la valeur moyenne; nous
nous sommes décidés pour le percentile
3 pour les raisons suivantes: 1) Il montre,
au moins pour la détermination du risque
d’hypoglycémie (fig. 5) et pour le pronos-
tic d’une infirmité motrice cérébrale, la
meilleure relation entre valeurs prédictives
faussement négatives et faussement po-
sitives. Il faut pourtant souligner qu’avec
le percentile 3 comme limite pour le dé-
pistage de l’hypoglycémie néonatale, un
nombre important d’hypoglycémies nous
échappent; il faut donc inclure d’autres
facteurs de risque pour le dépistage de
l’hypoglycémie néonatale. Le percentile 3
se situe par ailleurs tout près des deux dé-
viations standard en dessous de la norme.
Cette dernière définition est utilisée plus
tard pour l’indication au traitement par
hormone de croissance
8), 9) . Des valeurs
limites homogènes s’appliquent ainsi pour
tous les âges pédiatriques.
Recommandation
Après une évaluation très soigneuse, le
groupe de travail s’est décidé pour les va-
leurs de référence à la naissance publiées
par Voigt et al.
1). http://www.kispi.uzh.
ch/Kinderspital/Medizin/Medizin/AWE/
Wachstumskurven.html.
Il faut pourtant garder à l’esprit que les va-
leurs pour les prématurés de moins de 34
semaines se basent sur un collectif de pa-
tients sélectionnés de façon iatrogène et se
situent donc considérablement en dessous
des normes intrautérines. Les valeurs de
référence de Voigt ne doivent être utilisées
qu’à la naissance et pas pour la croissance
postnatale des préma\(turés.
Comme limite pour le faible poids pour lâge
gestationnel le groupe de travail recom-
mande le percentile \(3.
Fig. 5: Fréquence de l’hypoglycémie néonatale, en fonction du per-
centile pour le poids de naissance (Konetzny et al, pas encore publié)
Fig. 6: Corrélation entre poids de naissance et risque relatif pour une
infirmité motrice cérébrale (IMC). Avec un poids de naissance en
dessous du score z 1.88 le risque augmente rapidement (modifié
d’après Jarvis et al.
10))
0% 5%
10%
15% 20% 25%
30%
<3. Perz
<5. Perz
<10. Perz
> 10. Perz.
Percentile pour le po\lids de naissance
Fréquence d’hypoglycé\lmie
0 2 4 6 8
10 12 14 16 18
<-1.88 -1.28 -0.67 0 0.67 1.28 1.88 >1.88
Poids de naissance (z\n-score)
Risque relatif pour I\nMC
Nés à terme
Prématurés
Informations complémentaires
Traducteur:
Rudolf Schläpfer
Auteurs
Hans Ulrich Bucher , Universtätspital Zürich