Durant les premiers mois de vie, le nourrisson connaît une croissance particulièrement rapide, la plus importante de sa vie par rapport à sa masse corporelle. Cette vitesse de croissance induit un besoin relativement élevé en protéines. L’apport en protéines doit non seulement, couvrir les pertes azotées (urines, selles, peau), mais aussi les besoins nécessaires à la poursuite de sa croissance. En effet, plus la croissance est rapide, plus les besoins en protéines dédiés à la croissance sont importants. Par conséquent, la vitesse de croissance a une influence déterminante sur le besoin global en protéines du nourrisson. La vitesse de croissance variant très rapidement, cela vient encore davantage compliquer la donne. Trente-cinq grammes de protéines par jour sont nécessaires au nouveau-né pendant le premier mois, alors que ce besoin diminue pour atteindre quinze grammes par jour au cours du 6ème mois.
F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e
58
Vol. 21 No. 5 2010
santé 2). Ces valeurs officielles de besoins
en protéines apparaissent sur la Figure 2. Il
est à noter qu’elles ne dévient que très peu
données de la Figure
1
relatives à l’enfant
allaité. Le groupe d’experts est allé plus loin
en calculant la limite supérieure des besoins
en protéines des nourrissons, c’est-à-dire la
valeur de l’apport protéique qui couvre les
besoins protéiques de pratiquement tous
les nourrissons pendant les 12 premiers
mois de vie. Les valeurs de limite supérieure
(«safe intake») sont également présentées
Figure 2 . Nous constatons ainsi que les be-
soins en protéines du nourrisson diminuent
rapidement durant les premiers mois de vie
et que l’apport protéique fourni à l’enfant
allaité diminue également. Ce dernier ingère
donc, au quotidien, la quantité de protéines
dont il a besoin.
Qu’en est-il maintenant du nourrisson nourri
avec des formules infantiles? La teneur en
protéines des laits de départ doit contribuer
à couvrir l’ensemble des besoins en protéines
des nourrissons non allaités pendant les pre-
miers mois de vie. Ces formules sont donc
conçues pour correspondre, en terme d’apport
protéique, à tous les nourrissons, surtout pen-
dant le premier mois de vie, au cours duquel
leurs besoins sont les plus importants. Afin de
pouvoir comparer les besoins en protéines des
nourrissons et la teneur en protéines de l’ali-
mentation infantile, les deux valeurs sont expri-
mées en fonction de l’énergie en g/100
k
cal.
Les besoins en protéines du nourrisson, relatifs
aux besoins énergétiques sont d’environ 1.65
g/100 kcal lors du premier mois de vie comme
l’indique la Figure 3. Cette valeur diminue
ensuite rapidement. La teneur en protéines
en relation avec les apports énergétiques des
laits de départ, quant à elle, se situe entre
Durant les premiers mois de vie, le nour-
risson connaît une croissance particulière-
ment rapide, la plus importante de sa vie par
rapport à sa masse corporelle. Cette vitesse
de croissance induit un besoin relativement
élevé en protéines. L’apport en protéines
doit non seulement, couvrir les pertes
azotées (urines, selles, peau), mais aussi
les besoins nécessaires à la poursuite de
sa croissance. En effet, plus la croissance
est rapide, plus les besoins en protéines
dédiés à la croissance sont importants.
Par conséquent, la vitesse de croissance
a une influence déterminante sur le besoin
global en protéines du nourrisson. La vi-
tesse de croissance variant très rapidement,
cela vient encore davantage compliquer la
donne. Trente-cinq grammes de protéines
par jour sont nécessaires au nouveau-né
pendant le premier mois, alors que ce besoin
diminue pour atteindre quinze grammes par
jour au cours du 6
ème mois.
Les besoins quotidiens en protéines du
nourrisson peuvent être calculés en addi-
tionnant, d’une part, les besoins moyens
estimés nécessaires à sa croissance et,
d’autre part, les pertes inévitables en azote
au travers des urines, des selles et de la peau (méthode factorielle)
1). Les valeurs
ainsi obtenues apparaissent sur la Figure
1.
On constate une baisse relativement rapide
des besoins en protéines durant les pre-
miers mois de vie.
Les besoins en protéines des nourrissons
peuvent également être déduits de l’apport
en protéines chez les enfants allaités. Cet
apport peut être calculé à partir de la teneur
protéique du lait maternel et du volume
moyen de lait ingéré
1). Au fur et à mesure que
le volume de lait ingéré augmente, la teneur
protéique diminue. Elle vaut environ 14.0 g/L
(1.85 g/100 kcal) au cours du premier mois
pour atteindre 8.6 g/L (1.35 g/100 kcal) au
4
ème mois. Elle reste ensuite relativement
constante. L’apport en protéines de l’enfant
allaité est également représenté sur la Figure
1 . Cela montre que l’apport protéique chez
l’enfant allaité correspond bien aux besoins
calculés en protéines. Ceci tient au fait que
l’enfant allaité reçoit la juste quantité de
protéines, ni trop, ni trop peu.
C’est la raison pour laquelle un groupe
de spécialistes de la FAO/WHO/UNU**
a utilisé l’apport en protéines moyen de
l’enfant allaité comme base pour définir les
besoins en protéines du nourrisson en bonne
Besoins et apports en protéines pour un
nourrisson en bonne santé
Ekhard E. Ziegler, \fIowa, USA *
* D epartment of Pediatrics, University Hospitals, University of Iowa, \fIowa City, Iowa 522\f42 USA
0.00 0.50 1.00 1.50 2.00 2.50 3.00
0-1 1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 6-9 9-12
Intervalle d’âge (\)mois)
Protéines (g/kg/jour)\)
MoyenneLimite supérieure
0.00 0.50
1.00 1.50 2.00
2.50
0-1 1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 Intervalle d’âge (mois)
Méthode factorielle
Enfant allaité
Protéines (g/kg/jour)\)
Figure 1: Besoins en protéines calculés par la méthode factorielle, et
apport en protéines chez un enfant allaité exclusivement. Données
de Fomon
1) Figure 2: Besoins en protéines (valeur moyenne et limite supérieure)
Données de la FAO/WHO/UNU** 2)
** F AO = Food & Agriculture Organization, WHO = World Health Organization, UNU = United Nations University
59
F o r t b i l d u n g / F o r m a t i o n c o n t i n u e Vol. 21 No. 5 2010
rapprocher de celui d’un enfant allaité mérite-
rait, toutefois, d’être encouragée.
Conflits d’intérêt\as et contributions\a
financières externe\as
Pour
ses recherches, l’auteur est soutenu
financièrement par les firme Nestlé, Mead
Johnson Nutritional \aet Abott Nutrition.
Références
1) F omon SJ. Requirements and recommended dietary intakes of protein during infancy. Pediatr Res 1991; 30:
391–395.
2)
D
ewey KG, Beaton G, Fjeld C, Lönnerdal B, Reeds P.
Protein requirements of infants and children. Eur J Clin
Nut 1996; 50: S 119–S 150.
3)
A
lexy U, Kersting M, Sichert-Heller W, Manz F, Schöch
G. Macronutrient intake of 3- to 36-month-old German
infants and children: results of the DONALD study. Ann
Nutr Metab 1999; 43: 14–22.
4)
K
oletzko B, von Kries R, Closa R, Escribano J, Scaglioni S,
Giovannini M, et al.: Can infant feeding choices modulate
later obesity risk? Am J Clin Nutr 2009; 89(suppl): 150
S–8 S.
5)
R
olland-Cachera MF, Deheeger M, Akrout M, Bellisle F.
Influence of macronutrients on adiposity development:
a follow up study of nutrition and growth from 10 months
to 8 years of age. Int J Obes Relat Metab Disord 1995; 19:
573–8.
6)
G
ünther AL, Buyken AE, Kroke A. Protein intake during
the period of complementary feeding and early child-
hood and the association with body fat at 7 y of age. Am
J Clin Nutr 2007; 85: 1626–33.
7)
K
oletzko B, von Kries R, Closa R, Escribano J, Scaglioni
S, Giovannini M et al.: Lower protein in infant formula is
associated with lower weight up to age 2 y: a randomized
clinical trial. Am J Clin Nutr 2009; 89: 1837–45.
Correspondance
Ekhard E. Ziegler, \fMD
Pédiatric Department, Iowa Uni\fversity
A136 MTF
2501 Crosspark Rd., Co\fralville, IA 52241
ekhard-ziegler@uiowa.edu
1.85 g/100 kcal et 2.10 g/100 kcal. Elle est
donc légèrement supérieure aux besoins en
protéines. Cependant, les besoins protéiques
en relation avec les apports énergétiques
commencent à diminuer rapidement. Donc
dès le 2
ème mois de vie, l’apport en protéines
du lait infantile est trop important. L’écart entre
les besoins en protéines et l’apport protéique
s’accentue encore au cours du 3
ème et 4 ème
mois, à mesure que les besoins en protéines
du nourrisson diminuent.
Du fait de la diminution des besoins en pro-
téines du nourrisson, on pourrait penser que
les laits de suite utilisés à partir du 5
ème mois
de vie présenteraient une teneur en protéines
plus faible que les laits de départ utilisés pour
les nouveau-nés. C’est pourtant précisément
l’inverse qui se produit. La teneur en protéines
des laits de suite est, en effet, pour diverses
raisons, nettement supérieure à celle des laits
de départ. L’écart entre l’apport et le besoin
augmente donc encore avec la transition au
lait de suite. Il augmente peu au début car
les aliments introduits dans les premiers
temps sont généralement à faible teneur en
protéines (fruits, légumes). Puis, au fur et à
mesure pendant la première année de vie,
cet écart augmente davantage comme le
montrent les résultats d’une enquête menée
à Dortmund
3) (Figure 4 ) . L’apport élevé en
protéines s’explique par le fait que les en-
fants consomment de plus en plus de lait, de
produits laitiers et de plats à base de viande.
Jusqu’à présent, cet apport protéique élevé
chez le nourrisson était considéré comme
acceptable. Mais, depuis que certaines études
ont révélé que les enfants non allaités pré-
sentaient de plus fortes tendances à l’obé- sité une fois parvenus à l’âge adulte que les
enfants allaités
4), l’apport protéique des laits
infantiles est surveillé de plus près. En effet,
l’alimentation de l’enfant nourri au lait infantile
et celle de l’enfant allaité sont différentes à
bien des égards, mais il est, à ce jour, supposé
que l’apport élevé en protéines constitue un
facteur déterminant pouvant expliquer cette
différence de masse corporelle. Plusieurs
études épidémiologiques ont, en effet, pu
corréler l’apport en protéines chez le nourris-
son et l’enfant en bas-âge, et l’augmentation
de la prévalence de l’adiposité infantile
5), 6) .
Les résultats obtenus dans le cadre du projet
européen sur l’obésité sont particulièrement
importants. Il a, en effet, été observé que les
nourrissons dont l’alimentation est à forte
teneur en protéines présentent à 12 mois une
masse corporelle significativement supérieure
à celle des enfants recevant une alimentation
moins riche en protéines. En revanche, cette
différence d’alimentation n’aurait pas d’im-
pact sur la taille des nourrissons, impliquant
une augmentation de l’adiposité chez ces
enfants – cette augmentation de l’adiposité
étant encore observée chez ces jeunes en-
fants à 2 ans
7).
L’appréciation de la quantité de protéines
qu’un nourrisson en bonne santé doit ingérer a
donc changé. Augmenter l’apport en protéines
des jeunes enfants est, aujourd’hui, considéré
comme inutile, voire potentiellement nuisible.
Dans l’état actuel des connaissances, il sem-
blerait donc souhaitable de diminuer l’apport
en protéines des formules infantiles. Cepen-
dant, les avis divergent quant au meilleur
moyen d’atteindre cet objectif. La mise en
place de mesures visant à diminuer l’apport
en protéines chez le nourrisson de façon à le
0.00 0.20
0.40
0.60
0.80
1.00 1.20 1.40
1.60
1.80
2.00
2.20
0-1 1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 6-9 9-12
Protéines (g/100kc\lal)
Besoin 2.10
1.85
Intervalle d’âge (moi\ls)Lait de départ
0.00 0.50
1.00 1.50 2.00
2.50
3.00 3.50 4.00
0-1 1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 6-9 9-12
Intervalle d’âge (\)mois)
Protéines (g/kg/jour)\)
Besoin Alexy ’99
Limite supérieure
Figure 3: Teneur protéique des laits de départ (ligne horizontale)
comparée aux besoins \fmoyens en protéines\f 2) Figure 4: Apport protéique à partir du 5 ème mois selon Alexy et al. 3)
(10 ème, 50 ème et 90 ème percentile) en comparaison avec les besoin en
protéines (moyenne et limite supérieure) du nourrisson pendant la
première année de vi\fe
2).
Informations complémentaires
Auteurs
Dr. med. Ekhard E. Ziegler , Department of Pediatrics, University of Iowa A136 MTF