Les infections de plaies post-opératoires sont la deuxième cause d’infections nosocomiales et ajoutent une morbidité et une mortalité supplémentaires au geste chirurgical. Les taux accrus de réhospitalisation et de réopération qui en découlent nécessitent souvent une antibiothérapie prolongée et engendrent des coûts additionnels considérables
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I. Remarques générales
Infections des plaies post-opératoires
Les infections de plaies post-opératoires
sont la deuxième cause d’infections noso-
comiales et ajoutent une morbidité et une
mortalité supplémentaires au geste chirur-
gical. Les taux accrus de réhospitalisation et
de réopération qui en découlent nécessitent
souvent une antibiothérapie prolongée et
engendrent des coûts additionnels considé-
rables.
Prophylaxie antibiotique périopératoire
La prophylaxie antibiotique périopératoire ci-
blée diminue de manière significative l’inci-
dence des infections post-opératoires. Le
type, la localisation et la durée du geste
opératoire influencent le risque infectieux
après une opération. La contamination mi-
crobienne du champ opératoire, la manipu-
lation d’un implant (p. ex. pace-maker, ma-
tériel d’ostéosynthèse) tout comme la com-
pétence immunitaire du patient sont
particulièrement importantes. Bien que cer-
tains de ces facteurs soient prédéterminés,
le contrôle
a) des mesures d’hygiène,
b) de la technique opératoire et
c) de la prophylaxie antibiotique périopé-
ratoire peuvent et doivent diminuer l’inci-
dence des infections après chirurgie.
Indications
Le risque de contamination selon le type de
chirurgie s’est révélé utile pour poser l’indi-
cation à une antibiothérapie prophylactique.
Cette distinction se base sur le taux croissant
des infections de plaies post-opératoires
suite à des gestes
a) «propres»,
b) «propre-contaminés»
c) «contaminés» et
d) «sales». La prophylaxie antibiotique périopératoire
est indiquée lors de gestes «propres- con-
taminés» (ouverture d’un viscère creux co-
lonisé par la flore commensale – tube diges-
tif, voies respiratoires, tractus génital) ou
lors d’une chirurgie «propre» mais dans la-
quelle une infection post-opératoire pourrait
avoir des conséquences graves (p.ex. neu-
rochirurgie ou chirurgie cardiaque). Les ca-
tégories «contaminées» et «sales» relèvent
d’une antibiothérapie préemptive ou cura-
tive.
La grande majorité des études sur l’efficacité
des prophylaxies antibiotiques périopérato-
ires ont été menées chez des adultes. Com-
me la pathogénèse des infections post-opé-
ratoires devrait être similaire chez les en-
fants, on peut reprendre ces principes en
tenant compte des facteurs connus spécifi-
ques à l’âge et à la nature des bactéries. Ces
principes se rapportent
a) au choix de l’antibiotique,
b) au moment,
c) au dosage et
d) à la durée de l’administration.
Choix
L’antibiotique sélectionné doit être actif sur
les bactéries les plus fréquemment respon-
sables d’infections du site opératoire. De
manière générale, des antibiotiques bien to-
lérés et peu coûteux seront choisis. On re-
noncera aux antibiotiques de réserve com-
me les céphalosporines de 3
eet 4 egénéra-
tion, les carbapenem ou les glycopeptides.
Leur utilisation à but prophylactique n’est
opportune que dans de rares cas pour
contrer le développement de résistance
contre les antibiotiques de réserve et pour
pouvoir continuer à les utiliser comme trai-
tement efficace d’infections sévères (p.ex.
vancomycine chez des porteurs de staphylo-
coques dorés résistants à la méthicilline –
MRSA).En principe, les glycopeptides ne sont pas in-
diqués pour la prophylaxie puisque leur uti-
lisation ne s’est pas révélée plus efficace que
celle des bêta-lactamines, comme le relève
une métaanalyse concernant des interven-
tions de chirurgie cardiaque (Bolon, 2004).
Lors de situations particulières ou d’allergie,
une consultation d’infectiologie pour le
choix d’une prophylaxie antibiotique pério-
pératoire individualisée est recommandée.
Moment, dosage et durée de la
prophylaxie antibiotique périopératoire
Pour obtenir de hautes concentrations tis-
sulaires de l’antibiotique pendant toute la du-
rée de l’intervention chirurgicale, son admi-
nistration doit s’effectuer dans les 30 à 60
minutes avant l’incision(p.ex. lors de l’in-
duction de l’anesthésie générale). La dose
prophylactique administrée correspond à la
dose thérapeutique habituelle (dose unique)
et elle est en principe donnée par voie intra-
veineuse. Concernant la duréede la pro-
phylaxie, la règle est qu’une dose unique pré-
opératoire suffit dans la majorité des cas.Si
la durée de l’opération devait dépasser le
double de la demi-vie de l’antibiotique (p.ex.
3h pour la céphazoline), une 2
edose doit être
administrée. Lors de grandes pertes san-
guines une dose supplémentaire est néces-
saire. La prophylaxie antibiotique périopé-
ratoire ne doit en aucun cas dépasser 24h.
Efficacité et «évidence» de la
prophylaxie antibiotique périopératoire
en pédiatrie
Les principes sus-mentionnés et bien établis
déterminent l’efficacité de la prophylaxie
antibiotique périopératoire. Une prescription
d’antibiotique périopératoire inadéquate
peut entraîner une efficacité diminuée de la
prophylaxie, un taux augmenté d’infections
de plaies post-opératoires et la sélection de
bactéries résistantes.
La valeur des différentes recommandations
ne peut être souvent qu’estimée chez l’en-
fant en raison de données insuffisantes dans
la littérature. En tenant compte des données
disponibles pour les enfants et des facteurs
spécifiques liés à l’âge, une gradation de la
«sécurité» («evidence based medicine») a été
appliquée – degré d’évidence décroissant de
a à c– pour les différentes recommandations
ainsi que pour les principes de base de la
prophylaxie. Certaines sont estimées à par-
tir de la médecine adulte (A à C).
Les recommandations suivantes ont été éta-
blies par le Groupe suisse d’infectiologie pé-
Antibiothérapie prophylactique
périopératoire chez l’enfant
Proposition pour une recommandation commune du groupe
d’infectiologie pédiatrique suisse (PIGS) et de la conférence des
médecins chefs de chirurgie pédiatrique suisse.
C. Berger, D. Desgrandchamps, A. Diana, A. Duppenthaler, A. Gervaix, Hp. Gnehm,
U. Heininger (pour le PIGS) et M. Schwöbel
(pour la conférence des médecins chefs de chirurgie pédiatrique suisse)
Empfehlungen / Recommandations
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diatrique (PIGS) en association avec la So-
ciété suisse d’infectiologie (SSI), la confé-
rence des médecins chefs de chirurgie pé-
diatrique suisse et les gastroentérologues
pédiatres suisses. Elles correspondent à
l’état actuel des connaissances ainsi qu’aux
données locales connues et admises actu-
ellement concernant les résistances bacté-
riennes. Les recommandations devraient
contribuer à une prescription rationnelle et
ciblée des antibiotiques. A travers la com-
munication et la discussion des échecs et la
prise en compte des modifications des résis-
tances microbiennes, ces recommandations
doivent être surveillées, réévaluées et
adaptées si nécessaire. Comme lors de
toute recommandation générale, il est, en
dernier ressort, de la responsabilité du mé-
decin traitant de s’écarter de ces recom-
mandations dans des situations cliniques
particulières dépendantes de conditions lo-
cales.
Correspondance:
PD Dr. Christoph Berger
Abteilung für Infektiologie
Universitäts-Kinderkliniken
Steinwiesstrasse 75, 8032 Zürich
Tél. 044 266 78 40
Fax 044 266 71 57
c
hristoph.berger@kispi.unizh.c h
Tableau 3: Tractus gastro-intestinal, néphrologie/urologie. * opération de l’intestin, ouverture de la lumière en particulier; ** Prophylaxie de l’endocardite
chez l’enfant avec une cardiopathie et un risque élevé; *** ERCP: cholangio-pancréatographie endoscopique rétrograde
Opération Agents infectieux Médicaments Dosage 1) / Durée 2) Degré de recommandation (DR) 3)
LaparotomieEntérobactéries cefazoline 25 mg/kg DR: a
gastrointestinale* (gram neg) ou adulte: A [AHSP,
Voies biliaires Coques gram pos. cefuroxime 50 mg/kg ASGE]
Pose d’une sonde PEG 1x en OP
LaparotomieEntérobactéries cefuroxime 50 mg/kg DR: a
colorectale (gram neg) Entérocoques +metronidazole 10 mg/kg adulte: A [AHSP]
+Anaérobes 1x en OP
Rein/voie urinaireEntérobactéries Continuation de la DR: c; adulte: C [ASHP,
Rein, uretère, vessie, cysto- (gram neg) prophylaxie pré- Mangram 1999, Kanamaru 2004]
scopie hypospadias, CUM Entérocoques existante, les autres:
cotrimoxazole 18 mg/kg cathéter in situ: continuation de
interposition intestinale cefuroxime 50 mg/kg) la prophylaxie pas indiquée
1x en OP
Endoscopie**S.aureus amoxiclav 50 mg/kg prophylaxie
dilatation Streptocoques ou 15 mg/kg seulement lors de dilatation ou
oesophagienne Anaérobes (oral) clindamycine 1x en OP cirrhose DR: c
gastrointestinale cf. laparotomie non adulte: A [ASGE]
colorectale non
ERCP: seulement
ERCP*** cefazoline 25 mg/kg lors d’une obstruction biliaire
Pose d’une sonde PEG ou cefuroxime 50 mg/kg documentée ou suspectée.
1x en OP
Tableau 2: Chirurgie thoracique
* Risque: obstruction oesophagienne, production de l’acidité gastrique ou motilité intestinale perturbées
Opération Agents Médicaments Dosage 1) Degré de recom-
infectieux Durée 2) mandation (DR) 3)
ThoracotomieS.epidermidis cefazoline 6) 25mg/kg DR: a
incl. opérations S.aureus Adult: A [ASHP]
cardiaques Corynebacteries 1x en OP
2) No glycopeptides
Enterobactéries Circulation [Bolon, 2004]
(gram nég.) extra corpo-
relle: 24h
Oesophage S.aureus amoxiclav 50 mg/kg DR: c (a)
Streptocoques ou Adult: C;
Anaérobes (oral) clindamycine 15 mg/kg seulement lors de
l’ouverture du
1x en OP tractus gastro-
intestinal +
risque*: A [ASHP]
Tableau 1: Opérations chez les nouveaux nés < 72 h
Notes pour les tableaux 1 à 4: voir page 29
Opération Agents Médicaments Dosage 1) Degré de recom-
infectieux Durée 2) mandation (DR) 3)
ThoracotomieStreptocoques amoxicilline 25 mg/kg Pas de DR
sauf atrésie groupe B, + gentamicine 4), 5) 2.5–5 mg/kg [AAP, Red book
oesophagienne Entérocoques 2003, Lemmen
Entérobactéries 1 x en OP 2003]
(gram nég.)
Laparotomie+ anaérobes amoxicilline 25 mg/kg
atrésie + gentamicine
4), 5) 2.5–5 mg/kg
oesophagienne + metronidazole 10 mg/kg
1 x en OP
II. Recommandations
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Noms commerciaux (exemples)
Céphalosporines
● céfazoline :Kefzol ®, Cefazoline ®Bioche-
mie i.v.
● céfuroxime :Zinacef ®, Cefuroxime ®Bio-
chemie i.v.
Aminoglycosides
● gentamicine :Garamycine ®
● amikacine :Amikine ®
● netilmicine :Netromycine ®
● tobramycine :Obracine ®
Glycopeptides● teicoplanine :Targocid ®
● vancomycine :Vancocine ®
Pénicillines● amoxicilline :Clamoxyl ®
● amoxicilline ● + acide clavulanique :Augmentin ®
Autres● clindamycine :Dalacin C ®
● metronidazole :Flagyl ®, Metronidazole i.v.
B. Braun ®, Metronidazole Bioren ®
● cotrimoxazole :Bactrim ®
Références
voir texte allemand.
Tableau 4: Neurochirurgie, chirurgie maxillaire/oto-rhino-laryngologie,
traumatologie, orthopédie
* Drain de dérivation: pas de vancomycine intraveineuse, excepté en cas de MRSA prouvé [AHSP], en raison de concen-
trations insuffisantes dans le liquide céphalo-rachidien. Prophylaxie la plus efficace avec instillation intra ventriculai-
re pendant l’opération de vancomycine et gentamycine, « evidence » clinique non évaluée [Lancet 1994; 344: 1547]
** L’efficacité de l’antibiothérapie dans les fractures ouvertes reste à démontrer. La durée optimale de la thérapie,
dose unique versus traitement pendant quelques jours, n’a pas été clairement définie
Opération Agents Médicaments Dosage 1) Degré de recom-
infectieux Durée 2) mandation (DR) 3)
NeurochirurgieS.epidermidis cefazoline 6) 25 mg/kg DR: a
craniotomieS.aureus 1 x en OP adulte: A [AHSP]
implantation d’un cefazoline
6) 25 mg/kg DR: a (adulte: A)*
drain de + Bacilles + vancomycine i.th 10 mg
dérivation anaérobes + gentamicine i.th 3 mg
gram neg 1 x en OP
Chirurgie maxillaire
Oto-rhino-laryngologie
opération S.aureus amoxiclav 50 mg/kg DR: a; adulte:
cranio-faciale Streptocoques ou clindamycine 15 mg/kg A [AHSP]; EG: c
opération +Anaérobes 1x en OP adulte: [Linde-
via cavité buccale (oral) boom, 2003]
Traumatologie/
Orthopédie
os
Implant: S.aureus cefazoline
6) 25 mg/kg DR: c;
fixation interne S.epidermidis OP ou 24hadulte: C [AHSP,
Gillespie 2001]
Fracture ouverte S.aureus cefazoline
6) 25 mg/kg [Patzakis, 1989,
grade I et grade II S.epidermidis Luchette, 2000,
[Patzakis 1989] Clostridia 24h Gosselin, 2004]**
souillure grave ou
grade III: thérapie !
Fracture de la non DR: a [Villalobos,
base du crane (id. 2001]
craniotomie: cf. supra)
1) La prophylaxie antibiotique périopératoire est adminis-
trée en principe dans les 30 minutes avant le début de
l’opération. Toutes les données concernant les dosages
se rapportent, si non mentionné autrement, à une ad-
ministration intraveineuse.
2) «1x en salle d’opération» signifie: la prophylaxie est en
principe administrée 1x. Une 2
edose prophylactique est
administrée au même dosage que la première quand la
durée de l’intervention dépasse le double de la demi-vie
de l’antibiotique. Pour les céphalosporines ceci s’ap-
plique quand la durée de l’opération excède 3 heures.
3) Degré avec lequel la recommandation est appuyée par
des données existantes ou peut être transposée aux en-
fants. Le degré A correspond à la meilleure et le degré
C à la plus faible fiabilité. (Degré A transposé d’une re-
commandation de catégorie A avec niveaux I–III pour les
adultes, jusqu’au degré C correspondant à la catégorie
C, niveau VII=consensus des experts (défini dans les gui-
delines ASHP). Dans le tableau la source du degré de
fiabilité est indiquée.
4) A la place de la gentamicine un autre aminoglycoside
(amikacine, tobramycine, netilmicine) peut aussi être ad-
ministré.
5) Le dosage indiqué pour la gentamicine est valable pour
les nouveaux-nés à terme âgés de plus d’une semaine.
La dose pour les prématurés de poids de naissance in-
férieur à 1200g correspond à 2,5 mg/kg, pour les pré-
maturés avec un poids de naissance de 1200–2000g à
5 mg/kg et pour les nouveaux-nés à terme âgés de-
moins d’une semaine à 5 mg/kg.
6) A la place de la céfazoline, on peut aussi donner de la
céfuroxime (50 mg/kg/j). Les glycopeptides ne sont
pas indiqués.
Informations complémentaires
Auteurs
Prof. Dr. med. Christoph Berger , Infektiologie und Spitalhygiene, Universitäts-Kinderspital Zürich, Steinwiesstrasse 75, 8032 Zürich