Introduction
«Mens sana in corpore sano»: ce mot a une importance bien plus grande pour les enfants et adolescents avec un diabète de type 1 que pour la population en général. L’activité physique augmente la sensibilité à l’insuline et diminue donc les besoins en insuline, avec un effet potentiellement atténuant sur l’évolution de la glycémie.
Un entraînement modéré à intense est associé à une HbA1c plus basse et influence de plus d’un tiers la variabilité de l’HbA1c1). Cela a un effet positif sur le contrôle métabolique, donc sur l’incidence des comorbidités possibles associées au diabète. Les risques cardiovasculaires (p.ex. l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie et le surpoids) sont réduits chez les diabétiques de type 1 – qu’il s’agisse d’adolescents2) ou d’adultes3). En outre de nombreux enfants atteints se sentent marginalisés à cause de la charge que représente la maîtrise du diabète. Le sport, individuel ou d’équipe, régional ou international, est en effet une source vitale qui permet de renforcer leur estime de soi souvent malmenée à tort. Déjà au moment du diagnostic on rend attentifs l’enfant et sa famille à l’importance d’une activité physique régulière. C’est peut-être la raison pour laquelle les enfants et adolescents avec un diabète de type 1 ont en général une activité physique plus régulière que leurs pairs.
Le terme « activité physique » prend un sens différent selon l’âge de l’enfant : pendant la petite enfance la participation à des entraînements ciblés (équipes sportives, jogging, etc.) n’est pas d’actualité et souvent l’intensité de l’activité dépend d’autres facteurs, comme le temps, le programme du jour ou la garde hors famille. Pour les enfants plus âgés l’activité se concentre sur des blocs d’entraînement clairement définis dans le programme hebdomadaire. Et lorsque plus tard il sortira, le thème prévention de l’hypoglycémie doit être abordé aussi avant une soirée de quatre heures à danser en disco !
Les taux de glycémie en relation avec l’activité physique varient sensiblement d’un enfant à l’autre. Il est donc toujours important d’adapter « sur mesure » les recommandations standard en fonction des expériences faites. À partir des mêmes conditions de base et d’entraînement (glycémie et doses d’insuline) les variations de la glycémie sont néanmoins assez constantes pour chaque enfant4).
Lors d’activité physique, dans les cellules musculaires sont d’abord mobilisés les stocks musculaires de glycogène (chez l’adulte environ 400 g). Ensuite sont utilisés, en tant que carburant, le glucose issu de la gluconéogenèse hépatique et les acides gras obtenu par lipolyse. L’activité physique favorise par ailleurs l’absorption de glucose par les fibres musculaires, indépendamment de l’insuline, par l’activité renforcée du transporteur GLUT4. L’absorption de glucose dans les muscles, déterminée par le GLUT4, représente environ 8 à 12 grammes/heure, selon le type de sport jusqu’à plus de 20 grammes5). Après l’effort, les stocks de glycogène des muscles se remplissent à nouveau. Ce processus peut avoir lieu avec un décalage de jusqu’à 4-6 heures et durer jusqu’à 16 heures6), ce qui est très important pour l’adaptation des doses d’insuline. À partir de 3 à 4 entraînements par semaine, l’augmentation de la sensibilité à l’insuline est pratiquement permanente.
Les adolescents avec une HbA1c élevée semblent être moins performants. S’ils s’entraînent régulièrement et par crainte d’une hypoglycémie et visent plutôt des glycémies élevées, cela peut dans de rares cas se répercuter négativement sur le HbA1c. Une amélioration de la situation métabolique n’est possible que par des contrôles réguliers de la glycémie et des adaptations thérapeutiques, la sensibilité élevée à l’insuline seule ne suffit pas !
Aérobie et anaérobie
Les types de sport et d’activité physique n’ont pas tous le même effet sur la sensibilité à l’insuline. En principe on distingue deux grands groupes : d’une part les activités anaérobiques, caractérisées par des efforts musculaires de courte durée mais intenses (« stop and go »), p.ex. le sprint, le foot, le hockey ou l’haltérophilie, où l’on alterne des phases d’effort musculaire maximal avec des phases obligatoires de récupération. Sous l’effet opposé à l’insuline de l’adrénaline et du glucagon, la glycémie peut monter pendant 30 à 60 minutes avant de tendre ensuite vers l’hypoglycémie. Lors des sports aérobiques comme la randonnée, le jogging, le vélo, les sports d’endurance en général, l’effort musculaire est moins intense. L’adrénaline et le glucagon ne jouent qu’un rôle mineur et en général la tendance à l’hypoglycémie se manifeste déjà pendant la première demi-heure d’activité physique.
De quoi faut-il tenir compte avant un effort physique ?
Règle générale : pour prévenir l’hypoglycémie lors d’une activité de plus de 30 minutes, soit on réduira la dose d’insuline, soit on prend une dose supplémentaire d’hydrates de carbone.
En plus du type d’activité physique, il est important de savoir si l’activité sportive est pratiquée dans les 2-3 heures après l’administration du bolus d’insuline. La tendance à l’hypoglycémie est maximale lorsqu’une portion d’insuline rapide est encore active dans le corps. Afin de limiter cet effet, on ne devrait pas injecter une insuline rapide peu avant un entraînement, ou dans une partie du corps qui sera mise à forte contribution (p.ex. jambe si on fait du vélo), la vitesse d’absorption (et l’effet) étant augmentée par la plus forte irrigation sanguine. Avec des températures extérieures basses (p.ex. natation sur une longue distance à la piscine) l’insuline est résorbée plus lentement qu’avec des températures élevées. Une activité intense en grande altitude produit également une hyperglycémie marquée, probablement par la sécrétion d’hormones de stress et le seuil d’anaérobie plus bas. D’un point de vue strict, le ski de loisir n’en fait pas partie, bien qu’il soit fréquent dans la pratique quotidienne que des patients signalent des glycémies élevées ou basses en skiant.
Avant un activité sportive la glycémie devrait être stable, avec un taux d’au moins 6-6.5 mmol/l. Le risque d’hypoglycémie est élevé lorsqu’une glycémie en dessous de 5 mmol/l se combine à une activité plutôt anaérobique. Par ailleurs une hypoglycémie dans les heures avant une activité physique est plus souvent suivie d’une tendance à l’hypoglycémie pendant l’activité. On devrait donc renoncer à un effort physique s’il y a eu une hypoglycémie de 2.8 mmol/l ou moins dans les dernières 24 heures.
Si du sport est prévu dans les 2 heures suivant l’injection d’insuline rapide, la dose devrait donc être réduite (de 30 à 50%). Cela pouvant parfois provoquer une augmentation plus forte de la glycémie postprandiale, il est aussi possible de consommer à la place un complément d’hydrates de carbone (cf. plus loin). Une autre possibilité consiste à considérer 10-15 g d’hydrates de carbone lors du repas précédent comme « surplus sportif » et ne pas l’inclure dans le calcul de l’insuline.
Il a été mentionné que lors d’une activité sportive a lieu une absorption de glucose dans le muscle indépendante de l’insuline. Mais croire que l’activité physique seule est un moyen efficace pour corriger une hyperglycémie, est une méprise répandue et potentiellement dangereuse. En effet si lors de l’activité physique la quantité d’insuline disponible dans l’organisme est insuffisante, le taux de glycémie va même augmenter ! On devrait donc contrôler la glycémie au préalable. Si elle se situe au-dessus de 14 mmol/l et que le taux d’acétone (signe d’une quantité insuffisante d’insuline et d’oxydation croissante d’acides gras) est élevé, on procèdera d’abord à la correction avec l’insuline, en retardant le sport jusqu’à la normalisation de la glycémie.
L’activité seule peut faire augmenter la glycémie même sans le manque d’insuline, par la sécrétion des hormones de stress mentionnés plus haut. Cette réaction semble être plus marquée chez les filles/femmes, la pointe d’hyperglycémie durant environ 2 heures. Ce phénomène peut être corrigé par une dose supplémentaire d’insuline à la fin de l’activité sportive ou environ à la mi-temps7).
Par ailleurs l’hyperglycémie occasionne une réduction de la performance par deux mécanismes supplémentaires: d’une part par diurèse osmotique pouvant engendrer une déshydratation déjà avant l’activité sportive, d’autre par une sécrétion réduite de béta-endorphines, qui jouent un rôle important pour l’endurance et sont donc essentielles dans le sport de compétition.
Bien qu’une hyperglycémie discrète, avec un taux d’acétone normal, ne semble pas réduire la performance physique8), une glycémie normale est une condition essentielle pour une performance optimale lors d’une compétition ; par ailleurs aussi quelques heures sans hypoglycémie avant la compétition.
Sport et alimentation
En général un repas devrait être pris 3-4 heures avant une activité sportive, afin de remplir les réserves de glycogène hépatiques et musculaires. Au quotidien ce n’est pourtant que rarement possible, le laps de temps entre école et entraînement étant souvent très court.
Immédiatement avant l’effort, notamment s’il n’était pas planifié ainsi que pour pallier à une hypoglycémie, on préfère en général des hydrates de carbone à haut index glycémique, p.ex. le dextrose, afin d’obtenir une normalisation rapide. Selon la situation et le type de sport on utilisera une combinaison d’hydrates de carbones rapides et lents, surtout si l’activité dure plus de 60 minutes.
Durant une activité le corps nécessite en général une quantité supplémentaire en hydrates de carbone de 0.5 g/kg/heure jusqu’à 1.5 g/kg/heure.
Un repas mixte avec hydrates de carbone, lipides et protéines 1-2 heures après une activité physique permet en principe de prévenir les hypoglycémies nocturnes.
Il est par ailleurs très globalement utile de documenter régulièrement les adaptations thérapeutiques, le type et la durée de l’effort et les mesures prises, afin d’élargir l’expérience personnelle et les connaissances.
Sport, diabète et nouvelles technologies
Ces dernières années l’offre en technologies dédiées au diabète a énormément progressé. La glycémie peut être enregistrée en continu (par un système sous-cutané de mesure en continu, CGM) et transmise à un appareil récepteur et/ou smartphone. La sécurité en est considérablement améliorée, la plupart des systèmes possédant une fonction d’alarme adaptable individuellement, tant pour l’hypo- que pour l’hyperglycémie. Par ailleurs l’adaptation plus précise et permanente permet – notamment dans les sports de pointe – d’éviter la perte de temps de compétition précieux.
Bien que les problèmes liés aux hypoglycémies nocturnes suite à un effort physique puissent aussi être mieux contrôlés, on ne devrait pas oublier que les taux de glucose ont été mesurés dans l’espace sous-cutané et ne reflètent pas les variations réelles de la glycémie intravasculaire. La « vague » se répercute sur l’espace sous-cutané en 5-15 minutes. Ce fait est en principe pris en considération lors du réglage de l’alarme du capteur (limite de l’hypoglycémie à 4.5 mmol/l au lieu de 4 mmol/l). Le meilleur monitorage consiste donc en un mix de mesure de la glycémie en continu et des dosages capillaires, surtout avant une adaptation du traitement.
Les données mesurées chez le patient peuvent être partagées avec d’autres smartphones. Pour les enfants qui, en raison de leur jeune âge, ne sont pas assez indépendants mais ont déjà des activités extrafamiliales (crèche, école enfantine ou primaire), cela facilite la coopération entre école et famille. La glycémie pendant la gymnastique ou une excursion peut ainsi être « suivie » et le traitement adapté par les parents. Pour les enseignants et autres professionnels c’est souvent un soulagement.
Actuellement une grande partie des enfants et adolescents avec un diabète type 1 est traitée à l’aide d’une pompe à insuline. Sur le marché suisse existent plusieurs modèles de pompe à insuline avec une tubulure entre pompe et le cathéter sous-cutané, ainsi qu’un modèle sans tubulure, la pompe patch. Lors du traitement par pompe on injecte généralement en continu de l’insuline rapide (débit basal), en ajoutant au besoin (repas ou pour corriger une hyperglycémie) par simple pression d’un bouton un bolus supplémentaire. On peut aussi augmenter ou réduire le débit de base pour une durée définie, une option efficace pour la prévention des hypoglycémies nocturnes après un effort.
Du fait qu’on n’administre pas d’insuline basale, le risque d’acidocétose lors d’un problème technique (le plus souvent un cathéter plié ou des bulles d’air le long de la tubulure) devient concret et crucial en quelques heures seulement. Le problème d’hyperglycémie et acidocétose avant une activité sportive, discuté plus haut, prend d’autant plus d’importance car un manque d’insuline important mène beaucoup plus rapidement à l’acidocétose surtout lors de sports anaérobiques.
Le dosage de l’acétone livre une information importante supplémentaire. On l’effectue soit par bandelette urinaire (dosage d’acétoacétate), soit par une bandelette-test capillaire qui dose le β-hydroxybutyrate. Cette méthode est souvent préférée pour le contrôle du diabète lors du sport, puisqu’elle permet un dosage instantané plus rapide et le résultat se situe plus haut dans la cascade de la lipolyse. Lors d’une valeur de 0.6-1.4 mmol/l l’hyperglycémie devrait être corrigée avant l’effort physique, à partir de 1.5 mmo/l le sport est interdit.
Last but not least, plusieurs firmes proposent un «Semi-closed-loop»: le senseur transmet les taux de glycémie mesurés à la pompe à insuline qui adapte le flux de l’insuline aux informations reçues. Ce système très raffiné permet aussi une option « sport ». La pompe adapte le flux d’insuline au fait qu’une activité physique est en cours. Cela permet notamment de réduire le risque d’hypoglycémie pendant le sport. La nuit après un effort physique cette fonction n’est souvent plus nécessaire, la pompe adaptant le débit basal automatiquement aux taux de glycémie plus bas.
Selon la situation il est en général possible, avec une bonne glycémie avant le début de l’activité sportive, de séparer la pompe et la tubulure du cathéter et de pratiquer le sport pendant 45-60 minutes sans pompe. C’est le cas surtout pour les sport aquatiques ou pour certains sports de contact, où l’enfant se sent entravé par la pompe. Des contrôles réguliers de la glycémie sont néanmoins nécessaires pendant la période sans pompe.
Conclusion
Les défis du sport lorsqu’on a un diabète sont régulièrement source d’interrogations dans la consultation de diabétologie. Les enfants de tout âge bougent souvent mais irrégulièrement, les complications peuvent donc être importantes au quotidien et influencer l’adaptation métabolique. En respectant quelques mesures, qui n’ont été évoquées ici que sommairement, l’activité physique régulière peut contribuer à améliorer la situation métabolique d’un diabète de type 1. Des informations plus détaillées se trouvent dans les dernières guidelines de l’ISPAD, publiées en 20189).
Références
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- Austin A , Warty V, Janosky J, Arslanian S. The relationship of physical fitness to lipid and lipoprotein(a) levels in adolescents with IDDM. Diabetes Care 1993 Feb;16(2):421-5.
- Lehmann R , Kaplan V, Bingisser R, Bloch K E , Spinas G A. Impact of physical activity on cardiovascular risk factors in IDDM. Diabetes Care 1997 Oct;20(10):1603-11.
- Temple m Y , Bar-Or O, Riddell M C. The reliability and repeatability of the blood glucose response to prolonged exercise in adolescent boys with IDDM. Diabetes Care 1995 Mar;18(3):326-32.
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- Adolfsson P, Riddell M C, Taplin C E, Davis E A, Fournier P A, Annan F et al. ISPAD Clinical Practice Consensus Guidelines 2018: Exercise in children and adolescents with diabetes. Pediatric Diabetes October 2018; 19 (Suppl. 27): 205–26.